- Qu'est-ce que t'es fatigant, soupira Jackson. Quelqu'un pourrait-il le faire taire ?

- Non, tu sais très bien que c'est impossible, kanima de mes deux, répliqua Stiles, d'un ton irritant. Non mais, pour en revenir au sujet qui nous préoccupe, je suis contre. Vraiment, vous m'imaginez, moi, aller, et de nuit en plus, me balader près du Nemeton ? Nan, mais sérieusement, vous avez un cerveau ? Le Nemeton, plus jamais j'y foutrai les pieds. Et puis la nuit, vous y pensez ? On est presque en hiver, on se les caille le jour, alors imaginez la nuit ! Mes boules, vous y pensez ? En plus de perdre mon temps, je vais perdre le peu de dignité que j'ai !

- Qu'est-ce que ses boules viennent faire là-dedans ? Demanda un peu trop sérieusement Liam.

- Faites-le taire, soupira Peter Hale.

Stiles marchait de long en large dans le salon du loft appartenant au neveu du psychopathe qui soupirait de désespoir. Il tournait en rond, revenait sur ses pas, avant de prendre une nouvelle direction. Son attitude agaçait tout autant qu'elle stressait les membres de la meute présents. Scott passa une main dans ses cheveux, l'air embêté. Il savait bien que Stiles ne serait pas d'accord, mais de là à réagir de manière aussi vindicative… Et apeurée… Car il voyait les légers tremblements qui secouaient les mains de son meilleur ami, qui les camouflait autant qu'il pouvait en ne cessant pas de se mouvoir. Stiles était terrifié. Le souvenir de tout ce qui s'était passé à cause du Nemeton était encore frais pour l'hyperactif, même plusieurs mois et aventures plus tard. La mort d'Allisson, celle de Donovan, la tromperie de Théo, la bête, tout le reste… Stiles n'y arrivait pas. Cela faisait beaucoup en peu de temps. Le Nemeton était pour lui l'épicentre de son malheur, son cauchemar. Y retourner… C'était impensable.

- Stiles, on a besoin de toi, essaya doucement Kira.

- Mais bordel, vous pouvez pas demander à quelqu'un d'autre ?! Explosa Stiles. Je suis un humain, un putain d'humain !

- C'est justement pour ça qu'on te demande ça, avoua finalement Scott. Un grand cercle de poudre de sorbier entoure la zone dans laquelle se trouve le Nemeton. Nous, on ne peut pas y aller et il nous faut quelqu'un pour aller voir ce qui s'y passe.

- Et comme par hasard, ça tombe sur bibi, soupira Stiles, sans s'arrêter de marcher.

Derek Hale, appuyé contre sa baie vitrée, regardait le jeune homme déambuler dans son salon, au milieu de la meute. Son agitation n'était pas entièrement due à son hyperactivité. Il puait la peur, l'angoisse, assez pour inquiéter le neveu de Peter qui gardait toutefois le silence.

- Au pire, moi, je brise la protection de la poudre de sorbier en dézinguant la ligne et vous allez enquêter, ça marche aussi, non ? Essaya Stiles.

Il tenterait tout. Tout pour échapper à ce supplice.

- T'as oublié le plan, Stilinski ? On va tous être occupés à un poste bien précis, lui rappela Jackson.

- J'en ai marre de ma vie, râla Stiles en descendant de la voiture de Lydia, qui repartit aussitôt.

Il était vingt et une heure trente et il venait d'arriver à l'entrée de la forêt qui hantait ses cauchemars –chose qu'il avait omis de préciser à ses amis. Ils avaient leurs soucis, pas besoin qu'il leur impose les siens. Lorsqu'il sortit de la voiture, Stiles vit son propre souffle devenir visible et clair aucun doute, les températures étaient bien basses, un peu trop pour une fin d'automne. Heureusement, par-dessus son jean délavé, son t-shirt noir et sa chemise à carreaux, Stiles portait un manteau bien chaud, auquel il avait pensé à assortir une bonne paire de gants fins. Il se frotta les mains l'une contre l'autre comme pour les réchauffer par avance et commença à marcher avant de se débiner.

Beacon Hills avait récemment subi d'étranges attaques, un peu trop régulières et récurrentes. Elles se produisaient presque toujours en fin de soirée, raison pour laquelle Stiles avait pour mission d'enquêter près du Nemeton, pour voir si celui-ci n'avait pas un rapport avec cette affaire. La meute dont Scott était l'alpha n'oubliait pas que cet endroit était un peu comme une balise pour les êtres surnaturels, attirant ceux-ci comme un aimant. Lydia avait d'ailleurs découvert dans la journée, en enquêtant par avance, qu'il était impossible d'avancer trop profondément dans la forêt. Il ne devait pas y avoir que de la poudre de sorbier, qui était, soit dit en passant, invisible, sans doute enterrée sous plusieurs centimètres, ou mètres.

Stiles, de par sa condition humaine, ne fut stoppé par aucune barrière que ce soit. C'était peut-être là le seul avantage à être l'humain de la meute il avait beau être faible avec un physique de gringalet et sans aucune faculté spéciale, Stiles pouvait passer partout.

- Quelle chance, ironisa-t-il.

Tout en marchant, Stiles mit sa main gauche dans sa poche et sentit tout de suite le couteau suisse qu'il y avait glissé. Ne sait-on jamais. À défaut d'avoir des griffes, il avait une arme blanche, sur laquelle il avait toutefois eu la présence d'esprit de la recouvrir d'une espèce de gelée d'aconit. Au moins, il pourrait se défendre… S'il arrivait à enclencher le mécanisme du couteau suisse correctement. Sous le coup du stress, Stiles était capable de bonnes, comme de mauvaises choses. Comme se couper lui-même avec son arme ridicule.

Stiles sursauta en entendant un bruit sec et pesta contre sa bêtise. Il s'était fait peur lui-même, marchant sur une branche qui s'était cassée un peu trop facilement. Il frissonna. C'est fou comme il détestait cet endroit. Un frisson lent et mordant traversa son corps dans son entièreté lorsqu'il vit finalement le Nemeton, à quelques mètres de lui. Bien qu'il n'en avait pas du tout l'envie, il s'en approcha, jusqu'à toucher l'une des racines extérieures avec ses pieds. Stiles soupira. Et maintenant ? Il n'y avait rien ni personne autour de lui. Il était seul comme un débile au milieu de la forêt, en pleine nuit. Que faire, désormais ? Il ne se passait rien et Stiles se trouvait à l'endroit qui était chez lui source de moult cauchemars. Désireux de s'en aller au plus vite d'ici, le jeune homme dégaina son téléphone portable et envoya un message court mais simple à Scott.

« Rien à signaler. Je peux rentrer ? »

En éteignant son téléphone, Stiles se rendit compte qu'il avait vraiment froid, à tel point qu'il dut enfiler la paire de gants au tissu tactile qu'il avait prise au cas-où. Si peu serein d'être là, il notifia également le début de tremblement de ses jambes. Sans vraiment réfléchir, Stiles se laissa tomber assis sur le tronc coupé du Nemeton. Son téléphone vibra. Croyant qu'il s'agissait de Scott qui le libérait de ses obligations, Stiles le sortit rapidement de sa poche et le déverrouilla. Il déchanta bien vite en voyant que l'émetteur du message qu'il venait de recevoir n'était pas Scott, encore plus lorsqu'il vit qu'il s'agissait de Derek. Cependant, le contenu du SMS l'étonna fortement.

« Comment ça se passe ? »

Derek, qui lui demandait des nouvelles gentiment ? Sans une insulte, sans une menace ? Qui lui demandait des nouvelles tout court ? C'était inédit, si bien que Stiles répondit sans réfléchir. Lui qui comptait mentir fut complètement honnête, la stupéfaction guidant sa pensée.

« Il ne se passe absolument rien, j'imagine que c'est une bonne nouvelle… J'ai qu'une envie, c'est me barrer. Je suis pas bien ici. »

Stiles appuya sur « envoyer ». Quelques secondes plus tard, il fit une grimace. Tout bien réfléchi, peut-être qu'il n'aurait pas dû envoyer ça au bêta. Sa sympathie ne devait être que passagère très vite, Sourwolf devrait retrouver son ton acéré et ses envies de meurtres perpétuelles envers Stiles. Malheureusement, ce dernier ne pouvait pas effacer le message, celui-ci ayant été envoyé avec sa messagerie classique, qui n'avait pas ce genre d'options. Il se mordit la lèvre inférieure. Regrettait-il son accès d'honnêteté ? Possible.

La réponse rapide de Derek le frappa de stupeur.

« Je viendrai te chercher à l'entrée de la forêt à la fin de mon tour de garde, d'ici trente à quarante-cinq minutes. »

Stiles répondit tout de suite.

« Scott t'a dit que je pouvais rentrer ?! »

« S'il ne se passe rien, ce n'est pas la peine que tu restes. »

Stiles avait presque envie de pleurer. Même la formalité et le semblant de froideur qu'il ressentait dans le message de Derek ne pouvaient diminuer sa joie. Savoir qu'il pourrait rentrer d'ici peu de temps le soulageait beaucoup, surtout qu'il commençait réellement à avoir très froid. Son nez était tout rouge, à cause de la température qui s'était considérablement dégradée.

« Oh merci Sourwolf, merci infiniment, parce que je vais pas tenir longtemps ici. Il fait vraiment froid. »

« Froid ? »

Stiles ne répondit pas et rangea son téléphone dans sa poche. Il ramena ses jambes contre lui et les entoura de ses bras. Qu'est-ce qu'il faisait froid ! Il avait besoin de se réchauffer un peu, en se mettant en boule. Au milieu de son malheur, il sourit. C'était une des premières fois où le bêta grognon qu'était Derek se montrait ainsi avec lui, presque… Gentil. Et c'était plaisant. Un Derek sympathique, ça changeait, c'était agréable. Ce qui l'était moins, c'était cette fraîcheur qui s'insinuait en lui. Perfide et sinueuse, il la sentait courir sur l'ensemble de son corps. Pourtant, il s'était habillé chaudement, en prévision de la température nocturne. C'était étrange. Stiles bailla et haussa un sourcil alors qu'il se sentait devenir extrêmement lourd. Pourquoi se sentait-il si fatigué, d'un seul coup ? Stiles ressortit son téléphone de sa poche et alla dans sa discussion avec Derek, ce qu'il eut du mal à faire. Bouger ses doigts s'avérait étrangement difficile alors, il décida de lui envoyer un message vocal.

« Ouais, Derek… Je sais pas, peut-être que je suis parano à force d'être ici, mais il fait vraiment froid et… Et… Je suis fatigué. Comme ça, d'un coup. J'ai qu'une envie, c'est de dormir. Je dois être vraiment bizarre. Qui aurait envie de dormir, au Nemeton ? Ça fait peur, ça… C'est terrifiant. Oui, voilà, c'est terrifiant. Et moi, à quoi je pense ? À dormir. J'ai froid et je suis fatigué. Et… Et je le sens pas, cet endroit, je voulais pas y aller de toute façon. Oh euh, désolé, comme toujours, je parle trop… Bref, vivement que tu aies fini ton tour de garde. Je me mets déjà en route pour te retrouver à l'entrée de la forêt, je… Merci encore, Derek. Je pourrai pas supporter de passer plus de temps ici. »

Stiles rangea son téléphone et souffla dans ses mains gantées pour essayer de les réchauffer. Mauvaise idée alors qu'il était déjà essoufflé d'avoir tant parlé. Il n'avait qu'une envie s'allonger dans une grosse couette et dormir. Sentant qu'il allait effectivement s'endormir s'il restait assis plus longtemps, Stiles se leva et eut du mal à trouver son équilibre, comme s'il était resté là trop longtemps. Il entreprit néanmoins rapidement de s'éloigner du Nemeton. Cependant, au bout de quelques pas, il fut arrêté par… Par quoi ? Rien ne se trouvait devant lui. Théoriquement, rien ne l'empêchait de partir, alors pourquoi ne pouvait-il pas avancer ? Stiles recula, perplexe, avant d'avancer de nouveau, les deux mains devant lui. Un mur invisible l'empêcha d'aller plus loin. Un frisson désagréable le parcourut soudainement. Inutile de se leurrer, autant se rendre à l'évidence tout de suite il était coincé, il ne savait pas pourquoi, mais c'était le cas. Réessayer plusieurs fois ne servirait à rien, Stiles connaissait le monde surnaturel depuis assez longtemps pour savoir que parfois, il ne fallait pas douter de ce que l'on voyait. Et l'hyperactif commençait déjà à stresser.

Dans la panique, Stiles eut du mal à dégainer son téléphone et à le déverrouiller. Il fallait qu'il prévienne Derek, tout de suite. Incapable d'écrire un message tant il avait froid et tremblait, le jeune homme décida d'envoyer un nouveau message vocal au bêta bourru, qui n'avait pas encore lu le précédent, semblait-il.

« Derek, je… Y a un problème, je peux pas partir. Ça veut pas. C'est comme la poudre de sorbier, je peux pas sortir, je peux pas m'en aller, je… Je suis coincé à côté du Nemeton et je… Suis pas bien. Pas bien du tout. »

Sans arrêter l'enregistrement, Stiles réessaya une fois de s'en aller, sans succès. Le mur invisible le bloquait toujours. Il se retourna et écarquilla les yeux. Il y eut quelques secondes de silence dans son vocal. Son choc était palpable que seul son souffle saccadé était perceptible.

Des rainures dans le tronc du Nemeton brillaient d'une étrange lumière cyan et ce, de plus en plus. La peur de Stiles augmenta considérablement. Il était coincé près d'un arbre maudit qui s'illuminait tout seul.

« Ce…C'est pas croyable. Je vais devenir fou. Ou mourir, au choix. Je sais pas, Derek, je suis perdu… Le Nemeton… Il brille… Je… Je me sens pas bien Derek… »

La voix de Stiles était enrouée. Son angoisse était si grande qu'il peinait à retenir ses larmes. Il était complètement terrifié et céda à la panique lorsque la lumière s'intensifia d'un coup et que son corps se rapprocha tout seul du Nemeton, comme s'il était attiré tel un aimant. Pourtant, il ne faisait aucun pas, ses pieds tentaient de freiner, mais rien n'y faisait.

« Le Nemeton, c'est le Nemeton… Je peux pas lutter… Il… Je… »

Stiles n'arrivait plus à parler, ses pieds étaient désormais en contact avec les racines extérieures du tronc. Son esprit se déconnectait, petit à petit, si bien qu'il eut tout juste le temps de hurler lorsqu'il sentit une douleur fulgurante traverser son corps dans son entièreté. Ses os se brisaient, se ressoudaient, il se décomposait, se recomposait. Son hurlement horrible fut capté par le message vocal, jusqu'à ce que sa main lâche son téléphone, arrêtant par la même occasion l'enregistrement. Stiles était brisé, physiquement. Son corps inanimé tomba sur le Nemeton, entièrement baigné de lumière. À son tour, l'hyperactif s'illumina et hurla à nouveau, incapable de faire quoi que ce soit d'autre.

Puis, il perdit connaissance, déconnecté de son propre corps, brisé.