Le Démon d'Eldia

NA : Bonjour tout le monde o/, j'avais commencé cette fiction pour le fun sans vraiment penser à la continuer ni à la prendre au sérieux (d'où le tas d'incohérences initial et le crossover un peu pété avec GoT), mais bon j'ai commencé à avoir de nouvelles idées et à bien l'aimer, donc au travail o/. La raison majeure pour laquelle je voulais écrire cette fiction au départ c'est le fait que la noblesse des Murs soit vraiment pitoyable dans tous les sens du terme.

Le personnage principal sera un OC. Est-ce qu'il sera un Gary Sue ? Oui et non, c'est à dire qu'il est pété dans le sens où il est nécessaire de l'être dans le monde de SnK, auquel cas à moins d'avoir un rôle de comique comme Jean, Connie et Sasha tu ne sers à rien et tu ne survis pas à la première bataille. Mais non il n'est pas invincible, ce n'est pas un chevalier blanc au coeur pur ou un dixième Titan sortit de nul part, et il va souffrir « au moins » autant que les autres.

NA 3 : Est-ce qu'il y aura de la romance / du sexe (parce qu'apparemment la fanbase de SnK est obsédée par ces sujets) ? Oui, mais pas avant un bail et pas tant que ça donc calmez-vous là-dessus. (Et non pas de Levi excité, sans déconner, ça n'a rien à voir avec le perso.) Est-ce que l'histoire changera par rapport au canon ? Oui et non, l'arc révolutionnaire sera bien sûr totalement différent par exemple, mais tout ne sera pas refait du début à la fin. Ce seront surtout les personnages qui subiront des changements par rapport aux nouveaux évènements tout en restant eux-mêmes malgré cela.

PS : « Le Sensei de la Magie Orientale » et ma traduction du « Chant du Sorcier Nordique » sont toujours d'actualité, rassurez-vous ;).

Vous avez été prévenus ;), et si l'histoire vous plait vous pouvez laisser une review, la follow et l'ajouter à vos favs, ces petits détails sont les principales sources de motivations d'un auteur sur , si vous voulez qu'une histoire arrive à son terme vous savez quoi faire.

Chapitre I : Amos

— Redressez vos putains de dos, tas de vermines ! cria l'instructeur. L'entraînement du 104ème Corps de Cadets commence maintenant ! Permettez-moi de me présenter. Je suis le Sergent-instructeur Keith Shadis et vous allez me détester ! Cet entraînement sera un marathon à destination de l'Enfer. Si je fais bien mon travail, vous vous réveillerez trempé de sueur froide à cause des souvenirs de cet endroit, chaque nuit, pour le restant de vos misérables vies ! Pour le moment, vous n'êtes que du bétail ! Mais au cours des trois prochaines années, vous apprendrez à abattre votre propre Goliath. Souvenez-vous de ce moment où vous vous retrouvez face à face avec lui, parce que c'est ici que vous allez vous demander : suis-je un combattant ou suis-je un morceau de viande ?! Vais-je être broyé comme un croissant croustillant par des incisives géantes, serai-je celui qui mordra ?!

L'adolescent aux cheveux blonds et aux pupilles vertes du quatrième rang devait le reconnaître; Shadis savait comment terrifier et motiver en même temps. Quelques coups d'oeil discrets vers ses nouveaux camarades lui suffirent pour constater l'efficacité de ce discours.

— « Ça me gonfle déjà, » songea-t-il agacé, « mais à l'heure actuelle, je n'ai pas le choix. Je dois passer par là si je veux que mon plan réussisse… Putain… trois ans… heureusement que je ne suis pas tout seul.»

— Hé, gringalet ! s'exclama Shadis en regardant directement un garçon aux cheveux blonds et aux yeux bleus qui aurait pu passer pour une fille.

— Monsieur ! répondit-il en saluant.

— Comment on t'appelle, petit cafard ?

— Armin Arlert de Shiganshina, monsieur, cria-t-il.

— « Tiens, un descendant d'une prostituée des souterrains, voilà qui est aussi rare qu'intrigant, » remarqua le jeune homme nonchalamment.

— Sérieusement ? demanda Shadis en feignant l'étonnement. Pourquoi tes parents te maudiraient-ils avec un nom aussi ridicule ?

— « Visiblement, il sait aussi. »

— C'était mon grand-père, monsieur.

L'instructeur se pencha, n'accordant aucun espace personnel au garçon.

— Cadet Arlert, qu'est-ce qu'une merde comme toi fiche ici ?!

Armin répondit d'une voix terrifiée en fermant les yeux :

— Je viens aider l'humanité à vaincre les Titans !

— C'est bon à entendre ça, tiens, ricana Shadis pas du tout ravi. Les titans vont se régaler de ta chair.

Il attrapa Armin par la tête et le fit pivoter avec force.

— Rangée 3, tournez-vous !

Il passa à la victime suivante : un cadet, qui avait les cheveux blonds courts et les yeux bruns.

— C'est quoi ton nom, petite merde ?!

— Monsieur, je m'appelle Thomas Wagner. Je suis du district de Trost.

— Je t'entends pas !

Au volume auquel parlait l'homme, il était peu probable que même les cadets les plus proches ne comprennent pas un mot qui sortait de la bouche de la recrue.

— Je suis de Trost, monsieur ! répéta-t-il, plus fort. Je veux-

— Personne n'en a quelque chose à foutre ! Suivant ! l'interrompit Shadis, en passant rapidement à un autre cadet, celle-ci étant une fille aux cheveux noirs et aux yeux gris. Toi !

— Monsieur, Mina Carolina de Karanes, présenta-t-elle rapidement.

— Est-ce qu'une truie aussi grasse et immonde que toi est le meilleur morceau que Karanes a à offrir ?! rugit-il.

Comme Armin, elle aussi ferma les yeux de peur.

— Monsieur, j'ai bien peur que ce soit le cas, monsieur !

— Va dire à ton district qu'ils peuvent brûler en Enfer pour t'avoir envoyé ici ! ordonna l'instructeur.

— Oui, monsieur, répondit Mina.

— Toi !

— « Et merde », songea le garçon blond aux yeux verts.

— J'aime pas ton putain de regard ! rugit l'instructeur à sa figure. T'es qui bordel ?!

— Amos Nox, du District de Holst *, Monsieur ! annonça-t-il en effectuant un salut parfait et en conservant un visage impassible.

— Dis moi gamin, tu crois que t'as ce qu'il faut pour survivre ici ?

— Oui, Monsieur !

Un crochet à la mâchoire fit écho à ses paroles, mais le jeune homme encaissa sans vraiment broncher pour autant.

— Pas mal recrue, complimenta Shadis alors qu'un filet de sang coulait le long du menton d'Amos. Voyons combien de temps tu tiendras quand j'aurais brisé chaque os de ton sac de peau.

Il jaugea le blondinet du regard une dernière fois, avant de continuer :

— Rangée 4, Tournez-vous !

Une fois la manoeuvre effectuée, Shadis fila droit vers un jeune homme aux cheveux et aux yeux bruns.

— Qui es-tu ?!

— Jean Kirstein, monsieur, du district de Trost, dit-il en le saluant.

— Et pourquoi t'es là, Cadet ?!

Se détendant un peu, il répondit :

— Pour rejoindre les Brigades Spéciales, Monsieur et vivre à l'Intérieur !

Amos sourit face à cette honnêteté pour le moins surprenante, il espérait cependant que Jean se débarrasserait de ce défaut s'il souhaitait survivre à Sina.

— C'est sympa ça, dis moi, tu veux vivre à l'intérieur…

— Oui ! répondit Jean avant de se prendre un coup de boule en pleine figure.

Il s'effondra au sol et se tenant la tête.

— Tu tombes comme une loque, nota Shadis avec mépris, si tu ne peux pas gérer ça oublie les Brigades Spéciales.

L'instructeur ne lui accorda pas un regard de plus avant de se tourner vers sa prochaine victime

— Qu'est-ce qui ne va pas avec ton visage, espèce de bouffon souriant ?! hurla-t-il à la figure d'un jeune homme aux cheveux noirs avec des tâches de rousseur. Je te donne trois secondes ! Tu m'entends ?! Exactement trois secondes ! Pour m'effacer ce putain de sourire de ta gueule de con, ou je te fais gicler les yeux des orbites et je t'empaffe le crâne !

Amos eut toutes les peines du Monde à ne pas éclater de rire, tandis que la recrue en question déglutissait.

— Marco Bott, à votre service, monsieur, de Jinae, côté sud de Mur Rose, répondit-il d'un seul souffle. Je veux rejoindre la police militaire et donner ma vie au service du Roi.

— « Oh le pauvre… »songea Nox, « tu n'as pas idée de ce que notre bon souverain fera de ta vie. »

Shadis abaissa le volume de sa voix en un murmure effrayant :

— Eh bien, ça fait de toi un imbécile idéaliste… et un fou. Tu veux la vérité ? Marco déglutit mal à l'aise quand l'instructeur se pencha avec un regard mortel.

— Tu ne seras qu'un jouet pour le Roi, il te jettera dès que tu seras cassé.

— « Je n'aurais pas pu mieux le dire moi-même. »

Le cadet étant figé dans un état de choc, l'instructeur passa à une recrue à la tête chauve qui était l'une des personnes les plus petites du corps.

— Hé, tête de chrome, tu es le prochain !

— Euh, moi? se ressaisissant rapidement, il salua… sur la mauvaise poitrine.

— « Andouille. »

— Monsieur, Connie Springer du village de Ragako, monsieur.

Enragé, Shadis attrapa le garçon par la tête et le souleva du sol, pressant ses doigts dans son crâne.

— C'est l'inverse, Connie Springer. C'était la première chose qu'on vous a enseignée. Ce salut représente la résolution dans votre cœur de combattre ceux qui sont déterminés à détruire notre peuple. Ton cœur est-il à droite ?!

CRUNCH.

C'était comme si le monde entier s'était figé pendant deux secondes. Se tenant à proximité, comme si rien d'important ne se passait, se tenait une fille aux cheveux brun rougeâtre mangeant une pomme de terre… au milieu de la formation.

Sidéré, l'instructeur abandonna sa victime, qui se releva avec difficulté.

— Hé, toi là. Qu'est-ce que t'es en train de foutre ?

La fille ne donna aucune indication qu'elle l'avait entendu, elle jeta des regards nerveux à gauche et à droite avant de prendre une autre bouchée.

— T'ES OFFICIELLEMENT SUR MA LISTE NOIRE ! T'ES QUI BORDEL DE MERDE ?!

Mortifiée, la fille avala rapidement sa bouchée et salua, la pomme de terre toujours en main.

— Sasha Braus du village de Dauper à votre service, Monsieur !

— Sasha Braus, hein? répéta-t-il en la fixant du regard. Qu'est-ce que t'as dans la main droite ?

— Une pomme de terre cuite à la vapeur, répondit-elle. Elle était assise là dans la salle à manger en suppliant d'être mangée, monsieur.

— « Elle est sérieuse ?! »

Pour la première fois aujourd'hui, l'instructeur avait l'air complètement perdu.

— Le vol je peux comprendre, mais ici ? Pourquoi la manger ici ?

Sasha ne comprenait pas l'allusion.

— Elle avait l'air délicieuse et il faisait froid, alors je l'ai mis à l'abri dans mon estomac, monsieur.

— « Elle doit avoir une maladie mentale, » théorisa Amos, « ou alors la faim lui a fait perdre l'esprit. La deuxième option est plus probable. »

— Pourquoi ? Je ne peux pas comprendre. Pourquoi mangerais-tu cette pomme de terre ?

Sa voix est tombée si bas que les autres recrues ont dû tendre les oreilles pour l'entendre.

Elle le regarda avec confusion.

— Est-ce que vous ... me demandez pourquoi les gens mangent des pommes de terre ? Je suis surprise que vous ne sachiez pas, monsieur.

La température sembla chuter de 50 degrés alors que les cadets la regardaient avec horreur. Même Amos la regardait comme si elle avait cinq têtes.

— « Je retire ce que j'ai pensé, elle est sérieusement atteinte. »

Essayait-elle de se faire assassiner le premier jour? Étonnamment, Shadis ne la déchira pas en lambeaux et resta simplement là, silencieux. Certains d'entre eux se demandaient s'il était en train de réfléchir à l'endroit où enterrer le cadavre. D'autres pensaient que la fille avait réussi à lui briser l'esprit avec sa stupidité.

Mal à l'aise par le silence soudain, Sasha essaya de rectifier les choses. Elle cassa la pomme de terre en deux, et lui tendit la plus petite moitié.

— Tenez monsieur. Prenez la moitié.

Amos Nox parvint tout juste à empêcher ses yeux de jaillir de ses orbites.

Lentement, Shadis prit le morceau comme si c'était la plus belle chose que quelqu'un ait jamais faite pour lui.

— Tu m'en donnes la moitié ? Vraiment ?

La fille sourit comme si elle avait fait une bonne action et le vase déborda dans l'instant.

Brusquement, Shadis l'attrapa par le col, lui faisant laisser tomber le reste de la pomme de terre avec surprise. Après avoir jeté sa propre moitié, il parla dans le murmure le plus meurtrier qu'il put générer.

— Écoute-moi très attentivement, petite salope. A la minute où je te lâcherai, tu commenceras à courir autour de la base et tu ne t'arrêteras pas tant que tu ne te seras pas évanouie. Pendant les cinq prochains jours, tu n'auras qu'un repas par jour, et si jamais tu manges à nouveau en formation, je t'abats sur place ! Compris ?!

— O-Oui, monsieur, bégaya Sasha terrifiée.

— Alors cours ! ordonna-t-il en la laissant tomber.

Une fois qu'elle couru comme poursuivit par les Titans, Shadis s'essuya la main avant de reprendre :

— Le reste d'entre vous je veux vous voir faire quatre-vingt pompes ! Tout de suite ! Ceux qui échoueront seront envoyés dans les champs !

Amos parvint sans trop de mal à faire ce qui lui était demandé, mais il feignit l'épuisement afin de tromper tout le monde concernant sa véritable condition physique, il se releva pour se remettre au garde à vous. Lui donnant ainsi toute la hauteur nécessaire pour constater l'étendue du désastre.

Les cadets étaient pratiquement tous aux abois, et s'écroulaient les uns après les autres sans être parvenu à passer la barre des cinquante pompes. Cependant le blond constata qu'une autre personne venait de se relever, une jeune fille orientale aux cheveux noirs et yeux de jais qui le fixait avec curiosité en ignorant la sueur qui coulait le long de son front. Dire qu'Amos était impressionné était un euphémisme, il était absolument choqué. Cette fille semblait bien moins fatiguée qu'il ne l'était vraiment, et elle n'était pas aussi puissamment bâtie que lui. Ils furent rapidement suivie par une autre jeune fille aux cheveux blonds et aux yeux bleus, ainsi que par deux garçons à la carrure impressionnante.

Malheureusement, il semblerait que Shadis n'en ait pas encore terminé :

— Arlet ! Combien de pompes as-tu effectué, espèce de cafard ?!

— V-vingt six Monsieur, répondit le concerné avec honte et terreur.

— Tu te fous de ma gueule cadet ?! rugit l'instructeur furieux. Deux gonzesses ont déjà finit l'exercice il y a cinq minutes ! Qu'est-ce que tu fiches ?!

Ces mots arrachèrent un soupir presque exaspéré de la part d'Amos qui n'échappa pas à Shadis.

— Tiens donc, on dirait que Nox a pitié de toi Arlet ! ricana-t-il. Nox ! Ramène ton cul et aide-le ! Pour chaque pompe qu'il n'arrivera pas à faire les autres cadets devront en faire deux ! Compris ?!

— Oui, Monsieur !

Le grand blond vint s'accroupir devant Armin, et lui murmura tout bas :

— Où est-ce que tu as mal ?

— Au dos, souffla le natif de Shinganshina honteux.

— Tu fais mal tes pompes, souffla-t-il en repositionnant ses bras et ses mains, tes aisselles doivent faire un angle de 45°, pas 90. Ton poids doit peser sur ta poitrine et tes triceps, pas tes omoplates. Continue et fais les vite histoire d'empêcher tes muscles de trop travailler.

Il se tourna alors vers les cadets aux côtés de Arlet et leur murmura :

— Faites passer, mais empêchez Shadis de vous griller ou il nous en collera le double.

Bien que surprit par son geste, Armin et les autres cadets suivirent ses instructions à la lettre, le petit blond se surprit à enchaîner les pompes encore plus rapidement et facilement qu'auparavant. Malheureusement, il ne parvint à en faire que vingt de plus avant de trembler de douleur.

— Reprend ton ancienne position, ton dos doit avoir eu le temps de récupérer.

Arlet obéit, et réussit onze répétitions de plus avant de sentir ses omoplates brûler. Toujours sous les conseils de Nox il reproduisit des angles de 45°, mais ne parvint à en faire que six de plus.

— Je n'y arrive plus, souffla-t-il en achevant sa soixante-troisième pompe au bord de l'évanouissement.

— Alors pose tes genoux au sol, dit le plus grand blond en ajustant sa position, ainsi tu soulèveras moins de poids.

Armin écarquilla les yeux.

— Mais… ce n'est pas de la triche ?

— Ce sont des pompes pour enfants, Shadis fera probablement une blague là-dessus par rapport à ta taille mais il devrait laisser passer ça.

Arlet ne semblait pas convaincu, néanmoins il se conforma au souhait du blond, et réussit non sans mal à effectuer ses quatre-vingt pompes.

Il se redressa en tressaillant, et se remit au garde à vous tout en remerciant son bienfaiteur d'un regard.

Plusieurs cadets virent Armin se relever, et soupirèrent de soulagement.

— Matez-moi ça, déclara Shadis, on dirait bien qu'Arlet a réussit à vous épargner le rab ! Vous savez ce que ça veut dire ?! Ça veut dire que si une crevette comme lui réussit les cafards qui échoueront prendront mon pied au cul !

— « Ces trois années vont être beaucoup plus longues que prévues, » songea Amos en roulant des yeux.

(-) (-) (-)

Le restant de la journée fut un véritable calvaire pour les cadets, en effet, Shadis les soumis à une formation des plus rigoureuses, qui envoya nombres de recrues au tapis avec les poumons en feu. Chaque fois que quelqu'un était trop lent, l'instructeur donnait de la voix pour le forcer à reprendre l'exercice. Naturellement, l'un de ces exercices consistait à courir dix fois autour de la base. Et la pauvre Sasha dû esquiver les recrues quand elles la rattrapaient à chaque fois qu'ils passaient. Amos dû se résigner à donner des conseils aux autres cadets sur la façon de gérer leur respiration, lorsqu'il en vit la moitié haleter comme des chiens galeux.

Une fois libre, il fit un arrêt aux toilettes afin de laver sa figure ensanglantée, et alla rejoindre le réfectoire. Dès qu'il eut localisé le bâtiment, il repéra les visages familiers de Connie, Marco, Mina et Armin debout à l'extérieur, se détendant après les activités du jour. La seule personne dont il ne connaissait pas le nom était le fameux garçon qui n'avait cessé de foudroyer tout ce qui l'entourait du regard pour un oui ou pour un non, et qui semblait trouver le coucher de soleil très captivant.

— Eh bien, regardez qui est là, salua Connie avec un sourire, c'est le « Conseiller » en personne.

— Hein ?

— Quoi ? Tu n'aimes pas ton nouveau surnom ?

Le chauve semblait sincèrement convaincu que celui-ci était bien trouvé, Amos soupira d'exaspération.

— Dans ce cas, veux-tu un conseil pour t'aider à différencier ta droite de ta gauche ? demanda-t-il avec sarcasme.

Quelques gloussements firent échos à ses paroles, Connie rougit de honte.

— Merci de m'avoir aidé tout à l'heure, dit Armin en lui tendant la main.

— Ne me remercie pas, répondit-il en la serrant, nous sommes camarades maintenant, il faudra qu'on s'entraide régulièrement si l'on veut survivre à cet entrainement.

Les autres cadets semblèrent émerveillés par ces paroles, mis à part le garçon aux cheveux châtains qui le regardait avec méfiance.

Considérant qu'il avait dit ce qu'il avait à dire, Amos s'étira et observa Sasha qui continuait de courir.

— Alors, la Patate court toujours?

— Je pensais que Shadis allait la tuer, commenta Connie.

— Je sais, ajouta Eren tout en gardant Amos dans son chant de vision. Un enfer pour un premier jour. C'est drôle. Lui dire de courir jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse ne semblait pas la déranger autant que d'être privée de déjeuner pendant cinq jours, ajouta-t-il en riant.

— « Hé bin, » songea Nox en feignant un éclat de rire, « en voilà un qui a une sacrée gueule, s'il a une once de talent, la première chose à faire sera de dégonfler son égo. »

Les autres rirent à leur tour, jusqu'à ce que Jaeger ne remarque quelque chose :

— Hé, qu'est-ce que c'est ?

Le groupe suivit son doigt et découvrit une charrette qui emmenait des recrues loin de l'enceinte.

— Ce sont des décrocheurs, expliqua tristement Mina. Ils préfèrent travailler dans les champs.

Marco était confus.

— Mais ... ce n'est que le premier jour.

— Tout le monde ne peut pas être soldat, raisonna Amos, si un vieux briscard énervé leur donne des mots de ventres, il vaut mieux qu'ils se tiennent éloignés du front.

Eren regarda les décrocheurs avec dégoût.

— Je ne peux pas croire que quiconque préfère arracher des plantes plutôt que se battre.

— « Ce petit con commence à me courir sur le haricot. »

Amos ne prit même pas la peine de se tourner vers lui pour lui répondre :

— Tu n'as pas écouté ce que je viens de dire ? Ces gens n'ont pas le cran nécessaire pour être dans l'armée. Même si tu trouvais le moyen de les forcer à aller affronter les titans, ils seraient tellement effrayés qu'ils se paralyseraient sur place et se feraient bouffer sans opposer la moindre résistance. En d'autres termes, entrainer des incapables reviendraient à gaspiller une quantité hallucinante de ressources pour entretenir des points faibles tout à fait évitables. De plus, les « arracheurs de plantes », comme tu dis, ont pour rôle primordial de nourrir l'armée. Ils ne sont peut-être pas en première ligne, mais leur travail est essentiel. Les agriculteurs sont aussi vitaux pour nous que les palefreniers, les ingénieurs ou les combattants eux-mêmes. Notre système militaire n'est pas entièrement basé sur le combat, il y a beaucoup d'autres paramètres à prendre en compte pour garantir un fonctionnement efficace.

À ces mots, les cadets observèrent Nox comme si une deuxième tête venait de lui pousser, Armin en particulier, semblait très impressionné.

Eren fronça les sourcils, et prit quelques instants pour réfléchir aux paroles du grand blond.

— Tu… as sans doute raison, finit-il par lâcher un peu à contrecoeur, comment tu sais tout ça ?

— « Je réfléchis. »

— Je me suis renseigné avant d'intégrer l'armée.

Jaeger sembla accepter sa réponse et lui demanda :

— Au fait, comment ça se fait que tu sois de Holst ? Je croyais que tous ses habitants étaient morts, faute d'avoir été informé de la chute du Mur Maria.

Les cadets écarquillèrent les yeux devant le cruel manque de tact employé par leur camarade, mais Amos roula intérieurement les siens face à la question totalement indiscrète qui venait de lui être posée, et assombrit sa mine.

— « Ah oui, il est vraiment pas malin celui-là. »

— Comment tu t'appelles ?

— Eren Jaeger.

— Eren… Je n'étais pas à Holst quand le Mur Maria est tombé… ma mère y était en revanche.

Le natif de Shinganshina eut la décence de baisser les yeux lorsqu'il comprit la maladresse de sa question, Armin vola à son secours.

— Où tu étais alors ?

— Dans mon internat, à Yarckel, mentit-il

À ces mots, les recrues écarquillèrent les yeux de surprise.

— Yarckel ?! s'étrangla Connie. Comment t'as fais pour être accepté dans une des écoles de l'Intérieur ?

— J'ai eu de la chance, répondit Amos en récitant son histoire toute préparée, j'ai rencontré le directeur quand il visitait la boutique de tailleur de mon père. Tandis qu'il patientait, il m'a vu jouer aux échecs tout seul dans mon coin et m'a proposé de jouer contre lui. Je l'ai apparement suffisamment impressionné pour qu'il consente à m'offrir une bourse.

— J'ai toujours voulu apprendre à jouer aux échecs, avoua timidement Armin.

Amos lui répondit en souriant :

— Je peux t'apprendre si tu veux, j'ai amené mon propre échiquier. Il n'est pas de première qualité mais il fait l'affaire.

Le petit blond le remercia instantanément d'un signe de tête, visiblement très ravi.

— Dis ? fit Mina encore curieuse. Qu'est-ce que tu fais ici si tu avais une place à l'Intérieur ?

Cette question suffit à reporter toute l'attention sur Nox qui lâcha un deuxième soupir.

— À la base je voulais devenir médecin et trouver une maison à Sina pour mes parents. Ce projet n'étant plus vraiment d'actualité… Je… Je veux rentrer chez moi, à Holst, je veux trouver le corps de ma mère et l'enterrer avec toute la décence qu'elle mérite.

Cette déclaration toucha le reste du groupe, Eren en particulier se sentait naître un profond respect pour le grand blond. Celui-ci avait eu la chance de mener une vie paisible à Sina mais avait choisi de s'engager dans l'armée pour pouvoir retrouver l'endroit où il avait grandi, c'était une décision qui forçait l'admiration.

Une admiration et un respect que Nox avait cherché à faire naitre à travers son histoire.

Marco décida d'intervenir pour briser l'ambiance un peu triste.

— Je sais pour certains d'entre nous, mais tu n'as jamais mentionné d'où tu venais, Eren.

— La même qu'Armin, répondit-il en mettant la main sur l'épaule du blond. De Shiganshina.

Amos haussa un sourcil intéressé tandis que les autres écarquillèrent les yeux d'horreur.

— Shinganshina ? balbutia Marco Cela signifie…

— Tu étais là ce jour-là, finit Connie plus excité qu'autre chose.

— Silence ! avertit Marco en réalisant ce qu'il était sur le point de dire, mais Springer ne l'écouta pas.

— Le Colossal. Vous l'avez vu ?

Eren n'avait pas l'air insulté par son manque de tact, mais sa voix s'assombrissait alors que les souvenirs remontaient à la surface.

— Ouais. Ouais, je l'ai vu.

Avant que quiconque ne puisse l'arrêter, Connie couru à l'intérieur du réfectoire, traînant Eren sur le trajet et criant :

— Hé, les gars! Eren était à Shinganshina ! Il a vu le Titan colossal !

Comme des vautours plongeant sur une carcasse, une foule de cadets se rassembla autour d'Eren, lui demandant encore et encore si ce que Connie avait dit était vrai, s'il était vraiment là quand le mur Maria était tombé. Au moins, ils laissèrent assez d'espace au goût d'Amos pour qu'il puisse s'éclipser afin de prendre son repas en paix.

Une fois son plateau rempli d'une soupe infâme et d'un pain trop cuit, il remarqua une place vide à côté de Jean et lui demanda :

— Ça te dérange si je m'assois ici ?

— Vas-y, répondit ce dernier en lui faisant une petite place.

La lueur d'intérêt dans son regard ne lui échappa pas.

— Jean, c'est ça ?

Il le confirma d'un hochement de tête et lui serra la main.

— Et toi tu es Amos Nox, ravi de rencontrer. Comment va ta mâchoire?

— Rien de bien méchant.

Un silence confortable s'installa tandis qu'ils mangeaient leur immonde repas, avant que Kirstein ne reprenne la parole :

— Dis voir, j'aurais un service à te demander.

— Sur l'Intérieur ? répondit le blond sans lever le nez de sa nourriture. J'ai remarqué que tu nous écoutais. Qu'est-ce que tu veux savoir ?

— Les Brigades Spéciales, dans quel district tu me recommanderais de m'engager ?

— Ça dépend de ce dont tu es capable, soupira-t-il nonchalamment, et ça dépend de ce que tu veux. Dis-toi que les mieux placés sont souvent ceux qui ont le boulot le plus dangereux. Mais si ton objectif est de couler des jours heureux, je te recommanderai Stohess ou Ehrmich. Pas Yarckell et encore moins Orvund.

Jean enregistra ces informations, et reprit sans s'arrêter de sourire :

— En fait je voulais rejoindre les rangs des Brigades Nobles.

Cette fois Amos releva la tête, et haussa les sourcils avec scepticisme.

— « Pauvre âme naïve. »

— Est-ce que tu as un estomac solide et un coeur de pierre ?

— Qu'est-ce que ça veut dire ?

— Est-ce que tu es un connard sans foi, ni loi ? clarifia-t-il d'un ton dur. Parce que c'est littéralement ce qu'il faut marquer sur ton dossier pour intégrer ces bandes de tarés.

Jean pâlit d'horreur en guise de réponse.

— Si tu rejoins leurs rangs, tu ne seras rien de plus qu'une arme pointée sur les ennemis de la famille noble que tu serviras, je te conseille de bien réfléchir avant d'envisager une telle chose.

Kirstein déglutit, et sembla effectivement réfléchir à ces paroles, jusqu'à ce que la voix d'une certaine personne ne l'interrompe dans ses pensées.

— Ouais, je l'ai vu d'accord ? confirma Eren, l'air exaspéré.

— Whoa, sérieux ? demanda Thomas comme s'il ne l'avait pas déjà dit deux fois.

— Il faisait quelle taille exactement ? questionna un type dénommé Samuel

— Sa tête dépassait du mur.

Une pluie de commentaires s'abattit soudainement.

— Whoa, attendez ! J'ai entendu dire qu'il avait complètement enjambé le mur.

— Moi aussi.

— C'était aussi la rumeur dans mon village.

— « Si c'était vrai on serait tous morts, bande d'idiots, » songea Amos exaspéré.

— Il était grand ouais, mais pas si grand, corrigea Eren.

— Alors à quoi il ressemblait ? osa demander Mina.

— À un cadavre, pas de peau, juste des muscles.

— Et le Titan cuirassé ? questionna un autre cadet. Celui qui a percé le Mur Maria ?

— C'est comme ça qu'ils l'appellent ? s'étonna Eren. Dans la panique, c'était juste un autre Titan pour moi.

Samuel était sidéré comme tout le monde.

— Et les autres Titans ils étaient comment ?

Eren s'arrêta de manger et haleta quand les souvenirs de cette horrible journée le frappèrent. Laissant sa cuillère, il posa sa main sur sa bouche comme pour réprimer un vomissement.

Marco eut finalement la décence de mettre un terme à ce stupide interrogatoire.

— Allez. Ça suffit les questions, d'accord ? Je suis sûr qu'il préfère ne pas revivre tout ce qu'il a vécu.

— « Enfin des paroles sensées. »

— On est désolés, s'excusa Connie, ayant honte d'avoir fait subir tout cela à Eren juste pour satisfaire sa propre curiosité. On voulait pas…

— Ce n'est rien, assura Eren, se ressaisissant et prenant une bouchée de pain. Ces stupides titans ne sont que du menu fretin.

Amos manqua de se frapper le front d'exaspération en entendant une telle énormité.

— « Wow, je crois que personne au monde n'a réussi à me consterner à ce point avec si peu de mots. »

— Si nous nous concentrons sur la maîtrise de l'équipement de manœuvre tri-dimensionnel qu'ils nous donnent, alors ce sera le moment de contre-attaquer. J'ai attendu des années pour être formé en tant que soldat. Je vais rejoindre les bataillons d'explorations, puis j'enverrai les Titans en Enfer. Je vais tous les massacrer.

— « Ce type est un danger pour tous le monde », réalisa Nox avec agacement, « espérons qu'il se fasse vite bouffer ou qu'il meurt pendant nos classes avant d'emporter trop de soldats dans sa connerie. »

— Hé ? T'es con ou t'es complètement taré ?

— « Les deux et plus encore j'ai l'impression, » songea Amos par réflexe.

L'attention était maintenant sur Jean qui souriait à la tirade d'Eren.

— Non pas que ce soit mon affaire, mais s'inscrire au Bataillon c'est une condamnation à mort.

Son interlocuteur le regarda attentivement.

— Je suppose qu'on verra… enfin, moi je verrai. Toi tu sembles bien content de te cacher derrière les murs.

— Il y a une différence entre se battre pour la liberté de l'humanité et foncer tête baissée comme un dégénéré dans la gueule d'un titan, fit remarquer Amos en sirotant tranquillement son gobelet.

Eren se leva brusquement de sa chaise et vint se planter devant la table de Nox et Kirstein. Ces derniers se levèrent à leur tour, le deuxième pour lui faire face, et le premier pour empêcher qu'une bagarre n'éclate.

— Ça suffit, dit Amos en se plantant entre les deux autres garçons, ce n'est que le premier soir et on a trois ans à passer ensemble. Essayons au moins de discuter calmement.

Jaeger ne l'entendit pas de cette oreille.

— La seule façon de survivre, c'est de battre les Titans ! s'exclama-t-il avec colère. Pourquoi tu ne peux pas voir ça ?!

À peine Eren avait-il crié ces mots qu'il écarquilla les yeux de surprise et manqua de se mordre la langue en croisant le regard d'émeraude abominable de son interlocuteur blond.

Pendant un dixième de seconde, le natif de Shinganshina eut le sentiment de n'être rien de plus qu'un morceau de viande que Nox était sur le point de broyer entre ses mâchoires.

Amos avait horreur qu'on lui crie à la figure, et les bravades de Jaeger commençaient à lui taper sur le système, si Eren ne se calmait pas immédiatement, il allait recevoir une correction très douloureuse.

Fort heureusement pour ce dernier, la jeune fille aux cheveux noirs qui était assise à ses côtés il y a moins d'une minute détecta immédiatement le danger qu'il encourait. Elle se leva brusquement, le saisit par l'épaule pour l'écarter du champ de vision de Nox, et se planta face au grand blond en le foudroyant d'un regard assassin. Jetant ainsi un froid glacial sur l'ensemble du réfectoire.

— Mikasa ! protesta Eren en se massant l'épaule. Je peux me débrouiller tout seul !

L'orientale l'ignora pour doubler l'éclat menaçant qui brillait dans ses yeux de jais, éclat qui s'entrechoqua avec l'aura de prédateur qui émanait des yeux d'émeraude du grand blond, qui croisa les bras avec amusement.

Amos sembla légèrement étonné par la tournure des évènements, mais il accueillit la présence de la nouvelle venue avec un sourire intéressé.

— Bonsoir, salua-t-il avec courtoisie, tu es… ?

— Mikasa Ackerman, répondit-elle d'une voix glaçante.

Autour d'eux, les cadets échangèrent des mines inquiètes, et une foule de murmures parcourut leurs rangs.

Si extérieurement Nox conserva un sourire poli, intérieurement il haussa les sourcils avec grand intérêt.

— « Une Ackerman orientale ? Voilà qui est très intéressant… ça explique sa performance à l'entrainement. »

Il s'écoula un nouveau moment de silence glaçant, durant lequel personne n'osa esquisser le moindre geste.

Heureusement, la cloche signifiant la fin du repas sonna, forçant ainsi l'altercation à en rester là.

Amos fit tranquillement disparaitre la « prédation » de son regard, et tourna la tête vers Eren qui semblait un peu mal à l'aise.

— Si tu tiens tant que ça à rejoindre le Bataillon, il va falloir que tu fasses quelque chose pour mieux gérer tes émotions. La discipline militaire des éclaireurs est la plus stricte qui soit, tu ne pourras pas être un bon élément si tu te laisses si facilement emporter par la colère.

— Heu… commença Jaeger un peu surpris par le sérieux de son ton, merci… je suppose…

Amos croisa à nouveau le regard glaçant de Mikasa, et sourit poliment.

— Ravi de t'avoir rencontré, dit-il honnêtement.

L'orientale serra les dents en guise de réponse et maintint sa garde levée. Ce ne fut que parce qu'Eren et Armin commençaient à quitter le dortoir, qu'elle finit par se calmer pour s'en aller les rejoindre.

— Excuse-moi ! l'interpella soudainement Jean en rougissant furieusement.

Mikasa se retourna pour le gratifier d'un regard indifférent, quelque chose que le natif de Trost ne remarqua pas étant donné qu'il avait baissé les yeux avec gêne.

— Je n'ai jamais rencontré qui que soit comme toi, lâcha-t-il sans réfléchir.

— « Maladroit, » songea Amos consterné en haussant un sourcil.

Kirstein se reprit précipitamment.

— Excuse-moi ! Tu as de très beaux cheveux noirs.

— Merci, répondit-elle indifférente avant de suivre Eren.

Une fois qu'elle fut suffisamment éloignée, Amos colla une pichenette sur la tempe de Jean.

— Andouille, réprimanda-t-il exaspéré, c'était le compliment le plus maladroit et le plus gênant que j'ai jamais entendu.

À ces mots, Kirstein pâlit d'horreur, et partit à la poursuite de l'orientale dans l'espoir de se rattraper. De son côté, Nox secoua la tête mais s'autorisa un sourire en repensant à sa nouvelle rencontre.

— « Ces trois années se révèlent déjà plus intéressantes que je ne l'avais anticipé, » songea-t-il satisfait. « Mais je vais devoir rattraper la mauvaise première impression que j'ai laissé. »

(-) (-) (-)

— Quel drôle de type, commenta Eren en jetant un coup d'oeil derrière lui.

— Il n'a pas tort, tu sais ? intervint calmement Armin en posant une main sur son épaule. Ton tempérament pourrait te causer beaucoup d'ennuis.

Jaeger regarda son meilleur ami avec un air exaspéré.

— Tu vas pas t'y mettre toi aussi, grogna-t-il vexé.

— Tu as failli déclencher une bagarre dès le premier jour d'entrainement, raisonna le petit blond inquiet, on a encore plus d'un millier de ces jours à tirer avant d'être des soldats. Tu ne peux pas continuer comme ça…

— Ça va, j'ai compris ! gronda-t-il pour couper court à cette discussion et changer de sujet. Pour en revenir à ce type… il a l'air d'être au courant d'un tas de trucs.

Bien qu'un peu déçu par la diversion de son ami, Armin le suivit dans son chemin de pensée :

— Il a aussi l'air de savoir ce qu'il fait, peut-être qu'il peut nous aider à…

— Ne vous approchez pas de lui !

Le ton intransigeant de l'avertissement de Mikasa les surprit tous les deux, ils se tournèrent vers la jeune fille avec incompréhension.

— Il est dangereux, précisa-t-elle sans changer de ton, il ne m'inspire pas confiance…

— N'exagère pas, répliqua Eren exaspéré, c'est juste un type comme un autre. Tu n'as pas besoin de te mettre dans des états pareils chaque fois qu'on rencontre une nouvelle personne !

L'orientale était très vexée et blessée d'entendre son frère adoptif balayer ses craintes comme si son opinion n'avait aucune importance, elle remonta son écharpe sur son nez.

— Je veux juste que vous fassiez attention…

Eren grogna de consternation et se tourna vers son meilleur ami.

— Armin, aide-moi, s'il te plait.

Le petit blond aurait préféré rester à l'écart de cette conversation-ci, néanmoins, il s'adressa à la jeune fille d'une voix rassurante :

— Hé bien… il avait l'air plutôt en colère quand Eren lui a crié dessus… mais tout le monde serait en colère s'il se faisait crier dessus. Et puis il nous a tous beaucoup aidé pendant les tests…

— Tiens tu vois, renchérit Jaeger en sautant sur l'occasion, c'est un gars normal, pas besoin de t'inquiéter comme ça.

Il passa nonchalamment une main dans les cheveux de la jeune fille sans remarquer la frustration sur son visage.

— D'ailleurs, tu devrais d'abord penser à toi, tes cheveux ont l'air trop longs pour les manoeuvres tridimensionnelles…

(-) (-) (-)

— « Lit 7 : Reiner Braun, Amos Nox et Bertholdt Hoover, » lut le grand blond en consultant le plan du dortoir.

Il grimpa l'échelle avec son sac sur le dos pour se rendre à mi-niveau du bâtiment, et trouva ses deux nouveaux colocataires en train de ranger le peu de possessions qu'ils avaient dans les étagères incrustées dans les murs.

— Salut, les interpella-t-il en tendant sa main vers l'autre blond présent, Amos Nox.

— Reiner Braun, répondit le grand gaillard en la serrant, voici Bertholdt Hoover.

Il eut à peine le temps de saluer ce dernier d'un signe de tête qu'il sentit la pression effectuée sur sa main. Il haussa un sourcil amusé et accepta le défi avec plaisir.

Il s'écoula une demi-minute avant que Reiner ne mette fin à la confrontation.

— Hé bah, dit-il en étirant ses doigts, rappelle-moi de ne jamais te chercher des ennuis.

— Ne me cherche pas d'ennuis, répliqua Nox en déposant son sac, mais si tu surveilles mes arrières je surveillerai les tiens.

— C'est noté, sourit le plus grand avant de remarquer ses muscles sous ses vêtements, tu as une sacré carrure pour ton âge.

— Vous aussi, ce qui signifie que beaucoup de nos nouveaux camarades viendront nous demander des conseils.

Si Bertholdt parut gêné d'entendre cela, Reiner hocha sagement la tête.

— Nous sommes tous des frères d'armes à présent, il est important que nous nous entraidions si nous voulons réussir dans l'armée.

Nox était agréablement surpris d'entendre cela, il esquissa un sourire en coin.

— « Enfin quelqu'un avec qui je peux travailler, » constata-t-il satisfait, tandis que Braun se tournait vers son compère.

— Pas vrai, Bert ?

Ledit Bert parut aussi embarrassé que son ami était confiant, du point de vue d'Amos, ils formaient un drôle de duo, mais un bon duo néanmoins.

— Oui… sans doute.

— Va falloir qu'on bosse ta confiance en toi, déclara Braun en lui collant une bonne tape dans le dos, tu es très fort, tu n'as pas de raison d'être aussi timide.

— C'est plus facile qu'il n'y parait, ajouta Nox en ouvrant son sac pour ranger ses affaires, t'inquiètes, on s'y prendra pas à pas.

— Tiens, tu vois, s'exclama Reiner à l'adresse de son ami, c'est en s'entraidant que tout le monde progresse.

Bertholdt se frotta l'épaule avec gêne, mais il semblait aussi surprit que rassuré de voir qu'Amos était aussi prêt à l'aider.

— Merci, dit-il timidement avant de remarquer les objets que son nouveau colocataire était en train de ranger dans les étagères.

— Tu as amené des livres ? s'étonna Braun en se levant pour lire les tranches des ouvrages.

— Le savoir est une arme redoutable pour qui sait s'en servir, lâcha Nox d'une voix théâtrale.

Reiner le contempla avec amusement.

— C'est de qui ça ?

— De moi, répliqua le « natif d'Holst » avec un sourire moqueur. Mais avant de penser au savoir, il faut aiguiser l'intelligence.

Sur ces mots, il sortit son échiquier, et s'en servit pour distraire l'attention de ses colocataires afin de pousser son sac sur le côté pour éviter qu'ils ne remarquent les autres objets qu'il contenait.

— Vous savez jouer ?

Reiner et Bertholdt échangèrent un regard avant d'acquiescer. Du coin de l'oeil, Amos remarqua le les yeux envieux et curieux d'Armin alors qu'ils jouaient déjà leur deuxième partie, d'un geste, il l'invita à se joindre à eux. Eren fit de même, mais uniquement parce qu'il n'avait pas envie d'être seul. La séance d'échecs dura deux bonnes heures, car Reiner et Bertholdt savaient bouger les pièces, mais ignoraient les bases rudimentaires des différentes ouvertures. Aussi, Amos dû se résoudre à prendre son livre sur le sujet pour qu'ils choisissent chacun laquelle leur conviendrait le mieux. Bien sûr, il fit la promotion de son jeu favori en révélant le fait que le Major Erwin du Bataillon et le Commandant Pixis de la Garnison, étaient tous deux des joueurs réputés au sein de la communauté de joueurs. Et accentua l'étude selon laquelle, les échecs étaient une excellente entrée dans la compréhension de la stratégie militaire. Il fut très satisfait de constater que ses enseignements et ses informations avaient suscités l'émerveillement dans le regard d'Armin ainsi que l'intérêt dans celui de Reiner. Bertholdt ne sembla prêter attention que pour le jeu en lui-même, visiblement content de trouver un passe-temps, et Eren était surtout intéressé par les différents débats et discussions que Braun et Nox menaient concernant les trois années qui allaient suivre. Jaeger profita du fait qu'Amos semblait en savoir un rayon concernant sur le système militaire pour le questionner sur le Bataillon d'Exploration. Le grand blond se fit alors un plaisir d'accaparer toute son attention en lui donnant une quantité raisonnable d'information. Juste ce qu'il fallait pour qu'Eren revienne lui parler et commence à lui accorder un peu de confiance.

Une fois que l'heure du couvre-feu eut sonnée, Nox attendit patiemment que tout le monde dorme, avant de dissimuler toutes les lames qu'il avait apporté sous sa part du matelas. Ceci fait, il effectua un rapide bilan de sa première journée de classes.

— « Bon… jusque là, les trois personnes les plus dignes d'intérêt que j'ai rencontré sont Reiner, Armin et Mikasa. C'est elle qui sera sans doute la plus compliquée à approcher, elle a un instinct de surprotection maternel digne d'une louve. Me rapprocher d'Armin et d'Eren sera la meilleure façon que j'aurais de nouer un lien avec elle. Ça ne va pas être facile, mais ce n'est pas infaisable. Reste à savoir si elle a éveillé sa force ancestrale, si tel est le cas, il faudra que je détermine quel niveau elle a réussi à atteindre. Dans tous les cas, je dois reconnaitre que je suis agréablement surpris jusque là, au final… peut-être que je perds moins de temps que je ne l'avais anticipé. »

(Le Lendemain)

La salle de bain commune ne fut clairement pas du goût d'Amos, non pas qu'il s'attendait à une baignoire et de l'eau chaude, mais il aurait préféré pouvoir conserver un semblant de vie privée dans ce camp rempli d'inconnus. Alors évidement quand il y entra pour la première fois il entendit tous les murmures dans son dos par rapport à la multitude de cicatrices qui couvrait son corps et à sa musculature plus que développée pour son âge. Mais il garda une figure stoïque et ignora les regards troublés pour se concentrer sur la propreté de sa personne. Heureusement pour lui, Reiner prit sa défense, et encouragea tous leurs camarades masculins à regarder ailleurs, un geste pour lequel Nox se révéla reconnaissant. Cependant, cette expérience se révéla bénéfique sur point : Eren le regardait désormais avec une admiration et une fascination nouvelles. Ce qui était une excellente chose pour la suite de ses plans. En revanche, Armin observait ses cicatrices d'un peu trop près à son goût, à tel point qu'il dût le rappeler à l'ordre d'un regard menaçant qui fit déglutir le petit.

— « Cette petite tête est très maligne, » songea-t-il en se rinçant les cheveux, « si j'aiguise son intelligence cela pourrait se retourner contre moi, il faut que je sois plus prudent. »

Il prit son petit-déjeuner seul afin de s'épargner d'autres scènes comme celle de la veille si tôt dans la journée, et rejoignit le terrain d'entrainement où la seule personne présente avant lui était Shadis.

Celui-ci le vit arriver mais ne fit aucun commentaire, surprenamment. Il attendit les autres en observant d'un oeil les instructeurs qui s'affairaient à mettre en place les machines qui serviraient à tester les aptitudes à la tridimensionnalité.

Une fois tout le monde présent, Shadis rugit :

— C'est l'heure du test d'aptitude, alors écoutez bien ! Il n'y a pas de place pour vous ici si vous ne pouvez pas réussir quelque chose d'aussi simple ! Échouez, et vous serez expédié dans les champs !

À en juger par la moitié des visages des cadets, il était clair qu'ils étaient extrêmement nerveux, seule une poignée semblait confiant et une autre désintéressée.

Amos se rangea aux côtés de Reiner et Bertholdt pour observer les performances de leurs camarades. Ce qui lui permettrait également de déterminer lesquels d'entre eux pourraient être dignes de son intérêt.

— C'est pas glorieux jusque là, fit-il remarquer en observant un cadet qui avait réussi l'exploit de coincer sa jambe dans un de ses câbles en tentant une figure acrobatique.

— Tu as raison, soupira Reiner, nous avons déjà perdu beaucoup des nôtres hier, j'ai l'impression qu'il ne restera que peu d'entre nous au final.

— « Décidément, il est vraiment très investi dans l'esprit de camaraderie. »

— Ne sois pas si négatif, ils vont simplement suivre un plan de carrière plus adapté pour eux, concentre-toi sur ceux qui réussiront, ce seront eux qui couvriront tes arrières.

Reiner réfléchit quelques secondes, avant d'acquiescer de résignation.

— Tu n'as pas tort, soupira-t-il un peu déçu.

— Nox ! aboya soudainement Shadis.

— « Et c'est reparti », Oui Monsieur ?

— Amène ton cul ici !

— « Ça vous tuerai d'arrêter de hurler ? » J'arrive, Monsieur !

Le test fut d'une facilité déconcertante, et Amos fut même tenté par l'idée de se moquer de son instructeur. Mais cela aurait pu défaire l'image qu'il essayait de construire auprès des autres cadets.

— Bien, grogna Shadis un peu déçu mais pas surpris, il semblerait que tu ne sois pas totalement inutile. Retourne dans les rangs !

— Oui, Monsieur ! Merci, Monsieur !

Tandis que Bertholdt était désigné comme le prochain à faire le test et que Shadis partait crier après quelqu'un d'autre, Reiner colla une bonne tape dans le dos d'Amos au moment où il revint à ses côtés.

— Impressionnante maitrise, complimenta-t-il.

— Merci, « je n'ai aucun mérite, j'apprends à me servir de ce truc depuis que je sais marcher. » Voyons à présent comment se débrouillent les autres.

Jean était un peu bancal mais réussit à rester debout. Sasha se balançait avec nonchalance comme si l'exercice l'ennuyait, Connie semblait n'avoir aucune réelles difficultés. Et puis il y avait Mikasa, sa position et sa technique étaient absolument parfaites, à tel point qu'elle semblait trouver toute la procédure terriblement ennuyeuse.

— « On dirait bien que sa force héréditaire est éveillée,» nota Nos avec un sourire, « parfait. »

— Tu t'es déjà trouvé une copine ? taquina Reiner en le remarquant.

— Hilarant, commenta sobrement Amos avant de développer : effectivement elle m'intéresse, mais pas pour les raisons que tu as en tête.

Soudain, un hurlement de surprise attira l'attention sur le dernier harnais. Le pauvre Eren était suspendu la tête en bas, les yeux écarquillés d'horreur. Pour aggraver les choses, ses pairs se moquaient de lui comme s'ils étaient de banals écoliers.

Shadis, comme d'habitude, n'arrangeait pas les choses.

— Qu'est-ce qui t'arrive Jaeger ?! Redresse-toi !

— « C'est étrange, » nota le grand blond en plissant les yeux, « même s'il était d'une nullité pitoyable en tridimensionnalité, il ne devrai pas finir la tête en bas. Son matériel est sans doute endommagé… Voilà qui me donne une excellente opportunité. »

Il attendit une seconde que Bertholdt revienne se joindre à eux, avant de prendre la parole :

— Hé bien, c'est ce qui s'appelle un retour de bâton, commenta-t-il tout haut à l'adresse de son camarade, toutes ses bravades vont lui coûter très cher.

— Quelque part, cela lui apprendra à être humble, acquiesça Reiner, mais je suis un peu déçu. Je m'attendais à beaucoup plus de sa part étant donné qu'il était sur place il y a deux ans.

À ces mots, Hoover déglutit discrètement et tenta de se faire tout petit, Amos l'ignora pour répondre :

— Peut-être que c'est justement ça le problème, théorisa-t-il, peut-être que ses émotions l'empêchent de rester en équilibre correctement.

Reiner se gratta pensivement le menton.

— Il faut qu'on l'aide, décida-t-il soudainement à la surprise de Bertholdt.

— Du calme, manqua de rigoler Amos, voyons d'abord comment les autres se débrouillent. Après on avisera.

Braun acquiesça une nouvelle fois, avant de se reconcentrer sur les tests. De son côté Hoover observait discrètement Nox avec une inquiétude grandissante.

(-) (-) (-)

L'entraînement au combat n'était pas vraiment la partie qu'Amos attendait le plus, à vrai dire il n'avait même aucune envie d'y participer. Malheureusement Shadis ne lui laissait pas le choix.

Les recrues s'étaient rapidement séparées en paires, et Amos avait été forcé d'envoyer Bertholdt au tapis cinq fois d'affilés sous les regards médusés des autres cadets. Cependant, il ne fut pas le seul à se distinguer lors de l'exercice. Mikasa, Christa Lenz et Annie Leonhart épatèrent la galerie par leurs prouesses de combattantes.

Une fois la journée terminée, Amos se retira sur son lit aux côtés de Reiner et Bertholdt. Le trio se mit à discuter des performances de leurs camarades aujourd'hui. Enfin, Braun et Nox alimentaient la conversation, Hoover était plus spectateur que participant.

Soudain, la porte s'ouvrit à la volée, révélant un Eren qui semblait être au bord d'un gouffre, Armin le poursuivait en tentant de le calmer.

— S'il vous plaît, supplia-t-il en se jetant devant les trois autres cadets surpris, vous devez me dire comment vous avez fait ! supplia-t-il. Vous avez super bien réussi l'exercice ! C'est quoi votre secret ?!

— Wow wow wow ! s'exclama Amos irrité devant le ton complètement paniquée de Jaeger. Calme-toi ! Prends une grande inspiration !

Nox fut presque choqué de voir le natif de Shinganshina se plier à ses instructions sans sourciller, ce revirement de comportement brutal en l'espace de vingt-quatre heures le laissa perplexe.

— « Putain… il ressent pas les choses à moitié celui-là. Hier il se mettait sur un piédestal pour avoir vu l'oeuvre des titans et pour avoir le cran d'aller les affronter, et maintenant il est tombé de tellement haut qu'il est prêt à toutes les courbettes pour agripper la pente avant de toucher le fond. Bien. »

— Je suis désolé, répondit Reiner, mais il n'y a aucun réel secret pour maitriser la posture. Il faut juste avoir un bon équilibre.

Eren sembla sur le point de s'effondrer en entendant cela, mais étonnamment, ce fut Bertholdt qui lui redonna espoir :

— On a parlé de ton cas tout à l'heure, lâcha-t-il à la surprise générale.

Les multiples paires d'yeux tournées dans sa direction et le regard implorant de Jaeger suffirent cependant à faire retomber Hoover dans ses travers.

— Allez, l'encouragea Reiner en posant une main sur son épaule, dis-lui.

— Hé bien… euh… bredouilla le grand dadais mal à l'aise devant tant d'attention. On a déduit qu'il… euh… qu'il n'y avait que deux possibilités. Soit tu n'as aucun équilibre… soit… tu as un problème psychologique.

— C'est ça, confirma Amos en revenant vers le natif de Shinganshina qui semblait dubitatif.

Il fronça les sourcils.

— Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

— On veut dire que tu ressens certaines émotions avec une telle violence que tu n'arrives pas à garder la tête suffisamment froide pour réussir.

— C'est peut-être ça, acquiesça Armin à la surprise de Jaeger.

Celui-ci ne comprenait toujours rien à la situation mais semblait se satisfaire du fait qu'ils tenaient peut-être la source de son échec.

— D'accord, comment je fais ça ?

— Calme-toi, l'exhorta Reiner, nous n'avons pas encore vérifié si c'était bien ça le problème.

Sur ces mots, lui et Amos se levèrent et examinèrent un Eren mal à l'aise.

— Debout, ordonna Nox avec autorité, tiens toi droit sur une jambe et lève les bras en croix.

Jaeger haussa les sourcils d'incompréhension, mais se plia aux exigences du grand blond sans poser de question. Une fois en position, son regard jongla entre les expressions pensives des deux plus grands garçons.

— Et maintenant ? demanda-t-il avant qu'Amos ne lui pousse délicatement l'épaule pour le faire chavirer.

Il battit des bras pour rester en équilibre, et fustigea Nox de ses yeux luisants de colère.

— Bordel, tu trouves ça drôle ?!

Le regard de prédateur du grand blond le fit instantanément taire, derrière lui, Armin frissonna.

— Il semblerait que tu es un sens de l'équilibre correct, constata Reiner, tu peux arrêter.

Eren fronça les sourcils de surprise, et reposa son pied gauche au sol.

— Donc, reprit Amos en joignant ses mains tout en diminuant la violence de son regard, le problème est bien psychologique. Pour y remédier, une remise en question est nécessaire.

Sur ces mots, Nox se mit à l'observer avec une sévérité qui mit le jeune homme mal à l'aise.

— De quoi as-tu peur ?

Eren manqua de sursauter en entendant cette question, il avait le sentiment désagréable que le blond était en train de le disséquer.

— J'ai peur… d'échouer ! s'exclama-t-il soudainement. J'ai peur de passer ma vie entière reclus comme du bétail ! J'ai peur qu'une chose pareille se reproduise et d'être encore faible quand ça arrivera !

Amos prit un temps pour l'observer à nouveau, il se refusait encore à révéler au jeune homme que son matériel était endommagé, il devait garder cet as dans sa manche jusqu'au moment le plus opportun.

— Tu… commença Bertholdt surpris par sa déclaration, enfin… vous n'avez pas peur des titans ? Après tout ce que vous avez vu ?

Eren et Armin échangèrent un regard avant que le plus petit ne réponde :

— Je me suis enfui avant d'avoir vu de quoi les titans étaient capables, avoua-t-il en baissant la tête, contrairement à Eren… Mais je… je savais que je ne pouvais pas rester là à rien faire après que le gouvernement ait forcé tous ces innocents à prendre part à l'opération de récupération, je me dois de faire quelque chose.

Amos était particulièrement intéressé par cette déclaration-ci, il savait qu'aucun enfant n'avait participé à ce massacre, et craignait que la délinquance et la criminalité ne montent de manière exponentielle avec tous ces orphelins.

— « Heureusement que le budget de l'armée a augmenté, » songea-t-il, « grâce à ça, beaucoup de gosses comme Armin ont essayé de rejoindre un corps plutôt que de suivre la mauvaise pente. »

— Et vous deux ? reprit le petit blond à l'adresse de Reiner et Bertholdt. D'où est ce que vous venez ?

Les deux grand dadais échangèrent un regard, avant qu'Hoover ne réponde :

— D'un petit village dans les montagnes, au sud-est du Mur Maria.

En entendant cela, Nox fronça les sourcils. Il s'apprêtait à demander de quel village il parlait, mais Armin et Eren lui coupèrent la parole en haletant bruyamment.

— Mais… commença le petit blond, mais alors… ça veut dire… ?

Bertholdt acquiesça avec une mine sinistre.

— Oui… contrairement aux grandes villes le long de la rivière, nous n'avons pas été avertit de la chute du Mur Maria. Les titans étaient sur nous avant même qu'on ait eu le temps de réaliser ce qui était en train de se produire. Ce n'est arrivé qu'au petit matin… tout le bétail était paniqué… et puis on a entendu ces bruits de pas intenses qui s'intensifiaient petit à petit… et puis on a réalisé… enfin… j'ai ouvert ma fenêtre et… je ne me souviens plus de rien…

Reiner se leva pour venir s'asseoir près de son compère.

— Du calme, rassura-t-il, c'est terminé maintenant, pas besoin de paniquer.

— Désolé, souffla Bertholdt en posant une main sur son front, je…

Il se racla la gorge et reprit plus posément :

— Nous tous ici présents, nous sommes différents des autres, nous avons tous vu les horreurs dont les titans étaient capables.

— Navré de te contredire, l'interrompit Amos d'une voix impassible, mais je n'ai jamais vu le moindre titan de ma vie.

— « Ce n'est pas vrai, mais mieux vaut qu'ils l'ignorent. »

— Peut-être, répondit Reiner, mais de mon point de vu, tu en as plus qu'assez bavé pour que quiconque ici y trouve à redire.

Nox releva ses yeux d'émeraude à la lueur agacée et remarqua les regards compatissants de ses quatre camarades.

— Pas de question, déclara-t-il en levant un doigt intransigeant, moins vous en savez, mieux vous vous porterez.

— C'est noté, répondit Reiner avec respect.

Il s'écoula un moment de silence gênant, avant qu'il ne reprenne la parole :

— Sortons prendre l'air un moment, avec la tournure que prend notre discussion, il vaudrait mieux éviter que nos camarades pensent qu'on se sent spécial simplement parce que nous sommes des survivants… Même si c'est le cas.

(-)(-)(-)

La fraicheur de la nuit fut une douceur qu'Amos accueillit avec grand plaisir, les cinq cadets s'étaient éclipsés juste avant le couvre-feu et s'étaient enfoncés dans la forêt, guidés par les torches que portaient les deux grands blonds.

— « Quelqu'un est en train de nous suivre, » remarqua Nox en jetant un très bref coup d'oeil vers l'arrière, « ma main à couper que c'est Mikasa. »

— La plupart des gens sont ici pour la sécurité vous savez ? lâcha Bertholdt sans crier gare. Ils viennent faire ce que la société attend d'eux. Et pour être franc, je ne suis pas si différent. J'ai rejoins l'armée pour intégrer les Brigades Spéciales, pour me réfugier derrière le Mur Sina. Si ça ne fonctionne pas, j'abandonnerai l'idée de devenir soldat. Je n'ai pas le cran pour faire autre chose.

— La Garnison de Sina recrute beaucoup plus depuis que Maria est tombé, tu sais ? dit Amos d'un ton compatissant.

Hoover sembla contempler cette possibilité pendant un instant, avant d'acquiescer.

— Merci… mais ça ne change rien au fait que je suis un lâche.

La fatalité avec laquelle il parlait saisit les trois autres cadets aux tripes.

— Il n'y a aucune honte à vouloir prendre soin de ta vie, Bertholdt, voulut rassurer Armin.

— Bien mal avisé sera celui qui pensera pouvoir te juger, ajouta Amos.

Le grand dadais leur adressa un sourire reconnaissant, avant de revenir devant lui.

— Quant à moi, lâcha Reiner, je vais reconquérir notre village afin de rentrer chez moi. C'est la seule chose qui m'importe, quoiqu'il m'en coûte, j'y arriverai.

Un silence s'installa, avant qu'Hoover ne reprenne la parole :

— Et toi Amos ? Quel corps armé tu souhaites rejoindre ?

— Le Bataillon d'Exploration, répondit-il à l'agréable surprise d'Eren.

À ces mots, Reiner s'arrêta pour lui jeter un regard interrogatif.

— Pourquoi ? demanda-t-il sincèrement curieux. Tu avais un avenir radieux tout tracé à Sina. Tu aurais pu couler des jours heureux à l'abri des titans. Pourquoi est-ce que tu as tout laissé tombé pour vouloir devenir éclaireur ?

Nox prit un temps pour lui en s'apercevant que tous les regards étaient tournés vers sa personne, ceux d'Armin et d'Eren étaient particulièrement curieux.

— Pour plusieurs raisons, finit-il par répondre en perdant ses yeux d'émeraude dans l'obscurité, la première est très simple : je veux d'abord rentrer chez moi, à Holst, trouver le corps de ma mère et l'enterrer avec toute la dignité qu'elle mérite.

Le ton ferme avec lequel il avait prononcé cette résolution toucha les cadets en pleins coeurs, Eren était particulièrement admiratif. Il aurait aimé pouvoir faire de même.

— Il y en a d'autres, ajouta le grand blond, et la plupart ne vous regardent pas. Mais ma raison principale… est la suivante : les nobles, les marchants et les politiciens sont obsédés par leur héritage. Cependant ils sont plus intéressés par l'argent, le pouvoir et les possessions qu'ils lèguent à leurs enfants que le Monde dans lequel ceux-ci grandiront. Ces imbéciles sont incapables de se rendre compte que ces choses n'auront absolument aucune valeur si l'apocalypse vient frapper à nos portes deux fois de plus. Il y a quelques années notre Monde était bien plus grand que ce que nous avons, mais maintenant ce n'est rien de plus qu'un lopin de terre sur lequel on est obligé de se serrer et de sacrifier les bouches inutiles. Résultat, tout le monde est condamné à devenir fou tôt ou tard à force d'être enfermé.

Eren avait le souffle coupé par le discours de Nox, il se retrouvait totalement dans chaque argument qu'il énumérait. Lentement mais surement, il sentit son feu intérieur brûler de nouveau.

Amos poursuivit :

— Ce Monde de merde dans lequel on vit, ce n'est pas le genre de Monde que je veux léguer à mes enfants, je veux leur offrir un endroit plus sûr, où ils grandiront sans avoir à se terrer comme des rats pour rester en vie. Je me fous de savoir si je dois mener la vie la plus abominable qui soit, du moment qu'eux ils ont cette chance, je serai pleinement satisfait par mon existence.

Reiner était émerveillé par la résolution et la sincérité qui s'étaient échappées des paroles du jeune homme, et pendant un instant, il se surpris à vouloir la même chose. Mais il secoua la tête pour revenir à la réalité, il faisait la même chose, c'était d'ailleurs pour ça qu'il était là.

— Tu n'es vraiment pas comme les autres, Nox, commenta-t-il en souriant.

— « Ça ne veut pas dire que je suis quelqu'un de bien, Braun. Ce sont les monstres qui changent le Monde.»

— Et toi Eren ? reprit-il tout haut. Pourquoi est-ce que tu veux rejoindre le Bataillon ?

Les yeux de Jaeger brulèrent soudainement d'une détermination ardente qui n'échappa pas au grand blond.

— J'ai simplement décidé que je devais tous les exterminer, déclara-t-il avec fermeté, je ne m'arrêterai pas tant qu'ils n'auront pas tous péris, jusqu'au dernier.

Si Reiner et Bertholdt étaient choqués par ces paroles, Amos, lui, garda sa déception masquée derrière une fausse expression impressionnée.

— « Voilà donc la raison pour laquelle il est aussi émotif… il est assoiffé de sang. Cela va grandement me compliquer la tâche. »

Contrairement à lui, Braun était sincèrement impressionné.

— Tu as vu de quoi ces monstres étaient capables, et tu tiens quand même à t'en prendre à eux ?

— Exactement, renchérit Eren avant de baisser les yeux avec honte, mais j'ai foiré le test en beauté… et depuis…

— Si tu baisses les bras pour si peu, tu devrais tout de suite abandonner, balança Amos sans prendre gants.

À ces mots, Jaeger releva la tête vexé.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

— Un échec c'est un pas en avant, pas un gouffre infranchissable. En échouant hier tu as trouvé une raison de te remettre en question, et tu as appris une bonne leçon d'humilité.

Le natif de Shinganshina rougit en repensant à ses bravades de la veille, il baissa les yeux et grogna en soupira.

Le groupe de garçon déboucha alors sur le sommet d'une crête, d'où ils purent admirer le reflet du clair de lune sur la surface d'un lac. La lumière éclaira le visage d'Eren, la beauté du paysage lui rendit espoir.

— Maintenant, déclara Amos en se tournant vers les deux natifs de Shinganshina, nous avons du travail. On commencera par entrainer ton équilibre, puis on ajustera ta ceinture, d'ici demain tu seras prêt.

La lumière de la torche que tenait le grand blond accentuait l'éclat de ses yeux d'émeraude, hypnotisant les deux amis par la confiance qui en émanait.

— Je sais que tu as ce qu'il faut, sourit Reiner en croisant les bras, et tout le monde ici présent t'aidera à le prouver.

Eren n'en croyait pas ses oreilles, il croisa les regards de chacun de ses compagnons pour y constater la confiance qu'ils lui vouaient. Jaeger serra les poings et les dents, retint ses larmes, et laissa son feu intérieur parler pour lui :

— Les gars… lâcha-t-il en tâchant de maitriser ses émotions, j'y arriverai ! Je vous le jure !

— Bien, conclu Amos en souriant de satisfaction, alors au travail.

(-) (-) (-)

L'entrainement d'Eren dura presque deux heures, deux heures durant lesquelles le natif de Shinganshina fut soumis à toute une batterie d'exercices en tout genre pour améliorer son équilibre, et à de multiples leçons pour assurer le bon fonctionnement de son équipement. Cependant, à la surprise d'Amos, la partie endommagée ne se révéla pas durant les inspections effectuées par Reiner et Bertholdt. Ce qui ne laissait que deux possibilités : soit il s'était trompé, et le problème de Jaeger était effectivement psychologique, soit la malfonction était invérifiable en effectuant les inspections basiques… Ce qui laissait entrevoir la possibilité d'un sabotage.

Les cinq cadets finirent leur expédition nocturne un peu après minuit et regagnèrent leur dortoir à pas de loups pour éviter de se faire pincer par les surveillants.

Alors qu'ils marchaient dans l'ombre des bâtiments avec vigilance, Nox reprit ses réflexions :

— « Il faudrait que je démonte sa ceinture pour vérifier si elle est bien endommagée, » songea-t-il, « si c'est effectivement un sabotage, je vois mal qui aurait pu s'introduire dans l'atelier et passer sous la vigilance de Shadis pour faire un coup pareil… À part peut-être… »

Il tourna la tête en direction de la forêt, et eu tout juste le temps de voir une silhouette se glisser derrière un arbre. Il haussa un sourcil amusé et réprima l'esquisse d'un sourire.

À la surprise de ses camarades, il les informa qu'il avait une petite course à faire avant de rentrer se coucher et promis que ce ne serai pas long. Ceux-ci voulurent protester, mais il disparut dans l'ombre avant qu'ils en aient eu le temps.

Amos marcha calmement jusqu'à l'arbre derrière lequel la silhouette s'était cachée, croisa les bras et lança :

— Aurais-tu l'amabilité de m'accorder une petite place dans ces ténèbres, Mikasa ?

L'orientale écarquilla légèrement ses yeux de jais, et sortit de sa cachette.

— Comment tu as su que c'était moi ?

Le grand blond ne répondit pas tout de suite, il s'infiltra à son tour dans l'obscurité et adossa son épaule contre le tronc.

— J'avais remarqué que quelqu'un nous suivait, et étant donné la belle démonstration de surprotection maternel dont tu as fait preuve au diner d'hier, je me suis douté que c'était toi.

La Ackerman fronça des sourcils méfiants.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Est-ce que c'est toi qui a saboté la ceinture d'Eren ?

Elle écarquilla les yeux de surprise.

— Quelqu'un a saboté la ceinture d'Eren ?

— Oh… alors ce n'était pas toi… constata le grand blond clairement déçu. Dommage, ça avait du sens pourtant…

Sans crier gare, la jeune fille le saisit par le col et le plaqua contre l'arbre.

— Dis moi immédiatement tout ce que tu sais.

Une lueur prédatrice furieuse s'empara du regard d'émeraude d'Amos, ce dernier referma ses mains sur les bras de la métisse et pressa plusieurs points bien précis.

Mikasa sentit subitement des fourmis envahir ses muscles, Nox profita de sa faiblesse temporaire pour la repousser.

— Ne me touche pas, gronda-t-il en rajustant sa chemise, tu m'entends ?

— Qu'est-ce que tu m'as fait ? répliqua l'orientale sur le même ton en sentant les fourmis envahir ses doigts.

— J'ai écrasé les nerfs de tes deltoïdes, répliqua un Amos, ça ne fait pas très mal mais tu vas avoir du mal à réitérer ton tour de force avant un petit moment.

— « Si elle avait été normale, ses bras auraient été hors d'usage. Elle a donc éveillé sa force héréditaire, bien. »

Mikasa le fustigea d'un regard assassin et se mit en position de combat, ce qui le fit lever les yeux au ciel.

— Tu sais qu'on peut régler ça en parlant ? fit-il remarquer avec lassitude. Il n'y a nul besoin d'avoir recourt à la violence.

L'orientale sembla furieuse, elle mesura ses options pendant quelques secondes, elle regarda ses mains avec frustration… Et finit par se laisser convaincre.

— Parle, lâcha-t-elle sans desserrer ses mâchoires.

— « Oh, je vais me faire un plaisir de t'enseigner les bonnes manières. »

— Même si Eren n'avait aucun équilibre, il n'aurait jamais dû finir la tête en bas, c'est ce qui me laisse penser que son équipement est défectueux. Mais comme on a rien trouvé en l'inspectant, je me suis dit que le problème était surement plus profond, et si tel était le cas, cela ne pouvait être qu'un sabotage.

Mikasa fronça de nouveau les sourcils.

— Et pourquoi est-ce que tu as cru que c'était moi ?

— Parce qu'étant donné ton envie de le protéger, je me doute bien que tu n'as aucune envie de le voir devenir soldat, je me trompe ?

La jeune fille baissa légèrement les yeux, elle comprenait où il voulait en venir, et effectivement, elle était la suspecte idéale.

— Je ne veux pas le voir devenir soldat, confirma-t-elle en relevant son écharpe sur son visage, mais je n'ai pas saboté son équipement.

— Je sais, soupira Amos en recroisant ses bras, du coup je me suis peut-être planté sur toute la ligne, et le problème est effectivement psychologique. Est-ce qu'il a toujours été aussi émotif ? Même avant Maria ?

Mikasa l'examina avec suspicion.

— Pourquoi tu veux savoir ça ?

— Pour l'aider.

— Je ne te fais pas confiance.

Une fois de plus, Nox roula des yeux, ce qui commençait à agacer la jeune fille.

— Bien, ça veut dire que tu n'es pas une idiote, qui accorde sa confiance aussi vite ?

L'orientale détestait le ton hautain et autoritaire avec lequel il s'exprimait, elle avait le sentiment qu'il s'adressait à elle comme si elle était une enfant.

Une nouvelle fois, elle prit un temps pour mesurer ses options, et finit par céder à sa demande dans l'intérêt d'Eren :

— Il a plus ou moins toujours été comme ça, répondit-elle finalement avec un regard nostalgique. Il a toujours foncé tête baissée dans des bagarres avec les autres enfants chaque fois qu'Armin ou lui étaient embêtés. Il s'en prend à quiconque lui manque de respect ou se met sur sa route.

Elle releva son écharpe sur son nez avant de conclure :

— J'aimerai qu'il soit plus prudent.

Amos se gratta pensivement le menton, avant d'hausser les épaules.

— Dans ce cas il réussira l'exercice de demain sans aucun problème, dit-il visiblement satisfait par cette discussion. Sur ce, bonne nuit.

Mais alors qu'il tournait les talons, l'orientale posa une main surpuissante sur son épaule.

— Si jamais tu lui fais du mal, je…

Sans crier gare, Amos fit volte-face et écarta sa prise d'un revers de bras violent. Mikasa manqua d'écarquiller les yeux en découvrant son visage furieux.

— Je t'ai dit de ne pas me toucher, siffla-t-il d'une voix glaciale, tu m'as compris ? Ne me touche jamais !

Si elle était toujours énervée et méfiante, la métisse n'eut qu'à observer la colère authentique dans le regard du jeune homme pour comprendre qu'elle avait dépassé les bornes. Elle rétracta lentement sa main tandis que Nox renâclait et commençait à regagner son dortoir.

— Amos ? appela-t-elle finalement avant qu'il ne soit trop loin. Je suis désolée.

Le grand blond s'arrêta, roula des yeux avec agacement, et se retourna une dernière fois.

— « Les filles… » grogna-t-il intérieurement.

— Ok, lâcha-t-il bien que toujours énervé, juste… ne refais pas ça.

— Je ne le referai pas.

— Merci… jolie coupe de cheveux au passage.

Surprise par ce compliment sorti de nulle part, l'orientale remonta son écharpe sur son nez, et regarda Nox partir sans se retourner.

— « Il est bizarre, » songea-t-elle en prenant à son tour, la direction de son dortoir.

(-) (-) (-)

Lorsque le deuxième essai pour maitriser le test d'aptitude eu lieu, Amos se tint aux côtés de Reiner et Bertholdt. Son regard croisa brièvement celui de Mikasa, mais ils les détournèrent au même moment.

— Eren Jaeger, est-ce que tu es prêt ? demanda Shadis en le regardant fixement.

— Oui monsieur ! affirma le cadet. « Je vais le faire! Je n'ai peut-être pas d'aptitude brute, mais personne n'a plus de courage que moi ! »

— Allez-y ! ordonna l'instructeur aux cadets qui le soulevèrent.

— « Au diable la logique ! Je sais que c'est complètement sans fondement mais mes tripes sont tout ce que j'ai ! C'est mon arme ! »

Non sans mal, il parvint à rester parfaitement en équilibre du premier coup, et si les autres cadets semblaient impressionnés, Amos, lui, était presque déçu.

— « Donc ce n'était qu'un banal problème de confiance en soi, dommage… j'aurais pourtant juré que… »

Il n'eut pas le temps de finir de réfléchir qu'Eren se retrouva la tête en bas, les yeux exorbités de terreur.

— « Qu'est-ce que…? Est-ce… est-ce que ce petit con a réussi à tenir en équilibre sur du matériel défectueux ?! » songea-t-il effaré, « comment est-ce qu'il a réussi…? Ah… je vois… Il a tenu grâce à sa volonté seule. »

Il laissa échapper un sourire un peu résigné.

— « À la base j'allais l'aider pour qu'Armin et Mikasa restent aussi vu leur talent respectif. Mais Eren a largement mérité sa place par lui-même, je dois reconnaitre que je l'ai sous-estimé. »

— Monsieur ?! cria-t-il soudainement alors qu'Eren commençait à balbutier de terreur. Je crois que la ceinture du Cadet Jaeger est cassée !

Tous les regards se tournèrent vers Nox, avant de revenir vers le concerné qui avait baissé les yeux sur son bassin afin de confirmer ses dires. Mais la voix stridente de Shadis l'interrompit dans son élan :

— Si t'es si sûr de toi, pourquoi tu viendrais pas échanger ton équipement avec lui ?! Et si jamais il se plante encore une fois, c'est toi qui ira arracher des plantes !

Amos se raidit en entendant cela, mais il acquiesça néanmoins.

— « Eren, si tu te foires encore une fois je m'assurerai qu'on ne retrouve jamais ton cadavre. » songea-t-il en s'avançant et en défaisant sa ceinture.

Ils procédèrent à l'échange sans un mot, et Nox attendit sur le côté qu'Eren réussisse l'exercice, ce qu'il fit facilement.

— On dirait bien que t'avais vu juste, grogna Shadis avec une haine viscérale totalement inappropriée aux yeux du jeune homme. Veux-tu que le Cadet Jaeger se jette à tes pieds pour lécher tes bottes ?

— Ce ne sera pas nécessaire, Monsieur, répondit-il satisfait par le regard empli de reconnaissance du jeune homme suspendu.

— Alors… commença ce dernier, le test… ?

— La ferrure de ta ceinture était cassée, expliqua l'instructeur en exhibant l'outil, difficile par conséquent de tenir en équilibre. Je ne savais pas que cette partie pouvait se casser, il va falloir l'ajouter à la liste d'entretien. Ton test est réussi cadet, mets du coeur à l'ouvrage.

Eren était si heureux d'entendre ces mots qu'il manqua d'essuyer une larme, il jeta un regard incroyablement reconnaissant à Amos. Mais celui-ci était concentré sur la ceinture.

— « C'est bien ce que je pensais, cette histoire pue le sabotage à plein nez. Je me demande pourquoi il a fait ça… »

— Nox ! tonna Shadis. Puisque cette ceinture t'intéresse tant, tu iras la faire remplacer, tu en profiteras pour en prendre une nouvelle au passage !

— Oui Monsieur, répondit-il en s'emparant de l'objet défectueux.

Il salua Eren d'un signe de tête, croisa le regard reconnaissant de Mikasa, et partit en direction de l'armurerie en examinant la ferrure endommagée.

— « Il aurait quand même pu faire un peu plus d'effort pour dissimuler sa tentative, il y a des traces de tournevis sur le métal… »

— C'était très gentil ce que tu as fais, souffla une voix qu'il connaissait bien.

Levant les yeux de la ceinture, Nox esquissa un léger sourire.

— Tu ne devrais pas me parler en publique, répondit-il sur le même ton sans regarder le petit ange descendu du ciel qui marchait à ses côtés, et je n'ai pas fait ça par par bonté de coeur.

— Je n'en suis pas si sûre, dit Christa Lenz en souriant à son tour, ça fait plaisir de te voir prendre soin des autres.

Amos voulu répliquer, mais la seule chose qui franchit ses lèvres fut un soupir d'exaspération qui arracha un gloussement à la jeune fille.

— On fait une partie d'échecs ce soir ? proposa-t-elle malicieusement.

— Hiss, on ne devrait pas se faire remarquer.

— Et pourquoi pas ? dit-elle en croisant ses bras. Personne ne nous connait ici. On peut très bien passer du temps ensemble, on dit simplement qu'on est des amis d'enfance et puis voilà.

Amos voulu répliquer à nouveau, mais la jeune fille lui coupa la parole :

— Et puis tu parles avec tout le monde, tu peux bien me parler aussi. À moins que tu n'ai peur que je te batte aux échecs ?

Son ton malicieux arracha un bref éclat de rire au grand blond.

— Tu ne m'as jamais battu, fit-il remarquer avant de céder en soupirant de nouveau : d'accord, mais il faut qu'on reste prudents. Aucun de nous ne doit être exposé.

Le sourire qui se dessina sur le visage de Christa fut sans aucun doute le premier vrai sourire qu'elle avait affiché depuis un long moment.

Une fois qu'ils eurent franchi les portes de l'armurerie, elle profita de leur isolement pour se jeter dans ses bras et le serrer contre elle de toutes ses forces.

Amos lui rendit son étreinte.

— Tu m'as tellement manqué, souffla-t-elle.

— Je suis désolé… je suis désolé de ne pas t'avoir rendu visite ces derniers mois, répondit le jeune homme.

— C'est pas grave, je suis juste contente que tu sois là. Je t'aime, grand frère.

— Je t'aime aussi, petite soeur.

Christa sentit un léger pincement au coeur en l'entendant prononcé ces mots, car même s'ils étaient sincères, ils n'étaient pas aussi chaleureux qu'autrefois. À vrai dire, ils n'avaient plus été chaleureux depuis plus de trois ans. Elle resserra son étreinte en pensant à l'ancien temps, et contint ses larmes. Elle donnerai n'importe quoi pour récupérer son grand frère.

NA :

* Holst est le district à l'est du Mur Maria, Shiganshina est au Sud.