Et voilà la dernière partie de ce crossover. J'ai hâte de partager cette histoire avec vous. Il y aura des TW plus souvent, puisque la guerre sera très présente. Bonne lecture !


Chapitre un : Pause révisionnelle


Envy voyait clair pour la première fois.

La vérité dépassait de loin toutes les fictions qu'il avait pu se raconter. Difficile d'imaginer qu'une chose telle que les Horcruxes puisse exister. Bien entendu, c'était gonflé de sa part de juger la technique en elle-même alors qu'il abritait des âmes humaines à l'intérieur de lui, mais tout de même... Déchirer son âme ! Plus que quiconque, il savait à quel point une âme représentait un bien précieux. Voldemort demeurait l'homme le plus dérangé qu'Envy ait jamais eu à rencontrer et il parvenait de moins en moins à comprendre son psychisme.

Lui ne rêvait que d'une chose : devenir humain. Voldemort, lui, faisait l'inverse et devenait progressivement inhumain. Envy abandonnait peu à peu son immortalité, sans en éprouver de regrets, tandis que le mage noir gagnait chaque jour un peu plus de terrain.

Enfin, c'était ce que le mage noir croyait. Deux de ses Horcruxes étaient détruits : son journal et la bague de Gaunt. Trois autres étaient déjà en leur possession : le médaillon de Serpentard, l'épître des Alighieris et Harry Potter. Deux autres objets étaient soupçonnés d'en être, bien qu'ils ne sachent pas où les trouver : la coupe de Poufsouffle et Nagini. Concernant les lieux à fouiller, ils avaient trois pistes majeures : Poudlard, la grotte introuvable et les possessions des Mangemorts. Edward misait sur Bellatrix Lestrange. Envy pariait sur les Malefoy.

Avec ces révélations fracassantes, Envy eut l'opportunité de découvrir le contenu de la lettre laissée par Roméo Serégo Alighieri dans son coffre. Il n'avait pas tout saisi, plus particulièrement dans quelle mesure Nicolas Flamel avait participé d'une manière ou d'une autre dans la quête aux Horcruxes. Edward travaillait encore sur ce mystère et lui révéla les messages laissés par le vieil alchimiste dans les livres qu'il avait légués à Dumbledore. Avec eux, il apprit l'existence réelle des Reliques de la Mort et fit le lien avec le message que la Vérité lui avait fait passer à Edward quelques semaines plus tôt.

La Pierre de Résurrection leur appartenait et ils connaissaient l'identité des propriétaires des deux autres Reliques. Il leur serait donc facile de les récupérer quand les projets de la Vérité pour ces trois artefacts leur seraient révélés. Ce serait encore plus facile en considérant l'incapacité irréversible de Dumbledore à pratiquer la magie. Si l'envie leur venait de lui prendre sa baguette par la force, il ne pourrait qu'abdiquer. Quant à Harry, il leur ferait assez confiance pour leur « prêter » sa cape d'invisibilité.

Ces vagues successives d'information l'avaient lessivé et Envy se demandait comment Edward arrivait à s'y retrouver. Il avait déjà du mal rien qu'à lire les comptes-rendus détaillés dans le carnet de bord du Serdaigle. Entre ses recherches sur les Alighieris, sur Tom Jedusor et sur les Mangemorts, il ne savait plus où donner de la tête. La mission s'en retrouvait immensément complexifiée. D'emblée, il pensait que leur plus grand problème serait de retrouver Voldemort et qu'ensuite il leur suffirait de le tuer comme il l'avait fait avec des milliers de ses ennemis.

Nah ! Évidemment que ce n'était pas aussi simple ! Retrouver les Horcruxes, les détruire, trouver Voldemort, le tuer. Tout coinçait. La première étape était un obstacle quasi insurmontable, puisqu'ils n'avaient qu'une idée des objets utilisés restants, ou de leur emplacement exact, et même de leur nombre ! Il suffisait qu'ils en manquent un seul, et tout serait à recommencer. La deuxième étape paraissait d'abord plus simple, car ils connaissaient les trois moyens de détruire les fragments d'âme. Mais non, encore une fois, il y avait un hic. Et pas le moindre.

Harry Potter n'était pas un Horcruxe comme les autres. Envy comme Edward refusaient catégoriquement de le tuer. Résultat : il fallait dénicher une alternative pour extraire ou détruire le morceau d'âme sans endommager celui qui l'abritait. Ce qui n'était pas une mince affaire. Edward n'avait pas entamé de recherches sur ce sujet pour l'instant, alors Envy se proposa de jeter un œil à la Réserve, étant autorisé à s'y rendre sans avoir à demander l'aval d'un professeur.

Ces deux étapes primordiales surmontées, le reste serait du gâteau. Avec un bon plan et un traquenard, Voldemort ne devrait pas être dur à achever. Envy pouvait en dernier recours l'avaler tout rond et hop, affaire classée !

Le point dont ils avaient le plus débattu pendant leur longue nuit blanche fut pourtant d'un tout autre ressort. Que faire par rapport à l'Ordre du Phénix ? Après la trahison de Dumbledore, Edward ne se résumait que par une seule envie, et c'était la revanche. Envy comprenait aisément cette tentation, même s'il fut obligé d'y opposer son veto. Dumbledore les utilisait, pourquoi ne pourraient-ils pas en faire de même ? Ils avaient besoin de garder le sorcier de leur côté, au moins jusqu'à ce qu'ils puissent mener leur quête indépendamment. Pour le moment, il leur fallait la bibliothèque et les données de première main fournies par l'Ordre. Ensuite, ils partiraient.

Leur plan ne les empêcha pas de commencer à court-circuiter Dumbledore en agissant sans le consulter. La décision hantant le plus la conscience d'Edward n'avait pu attendre avant d'être corrigée, ce qui obligea Envy à envoyer une missive urgente à Caponsacchi pour faire cesser la chasse à l'homme menée par l'Ordre noir. Karkaroff ne payerait pas de sa vie pour une vaine stratégie.

Envy bailla à s'en décrocher la mâchoire en attendant que le courrier fasse sa tardive apparition en ce lundi matin.

– Dure nuit ? commenta Ron en s'asseyant à sa gauche.

Harry dévisagea furtivement Gladpy, comme à la recherche d'une trace de la même fatigue.

– Il s'est passé quelque chose ? demanda-t-il, connaissant le talent de son ami pour s'attirer des ennuis.

– Oh, non, rien de spécial. Je me suis juste réconcilié avec Ed, dit-il assez fort pour que Hermione l'entende depuis la place qu'elle avait prise, plus loin des trois garçons.

Elle entendit sa remarque et se tourna vers lui avec intérêt. Prévisible.

– Euh... Et c'est quoi le rapport avec la nuit que tu as passée ? Quoi que non, je suis pas sûr de vouloir savoir.

Harry rougit. Envy ne réagit pas vraiment au sous-entendu du rouquin, plus impatient qu'Hermione se décide à les rejoindre puisqu'elle n'avait plus de raison de lui faire la tête.

Après un petit flottement, elle vint s'asseoir à côté de Harry en reprenant son petit-déjeuner où elle l'avait laissé, tout en commentant le nouveau décret d'éducation qui venait de faire son apparition dans toutes les salles communes. Celui-ci était une conséquence directe du désastre qu'avait été le match de Quidditch entre Gryffondor et Serpentard, qui s'était conclu sur l'exclusion à vie de Harry, Fred et George de l'équipe après une bagarre avec Drago Malefoy. McGonagall n'avait rien pu faire pour éviter cette catastrophe.

La seule chose qui avait empêché Harry de sombrer dans la dépression était le retour de Hagrid. Mais ce retour ne faisait pas l'unanimité parmi les élèves. Nombreux regrettaient déjà les cours sécurisés de Gobe-Planche.

Angelina passa en coup de vent pour annoncer à Ron — le dernier Weasley encore dans l'équipe — qu'Ombrage avait mis la formation de l'équipe des Gryffondors en attente. Simultanément, les chouettes et hiboux firent leur entrée, l'un d'entre eux atterrit devant l'assiette d'Envy, une lettre confidentielle accrochée à la patte. Il s'agissait de la réponse de Caponsacchi ainsi que d'un extrait de l'article sur le dénouement de l'enquête sur le cambriolage. Le résultat satisfit Envy qui se dévissa le cou pour essayer de croiser le regard d'Edward à la table des Serdaigles. Toutefois, le préfet travaillait à cette heure-ci et ne lui accorda pas un regard.

– Il y a eu plusieurs attentats en pays de Galle, annonça sombrement Harry en massant son front.

Le geste ne passa inaperçu chez aucun de ses trois amis auxquels il accorda une grimace équivoque. Encore un cauchemar avec Voldemort comme acteur direct. Envy y vit une manifestation du morceau d'âme de Voldemort qu'il fut frustré de ne pas pouvoir partager.

– Tu as vu... ce qu'il s'est passé ? chuchota Ron en se penchant vers son meilleur ami.

– Un peu...

– Tu devrais en parler à Dumbledore, conseilla Hermione. Il pourrait peut-être trouver un moyen d'éviter ça.

Envy ne put retenir son reniflement méprisant. Bien sûr, il s'attira l'attention des trois Gryffondors.

– Tu n'es pas d'accord, Envy ?

– Pas vraiment... Le vieux Dumbledore disjoncte un peu, vaut mieux pas lui confier ta santé mentale ces derniers temps. Sinon la prochaine fois qu'on te verra il faudrait t'emmener à Ste Mangouste dans une boite d'allumettes.

– Qu'est-ce que tu veux dire par « disjoncte » ? demanda Harry, déconcerté. Tu dis que Dumbledore est sénile ?

– C'est compliqué. Faites-moi confiance, il vaut vraiment mieux éviter cette option.

– On ne peut pas laisser Harry continuer à voir ces atrocités ! rétorqua Hermione. Il doit bien y avoir une solution.

– Et une potion de Sommeil sans rêves ? intervint Ron.

– Possible, répondit Envy. Harry peut toujours tenter sa chance. Si Pomfresh est dans un bon jour, elle pourrait en donner.

– J'irais à l'infirmerie avant le déjeuner, termina Harry, qui avait hâte de changer de sujet. À part ça... J'aimerais bien savoir comment l'affaire Envy/Ed a repris du service. C'était vraiment mal parti.

– M'en parle pas.

– On n'a même pas le droit à quelques détails ? demanda Ron. Pas sympa. Suis sûr que vous en êtes venus aux poings.

– Oh, les garçons, vraiment !

– Ou alors vous avez pleurniché dans les bras l'un de l'autre toute la nuit.

– Ronald !

– Ils ont dû faire les deux, je pense, commenta Harry avec amusement. Mais dans quel ordre ?

– Ça, c'est la vraie question.

Envy donna une tape à l'arrière du crâne de Ron et administra un coup dans le tibia de Harry.

– On n'a fait ni l'un ni l'autre, pestiféra-t-il avec conviction. On a parlé comme des gens civilisés et-

Le souffle amusé que lâcha Gladpy fit tomber son peu de crédibilité à l'eau. Les deux garçons se bidonnèrent, se moquant ouvertement d'Envy, qui assassina méthodiquement sa garde du corps par la pensée. Si seulement ça s'était arrêté là, mais non, Hermione décida visiblement que ce n'était pas assez et elle interrogea Gladpy pour obtenir la vraie version des faits. Autant dire qu'il mangea en quatrième vitesse pour embarquer l'Auror au loin le plus vite possible.


Une nouvelle semaine commençait, sous de meilleurs auspices qu'Edward aurait pu l'espérer après le week-end qu'il avait passé. Envy et lui s'étaient retrouvés après des semaines de perdition et leur relation était au beau fixe. Le futur à court terme lui semblait moins morose et il gardait bon espoir de réussir à faire du tri dans sa vie pour y voir plus clair, avec l'aide précieuse d'Envy. Ce dernier l'avait d'ailleurs invité à dîner dans le calme de ses appartements au lieu du raffut de la Grande Salle. D'après le mot qu'il lui avait donné avec l'invitation, il voulait aborder un sujet important.

Quand l'heure vint de s'y rendre, Edward jeta un dernier regard par la fenêtre de la tour Serdaigle avant de la quitter. Comme tout le monde aujourd'hui, il avait suivi avec grand intérêt l'agitation prenant place aux abords du lac. Après enquête et étude écologique par des experts de la faune et la flore magique, la décision fut prise de déplacer le calmar géant du lac. Profitant du retour du garde-chasse, Gobe-Planche ainsi que ses collaborateurs du service de contrôle et de régulation des créatures magiques entreprirent d'enlever l'animal de son habitat. Le procédé fut long et laborieux. Le soir venu, le protecteur de Poudlard avait déserté le lac. Le bruit courait qu'on lui trouverait très vite un remplaçant pour maintenir l'équilibre naturel aquatique. Nombreux étaient ceux qui s'inquiétaient que Hagrid serait celui qui choisirait le remplaçant.

Edward en faisait partie. Bien qu'il ne l'avouerait pas au principal concerné. Au contraire d'Envy qui devait être ravi qu'une créature dangereuse prenne le relais. Un vrai cinglé.

Le départ du calmar ne fut pas le seul événement marquant de la journée. Le retour de Rogue fut le plus commenté. Si la majorité des élèves détestaient le professeur de potion, la plupart avaient tout de même accueilli la reprise de ses cours avec soulagement. Manquer quelques leçons terrifiantes et stressantes ne valait pas le coup si en échange ils rataient tous leurs examens en fin d'année. Autre point positif, le talentueux duelliste et professeur de défense contre les forces du Mal qu'il était prendrait le relais des cours supplémentaires de défense. Plus d'heures hebdomadaires inutiles à lancer des charmes du Bouclier à tout va, qu'ils connaissaient tous par cœur depuis le temps. Les choses sérieuses pourraient reprendre.

Edward arriva devant les appartements d'Envy.

Ce fut Gladpy qui lui ouvrit et l'invita à entrer. Elle lui apprit avec un ennui évident qu'Envy était encore sous la douche. Il n'en fut pas étonné et laissa sa cape d'hiver dans l'entrée avant de s'installer au salon pour patienter.

– Merci... pour hier soir, se risqua Edward. Et pour cette nuit, de m'avoir laissé rester.

– Il n'y a pas de quoi.

Ce n'était pas vraiment la réponse qu'il attendait. Un petit indice quant à ce changement drastique de sentiment à son égard serait le bienvenu. Avant, elle n'aurait jamais accepté de son plein gré de laisser Edward rester aussi longtemps en tête à tête avec Envy sans sa surveillance. Pourtant, elle les avait laissés tranquilles toute la nuit et n'était venue vérifier leur état qu'au matin, à l'heure de se rendre au petit-déjeuner dans la Grande Salle.

Gladpy dut remarquer son trouble puisqu'elle ajouta :

– Il avait vraiment besoin de régler ça. C'est gagnant-gagnant, je n'aurais plus à supporter ses sautes d'humeur. Il suffit de voir le changement aujourd'hui. Je ne l'ai jamais vu d'aussi bonne humeur.

– Oh.

– Touflam.

L'apparition du follet le fit bondir. Ses cheveux se hérissèrent sur sa nuque et il se décala brusquement sur la gauche en tapotant son coude, craignant qu'il puisse avoir pris feu au contact de la créature. Heureusement il n'en était rien — le follet jugea son réflexe d'un œil interloqué — et Touflam servit le dîner sur la table basse.

– Soupe aux légumes d'hiver, Gorgonzola, saucisses, pain frais et tarte à la mélasse, énuméra le follet d'un ton mécanique, les mains croisées dans son dos. Bon appétit.

Il disparut dans une gerbe de flammes, laissant Edward vaguement impressionné. Sur toutes les créatures sur lesquelles Envy avait pu tomber pour son service, il avait fallu que ce soit l'une des seules espèces à être intégralement formée de sa plus grande phobie. C'était même à se demander si Envy ne faisait pas exprès de rester dans la salle de bain le plus longtemps possible.

Habituée à ne pas attendre Envy pendant des heures, Gladpy piocha dans les plats en indiquant à Edward d'en faire de même s'il ne voulait pas mourir de faim. Il ne se fit pas prier et ils débutèrent leur dîner dans un silence confortable. Fait rare à noter. C'était le genre d'ambiance qui signifiait clairement : « je n'ai pas envie de t'adresser la parole, bien que ce ne soit pas contre toi », mais au moins, il ne s'agissait pas de la méfiance coutumière de l'Auror.

Edward lâcha un rictus en lisant le titre du livre qu'elle avait posé sur ses genoux. « L'Histoire de Poudlard ». C'était à se demander ce qu'elle pouvait bien y chercher. En tout cas, sa lecture paraissait difficile si on se fiait à son froncement de nez prononcé. À moins qu'il ait mal ressenti l'atmosphère, car son regard agacé se levait par intermittence dans la direction générale d'Edward. Ce n'est qu'après un moment qu'il se rendit compte qu'il ne lui était pas adressé, mais à la porte derrière lui, d'où s'échappaient des roucoulements et des couinements d'origine inconnue.

Edward se tourna pour regarder la porte close de la chambre d'Envy en se demandant ce qu'il pouvait bien fabriquer qui prenait autant de temps et faisait tant de bruit.

– Ce stupide chat, persifla Gladpy entre ses dents en fermant son livre d'un claquement sec.

Ça expliquait les couinements.

Une porte claqua, suivi d'un choc sourd agrémenté d'un « Ouille » doublé d'un juron particulièrement salé. Deux ou trois tiroirs s'ouvrir en grinçant plus que nécessaires puis furent refermés si fort que le meuble cogna violemment contre le mur. Une insulte en amestrian clôt le tout, à moitié étouffé derrière la porte avant qu'elle ne s'ouvre en grand.

– Glad — Tiens, tu es déjà là.

Portant une moitié de pyjama, les cheveux dégoulinants d'eau et sa baguette magique coincée au coin de sa bouche, Envy avait embarqué Greta par le dessous des aisselles et il se pencha par-dessus le canapé pour l'y jeter. La chatte n'apprécia pas et cracha vers son maître avant de fuir derrière le fauteuil occupé par Edward.

– Pourquoi tu me mates comme ça ?

Le ton aguicheur d'Envy fit mi-soupirer mi-sourire Edward. Il désigna silencieusement les yeux d'Envy, pour le prévenir de leur couleur inhabituelle. La réaction d'Envy ne fut pas exactement celle à laquelle il s'attendait.

– Ils sont comme ça depuis lundi, répondit Envy comme s'il discutait de la pluie et du beau temps. Pomfresh m'a filé des lentilles... La baignoire les a... avalé tout à l'heure. J'irai en chercher de nouvelles demain matin.

D'un geste expert, Envy sécha ses cheveux d'un coup de baguette, Greta revenue à la charge pour se frotter contre ses mollets en ronronnant comme un tracteur.

– Tu pourrais t'habiller décemment quand tu es en compagnie mixte, fit remarquer Edward.

– Mixte ?

Edward désigna Gladpy en faisant les gros yeux. Une longue réflexion fit se figer Envy sur place, comme s'il se rendait soudain compte qu'elle était bien une sorcière et non un sorcier.

– Elle a l'habitude, finit-il par dire en partant tout de même enfiler un vêtement. En plus, qui n'aimerait pas voir ce superbe corps ?

Gladpy s'étouffa discrètement avec son morceau de pain derrière son poing. Il la comprenait tellement, pensa Edward avec dépit. Tous les deux partageaient le même fardeau... Cohabiter avec Envy, une lutte de tous les instants.

Sautant sur le canapé, Envy s'étira comme un chat sans toucher le plateau-repas. Il continua à le dédaigner même après que Gladpy lui ait servi un bol de force, tout en racontant en détail comment il avait essayé de faire changer Hagrid d'avis sur les créatures qu'il ferait étudier en classe pendant son inspection par Ombrage. Quelle que soit la surprise que le demi-géant leur avait préparée, il ne mettrait pas son idée au placard.

– S'il revient avec ses Scrouts à Pétard, je les lui ferai bouffer, soupira Edward avec un frisson d'horreur au souvenir des horribles bêtes. Espérons que ça n'aura rien à voir avec le lac non plus.

Les garçons échangèrent un regard entendu. Le lac était une zone interdite jusqu'à ce qu'ils aient pris le problème « médaillon » en main.

– Ça m'étonnerait que le directeur donne son aval, glissa Gladpy. Pas après l'incident.

– On peut s'attendre à tout avec lui.

– Ouais, bon... c'est pas tout ça, mais j'avais une bonne raison d'organiser cette petite réunion, indiqua Envy pour couper court et recentrer le sujet. Barbant, mais urgent, pas le choix.

– C'est-à-dire ? Fais pas monter le suspense.

– Je parle de ton amour immodéré pour l'autorité, le railla Envy en se couchant sur le ventre pour lui faire face. L'uniforme te fait peut-être fantasmer, mais en attendant tu as encore une enquête au cul. On devrait en parler un peu, à mon grandiose avis-

– On dit humble-

– Parce que la dernière fois ça s'est terminé en queue de poisson-

– Hilarant, grommela Edward.

– Exactement. Ils t'ont interrogé depuis l'attaque ?

– J'ai fait ma déposition. C'est tout.

– Gladpy ?

– Pardon ?

– Un avis sur la question ?

– Je n'écoutais pas, répondit sèchement la sorcière en repoussant son livre. Sur quel sujet voulez-vous mon avis ?

– L'enquête sur Ed. Elle avance dans quel sens ?

– Si on peut appeler ça avancer, rétorqua Gladpy. Leurs hypothèses partent dans plusieurs sens qui finissent tous dans des impasses. La théorie du jour est un complot dont Mr Elric serait la tête pensante. Je n'en sais pas davantage. Le Bureau met un point d'honneur à régler la paperasse sur le calmar et à faire le tri dans les expertises écologiques. Maintenant que le calmar a été déplacé, l'intérêt pour l'affaire Elric va revenir.

– Génial.

– Comme tu dis, approuva Envy. Si leurs théories te placent comme suspect, il va falloir faire en sorte de s'en sortir sans trop de dommages. Parce que si ça t'éclabousse, ça m'éclabousse aussi. Ce qui n'est pas idéal dans ma situation. Un scandale sur toi ou sur le Serviteur, ça n'a pas le même impact.

– Merci pour ta considération.

– Je plaisante pas. Imagine un peu si des trucs sur ma vie privée transpirent. On va se retrouver avec des Mangemorts à chaque coin de rue devant notre baraque. Y a de grandes chances pour que le Bureau des Aurors soit déjà infesté.

– Tu proposes quoi ? Je vois bien que tu as une idée derrière la tête.

– Notre petit pote McKollughan, répondit Envy, fier de son idée.

– Si ma mémoire ne me fait pas défaut, la dernière fois qu'il a mené une enquête sur nous, tout le Bureau connaissait la moitié de notre dossier quelques jours à peine après, y compris Barty Croupton Junior. Pas la peine que je te rappelle combien de victimes ça a engendrée.

– Seulement « une moitié du dossier » avait fait surface, releva Envy. C'est mieux que d'avoir toute notre vie étalée chez les Aurors, avec le risque en plus que les journalistes s'en mêlent. Si le Département des Mystères prend ton affaire en main, la seule chose qui en sortira sera des rumeurs. Ça fera moins de risques pour nous et moins de risques pour d'hypothétiques victimes collatérales.

– Comment tu comptes t'y prendre pour demander à McKollughan de nous faire cette fleur ?

– Avec un bon appât bien juteux. Échange Équivalent

Edward considéra Envy avec méfiance.

– Ton idée pue.

– T'étais pas obligé de le dire si crûment, se révolta Envy, vexé. On a moins à y perdre que si on laisse des rapaces comme Rawkin s'en charger. Il serait bien du genre à traiter avec les sbires de Voldemort.

– On ne prononce pas son nom, l'interrompit Gladpy en reprenant part à la conversation. Et pour votre gouverne, il a fait l'objet d'une enquête comme tous les autres Aurors. Il a été trié sur le volet pour protéger Poudlard.

– Pour votre gouverne, rétorqua Envy moqueusement. Je dis son nom si je veux — il a essayé de me tuer, donc on est assez intimes pour que je l'appelle comme ça — et je ne ferai jamais confiance à un type comme lui. Nan, mais vous avez vu sa tronche ? Il a le Mal en lui.

Edward poussa un lourd soupir.

– Bref, reprit-il en accentuant bien le terme. Tu veux attirer McKollughan ici. Bien. Est-ce que tu te rends bien compte qu'il va poser des questions à propos de son enquête originelle ? C'est un risque.

– C'est une opportunité. Tu vas le mener en bateau. On l'a déjà fait et c'était pas si dur.

Gladpy ferma les yeux en inspirant lentement.

– Vous avez menti à un langue-de-plomb. Un membre officiel du ministère de la Magie.

– On a menti à plein de gens, répliqua Envy en souriant innocemment. S'ils se mêlaient de leurs dragons, on n'aurait pas à en arriver là. Et si vous connaissiez cette fouine de McKollughan, vous ne le défendriez pas.

– Je ne le défends pas. Contrairement à ce que vous croyez, je l'ai déjà rencontré, et je ne l'apprécie pas plus que vous. Mais lui mentir n'est pas très judicieux.

– On n'est même pas ses suspects dans l'enquête qu'il mène. Je vois pas où est l'embrouille. Il ne peut rien contre nous.

– Ce n'est pas tout à fait vrai, déclara Edward. Il a rassemblé pas mal d'infos sur nous. S'il lui venait l'idée de s'allier aux Mangemorts ou même à des opposants politiques, ça pourrait vite devenir un enfer.

– La moitié de ce qu'il a, c'est les bobards qu'on lui a sortis.

– Il y a quand même un risque... À cause de la manière dont il a ouvert son dossier, rétorqua Edward avec un regard appuyé.

L'Arcade de la Mort était le pire moyen de pression qui puisse exister. Le seul grand point faible sur lequel ils n'avaient aucun contrôle et que McKollughan pouvait utiliser à sa guise. Ils ne savaient pas exactement dans quelle mesure, mais le sorcier pouvait espionner leurs rares conversations avec la Vérité. C'était vraiment la mouise. En dehors de ça, le plan d'Envy était la meilleure solution pour arranger leurs affaires. Son idée n'était pas si mauvaise que ça après réflexion.

– Mouais, y a ça aussi, concéda Envy finalement. Au court terme, je préfère quand même mon plan. Suffit de le faire venir. Ça m'étonne qu'il n'ait pas déjà accouru en septembre.

– Il s'est peut-être trouvé un autre os à ronger, lâcha Edward.

– Ça, ça m'étonnerait. On est un sujet en or. Il nous lâcherait pour rien au monde. Eh, je viens de penser à un truc !

– Oh non...

– Je sais qui va attirer McKollughan à Poudlard, continua Envy en fixant Gladpy avec un grand sourire.

« Oh non », pensa Gladpy à son tour si fort qu'ils purent presque l'entendre.


« Le moindre faux-pas vous coûtera bien plus que votre carrière »

Cette menace tournait en boucle dans l'esprit chamboulé de Keith McKollughan lorsqu'il arriva à Poudlard, bientôt six mois après sa dernière visite professionnelle. La conclusion de celle-ci étant que la pierre philosophale permettait à ses deux nouveaux possesseurs de revenir à la vie à leur guise.

Ses travaux ne s'étaient pas pour autant arrêtés quand il n'avait plus eu l'opportunité d'interroger ses deux « témoins ». Loin de là. Ses études sur la résurrection ne connurent qu'un plus grand essor suite au drame survenu à Little Hangleton, car contrairement à ses supérieurs qui tentaient par tous les moyens d'étouffer l'affaire et le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom par la même occasion, lui n'avait pas avalé la couleuvre.

Sans compter qu'une source anonyme au ministère lui avait fait transmettre un dossier complet du compte-rendu des événements funestes, son travail de recherche sur la technique nécromancienne utilisée par le grand Mage noir n'en était pas à son terme, et il avait déjà fait publier deux essais au Département des Mystères, à l'adresse de ses collègues Langue de Plombs.

Malgré cette charge de travail titanesque, il n'avait pas oublié quelle affaire l'avait mené si haut. Ce dossier restait gravé dans sa mémoire :

« 15 juillet 1993, 6 juin, 24 novembre et 25 décembre 1994 et pour finir, 31 mai, 24 juin et 26 septembre 1995 »

Il louchait régulièrement sur l'arcade de la Mort, à la recherche de la moindre anomalie. Ce qui avait porté ses fruits, puisqu'il avait assisté à la dernière tache du Tournoi des Trois Sorciers par ce biais. Cette fameuse nuit, Envy Alighieri était mort et ressuscité trois fois. Cette preuve tangible lui avait d'ailleurs permis de ne pas tomber dans le piège des œillères comme Cornélius Fudge. Il savait que Harry Potter et Envy Alighieri disaient la vérité en annonçant le retour de l'Ordre noir. Les informations anonymes qu'il avait reçues n'avaient fait que confirmer.

Son dossier s'étayait quotidiennement de nouvelles théories, certaines qu'il balayait très vite, d'autres qui persistaient. Au bout de longues séances d'écoute des bruits de couloir, de lecture de la presse internationale ainsi que d'espionnage interposé lors de grandes cérémonies, ses hypothèses avaient gagné en précision. La plus importante concernait l'une des questions qu'il se posait le plus souvent :

Pourquoi Envy Alighieri et Edward Elric étaient-ils au centre de tout ?

C'était ce qui l'avait poussé à suivre leur piste. Ces évènements louches, tels que Sirius Black, le Tournoi des Trois Sorciers, Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, le Serviteur suprême de la Sorcellerie, les Alighieris, les attentats à répétition contre leur personne. Rien de tout ça n'arrivait sans raison. Ces deux garçons se trouvaient au centre de cette guerre, sans raison apparente, à part celle d'avoir tout fait pour. Outre la déclaration de guerre contre les Mangemorts en été 1994, outre la lutte interne d'Elric contre Barty Croupton Junior, outre le combat à Little Hangleton, tout revenait au même but : vaincre l'Ordre noir.

Keith ne put qu'en arriver à cette conclusion au bout de ses recherches approfondies sur leurs faits et gestes, même les plus infimes. Parmi ceux-ci, leur passage aux Archives de la cour magique, où il était maintenant quasiment certain qu'ils avaient consulté les anciens procès de Mangemorts. Ce n'était pas tout, en relisant les retranscriptions du peu d'entretiens obtenus avec les deux mystérieux garçons, il avait remarqué un fait étrange corroborant son hypothèse : ils mentaient peut-être comme des arracheurs de dents, mais disaient la vérité dès que cela concernait le Mage noir.

Après l'attaque de la Coupe du Monde de Quidditch, ils avaient annoncé que les coupables étaient des Mangemorts. Le ministère et le monde magique en général leur avaient ri au nez. Avant de moins rire en comprenant qu'ils n'étaient pas les paranoïaques que l'on dépeignait.

Après l'imposture du faux Alastor Maugrey dévoilée, Elric lui avait expliqué en détail le déroulement des évènements. Cette version avait été contredite pendant des semaines, avant d'être prouvée en tous points.

Après les évènements à Little Hangleton, Alighieri avait tout raconté sur le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Son récit avait été nié pendant un mois avant d'être prouvé sans l'ombre d'un doute.

Tout s'était vérifié. Qu'importe qu'on les dénigre et que l'on traîne leur réputation dans la boue, ils n'avaient pas modifié leur version des faits d'un pouce. En observant cette détermination de plus près ainsi que la chronologie des évènements, Keith en arriva à croire qu'ils savaient d'avance que tout cela se produirait. Prophètes, médiums ou visionnaires, il l'ignorait. Dans tous les cas, ils étaient apparus brusquement du néant avec cette certitude et leur seul but semblait de mener cette mission quasi divine à bien.

Des éléments lui manquaient encore. Néanmoins, il avait la conviction que leur grand ennemi en savait au moins autant que lui sur les deux garçons. Le Mage noir s'intéressait de près à eux, ce n'était un secret pour personne. Même si la raison officielle de cet intérêt restait politique pour Alighieri ou de pure vengeance personnelle pour Elric. Mais dans ce cas, pour quelle raison Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom prendrait la peine de mettre leur tête à prix en précisant qu'il les voulait vivants ? Il voulait les interroger et résoudre ce mystère autant que Keith.

D'autant plus qu'il y avait le coffre des Alighieris. Il avait suivi l'actualité Mangemort de loin en espionnant les progrès des Aurors en charge de la chasse aux mages noirs. Bien que personne n'en comprenne la raison, les Mangemorts bougeaient énormément depuis le cambriolage. Les douanes, même avec leur sécurité renforcée, peinaient à suivre leurs allers-retours entre différents pays de l'Union européenne. Keith avait vu le lien, étant donné qu'il suivait activement le nom Alighieri dans la presse.

Le camp ennemi désirait ardemment ce qu'il y avait dans le coffre. La richesse n'était pas l'objectif du Mage noir, donc il ne s'agissait pas d'un bien précieux matériellement. De quoi pouvait-il s'agir ? Une arme assez puissante pour le détruire définitivement ? Le massacre survenu vingt ans plus tôt trouverait là un motif solide qui lui avait manqué pendant toutes ces années. Si la famille sorcière la plus puissante au monde possédait une telle arme, tout s'expliquait. Le grand Mage noir désirait la récupérer, et pour cela il lui fallait l'héritier en vie.

De plus, de tous les ennemis de l'oppression, ils devaient être les plus dangereux. Depuis le départ, ils combattaient, avant même le retour du leader de l'Ordre noir. Trois Mangemorts avaient déjà été livrés au ministère par leurs soins. Barty Croupton Junior, Peter Pettigrow et Corban Yaxley. Le dernier s'apparentait plus à un grand hasard, mais il comptait. Keith avait vraiment manqué une occasion en or en ratant l'attaque survenue au ministère alors qu'il y était présent.

Aujourd'hui, il pourrait réparer son erreur allègrement. Pendant autant de temps qu'il le désirerait, il pourrait garder Edward Elric pour un interrogatoire complet. S'il était chanceux, Envy Alighieri se joindrait également à la fête. Ce dont il ne doutait pas.

Son vœu se réalisa. On le guida jusqu'aux appartements du Serviteur en personne pour l'entretien. Ça s'annonçait bien. Très bien, même. Bien que cela ressemble fortement à un piège ou à une mise en scène, peu lui importait. On lui avait confié une enquête officielle sur Edward Elric et il ne se priverait pas de la faire traîner en longueur pour obtenir le maximum d'informations sur le duo, qui sans surprise ne s'était toujours pas séparé, même après l'intronisation d'Alighieri. D'après ses sources, Elric avait même été un invité du banquet de bienvenue de l'illustre famille. Quelle montée dans le grand monde !

L'Auror chargé de son escorte frappa trois grands coups impatients contre la porte. Elle s'entrebâilla, découvrant le visage exaspéré de l'étrange phénomène qu'il avait rencontré la veille. Agent Gladpy, ancienne tireuse d'élite de baguette magique, Auror efficace et obéissante, formée par le meilleur Auror de son temps. La crème de la crème. Bien qu'elle soit son aînée de six ans, son allure la faisait paraître bien plus jeune. Surtout son physique d'adolescente ayant grandi trop vite.

Son regard tranchait avec cette impression. Si des yeux pouvaient lancer des Avada Kedavra, elle le ferait naturellement.

– ... sais ce que je fais ! vint une voix étouffée.

Gladpy le rejoignit dans le couloir en refermant la porte derrière elle. Keith l'observa faire sans comprendre.

– Votre supérieur m'a prévenu que j'ai interdiction d'assister à l'échange. Vous comprendrez que j'ai besoin de quelques garanties que rien de fâcheux ne puisse arriver à Mr Alighieri durant mon absence. Votre baguette, s'il vous plaît.

L'indignation de Keith n'aurait pu se traduire par des mots civilisés. Il prit l'Auror d'escorte à témoin.

– Quelque chose à y redire, Rawkin ? questionna Gladpy, presque comme une menace.

L'Auror secoua la tête de gauche à droite, laissant Keith se défendre lui-même. Il comprit que le combat serait inutile et sortit sa baguette de sa poche intérieure. Avec réticence, il la tendit à la sorcière qui la prit d'un geste vif pour la ranger dans son holster. Ensuite elle le scanna, à la recherche du moindre artefact magique, n'hésitant pas à procéder à une fouille corporelle complète particulièrement humiliante.

Avec un hochement de tête sec, elle lui rouvrit la porte, le laissa entrer et referma dans son dos. Deux paires d'yeux calculateurs se posèrent sur lui. Il frissonna, se sentant vraiment pris au piège cette fois-ci. Par chance, il gardait précieusement quelques cartes dans sa manche.

– Ça fait un bail, commenta Alighieri, aimablement.

Il arborait une expression de tel contentement de soi que c'en était écœurant. Son entrée dans le monde n'avait visiblement pas fait du bien à son ego sur-développé, pourtant il sentait une différence flagrante, dans la mesure où sa confiance en lui n'était plus feinte, mais bien ressentie. Le « gosse un peu perdu » qu'il avait rencontré n'existait plus. Le jeune homme qui lui faisait face était tout ce qu'il y avait de plus assuré et confiant.

– Effectivement, répondit Keith en serrant alternativement la main des deux sorciers. Votre situation a bien changé depuis notre dernière rencontre. Il s'avère que vous ne m'aviez pas menti sur vos origines.

– Quelle surprise.

Alighieri l'invita à s'asseoir dans son salon. Keith ne manqua aucun détail de la décoration comme des éventuels indices à relever. La chance ne fut pas de son côté, puisque le propriétaire des lieux avait fait en sorte de ne rien laisser au hasard. Il ne remarqua rien de suspect ni en lien avec son enquête.

– J'imagine que Gladpy vous a fait le topo à propos de ce que j'attends de vous, commença Envy, qui prit une position censé le rendre plus imposant dans son fauteuil. On répond à quelques-unes de vos questions et en échange vous reprenez l'enquête sur Edward à la place du Bureau des Aurors. Pour info, les petits termes en fin de contrat vous conseillent fortement de ne rien divulguer de ce que vous apprendrez. Que ce soit pour l'enquête sur l'agression, comme sur... le reste. Vous vous souvenez de ce que votre négligence a provoqué la dernière fois... n'est-ce pas ?

Keith aurait voulu faire ravaler sa langue à ce gamin impertinent, mais la menace de sa supérieure planait quelque part au-dessus de sa tête. Envy n'était plus l'orphelin paumé et sans défense. Désormais il était à la tête des Alighieris, et par conséquent de la société magique. Il pouvait faire ce qu'il souhaitait de lui.

– Comment oublier, répondit froidement Keith. N'ayez crainte, les mesures de confidentialité seront à leur maximum pour tous les dossiers vous mentionnant. L'un comme l'autre. Ma supérieure directe sera l'unique personne à avoir accès aux résumés de nos entretiens. Leur contenu exact restera entre nous trois. Au moins jusqu'à ce que je trouve l'agresseur, cela va de soi.

Peut-être se trompait-il, mais il eut soudain l'impression tenace qu'ils ne souhaitaient pas voir l'identité de ce sorcier révélée au grand jour. Quoi que cela implique, son intérêt pour l'agression s'en décupla. C'était déjà la seconde fois qu'Elric faisait les frais d'une telle attaque. Qu'il soit en si bonne santé relevait du miracle. Il se demandait bien quel allié des Mangemorts avait pu agir ainsi et pour quelle raison. Et pour quelle raison Elric et Alighieri ne voudraient pas que son identité soit connue. Pourquoi protéger un ennemi ?

– Bon ! Par quoi on commence ? s'enthousiasma Envy en tapant soudain dans ses mains. Une idée ?

À son grand étonnement, Elric n'avait toujours pas prononcé un mot. Il restait passivement assis, patient et muet, sans recevoir le moindre regard d'Alighieri à la recherche de son approbation. Leur dynamique avait autant progressé que leurs caractères. Avant, Alighieri se reposait sur les décisions d'Elric et ne les discutait pas. Ici, c'était lui qui menait la danse.

– Je pensais commencer avec la tentative de suicide de ce début d'année.

Elric eut sa première réaction par le biais d'une légère grimace mal aisée.

– Si ça vous chante, dit-il pourtant du ton le plus neutre de son répertoire.