Hellooooo !
Ceci est donc écrit dans le cadre d'un Secret Santa sur le forum de l'Éclaireuse, et la personne à qui je devais écrire un cadeau est... Leptiloir ! Ça tombe très bien, uhuh... J'espère que ça te plaira, même si à l'heure où je publie, c'est paaaaas tout à fait fini... Promis promis, la suite arrive vite !
Du coup, j'me suis bien amusé à écrire ça. Ça se voit dans la longueur du texte, je pense, hum...
Jour 1 : Terra et Saïx
C'est très étrange, de mourir.
Saïx se sent à peu près normal. C'est justement ça qu'il trouve étrange : le fait de ne pas se sentir différent.
Il repense à tous ses projets en cours, grands et petits. Les derniers cadeaux de Noël à trouver pour sa famille, ceux à emballer, le retard à rattraper au boulot, la salade de riz à assaisonner dans le frigo, son programme de sport et sa thérapie qui ne sera jamais achevée… Comme si on avait passé un coup d'éponge sur toutes les tâches de son existence pour ne laisser qu'un tableau vide.
Et devant lui, il y a une petite femme aux cheveux roses qui parle.
« Je vais répéter, parce que je sais que certains d'entre vous n'ont rien écouté. Et après vous allez dire que vous étiez sous le choc, blablabla… Sérieux, c'est pas croyable. Vous êtes morts, ok, mais ressaisissez-vous ! C'est pas la mer à boire. »
Il a vaguement conscience qu'il y a d'autres gens – morts ? - qui écoutent aussi cette femme pester. Que c'est important. Il n'arrive pas à tourner la tête pour les voir. Est-ce qu'il a encore un corps, d'ailleurs ?
« Le Jeu des Reapers, donc. »
Il se rend compte qu'elle a de petites ailes toutes fines et noires dans le dos. Il a du mal à croire qu'elle puisse réellement voler avec ça. Cela dit, il est décédé, lui, et pourtant une partie de son esprit subsiste visiblement. Il devrait revoir à la hausse le champ des possibilités de l'existence. Enfin, pour ce qu'il reste de la sienne, d'existence...
« Survivez sept jours, accomplissez les missions, supprimez les Échos, et vous gagnez. Si vous échouez, ça ne changera pas grand-chose à votre situation actuelle… Vous jouez votre droit de revenir à la vie, quoi. »
Elle soupire, secoue la tête comme si elle aimerait se trouver n'importe où plutôt qu'ici.
« On ne sera pas tendres avec vous, ok ? Vous trouverez des badges dans vos poches. Si vous avez assez d'Imagination, vous pourrez les utiliser pour déclencher vos psychs. Sinon, ma foi, vous disparaîtrez assez vite. Aussi, je sais qu'on vous l'a déjà demandé, mais si vous voulez abandonner dès maintenant, c'est toujours faisable. Autant vous épargner l'humiliation de mourir une deuxième fois, si vous ne le sentez pas. Votre droit d'entrée vous sera rendu, bien sûr. »
Saïx fronce les sourcils, ou a le sentiment de les froncer. Le droit d'entrée ? Il a vaguement conscience qu'on lui a pris quelque chose, en plus de sa vie. Est-ce qu'on lui a dit de quoi il s'agissait, au moins ? Il ne parvient pas à s'en rappeler.
« Allez, bonne chance, et tout ça. Soyez gentils, essayez de tenir plus de quelques minutes. Mes Reapers n'aiment pas rester sur leur faim. »
L'espace d'un instant, la femme ailée perd son expression renfrognée pour un sourire chafouin, presque enfantin, puis Saïx se sent aspiré quelque part et la scène devant lui disparaît.
Le réveil est brutal. Il a un corps et celui-ci tremble sous l'assaut du vent de décembre. Les sons envahissent sa conscience. La ville, bruyante, envahissante. Est-ce qu'il est… ?
Il n'a pas la sensation d'être mort. Qui plus est, il connaît cet endroit. Ces passages piétons, ces immenses tours littéralement envahies de néons et de publicités… Il se trouve au milieu de la route, en plein sur le carrefour de Shibuya, et s'il ne se dépêche pas de bouger, il va se faire percuter par-
Le feu passe au vert et les voitures lui passent au travers.
Saïx n'est pas du genre à prendre peur facilement. Les gens autour de lui le trouvent même plutôt froid, distant, beaucoup trop calme, mais alors ça, ces bolides de trois tonnes qui ne le touchent même pas, comme des hologrammes, avec leurs conducteurs, ça lui file des sueurs froides.
Il s'éloigne de la route en courant. Les humains le traversent sans le voir, en continuant de rire et de bavarder, sans prêter attention à sa détresse.
Quelque chose de tangible le percute, soudain. Un corps mort peut toujours ressentir la douleur, puisqu'il se la prend de plein fouet dans l'abdomen. Ce qui vient de l'attaquer, c'est… une grenouille ? Du moins, la créature y ressemble, mais ce n'est pas-
Un deuxième choc, et il se retrouve encerclé de monstres semblables, aux formes élancées. Un second coup. Du sang qui perle. Et lorsqu'il essaie de les repousser, son bras qui passe à travers ces drôles d'animaux sans les heurter.
Il est dans la merde. Mais puisqu'il est déjà mort, est-ce que ça fait une grande différence ?
Une main sur son épaule, large. Sa chaleur qui se transmet malgré son épais manteau. Il sursaute.
« Il faut qu'on forme un pacte. Vite ! "
Après la bataille, son partenaire s'est approché de lui, une main tendue, l'autre repliée derrière sa nuque, en signe d'un embarras qu'il trouve un peu forcé. Il est grand. Pas aussi grand que Saïx, mais presque. Beaucoup plus musclé, par contre.
« Désolé de t'avoir abordé comme ça, mais vu l'urgence...
- Pas de souci. »
Maintenant, ça lui revient. La femme a vaguement parlé de partenaires, de pacte et du fait qu'ils ne pourraient pas jouer sans cela. Un Jeu en duo, donc. Et la récompense, c'est de pouvoir ressusciter. Eh bien…
Il ne serait pas sûr de bien y croire, s'il ne se souvenait pas très clairement du moment de son trépas.
« Je m'appelle Terra ! Et toi, tu es… ? »
Elle a également parlé d'une mission et de son téléphone.
Sans répondre, il sort de la poche de son manteau un smartphone usé jusqu'à la corde. Pas de réseau, comme il pouvait s'en douter. Il ne peut pas contacter ses proches dans l'au-delà. C'est logique. En revanche, il a une notification.
Rejoignez le 104. Vous avez une heure.
Ce doit être la mission. Il se tourne vers la tour, bien visible depuis le carrefour. C'est à dix minutes à pied. Il leur reste pas mal de temps, mais il n'a pas envie de prendre de risque. Ces choses – les Échos, s'il se souvient bien ? - risquent de leur mettre des bâtons dans les roues.
Il montre l'écran à son partenaire.
« Tu as dû en recevoir un également. Je me trompe ?
-Oh… Oui, maintenant que tu le dis. »
Terra regarde autour de lui, l'air incertain. Un couple leur passe au travers en se pressant l'un contre l'autre. Les passants marchent d'un pas vifs pour se protéger de la morsure de l'hiver. Au loin, ils entendent quelques hurlements. Sûrement d'autres joueurs. Saïx le voit se figer, suppose que son sang doit se glacer autant que le sien.
Saïx souffle, à peine. sa respiration forme un nuage blanc qui se dissipe dans la fabrique de l'univers. Ok. Il a une seule certitude : s'il veut sortir en vie de cette semaine, il a intérêt à ne pas se poser trop de questions. Et à se dépêcher.
Il va également devoir supporter cet inconnu pendant une semaine entière… Enfin, ça devrait aller, non ? Il n'aime pas ça, mais il fera avec. Comme ça, le type paraît calme. Ç'aurait pu être bien pire.
« On… On y va ? »
Sobrement, Saïx hoche la tête.
« Dépêchons. »
Jour 2 : Demyx et Zexion
« C'est quand même bizarre ! Elle a pas parlé de ça, l'autre aux cheveux roses, si ?
-De qui parles-tu ? »
Demyx s'arrête dans sa marche, en pleine rue, croise les bras.
Non seulement son partenaire n'est pas bavard, mais en plus, il a l'air un peu à l'ouest.
Oui bon, Dem' comprend. Il est pas super ravi non plus de se faire poursuivre par des monstres et tout. Ça fait un choc, de voir à quoi ressemble la vie après la mort. M'enfin, quand même. L'autre a l'air plus hagard que la moyenne.
« La meuf qui nous a fait le topo, hier, avant le Jeu ! »
Sous sa mèche, les sourcils fins de Zexion se froncent. Il porte une main à son visage comme pour réfléchir, penche la tête. Il est beau à crever, par contre. C'est pour ça que Demyx lui a couru après, avant que quelqu'un puisse le lui piquer. Avec un peu de chance, il ressortira de cette semaine avec un date ?
Il se l'était imaginé un peu sombre et torturé, alors qu'il est surtout timide et renfrogné, au final. Bah. Ça le rend curieux.
« Hum… Tu as donc reçu des explications que je ne me souviens pas avoir eues. Ça explique des choses…
-Ah ! Ben du coup, euh, oui. Mais pourquoi tu les aurais pas eues ? Tu sais quoi du Jeu, en fait ?
-Seulement ce que tu m'as expliqué à ce sujet, après m'avoir sauvé de ces fameux Échos.
-Rassure-moi, tu sais qu'on est morts ? »
Zexion se fige, ses bras ramenés le long du corps. Il le fixe.
Et le fixe.
Et le fixe encore.
Il a de jolis yeux bleus, mais ils paraissent un peu vides, d'un coup.
Des gens les dépassent sans les percuter. Des vivants, qui se pressent dans les magasins tout décorés pour les fêtes. Cette année, aucun des Joueurs ne passera Noël en famille. S'ils en ressortent, ils seront de retour pour se bourrer la gueule à Nouvel An. Sauf que lui, il a cassé son partenaire.
« Euh, hello ? La terre appelle Zexion !
-Je suis... mort ?
-Oh, forcément, si tu savais pas, ça doit te faire un choc. Prend ton temps. Enfin, pas trop, on a la mission... Tu veux un câlin ? »
Bien entendu, l'autre l'ignore. Il passe une main dans ses cheveux, dévoilant le deuxième œil qui ne transparaît que très rarement sous ses mèches. Il souffle. Son regard gigote comme s'il réfléchissait intensément.
Demyx s'impatiente, remue lui aussi. Il a conscience qu'il devrait lui foutre la paix, là, surtout qu'il n'a aucune idée de ce qui pourrait calmer ce type. Il ne le connaît que depuis hier, après tout…
« Tu veux t'asseoir ? Ou t'éloigner un peu ? Eh, oublie pas de respirer, hein ! Même si je suis pas sûr qu'on en ait besoin. Hum. T'en penses quoi ? »
Lentement, Zexion relève la tête.
« Je… Je crois que j'ai un problème, à vrai dire. Je ne me souviens de rien.
-Quand tu dis rien, tu veux dire…
-Rien. Simplement de mon nom. »
Ah ! D'accord, ça explique son air paumé. Mais pourquoi seulement lui et pas les autres ? C'est pas banal ça, de développer une amnésie après sa mort. Quoiqu'il en sait rien, en vrai.
« Oh, mais j'y pense ! Si ça se trouve, c'est ton droit d'entrée !
-Je te demande pardon ?
-La meuf a parlé d'un droit d'entrée. Le truc auquel on tient le plus ou j'sais pas quoi. J'imagine que tu tiens à tes souvenirs. »
Il ne sait pas ce que ça dit de son partenaire. Ça lui paraît un peu égocentrique, mais il sait pas trop dire pourquoi. Genre, il a rien de plus important que sa mémoire ? Une personne, un animal, un rêve, un endroit ?
Zexion a l'air calmé, en tout cas. Son cerveau est déjà en train d'analyser l'info comme s'il s'agissait d'une énigme à résoudre dans un bouquin – le genre de livre que les gens lisent en faisant caca, avec plein de questions cheloues – et pas de sa vie en jeu.
« Hum… D'un côté, c'est très logique. Après tout, sans ma mémoire, il me manque des informations pour gagner le Jeu, puisqu'on ne m'en a, par conséquent, pas expliqué les bases. Ce qui rend plus difficile mon retour à la vie.
-Mais on t'aurais pris seulement le souvenir du speech de l'autre Reapeuse, pas toute ta life.
-Certes.
-On reprend ? J'me les caille ! »
Ils se remirent à marcher vers l'objectif de mission du jour. Quelque chose en rapport avec une ombre dans les tunnels. Il a rien compris, c'est Zexion qui a cracké l'énigme comme un chef. Il s'est dégotté un partenaire intelligent, ça c'est sûr.
Silencieux, par contre. Maintenant, encore plus que d'habitude. Ça doit cogiter sévère, sous son petit crâne. Demyx soupire. Il sait pas s'il a fait le bon choix. Enfin, il va s'emmerder, pendant sept jours, quoi. Plus que six, remarque, le premier est passé super vite.
Ils éliminent quelques Échos au passage, pour éviter que ce ne soit eux qui les refroidissent. Hier, ils ont vus beaucoup de Joueurs se faire effacer, eh bah ça a pas l'air agréable.
« Mais ça règle pas mon problème ! il fait au bout d'un moment, en rangeant sa guitare derrière son dos. Pourquoi tu peux utiliser les badges et pas moi ?
-Eh bien, je n'arrive pas à tous les utiliser. Peut-être que tu n'en as pas encore trouvé qui te correspondent.
-C'est pas très juste ! Si j'avais pas ma guitare, je serais mort, là.
-Personne n'a dit que le Jeu des Reapers était équitable, si ?
-Ouais, nan, mais même. »
Les Reapers n'ont pas précisé qu'ils pouvaient attaquer avec certains objets, également. Lui, son instrument produit des trombes d'eau lorsqu'il en gratte les cordes, lui permettant d'effacer les Échos. Ça lui plaît bien, comme méthode de combat. Ça lui parle.
Ce n'est peut-être pas si grave, comme souci, au final.
Jour 3 : Terra et Saïx
« Et donc ? Comment tu es mort ? »
Saïx repose son bol de ramens, impassible. Est-ce qu'il vient vraiment de lui demander ça ?
Visiblement, oui. Et il attend sa réponse, avec son air gentil et confiant, un peu sur la réserve.
« C'est privé. »
C'est sa mort, après tout. C'est intime. Le genre de détails qui, il lui semble, ne se discute pas avec des inconnus.
Le visage de Terra, en face de lui, se décompose un peu. Il ressemble à une version plus âgée de ces sportifs un peu égocentriques au lycée, qui n'avaient pas grand-chose dans le crâne. Pas désagréable à regarder, il doit lui accorder ça. Et pas méchant, il a pu le constater durant ces trois jours.
Il se bat bien, aussi. C'est le principal.
« Oh. Pardon, je ne pensais pas… Est-ce que… ? Laisse tomber. »
Saïx soupire. Il n'a plus faim – pourquoi éprouvent-ils encore la faim, alors qu'ils sont techniquement décédés ? Il ne comprend pas tout, et les Reapers préfèrent leur balancer des Échos à la tronche que de leur répondre. Ça les dépasse, tout ça. Il y a des forces à l'oeuvre qu'ils ne comprennent pas, qu'ils n'ont pas besoin de comprendre pour jouer. Ils ne sont que de passage dans cet entre-deux de vie et de mort.
Il lui répond, juste pour éviter qu'il se fasse des idées :
« J'étais malade. »
La compassion sur le visage de son partenaire n'est pas feinte, au moins.
« Oh. Je suis désolé.
-Ne le sois pas. Nous sommes tous les deux dans le même bateau, au bout du compte. »
Il s'en rend compte en même temps qu'il le dit. Il a envie de poser la fameuse question, se retient. Cela dit, il voit à l'air que lui fait Terra qu'il va y répondre quand même.
« Moi, j'ai été con. Accident de voiture. J'étais... Bon, j'étais un peu ivre. »
Ah. Le genre de détails intimes dont il se serait bien passé a propos d'un type qu'il connaît depuis deux jours. Il grimace, mal à l'aise.
Et c'est avec un irresponsable pareil, qu'il doit survivre pendant cinq jours encore ? Au moins, il a l'air de se rendre compte de son comportement. Quoique s'il en avait vraiment honte, est-ce qu'il lui en parlerait si librement ? Ils ne sont pas potes, et ce genre de choses ne se dit pas comme ça.
Il a toujours eu du mal, Saïx, avec les gens qui partagent trop d'informations. Sans doute parce que c'est à l'opposé de sa propre personnalité.
« Tu fais quoi, dans la vie ? »
Et voilà, ça recommence. Les petites conversations. Le pire, c'est que l'autre a l'air sincèrement intéressé. Il ne pose pas la question par politesse, ou alors il ment bien.
« Employé de mairie.
-Oh. Et ça te plaît ?
-Pas vraiment.
-C'est dommage. »
Dommage, hein ? Il ne sait pas. Ça paie le loyer. Ça fait un moment qu'il a renoncé à être heureux, de toute façon.
« Et toi ? »
Il demande par politesse.
« Oh, je suis influenceur sportif. »
Là, Saïx hausse un sourcil. Influenceur. Il sait vaguement que c'est un truc qui plaît aux jeunes, en ce moment. Des gens sur internet qui font des… trucs ? Et qui gagnent beaucoup d'argent pour ça. Qui sont sponsorisés. La télévision en parle parfois.
« Ça consiste en quoi ? »
C'est le maximum qu'il puisse faire, en terme de conversation. Pas que ça l'intéresse vraiment, mais bon… Il leur reste encore un peu de temps avant la fin de la mission.
« Je parle de sport sur youtube et insta. Genre, les bonnes pratiques à avoir et les régimes. Je fais des partenariats avec des marques, aussi. »
Saïx se contente de hocher la tête, mais l'autre lui montre ses posts instagram en expliquant des choses qu'il écoute à moitié. Plein de photos de lui en train de faire de la muscu, parfois en train de présenter des protéines et des choses de ce genre. C'est un monde qu'il ne connaît pas, dont il ne sent pas très proche. Il va à la salle, pour se maintenir en forme, une fois toutes les deux semaines, et c'est uniquement pour des questions de santé.
« C'est ta copine ? » il demande alors que la même fille apparaît plusieurs fois de suite sur ses publications.
Terra ramène le portable vers lui. Son sourire se fendille un peu.
« Oh, non, c'est pas… Aqua est ma meilleure amie depuis le collège. Tout le monde nous demande ça, mais c'est pas mon genre. Et je suis pas le sien non plus. »
Il baisse les yeux. Saïx se retient de froncer le nez, parce qu'il sent que son partenaire va lui balancer un énième truc perso.
« Si elle est pas ici dans le Jeu, j'imagine qu'elle a survécu à l'accident…
-Ah. »
Ah non hein. Ça, ce n'est pas possible. Il ne sait pas réconforter les gens. Il ne peut pas gérer ça.
Mais est-ce qu'il peut l'ignorer ? Au moins, l'autre homme ne pleure pas.
« C'est déjà ça » il tente maladroitement.
À moins que la fille ne soit devenue son droit d'entrée, mais même Saïx sait qu'il ne vaut mieux pas énoncer cette possibilité à voix haute.
Il ne sait pas quel est le sien. On ne le lui a pas dit. Juste qu'on avait récolté ce à quoi ils tenaient le plus, en échange de leur participation au Jeu. Qu'ils le retrouveraient s'ils gagnaient, et dans le cas contraire…
Saïx ne sait pas à quoi il tient, lui. Enfin, peut-être qu'il a juste oublié.
En face de lui, Terra n'en mène pas large, mais il se contient, même si son regard est triste. Ça l'atteint, un peu – il n'est pas complètement dénué d'empathie.
« C'est… Ouais. Il faut que je revienne à la vie pour m'excuser. Pour m'assurer qu'elle va bien. »
Il lève le menton, une nouvelle résolution dans le regard.
« Il faut qu'on gagne cette partie, Saïx. »
Lui, il détourne le sien.
« Évidemment. »
Jour 4 : Demyx et Zexion.
« Oh hé ! Vous êtes des Joueurs ? »
Zexion grimace. Il n'aime pas du tout alpaguer des inconnus dans la rue, quand bien même ils sont dans le même bâteau. Le naturel avec lequel son partenaire fait ça le met extrêmement mal à l'aise. Il le suit de loin, à pas plus lents.
Les deux autres Joueurs sont des hommes, peut-être un peu plus âgés qu'eux, grands et musclés. Ils ont des airs de guerriers, tous les deux. Exactement ce qu'il faut pour gagner le Jeu, à son avis. Tout repose sur leurs capacités de combat, après tout, non ?
Celui aux cheveux bleus a une mine renfrognée, peu approchable, qui ne suffit pas à revuter Demyx. Le brun carré demble plus curieux qu'autre chose devant l'interpellation.
Eux, en revanche, ils ne font que ça, interpeller les gens. Enfin, Demyx. Zexion doit reconnaître qu'ils ont glané un bon paquet d'information grâce à sa loquacité – informations que le musicien oublie aussitôt, mais Zexion enregistre tout.
Ça l'intéresse, ce monde, cet endroit. Il a l'impression qu'il n'en découvrira pas tous les secrets en une seule semaine de temps. La chose le frustre.
Et puis, il n'a rien qui le raccroche au monde réel. Pas de souvenirs. Le vide complet. Rien qui lui donne réellement envie de revenir à la vie.
« Ouais ? fait le gars qui a l'air sportif. C'est la première fois que d'autres Joueurs nous abordent.
-Ah bon ? Nous, on parle tout l'temps avec les autres. Vous vous en sortez ?
-Ça peut aller.
-On n'a pas le temps de bavarder, Terra, décrète soudainement le type à l'air sévère. Ignorons-les. »
Eh bien, il n'y va pas de main morte… Son regard jaune croise celui de Zexion, qui baisse les siens, intimidé. Il a des airs de chien de garde. Pas le genre de type qu'on a envie de se mettre à dos.
« Ah bah ok, sympa l'ambiance... »
Demyx est complètement dépourvu du moindre instinct de préservation. C'est quelque chose dont Zexion s'aperçoit peu à peu, en se faisant traîner partout par lui.
Heureusement qu'ils arrivent à utiliser les badges de soin, parce qu'il se jette souvent au-devant du danger sans faire gaffe, par exemple. Zexion lui sert surtout de support, lance des barrières de protection, le soigne et booste ses attaques. Il arrive de mieux en mieux, au fil des jours, à comprendre les mouvements du musicien. À les prédire, quasiment. Il comprend son style combat.
Le comprend, lui. Presque.
Il aimerait dire qu'ils se sont rapprochés durant ces quatres jours de folie, mais le rapprochement est à sens unique, à son avis. Lui, il ne parle pas beaucoup, ne fais pas grand-chose, n'a même pas d'histoire à raconter puisqu'il lui manque ces précieux souvenirs. Qui pourrait s'attacher à lui, dans de telles circonstances ?
Demyx est… Il reste une énigme à ses yeux. Une énigme bruyante et exubérante. Il lui a raconté toute sa vie, sa petite sœur et ses parents, le taf alimentaire, la galère pour se faire connaître avec son groupe, son enfance, son collège, son lycée, sa tentative d'études supérieures. Il sait tout. Et pourtant, il a l'impression qu'il lui manque un morceau, une pièce de puzzle pour tout à fait percer le mystère.
Il leur reste quatre jours. Quatre petits jours, bientôt trois.
Le problème, c'est que Demyx, c'est tout ce que Zexion connaît. De ce qu'il en sait, sa propre existence commence au moment où il l'a rencontré. Avant, il n'y a qu'un grand vide, vertigineux.
« … Et donc, on est dans l'UG et le monde des vivants, c'est le RG ! Et il paraît qu'il y a un café sur Cat Street avec un mec qui sait plein de trucs sur le Jeu, mais le gars a pas l'air d'un Reaper. On allait y aller, quand on vous a croisé. Ça vous dit de faire le trajet ensemble ? »
Ah. Visiblement, la deuxième équipe a daigné écouter les jacasseries de son partenaire, durant sa légère absence mentale.
« Non, tranche l'homme aux cheveux bleus. La mission ne nous amène pas de ce côté.
-Hé, de toute façon, on a appris un truc ! insiste Demyx. C'est pas grave si on finit pas la mission, tant que d'autres Joueurs le font à notre place ! Peu importe qui termine en premier !
-Je ne sais pas si tu as remarqué, mais les autres Joueurs sont une denrée de plus en plus rare. »
Il aboie plus qu'il ne parle. Zexion le trouve très antipathique. Pourvu que Demyx n'insiste pas pour qu'ils les accompagnent…
« Et il y a cette histoire de points, non ? demande alors Terra. Ça ne dit rien à personne ?
-Euh, j'ai pas tout écouté…
-Moi, j'ai perdu la mémoire.
-Il se peut que des informations m'aient échappées.
-Il me semble qu'on est notés, ou quelque chose comme ça… Je m'appelle Terra, au fait. Mon partenaire un peu grognon, c'est Saïx. »
On sent que la plaisanterie est timide, et d'ailleurs le concerné n'a pas l'air d'apprécier.
Ils ne paraissent pas excessivement proches, tous les deux...
« Moi c'est Dem', et le mec pas bavard à côté, c'est Zexy !
-Zexion, corrige précautionneusement celui-ci. Enchanté.
-Bon bah nous, on va y aller ! Peut-être que le type du café a des infos sur cette histoire de points. On vous tient au jus, si on vous recroise.
-On fait ça. Et merci beaucoup pour les renseignements, c'est super gentil.
-Oh bah, de rien ! Hé, allez, on va tous s'en sortir en vie ! On se revoit demain !
Cette phrase, elle commence à retourner l'estomac de Zexion. Parce que Demyx l'a prononcée devant beaucoup d'autres duos.
Dont certains qu'ils ont vu disparaître devant leurs yeux.
« Il n'a pas menti, vous êtes bel et bien notés sur vos performances.
-Ah, meeeeeerde… »
L'endroit sent la chaleur et le café. Il n'y a aucune décoration de Noël, pourtant on y sent une douce ambiance de fin d'année et de détente, de joie simple. Après quatre longues journées à crapahuter dans le froid, Zexion ne crache pas dessus.
Il considère le barman, qui répond à leurs questions avec la nonchalance d'un homme non-concerné par toutes ces questions de vie ou de mort. Franchement, Zexion essaie de s'en méfier – c'est louche, qu'il sache autant de choses – mais c'est très difficile. Il dégage… quelque chose. Une aura.
Il regarde derrière son dos, mais pas de traces d'ailes de Reapers.
Il resserre ses doigts autour de la tasse. Le chaud lui brûle un peu les doigts, mais c'est plus agréable que de les sentir gelés. Pendant ce temps, Demyx s'est affalé sur le comptoir.
« Nous sommes notés sur le nombre de missions qu'on parvient à accomplir ?
-Eh bien, pas uniquement. Il y a d'autres critères.
-Par exemple ? »
Le barman remonte ses lunettes de soleil sur son nez.
« Vos prouesses en combat, votre compréhension des énigmes… Votre développement personnel. »
Zexion hausse un sourcil.
« Je ne vois pas le rapport. »
Un sourire cryptique. Décidemment, cet homme en sait trop pour être honnête. Cela dit, ils n'ont pas tellement d'autres gens à qui poser leurs questions.
« Pourquoi penses-tu qu'il y a toutes ces règles ? Le droit d'entrée, l'obligation de jouer en duo ? Le Jeu n'est pas fait pour vous torturer, les jeunes… Enfin, pas que. »
Et il éclate de rire. Il est le seul, d'ailleurs.
Demyx souffle, fort. Il ressemble à un ballon de baudruche qui se dégonfle.
« Ok, et comment on fait ça, le développement personnel ou j'sais pas quoi ?
-Donnez le meilleur de vous-même, apprenez à connaître votre partenaire. Là, on va atteindre le stade du Jeu où il sera très difficile de progresser si vous ne vous faîtes pas suffisamment confiance.
-Bah, pour ça, on fait c'qu'on peu ! Zexion connaît toute ma vie maintenant, hein Zexy ?
-Hum… »
Pas tout à fait. Il veut protester, mais il ne se sent pas capable d'expliquer ce qui le chiffonne.
« Sauf que lui, il a perdu la mémoire. C'est son droit d'entrée, vous pensez ? »
Le regard de leur barista s'attarde sur Zexion, et celui-ci croit y déceler une étincelle de compassion.
« C'est déjà arrivé une ou deux fois, oui. Généralement, ça démontre d'une grande conscience de soi-même. »
Il n'est pas sûr que ce soit un compliment.
Quand ils ressortent, le froid les accueille.
« Eh ben ! On va pouvoir dire aux autres qu'ils faut remplir les missions quand même, au lieu de glander ! Ah, j'espère qu'on a pas perdu trop de points avec tout çaaa ! C'est chiant. »
Il ne peut y avoir qu'une seule équipe qui remplit la mission journalière. Cela signifie que les autres Joueurs deviennent leurs adversaires, en un sens… C'est une compétition, donc.
Zexion n'a pas envie de partager cette réflexion à Demyx. À quoi bon ? Il est tellement sociable, il va vers les gens naturellement, et il n'a pas envie de le priver de ça.
« Demyx… Comment es-tu mort ? »
Le sourire de l'autre se fige. Il place ses mains dans ses poches. Son souffle fait de la buée dans l'air humide. La fin d'après-midi, et il fait déjà si sombre... Zexion n'a aucun souvenir, pourtant il a la certitude de détester l'hiver.
Il fait froid, en décembre. Ils ont passé beaucoup de leur temps entre les missions à acheter des vêtements chauds, dans ces magasins où les vendeurs peuvent les voir, pour des raisons qui lui échappent.
« Ah ouais, tu prends même pas de pincettes ou quoi !
-C'est juste… Cet homme a dit que nous devions apprendre à nous connaître, et j'ai l'impression qu'il me manque une pièce du puzzle. Voilà. Je… Je te raconterais bien ma propre mort en guise de bonne foi, hélas, je ne m'en souviens guère. »
Un silence. Le rire de Demyx qui se coince dans sa gorge, alors qu'ils avancent dans les allées décorées. C'est joli, les lumières de part et d'autres des lampadaires. Sans ça, sans ces lueurs pour repousser les ténèbres, le décor lui paraîtrait sinistre.
« J'me suis suicidé. »
Ah.
Oh.
Il ne s'attendait pas…
« Pardon. Je suis un idiot.
-Bah, pourquoi ? T'inquiètes, ça m'embête pas d'en parler !
-Et… Puis-je demander… Enfin, tu devais avoir tes raisons. Tu n'es pas obligé de me répondre.
-C'est bon, Zexion ! T'en fais trop, j'te jure, c'est ok. Par contre, j'saurais pas te dire. »
Zexion penche la tête. Il doit bien voir une petite idée, tout de même… Même s'il avait commis un tel acte sur un coup de tête, il devait y avoir un déclencheur…
« Comment ça ? »
Demyx se tourne vers lui, son regard vert d'eau illuminé par les guirlandes de Noël qui se réverbèrent partout. Il n'a pas l'air malheureux, là. Il n'y a aucune ombre dans son regard, rien qui paraisse caché tout au fond de son âme. Ou alors, Zexion n'est pas capable de lire les gens. C'est possible, aussi.
« J'crois qu'on m'a enlevé quelques souvenirs, à moi aussi. J'sais que j'allais… Pas toujours bien. Sans raison, souvent. Enfin, pour des petits trucs. J'ai… pas autant confiance en moi que les gens ont l'impression. Mais à ce point ? J'en sais rien. Alors j'me demande si c'est moi qui ait oublié ou si j'étais déprimé par une connerie, ou… J'me rappelle juste de m'être flingué. Et alors, bon, j'vais faire c'que j'peux pour qu'on gagne, hein ! T'as sûrement envie de revenir à la vie, et je suppose que tout arrive pour une raison, du coup j'vais me battre. J't'aime bien, j'veux pas que tu sois effacé... Mais c'est pas très important, pour moi, de ressusciter. »
Il lui fait un sourire. Pas différent de ceux qu'il lui fait tout l'temps.
« Alors, tu me comprends mieux maintenant, Sherlock ? »
Et si Demyx cache aussi bien sa détresse, c'est peut-être parce qu'il a l'habitude. Qu'il fait ça depuis le début de la semaine. Depuis encore plus longtemps que ça ?Ça expliquerait pourquoi il n'a rien remarqué.
Il se sent bête. Comment est-ce qu'il peut réconforter quelqu'un qui vient de lui avouer une chose pareille ?
Et puis, il se souvient de ce que Demyx lui a dit, une fois, même s'il n'a pas répondu à sa proposition. Les gens réconfortent les autres comme ils aimeraient être réconfortés, généralement. Non ?
« Tu… Tu veux un câlin ? »
Le sourire de l'autre s'élargit encore, s'il est possible.
« J'ai crû que tu demanderais jamais ! »
... Ouais donc, j'ai pas réussi à me décider sur un pairing. Du coup j'ai fait les deux.
Noé, ça doit bien te faire rire, vu que j'avais dit que je voulais faire un truc court... Et aussi que je te disais à quel point je galérais à finir mon truc à temps pour le Secret Santa. Ahem, BON.
Le chapitre suivant est presque prêt ! Je pense réussir à en faire "seulement" quatre.
Débizou !
