Hey !
Ce texte a été écrit pendant la Nuit du Fof de février, sur le thème Java. Ça m'a fait penser à Asra et Julian - vu que les deux larrons étaient quand-même réputés pour aimer danser, dans le jeu - et ça a donné ça. C'est un peu décousu, mais j'aime bien les trucs décousus.
Oh, c'est le premier UA de ce recueil.
(TW en fin de page !)
Merci à Wizette et Turand pour leur review !
Bonne lecture !
Résumé : Julian le rencontre dans un bar. Il lui propose la seule chose qu'il peut lui offrir : une danse.
Rating : T
Genre : Romance/Fluff/Drama
Univers : UA Moderne.
Pairing : Asra/Julian
Trois danses
.
Des pas, vifs, ça tape. Le sol secoué sous ses pieds. Le tissu qui danse autour, rouge, fluide, tourne et s'élève. Sa semelle frappe le sol, il tourne et enjambe. Inspire et rit.
Il a la peau sombre, presque brune, les cheveux bouclés comme un millier de lunes. Les lèvres lisses et tremblantes, les yeux mauves qui coulent des regards chafouins. De petites mains aux doigts longs, des dents si blanches et… une robe ? Peut-être pas une robe. Un vêtement qui y ressemble, écarlate, cousu de motifs inconnus. Un tissu fluide qui prolonge ses gestes et danse autour de lui. Des jambes courtes, une taille large et franche, de la finesse dans ses formes.
Et une énergie inépuisable.
Julian termine d'une traite la pinte qu'il sirote depuis dix minutes. La bière amère le fait grimacer, mais le liquide froid endort l'angoisse qui lui grouille dans le ventre. Il inspire.
A sa montre, il est deux heures. La nuit s'avance, la fatigue se pointe, mais il ne veut pas rentrer. Pas cette nuit. Pas sans demander à ce type…
Peut-être que ce n'est pas un type, d'ailleurs. Non, peut-être… Oh, il ne sait pas. Il aime juste le regarder danser, et il cherche le courage de se lever. Pour aller prendre sa main.
Tout du long de la soirée, Julian a imaginé des dizaines de refus. Il lui a inventé un sourire gêné, dégoûté, outré, hautain, flatté. Un rire aérien, des excuses maladroites, franches, irritées. Il baisse la tête juste à les entendre rouler dans sa mémoire.
Il commande une autre pinte.
Tout ses amis sont rentrés. Sa sœur a cours, demain. Il est seul à sa table, dans un bar qu'il connaît trop bien, loin des fiches de révisions. L'esprit flottant. La bière fleurit entre ses neurones et il ferme les yeux. Ses pieds jouent sous la table.
Tous ses amis sont partis et Julian attend, seul, une occasion qu'il fuit chaque fois qu'il baisse les yeux.
Les musiques défilent, et les danses. Il aime ça danser, pourtant. Il s'est déhanché plus d'une fois sur la table de ce bar, après un verre de trop à la fin des partiels. Mais il n'ose pas. Il y a ce gars qui danse, et il l'observe depuis si longtemps.
Il boit encore.
La musique change.
Il caresse les planches abîmées de la table. Le verni qui s'arrache sous ses ongles rongés. Les traces rondes que les verres ont laissées. Des cercles qui tournent au bout de ses doigts. Il relève la tête. Et toujours la robe qui n'est pas un robe vole. Il danse encore, et le temps passe et il ne se lasse pas.
Une autre gorgée. Froide. Amère.
Julian inspire. Il se lève, se compose un sourire. Celui qui laisse voir ses dents. Un mensonge plein d'assurance. Il traverse la salle. Son cœur se décompose, mais c'est une main assurée qu'il tend vers le garçon alors que la musique glisse vers des airs de salsa.
— Bonsoir.
Deux yeux surpris l'absorbent.
— Je me présente, Julian Devorak. Danseur de renom en quête d'un partenaire.
L'inconnu l'observe sous ses cils blancs. Des pupilles si noires qu'il s'y perd. Il lui faut tous les efforts du monde pour maintenir son masque.
— Je ne pense pas qu'on puisse encore dire bonsoir au milieu de la nuit.
Une voix pleine de rire l'enchante subitement.
— Mais pour ce qui est de danser, je devrais pouvoir te dépanner.
Et ce sourire.
Julian y tombe, sans chercher à regagner la surface.
xoxoxox
Asra fouille dans le carton plein de poussière. Derrière lui, les yeux gris de Julian refont la courbe de son dos. Il observe son petit partenaire - amant ? Ami ? Petit ami ? - ses gestes brefs, ses doigts souples qui soulèvent une à une les pochettes entassées là. Sa peau qui semble toujours plus sombre sous l'ombre des combles.
A la lumière d'une unique lucarne, les poussières font des danses folles autour d'eux.
— Ah ! Celui-là, ça devrait le faire, Asra déclare.
Un disque noir entre les mains, le garçon retourne vers la platine qui traine dans un coin. Vestige de ce grenier plein de souvenirs où ils le planquent, le temps d'un séjour en famille.
Julian se tourne pour mieux l'observer. Il roule sur le matelas défoncé, ses jambes serrées dans le cuir moulant d'un jean sexy. Son torse nu apprécie la caresse chaude du soleil, mais il lui préfère les mains brûlantes d'Asra. Des mains trop occupées à s'agiter dans l'air alors que la musique s'élève.
Il dans sous ses yeux, pieds nus. Sur des notes qu'il ne connaît pas.
— C'est quoi, il demande entre deux chansons ?
— Skeeter Davis.
— Connais pas.
Un sourcil haussé, Asra l'observe à moitié dépité. Il revient vers lui à quatre pattes sur le matelas, s'avance dans sa direction et s'appuie sur son coude comme il s'allonge à ses côtés.
— Les sœurs Davis. Davis Sisters. Ça te dit rien ?
— Du tout.
— Sérieusement ?
— C'est grave ?
— C'est un motif de rupture.
De rupture ? Julian écarquille les yeux. Le sourire sournois du danseur dément ses propos mais il joue le jeu, porte une main brusque contre son cœur et va pour se redresser. La paume d'Asra le lui interdit.
— Je vais fermer les yeux pour cette fois.
Il remonte ses doigts fins jusqu'à sa bouche. Caresse ses lèvres. Julian fixe les siennes, suspendu à son timbre de sable. C'est fluide, chaud, ça coule dans ses oreilles.
— Quelle indulgence.
Le futur médecin embrasse la pulpe appuyée contre sa bouche. Sans se défaire du regard d'Asra, il passe ses mains autour de la sienne. Dépose des baisers dans la paume ferme, sur son dos, contre ses articulations.
Sa peau porte l'odeur de la lavande qu'il est allé couper ce matin. Il porte toujours des parfums de fleurs, de toute façon. L'amertume des coquelicots qu'il récolte, la douceur des roses qu'il fait sécher au soleil, la légèreté du jasmin qui rampe contre ses murs et l'effluve crispante de la lourde glycine agrippée au porche.
L'index parfumé passe entre ses lèvres et il appuie sa langue contre. Referme ses doigts sur sa peau tendre.
Le regard d'Asra s'allume. Un fer rouge contre sa peau.
Julian remonte le long de ses phalanges. Pour mieux redescendre.
— Je peux savoir à quoi tu joues ?
Il peut presque le sentir ronronner au-dessus de lui.
— Je joue, moi ?
— Oui.
Ses propres yeux passent de ses iris mauves à sa bouche superbe, à ses épaules minces, son torse, les deux cicatrices qui le soutiennent, son ventre et l'élastique de son sarouel.
Il glisse sa langue contre sa paume. La chaleur d'Asra se propage sous sa propre peau.
— Lève-toi.
L'ordre le fait trembler. Le prince impérieux se redresse et s'éloigne. Le soleil découpe des tâches d'or sur sa peau.
Julian se redresse aussitôt.
Il observe la main qu'on lui tend. Pose une des siennes sur sa taille nue.
La musique tourne derrière eux et il laisse Asra mener la danse qui suit, sans s'inquiéter de savoir où il l'emmènera.
xoxoxox
Son téléphone sonne et Julian ouvre les yeux. Quatre heures. Du matin. Et le nom d'Asra sur l'écran.
Il décroche.
— Asra ?
— Eh. Il est… Tu dors pas ?
— Non.
Son cœur s'écrase entre ses côtes.
— Cool. Oui. Ça tombe bien, parce que…
Son timbre qui tombe, se ramasse et se relève laborieusement.
Il déglutit.
— T'es ivre ?
— Non, j'suis…
Complètement déchiré.
— Si, en fait.
Evidemment.
Merde. Julian se redresse. Il ne dormait pas, de toute façon. Il attrape un slim déjà porté, un pull à enfiler par-dessus ce tee-shirt qui pend le long de son corps. Renifle. Ça ne sent pas le propre, pas la sueur non plus. Ça fera l'affaire.
— T'es où ?
— Au Pont Neuf.
— J'arrive.
Silence. Un bruit étranglé. Et c'est Julian qui manque de s'étrangler avec sa salive. Il serre le portable dans sa main.
— Merci, Asra lâche.
Un mot tellement lourd qu'il en sent le poids sur ses propres épaules.
Des fringues, donc, et les clefs de sa bagnole. Il dévale les escaliers, claque la porte de l'immeuble et trace jusqu'au parking. Foncer. Ne pas réfléchir. Ne pas penser, même. Juste, foncer.
Son cul sur les sièges en cuir - qu'Asra déteste. Il démarre le moteur.
Dehors la nuit, et les lampadaires. Julian scrute les trottoirs. Il sait qu'il est encore trop loin, qu'il ne le trouvera pas là, mais c'est plus fort que lui. Il l'imagine recroquevillé dans un coin, ses bras fins contre son corps affaibli, ses cheveux gras et ternes, des égratignures au bout des doigts. Son regard tremblant et ce sourire qu'il a sur la bouche quand…
Quand…
Julian traverse la ville. Il se gare à l'arrache sans payer - qui contrôle à cette heure ? - et passe ses deux longues jambes hors du véhicule. Le Pont Neuf, Asra a dit. Le Pont Neuf. Il se dépêche. Le pavé claque sous ses pieds.
Et il le voit.
Assis, sur la pièce. Une chemise trop large ouverte sur son torse. La peau luisante de sueur. Ses cheveux en pagaille, et ses bras entourent son corps, son front appuyé contre ses genoux.
— Asra.
Il s'approche. Le garçon redresse la tête, brusquement. Le fixe - essaie - de ses yeux brumeux, l'esprit si loin d'ici. Comme au sortir d'un long sommeil qui n'est pas complètement fini. Ou d'un cauchemar.
— Je suis là.
Il le voit qui s'appuie contre le rebord du pont, pousse sur ses jambes et titube, essaie de s'avancer, trébuche dans le vide. Il le rattrape. Sans y penser. Ça se fait tout seul, ses bras autour de sa taille, sa main qui agrippe son poignet. Le début d'une valse qu'il connaît trop bien, maintenant. Qu'il aurait voulu ne plus jamais danser.
— J'ai…
— Doucement.
Il l'amène contre lui, un pas après l'autre. Une main derrière sa nuque. Il le garde en sécurité sous son aile.
Mais Asra est en morceau, et c'est trop tard pour le protéger.
— Je te raccompagne. Je suis garé juste à côté.
Il va pour avancer, mais l'autre attrape son pull, le tissu rêche entre ses doigts. Un long tremblement remonte.
— Il me manque.
Le ventre de Julian se tord.
— Je sais.
— J'ai repensé…
— Je sais, Asra.
Il ne veut pas entendre ça. Tout ce qui fait mal à Asra le traverse et lui brise les genoux. Il ne veut pas entendre ses larmes, ni cette résignation noire dans sa voix. Cette blessure qu'il trifouille et refuse de laisser guérir.
— C'était trop tard.
Ce timbre qui titube.
— Quand je suis rentré, c'était trop tard. Je suis monté et j'ai… Je… Il restait que…
— Ça va aller.
Il ment et il le serre contre lui. Ses doigts dans ses cheveux. Il se penche pour faire un cocon qui le sépare du monde et il murmure, contre son oreille. Il répète.
— Ça va aller. Je suis là.
— Si j'étais rentré plus tôt…
— Je te raccompagne.
— Si j'avais-
— Laisse-moi faire, d'accord ?
Il le serre comme un oiseau blessé. Et il le guide, patiemment. Il recule, Asra avance.
C'est Julian qui mène, cette fois. Un pas après l'autre jusqu'à la voiture.
[TW : Alcool / Ivresse, Mention de deuil]
Et voilà. C'est un peu triste. Je vous laisse donner le sens que vous voulez à cette fin.
A la prochaine !
