Osiris avait passé une journée de plus à soigner le jeune homme. La guérison avançait très lentement, surtout que l'entrevue avec Severus avait rouvert des plaies, les empêchant de cicatriser.

Harry était touché de l'attention d'Osiris qui semblait vouloir donner sa vie pour guérir le jeune homme, allant jusqu'à sacrifier ses repas et son sommeil. Plusieurs fois au long du jeu, il y avait eu cet aimant qui le poussait inexorablement vers Osiris, sans que Harry ne puisse l'expliquer. Par moment, il y avait eu cette ambiguïté dans leur relation que Harry avait vite chassé de son esprit, certain que sa place était auprès de Severus.

Seulement, dorénavant, il souhaitait ardemment s'y abandonner, ne serait-ce que pour oublier Severus et tous les sentiments contradictoires que le Maître des Potions faisait naître en lui. Mais malgré toute sa bonne volonté, il ne pouvait pas. Car on ne choisit pas ses sentiments. Et son coeur avait choisi Severus, en dépit de sa raison. Si Harry avait jamais eu de doutes sur ces-derniers, il était dorénavant clair qu'il aimait Severus d'une façon bien trop puissante pour sa propre santé. Et Harry savait que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne finisse par le pardonner, aussi acharnée soit la raison qui lui criait le contraire. Il aimait Severus. Bien au-delà de la souffrance et la torture.

Et à présent, l'heure était venue de lui faire face à nouveau.

Encore une fois, le voyage rouvrit les plaies de Harry et c'est avec douleur qu'il atterrit sur le sol de pierre. Harry se traîna jusqu'au canapé et s'y allongea de la même façon que la veille.

Severus dut prendre sur lui pour ne pas se précipiter afin de réconforter le jeune homme. La seule chose qui le retint, c'est que Severus avait conscience qu'il était bien la dernière personne dont Harry souhaitait le réconfort.

Alors Severus conjura une chaise et veilla silencieusement son amant, comme il l'avait fait la veille. L'heure se passa dans le silence, sans qu'une seule parole n'ait été échangée.

OoOoOoO

Pendant quelques jours, leurs rencontres s'étaient résumées à cela. Harry s'affalait blessé dans le canapé. Puis Severus s'asseyait silencieusement à ses côtés, contemplant l'étendue de ses actes destructeurs.

Toutefois, quand Harry trébucha une fois de plus sur le sol de pierre et que les blessures sur la partie haute de son corps se rouvrirent, Severus décida qu'il ne pouvait pas laisser le jeune homme dans cet état alors que lui avait le pouvoir de régler la situation, là où Osiris ne le pouvait sûrement pas. Quand Harry fut couché sur le canapé, Severus prit place à ses côtés en silence. Mais cette fois-ci, il effleura doucement l'épaule du jeune homme en murmurant:

«Je sais que je te répugne mais laisse-moi au moins te soigner. S'il te plaît. Je ne supporte pas de te voir blessé ainsi...»

Harry se tourna lentement vers Severus et pour la première fois depuis un long moment, leurs regards s'accrochèrent. Cependant les émeraudes que Severus rencontra étaient loin de contenir la chaleur d'autrefois. Celles-ci étaient dures et inflexibles, d'une distance qui fit mal à Severus.

«Cela n'avait pas l'air de te déranger quand tu poignardais insensiblement mon corps, répliqua-t-il durement.

- Harry, je suis dé-

- Mais soit. Si tu veux soigner mes blessures, fais, le coupa-t-il, pas encore prêt à entendre ses excuses. Mais si mon corps est guéri mon esprit et mon coeur n'en restent pas moins meurtris. Si tu peux soigner mon corps, mon coeur, lui, souffre. Et tu ne peux rien y faire.»

Severus hocha la tête lentement, fermant les paupières sous la pointe acérée de la culpabilité. Harry détourna le regard, incapable de voir la douleur contaminer le visage de Severus.

De ses doigts inhabituellement tremblants, Severus défit la chemise de Harry avec prudence. Harry gardait obstinément la tête tournée vers le dossier du chaise, refusant de croiser à nouveau le regard de son professeur. Une fois le vêtement ôté avec une coopération peu convaincue du blessé, Severus put observer de ses propres yeux l'ampleur des dégâts causés par sa rage.

Sans pouvoir s'en empêcher, ses doigts vinrent effleurer la peau striée de coupures pourpre, ce qui eut pour effet de faire frissonner Harry d'un frémissement involontaire.

«Oh Harry... murmura-t-il avec une douleur presque palpable.»

Une larme roula sur sa joue et vint s'écraser sur le torse du jeune homme sans qu'il n'ait pu l'arrêter. Harry ferma les yeux alors que la culpabilité écrasait sa poitrine. Culpabilité dont il ne voulait pas. Un instant, il fut tenté de tourner la tête et effacer la peine du visage qu'il aimait et haïssait si fort. Mais il ne pouvait pas. Harry n'était pas prêt. Alors il se contenta de presser plus fort ses paupières, tentant de ravaler ses larmes de souffrance et d'impuissance.

Severus conjura un baume cicatrisant qu'il appliqua avec un soin religieux sur le torse et les bras du jeune homme, s'empêchant à grande peine de caresser plus intimement la peau aimée. Quand il eut fini, il rhabilla Harry sans un mot. Le silence les couva de son poids écrasant jusqu'à la fin de l'heure, laissant planer entre eux des non-dits douloureusement muets.

OoOoOoO

Ce fut leur nouveau rituel. Pendant quatre jours, Severus soigna Harry sans broncher, souffrant silencieusement de voir les séquelles sur le corps du Gryffondor qui n'était plus sien.

Alors que Severus remettait la chemise de Harry après avoir appliqué le baume habituel, un faible murmure s'échappa des lèvres du plus jeune:

«Merci.»

Ce n'était presque rien, juste un soupir évadé. Mais cela fit naître en Severus un espoir qui était douloureux aussi bien que salvateur.

Et la brume emporta le regard émeraude qui commençait petit à petit à retrouver son éclat d'antan.

OoOoOoO

Harry était presque guérit dorénavant. Les cicatrices sur ses jambes n'étaient plus que de fines lignes pâles grâce aux soins d'Osiris et les plaies sur son torse ne saignaient plus.

Toutefois, Severus appliqua tout de même son soin quotidien sur la peau du jeune homme. Après avoir massé le corps du Gryffondor pour faire pénétrer la crème correctement, Severus reboutonna la chemise de Harry. Alors qu'il achevait son travail, une main se plaça sur la sienne. Le souffle de Severus se coupa. Lentement, son regard remonta le long du corps qui exerçait toujours un fort pouvoir d'attraction sur lui-même. Enfin, ses yeux s'ancrèrent à ceux de Harry. Pour une fois, les iris de jade étaient dénuées de toute trace de froideur. Sans pour autant scintiller de chaleur, elles le regardaient simplement. Sans jugement. Et ce seul regard apaisa Severus du poids qui l'oppressait depuis maintenant trois semaines.

Une légère caresse se fit sentir sur le dos de sa main et un faible sourire hésitant naquit sur les lèvres purpurines que Severus n'avait plus goûté depuis longtemps.

Et Severus comprit que le pardon commençait à faire son chemin jusqu'au coeur de Harry. Que l'espoir d'un lendemain main dans la main n'était pas éteint.

OoOoOoO

Le lendemain, quand Harry se matérialisa dans la pièce, il n'alla pas s'installer dans le canapé. Il resta debout et fixa Severus durant de longues minutes. Severus n'osait pas bouger, de peur de faire fuir le semblant de confiance que paraissait lui accorder le jeune homme. Après de longues minutes les yeux dans les yeux, Harry finit par s'approcher de Severus. Il s'arrêta à une distance raisonnable du Maître des Potions.

Severus ferma les yeux et rompit le contact visuel établit. Il était douloureux de le savoir si proche et si loin en même temps. Bien que leur corps semblaient physiquement proches, il semblait à Severus que leurs esprits étaient à des lieux de se rencontrer à nouveau. Et la culpabilité qui l'étouffait était toujours bien présente.

Une main effleura sa joue. Severus frissonna et rouvrit ses yeux. Harry l'observait avec indulgence, peut-être même qu'il y décelait une trace d'affection. Mais Severus ne savait plus où était la limite entre la réalité et son foutu espoir.

«Pardon. Harry, je suis désolé. Tellement désolé...»

Les mots étaient finalement sortis, après de longues semaines, Severus sentait que c'était le moment de les énoncer.

Harry sourit faiblement et colla leurs fronts ensemble, encadrant le visage de Severus de ses mains. Harry s'abandonna contre le plus âgé, un véritable sourire de bien-être irradiant maintenant son visage. Le bonheur de Harry fit tellement de bien à Severus que sa culpabilité s'évapora l'espace d'un instant. Et Merlin savait à quel point il aimait le gosse.

Harry vint alors poser ses lèvres sur celles de Severus. Et malgré le désir qui les dévorait tous deux, le baiser fut doux et patient. Ils prirent le temps de se réapprendre, se pardonner, s'amadouer, s'aimer à nouveau.

Mais la réalité rattrapa Severus et il repoussa plus rudement qu'il ne l'aurait voulu le jeune homme aux yeux verts. Une lueur blessée traversa le regard d'émeraude et Severus détourna la tête, incapable de le soutenir.

«Non Harry... Nous ne pouvons pas. Je- Après tout le mal que je t'ai fait... Je ne te mérite pas. Regarde où cela nous a mené une première fois. Je t'ai brisé. Je ne veux pas prendre le risque de te blesser à nouveau...»

Severus ferma les yeux pour tenter d'occulter la souffrance que déclenchaient ses paroles.

Des mains se logèrent dans ses cheveux avec tendresse, le forçant à faire face à Harry. Un sourire attendrit ornait ses lèvres.

«Je crois que c'est à moi de décider si je veux prendre ce risque ou non, ne penses-tu pas?

- Harry...

- Ma décision est déjà prise. Et elle est irrévocable.»

Harry s'empara des lèvres de son Potionniste avec tendresse. Severus répondit d'abord timidement au baiser, puis avec plus d'assurance.

Malgré ses insécurités, Severus ne pouvait décider à la place de Harry. Et lui avait besoin du jeune homme, ces dernières semaines le lui avaient bien montré. Il aimait Harry. C'était indéniable. Si Harry était prêt à prendre le risque, alors Severus le serait. Pour lui.

Leur baiser s'approfondit lentement. Avec la même lenteur que leurs habits tombèrent sur le sol.

Ils firent l'amour avec tendresse. Pas les baises intenses et passionnées auxquelles ils s'étaient adonnés jusque là. Non, cette fois-ci ils prirent le temps de s'aimer avec toute l'affection qu'ils ressentaient l'un pour l'autre. Pas une fois ils ne s'étaient dit qu'ils s'aimaient. Mais ils n'eurent pas besoin de mots pour exprimer la portée de leur amour.

Il avait gagné. Harry avait combattu la réticence de son esprit.

Ils avaient gagné. Ils avaient surmonté la souffrance et la culpabilité, renforçant les liens qui les unissaient. Ils avaient vaincu la douleur ensemble. Et quoiqu'il adviendrait dorénavant, il y ferait face ensemble. La vie serait sûrement semée d'embûches et de disputes. Mais ils triompheraient. Car, en témoigne leur expérience, ils étaient à présent indissociables.