Le 20 Septembre 1990 – un an auparavant

Le Chemin de Traverse était un plaisir pour les yeux.

Le Professeur McGonagall était très patiente et tolérante avec elle, alors même qu'Hermione la bombardait de questions.

- Une cuillère qui mélange toute seule ? Est-ce que c'est la cuillère qui est enchantée pour mélanger le chaudron, ou bien le chaudron lui-même qui a un enchantement pour créer un tourbillon à l'intérieur et mélanger tout seul ?

- C'est une cuillère enchantée, répondit McGonagall sans montrer le moindre signe d'agacement. Venez, maintenant – nous sommes à Gringotts, la banque des sorciers.

Hermione se tourna vers le grand bâtiment de marbre, ses yeux scannant le message sur la porte.

- C'est… Très direct, remarqua-t-elle à voix haute. Les banques Moldues n'ont pas ce genre d'avertissement sur les portes. Je me demande s'ils devraient… ?

McGonagall la poussa gentiment dans l'entrée. La taille de la banque, les bureaux des guichetiers, et la vue des drôles de créatures perchées derrière faillirent faire tomber Hermione dans les pommes.

- Des gobelins, murmura McGonagall. Ne les insultez pas.

- Des gobelins… ?

McGonagall la mena jusqu'à un bureau occupé par un gobelin, qui les regarda de haut d'un air mauvais.

- Je suis Sanguépine, se présenta-t-il.

Hermione hésita.

- C'est un plaisir de faire votre connaissance, Sanguépine, dit Hermione, s'inclinant légèrement, le cerveau en ébullition pour trouver le genre de politesse requise ici. Je m'appelle Hermione Granger. Enchantée.

Elle lui offrit un petit sourire nerveux.

- J'aimerais changer cet argent Moldu en argent sorcier, si cela ne vous dérange pas… ?

- Pas de problème, lui répondit-il, son regard mauvais s'adoucissant très légèrement. Est-ce que vous avez des billets de banque ou bien un chèque ?

Hermione s'empressa d'ouvrir son sac.

- Ah, euh, un chèque. Est-ce que ça convient ?

Elle le tendit à Sanguépine, qui l'examina à l'aide d'une loupe.

- Tout me semble être en ordre, répondit-il. Est-ce que vous voudrez du liquide ou placer tout cela dans une chambre forte ?

Hermione leva les yeux vers McGonagall.

- Euh… Une « chambre forte » ?

- Nous devrons en effet ouvrir une chambre forte pour Miss Granger aujourd'hui, dit McGonagall au gobelin, mais la majorité en liquide, je vous prie.

Le gobelin hocha la tête.

- Votre main, s'il vous plaît ?

Hermione se dressa sur la pointe des pieds et lui tendit la main, et fut surprise lorsqu'au lieu de prendre son empreinte digitale, il piqua le bout de son doigt avec une petite aiguille, recueillant une goutte de sang.

- Aïe !

- Nous avons besoin d'un échantillon de sang pour créer votre chambre forte, lui dit-il. Les chambres fortes sont transmises par lignées, et vous êtes la première de la vôtre.

Hermione le regarda curieusement.

- Des lignées ?

Sanguépine l'ignora.

- Ce chèque vous donnera cent vingt-trois gallions, six mornilles. Nous pouvons ouvrir la chambre forte et y laisser vingt gallions, vous laissant le reste en liquide. Est-ce acceptable ?

McGonagall était sur le point de répondre lorsqu'Hermione l'interrompit.

- Je suis désolée de vous retarder, mais est-ce que je peux voir le taux d'échange de gallions en livres sterling, s'il vous plaît ?

Sanguépine et McGonagall haussèrent tous les deux les sourcils, mais Sanguépine lui tendit tout de même un morceau de parchemin.

Hermione plissa les yeux, cherchant l'information dont elle avait besoin. Il n'y avait pas de pourcentage – simplement le nombre de livres qu'il fallait pour obtenir un gallion de la banque.

- Professeur, combien coûte une boisson en bouteille dans le monde magique ? demanda-t-elle. Ou bien un autre produit qui existe dans les deux mondes ?

McGonagall réfléchit un instant.

- Une bièraubeurre coûte deux mornilles, lui répondit-elle. C'est à peu près l'équivalent d'une bière dans un pub Moldu.

Hermione fronça les sourcils.

- Et combien il y a de mornilles dans un gallion ?

- Dix-sept.

Hermione réfléchit, multipliant ces informations dans sa tête.

- … vous prenez presque vingt pourcents de commission ! s'exclama-t-elle. Ce chèque vaut sept cent cinquante livres sterling – une conversion parfaite voudrait dire cent cinquante gallions !

Le gobelin eut un rictus.

- C'est le prix des affaires.

- C'est ridicule, insista Hermione. Les taux d'échange standards sont de 0,13 !

- Pas dans le monde magique.

- Je veux au moins cent quarante-cinq gallions, lui dit fermement Hermione. C'est quand même presque cinq pourcents de profit net pour vous.

Sanguépine semblait horrifié.

- Je n'accepterais jamais –

- C'est juste une conversion. Vous faites certainement des profits autrement en m'ayant comme cliente, non ? En prêtant l'argent dans ma chambre forte ?

Sanguépine s'arrêta net. Ses yeux s'étrécirent d'un air suspicieux, une étincelle d'avarice au fond d'eux.

- Des prêts… ?

Hermione écarquilla les yeux.

- Vous… Vous êtes vraiment juste assis sur un tas d'or ? demanda-t-elle, se tournant vers McGonagall. Professeur, comment fonctionne le système bancaire ici ? Je dois savoir quel genre de –

- Peut-être un autre jour, Miss Granger, lui dit gentiment le Professeur McGonagall. Nous avons encore beaucoup de choses à faire.

Hermione se retourna vers Sanguépine, qui la regardait avec un respect nouveau.

- Dix pourcents, lui dit-il. Et vous revenez me voir une fois que vous êtes installée dans le monde magique, pour reparler de cette histoire de prêts.

- Marché conclu, répondit fermement Hermione, lui tendant la main.

Le gobelin fixa sa main comme si elle avait commis une offense mortelle, et Hermione eut peur d'avoir fait une terrible erreur, avant qu'il lui prenne la main et la serre en souriant.

Sa bouche était pleine de dents très, très pointues.

- Marché conclu.


Fleury et Bott était, et de loin, l'endroit préféré d'Hermione sur le Chemin de Traverse.

Il y avait tellement de livres. C'était incroyable. Et il y avait des livres de sorts.

Enfin, certains étaient des livres de sorts. D'autres ressemblaient plutôt à des livres de cuisine. Mais quand même… !

Hermione retint à grand-peine l'envie de danser de joie. Se calmant un instant pour agir de façon normale, elle se mit en quête de sa liste de livres de cours.

La majorité d'entre eux fut facile à trouver – la boutique avait une section à l'arrière qui semblait dédiée aux livres scolaires pour toutes les années. Hermione prit ce qu'on lui avait demandé d'acheter, puis, après avoir hésité quelques instants, ajouta les Livre des sorts et enchantements niveaux 2, 3, et 4, ainsi que le Manuel de cours moyen de métamorphose en complément du Manuel de métamorphose à l'usage des débutants. Elle prit aussi Défense essentielle contre les Forces du Mal et Théorie magique de défense, ainsi que Potions magiques, Mille herbes et champignons magiques, Grand livre des potions, et Perfectionner vos potions pour compléter sa collection, bien que ce dernier ressemblait plus à un guide pour adultes qu'à un livre de cours. Même si elle était tentée d'en acheter encore plus, Hermione savait que les autres livres de cette section semblaient plus avancés. Après tout, elle pourrait toujours revenir plus tard pour les acheter, pas vrai ? Elle pouvait revenir quand elle pouvait, du moins pendant les vacances d'été.

Hermione parcourut la boutique, cherchant des informations sur le monde magique de manière générale. Elle prit quelques livres d'histoire (un pour l'histoire de l'Antiquité jusqu'à la Renaissance, un autre allant du dix-septième au vingtième siècle, et un dernier sur l'histoire contemporaine), ainsi que des livres sur la société magique. Elle était en train de réfléchir à quel livre d'étiquette acheter (Meilleures manières sorcières ou Coutumes et traditions Sang-Pur) lorsqu'elle fut interrompue.

- Tu es une Sang-Nouveau.

Hermione se tourna et vit une jeune fille aux cheveux très blonds derrière elle, presque trop près pour la bienséance. Ses cheveux semblaient presque flotter derrière elle, et elle portait des boucles d'oreilles faites de capsules de bouteille.

Hermione la fixa.

- Sang-Nouveau ? répéta-t-elle.

La jeune fille hocha la tête, et Hermione vit ses yeux rouler abruptement à l'arrière de son crâne. Sa bouche s'ouvrit, et sa voix n'avait plus le ton aérien qu'elle portait quelques instants auparavant.

- La vipère née de Moldus sera Sang-Nouveau pour changer l'univers

Se frayant son chemin à l'aide de ceux qui répondront à son appel

Doués ou faisant semblant, réels, prétendus, magie pure ou artificielle,

La femme-serpent née de dents se lèvera et triomphera de ses pairs.

Les yeux de la jeune fille dansèrent un instant avant de retrouver de leur carté. Elle se tourna vers Hermione, qui semblait horrifiée.

- Ah, encore ? soupira la fille. J'essaye de canaliser ça dans mon esprit conscient au lieu de l'inconscient. Est-ce qu'au moins, il y avait la partie sur le Sang-Nouveau ?

Hermione hocha la tête sans un mot.

- Tant mieux, dit simplement la jeune fille.

Hermione la regarda, qui la fixait en retour, les yeux neutres.

- Est-ce que… est-ce que tu citais quelque chose ? Que tu aurais lu ailleurs ? demanda lentement Hermione.

La fille pencha la tête sur le côté.

- Je ne crois pas, répondit-elle. Je veux dire, je ne suis pas sûre, puisque je ne me rappelle pas ce que j'ai dit, mais les prophéties ne sont pas généralement citées de quelque chose d'autre. Je n'en ai jamais entendu parler, en tous cas.

- U-une prophétie ? Hermione sentit soudain une vague de terreur l'envahir. Tu – tu peux voir le futur ?

La jeune fille sourit.

- En quelque sorte ? tenta-t-elle de répondre. Je peux voir des petits morceaux des possibilités parfois, mais pas entièrement. Ne t'en fais pas – rien n'est prédestiné. Tu as toujours ton libre arbitre.

Hermione se détendit lentement.

- Je m'appelle Hermione Granger, dit Hermione à son interlocutrice en lui tendant la main. Je vais à Poudlard l'année prochaine.

- Je suis Luna Lovegood, lui répondit la jeune fille. Elle glissa quelque chose dans la main d'Hermione au lieu de la serrer. Je vais à Poudlard un an après toi.

Hermione ouvrit la main et y trouva une drôle de fleur cristallisée, pas franchement jolie. Elle regarda Luna d'un air interrogateur.

- Pour éloigner les cloche-rêves, dit Luna en hochant la tête. Garde-la près de toi pour les empêcher de t'embêter.

- …Merci, dit Hermione en la rangeant dans sa poche. Je garderai ça à portée.

Luna sourit à Hermione, qui lui rendit lentement son sourire. Une idée vint soudainement en tête d'Hermione.

- Luna, est-ce que tu pourrais me conseiller des livres à prendre avec moi à l'école, et qui ne sont pas sur la liste ?

Luna réfléchit quelques instants.

- Pas spécifiquement, mais je peux te suggérer quelques livres importants pour quelqu'un qui veut changer le monde ? s'aventura Luna. Viens…

Lorsqu'Hermione et Luna en eurent terminé, Hermione avait pris les deux livres sur la politesse, un ouvrage s'appelant le Répertoire des Sang-Pur, quelques livres de plus sur la théorie magique et l'histoire, un livre sur les lois modernes et un autre sur le fonctionnement du Ministère de la Magie, et, à sa grande surprise, un livre appelé L'appel des Forces du Mal ainsi qu'un livre appelé Magie grise, ce qui lui semblait… presque de mauvaise augure.

- C'est important d'avoir une éducation complète, dit Luna en l'aidant à amener ses livres à l'avant de la boutique pour les payer. Ça veut dire connaître le bien et le mal. Ne te fais pas avoir ! ajouta-t-elle avec un petit sourire.

L'homme au comptoir encaissa ses livres d'un air indifférent, et lorsque le total fut annoncé, Hermione fut ravie d'être venue à la librairie en dernier – elle avait dépensé presque la totalité de ses fonds restants. Elle était contente d'avoir négocié avec le gobelin, aussi – les vingt gallions avaient fait toute la différence.

Tandis que ses livres étaient emballés, Hermione se tourna vers Luna et marqua une pause.

- …tiens, dit-elle.

Hermione retira son bracelet fantaisie et le mit sur le poignet de Luna. Luna monta la main pour approcher le bracelet de son visage, intriguée.

- Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.

- C'est… de la magie Moldue, lui dit Hermione. Chaque breloque représente quelque chose de spécifique, et chacune d'entre elle te protégera, ou te portera chance.

Elle les montra une à une à Luna.

- Pour l'instant, il y en a une pour la chance, une pour le bonheur, une pour la connaissance. Mais tu peux en acheter plus, pour tout ce que tu veux, dans le monde Moldu.

Luna leva les yeux vers Hermione et lui fit un sourire rayonnant.

- C'est la première fois que j'ai de la magie Moldue ! dit-elle. Mon père ne s'aventure que rarement dans leur monde, mais j'utiliserai bien tes charmes !

- Hermione ?

- Je dois y aller, dit Hermione à Luna, déçue d'entendre la voix de McGonagall.

Elle était contente de rencontrer une autre sorcière de son âge, et d'apprendre des choses sur la vie dans cette communauté.

- Je… Je te verrai à l'école ? ajouta-t-elle.

Luna hocha la tête.

- Dans quelques années, oui. On pourra être les meilleures amis du monde.

Hermione écarquilla les yeux, et ferma rapidement les paupières pour empêcher Luna de voir ses larmes.

Elle n'avait jamais eu d'ami à l'école, avant.

- Les meilleures, oui, lui dit Hermione en agrippant ses mains et les serrant fort, avant de prendre ses affaires et de se dépêcher de sortir de la boutique.

- Au revoir, Luna !

- Au revoir, Dame Granger, dit Luna avec un sourire. Que la magie te guide pour que tu suives ton chemin de Sang-Nouveau et que tu fondes ta Grande Maison.

Hermione fut un peu confuse, et tandis qu'elle s'apprêtait à poser une autre question à Luna, McGonagall l'entraîna dans la rue, s'exclamant de surprise devant le nombre de livres qu'elle avait acheté et l'aidant à les caser dans son nouveau chaudron avant de la ramener chez elle.

Hermione se répéta les mots de Luna dans sa tête, encore et encore.

Sang-Nouveau ?

Mais qu'est-ce que ça voulait dire ?