Bonjour à toustes !

Un grand merci pour vos nombreuses reviews sur le chapitre 1 !
Et je remercie également la personne qui laissé une review anonyme.

Pour aujourd'hui, je me dois d'ajouter un remerciement particulier. Un immense merci à Havirnyrce Vince qui vient s'ajouter à la liste (courte) des personnes qui relisent et corrigent cette histoire. Toustes mes bêtas ont des qualités différentes et complémentaires et Vince vient parfaire tout ça.
Merci beaucoup pour ton implication !

Côté écriture, soyez assurés que ça continue à avancer. J'ai terminé le chapitre 26 et je pense être maintenant au moins aux deux tiers de l'histoire.

Je vous laisse maintenant avec le chapitre 2 !

Un petit mot pour remercier très chaleureusement Celiag (que vous trouverez sur ffnet ou hpfanfiction) de m'avoir autorisé à utiliser les prénoms qu'elle a donné aux parents d'Astoria. Si vous ne la connaissez pas, allez la lire sur hpfanfiction.

Bonne lecture !


Chapitre 2 — Première altercation

Vendredi 6 Septembre 2019 — Harry

Le réveil qui hurle me sort difficilement du sommeil. Je l'éteins d'une main molle et je m'étire dans le lit. Je me frotte les yeux et je m'assois en me tapotant les joues pour me réveiller. La lumière du soleil est déjà visible entre les deux lourds rideaux de velours opaques. J'avais oublié que Poudlard n'a pas de volets et qu'il est impossible de fermer correctement ces fichues tentures. De toute façon, je ne risque pas d'avoir souvent l'occasion de faire la grasse matinée ici, ça ne devrait pas me déranger outre mesure.

Je me glisse hors de mon lit, mes pieds foulent un épais tapis d'une grande douceur. Je ne sais pas de quel animal provient cette peau, mais c'est très agréable. Hermione en ferait une syncope de savoir que les appartements des professeurs disposent de ce type d'objets. Je la comprends, notre époque et notre proximité actuelle avec le monde moldu devraient nous permettre d'introduire un peu plus de synthétique. C'est loin d'être le cas dans la majorité des endroits exclusivement sorciers.

Je fais quelques étirements, une vingtaine de pompes, et j'enfile à la va-vite un jogging et un sweat à capuche. Un coup d'œil à ma montre, quand je la passe à mon poignet, m'apprend que je suis dans les temps.

Je sors du château en trottinant dans les couloirs déserts. En effet, les élèves doivent à peine émerger du sommeil, pour les plus courageux. J'arrive rapidement dans la cour et j'accélère progressivement pour atteindre ma vitesse de course habituelle. J'entame le premier tour de l'immense parc éclairé par le soleil levant. La nature est belle au lever du jour, l'herbe est humide de rosée qui brille comme des diamants. J'évite soigneusement le saule cogneur et ma foulée régulière me laisse tout le loisir pour penser.

Je crois pouvoir dire que cette première semaine se passe bien, j'ai réussi à ne pas avoir l'air trop ignare devant mes différentes classes. Même avec les plus âgées. J'étais assez mal à l'aise avec ceux-là, il y a eu visiblement plusieurs professeurs dans cette matière et il semblait y avoir quelques lacunes dans leur apprentissage. Je n'avais pas trop préparé les cours des sixième et septième années, ne sachant pas où ils en seraient. J'ai eu l'impression de me revoir à leur place, il y a une vingtaine d'années avec des connaissances éparses dues à la succession des profs de DCFM, plus ou moins compétents.

J'ai remarqué rapidement l'effet « héros » que je produis immanquablement sur les gens et je déteste toujours autant cela. J'ai cependant accepté de répondre à toutes les questions de mes élèves, à la condition que celles-ci se limitent à ce premier cours. Je veux être leur professeur, pas l'ancien héros de guerre ni l'ex-Auror.

Je sens qu'il va me falloir beaucoup travailler les premiers mois pour préparer mes cours, ça ne va pas être de tout repos. Heureusement, je pourrai compter sur le soutien amical de Neville et la présence réconfortante de Teddy. Comme si nous étions de nouveau à la maison. Par ailleurs, le tutorat devrait également m'aider à garder la tête hors de l'eau. Je suppose.

Les premiers échanges avec Malefoy se sont bien passés, il est poli et c'est déjà pas mal. Neville assure qu'il est de très agréable compagnie en tant que collègue et je veux bien le croire, mais j'attends de le constater par moi-même. Ce qui est certain c'est que le Serpentard est bien intégré à l'équipe et très apprécié de tous et toutes, élèves inclus. Son petit discours lundi matin devant la première année n'y est sûrement pas étranger. J'ai été très surpris de le voir prendre la parole sur ce sujet personnel et extrêmement sensible. J'ai été touché par ces aveux, ils sont une preuve indéniable qu'il n'est plus le petit con arrogant et fils à papa de nos jeunes années. Ou alors il est un excellent comédien.

Je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser toute la semaine. Il n'a jamais abordé le sujet entre nous et je respecte cela, je ne le ferai pas non plus. Je ne sais pas s'il attend que je lui en parle, mais je ne me sens pas légitime à revenir là-dessus. J'ai bien vu son regard sur moi à la fin du discours, comme s'il cherchait une approbation ou je ne sais pas quoi. Avait-il peur de ma réaction ? Est-ce que je donne l'impression de juger les gens ? Notre adolescence est loin derrière nous maintenant, nous avons vieilli et l'amitié de nos fils nous a forcés à nous croiser plusieurs fois. Je ne pense pas qu'il se soit senti méprisé. Mais qu'en sais-je ?

Évidemment, je n'ai pas sauté de joie quand Albus m'a annoncé s'être lié d'amitié avec un petit garçon réservé nommé Scorpius Malefoy, mais les enfants ne doivent pas être mêlés à nos anciennes inimitiés. Et puis le gamin est vraiment chouette au final. J'ai fini par accepter que son père ait forcément évolué dans le bon sens puisque Scorpius a été élevé dans le respect de la différence visiblement.

Reste à savoir si nous arriverons à passer cette année scolaire sans que nos anciens démons reprennent le dessus. Il serait mal venu que nous nous battions de nouveau comme des gosses. Je pense pouvoir dire que nous nous respectons un minimum et je ne demande pas plus que cela.

Perdu dans mes réflexions, je réalise que j'ai fait un tour de plus que prévu dans le parc et que je vais encore être juste ! Je me dépêche de revenir à mes appartements et je croise de nombreuses personnes, élèves et professeurs, qui me regardent étrangement. Je vérifie l'heure une nouvelle fois au moment où je passe devant la Grande Salle pleine de monde en train de manger, il est huit heures. Je retourne à la tour Gryffondor au plus vite, n'essayant même pas de marcher tranquillement pour éviter de me faire remarquer.

Je claque la porte derrière moi et je m'habille rapidement en me jetant un sort de nettoyage. Je n'aime pas ça, ça ne lave pas réellement comme l'eau et le savon, mais au moins je ne sentirai pas la sueur et j'aurai l'air propre. Je repars presque aussi vite que je suis arrivé, une pomme dans une main et mon sac avec mes cours dans l'autre. Je maudis ces innombrables et interminables couloirs et escaliers qui me séparent de la classe de DCFM. Parce qu'évidemment, mes appartements sont proches de la Salle Commune de Gryffondor, au pied de la tour, puisque je suis directeur de Maison. Et donc, à l'opposé de ma destination.

Coup de chance, j'arrive au troisième étage et je rejoins ma classe avant que la première année arrive. Ce sera mon deuxième cours avec eux puisqu'ils ont deux sessions par semaine dans cette matière. Je reprends mon souffle, adossé à la porte fermée. J'ai l'impression d'être un étudiant en retard parce qu'il a trop dormi après une nuit débridée. Et je suis certain que ma dégaine pourrait en témoigner.

Je respire amplement, je fais quelques pas pour déposer mes affaires près du bureau et je me lance un nouveau sort de rafraîchissement. Puis, je fais entrer mes élèves en souriant aimablement. Je pense au fait que ce soir, je serai enfin en week-end. Et ça me donne du courage pour affronter cette journée qui n'a pas très bien démarré.

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Mercredi 11 septembre 2019 — Harry

Cette après-midi j'ai cours avec la cinquième année. Ce sera mon deuxième avec eux, mais en fait nous allons vraiment démarrer le programme aujourd'hui. La semaine dernière, la session d'une heure trente a été quasiment entièrement occupée par les questions des élèves à mon encontre. Puis par leurs demandes sur l'année et les BUSE. Ils avaient l'air un peu inquiet, ayant eu un apprentissage découpé par deux professeurs différents. James m'en a parlé pendant l'été et cela a contribué à me faire accepter le poste. La peur de rater leurs examens est compréhensible et je donnerai le maximum pour suivre le programme et rattraper les éventuelles lacunes.

La cinquième année est dévolue aux sortilèges de défense et nous ferons autant de pratique que de théorie. Quand je pense à ma propre cinquième année avec Ombrage, j'en tremble encore de colère. La cicatrice sur ma main gauche est quasiment invisible aujourd'hui, mais elle reste gravée dans ma chair.

Il est treize heures quinze et j'installe les tables des élèves en deux arcs de cercle en direction du tableau. J'ai déjà décalé mon bureau contre un mur, je n'en aurais pas besoin pendant ce cours. Alors que je fais léviter l'une des dernières chaises, la porte de la classe s'entrebâille après deux coups brefs sur le bois. Je crie « entre » un peu inutilement puisque Malefoy a déjà poussé le battant.

— Je referme ?

— Laisse ouvert, il est presque l'heure de toute façon.

Je termine le déplacement du mobilier en regardant distraitement mon ancien rival se poser à moitié assis sur mon bureau, les bras croisés. En tant que tuteur, il est venu assister à l'un de mes cours pour m'aider à m'organiser, visiblement. Je pense que c'est aussi une façon de vérifier que je ne fais pas n'importe quoi avec les élèves. Ce qui peut se comprendre, après tout je n'ai aucune formation pour être professeur. Mon passé d'Auror est probablement l'un des meilleurs parcours pour enseigner la Défense Contre les Forces du Mal, mais il est quand même rassurant de constater que les nouveaux arrivants ne sont pas lâchés sans accompagnement. Ma promotion — ainsi que de nombreuses autres — en a suffisamment souffert comme ça.

Pour le coup, depuis la reconstruction de Poudlard et sous la direction de McGonagall, les choses ont beaucoup évolué de ce côté-là. Avec les années, elle a vraiment pris en compte les compétences des professeurs de l'école et elle a progressivement remplacé celles et ceux qui devaient l'être. Sans brusquer ni traumatiser personne comme cette ordure d'Ombrage. Au final, la majorité de nos anciens enseignants n'exercent plus, soit parce qu'ils ont pris une retraite bien méritée, comme Chourave, Slughorn, Binns, bientôt McGonagall elle-même et probablement Flitwick d'ici quelque temps, soit parce qu'il fallait les remplacer puisque le poste était vacant, comme en Métamorphose et Étude des Moldus. Quant à la Divination, Neville m'a raconté qu'après avoir imposé à Trelawney d'être secondée par Firenze, la directrice avait carrément supprimé la matière après le départ volontaire de la vieille femme à l'été 2015, libérant le centaure de sa charge de travail par la même occasion.

— Besoin d'aide pour t'installer, Potter ?

— Non merci, j'ai fini, je lui réponds en déposant au sol la dernière chaise.

Je suis content de cette nouvelle mise en place. Si ça fonctionne, je laisserai les choses ainsi. Je n'aimais pas l'idée d'avoir certains élèves tout au fond de la pièce, n'ayant quasiment que le dos des autres pour seul panorama pendant les cours. Même si ça arrangeait bien mes fils apparemment. Maintenant, tous devraient me voir sans être gênés.

Les étudiants commencent à entrer et je constate immédiatement la perplexité devant cette organisation inhabituelle. Je les invite à s'asseoir où ils le désirent. Bientôt, tout le premier groupe est là. Je me souviens rapidement que James est dans le deuxième. J'aime bien cette répartition originale. Malefoy m'a expliqué dès le premier jour comment ça se passait. Pour les matières principales, de la première à la cinquième année, il y a deux groupes de nombre équivalent, avec des élèves de chaque Maison tirés au sort. Ainsi, les compositions changent d'année en année et tout le monde a l'occasion de côtoyer tout le monde pendant ces cinq années. Pas de rivalité excepté les points attribués ou retirés. Pour la sixième et septième année, comme les matières sont toutes des options, ce sont des classes uniques, le nombre étant restreint de lui-même par les choix des élèves, il n'y a que l'Étude des Moldus qui reste obligatoire pendant les sept années, sauf pour les nés-moldus qui ont le droit de ne pas y aller.

Maintenant que tous mes étudiants sont installés, je m'avance un peu au milieu de ces arcs de cercle et je souris. J'essaie de donner l'impression d'être confiant, mais la vérité c'est que j'ai la trouille de me planter. Pourtant je maîtrise le sujet sur le bout des doigts, ça a été mon travail pendant des années. Mais devoir enseigner tout cela à des gamins et gamines de quinze ans est bien différent, c'est une grosse pression. Je suis certain que Malefoy jubile en silence, devinant mon malaise.

Je me lance.

— Comme vous le savez, nous allons essentiellement étudier cette année les sortilèges de défense et quelques créatures qui en sont la cible. Il y en a de tous les niveaux, du plus simple au plus complexe. Ils peuvent être classés en deux catégories : ceux qui sont purement défensifs ou protecteurs et les autres, qui peuvent être utilisés également pour « attaquer » ou pour des usages plus triviaux.

Je m'arrête un instant afin de vérifier que tout le monde suit, avant de reprendre :

— Par exemple, vous maîtrisez le sortilège d'Allumage de baguette depuis votre première année, vous le lancez pour vous éclairer presque au quotidien. Il existe deux variantes principales : Lumos Solem et Lumos Maxima. Saviez-vous que la lumière peut être particulièrement efficace pour vous libérer d'un Filet du diable ou repousser un vampire ? Pas un simple Lumos, évidemment, et il faut y mettre une certaine puissance. Ce qui devient de ce fait un exercice bien plus compliqué.

De nouveau, je fais une pause. Je vois les regards changer, les élèves se concentrer, peut-être pour se remémorer d'anciens cours. Tant mieux, j'ai accroché leur intérêt.

— Vous vous doutez que nous ne pouvons pas étudier l'intégralité des sorts utilisables en défense, d'autant plus que vous en avez déjà appris beaucoup, et que d'autres seront vus en Sortilèges, nous allons donc nous concentrer sur ceux qui sont purement défensifs. Commençons par les lister. À vous de jouer, dites-moi ceux que vous connaissez !

Je me recule un peu en gardant le sourire. Je prends ma baguette et ensorcelle discrètement une craie en informulé, afin que les réponses de mes élèves s'inscrivent au tableau automatiquement. Quelques visages sont perplexes, mais je repère déjà une ou deux personnes qui se préparent à lever la main. J'espère que les faire participer va les intéresser au sujet.

Une main se tend sur ma droite et deux autres à gauche. Je suis content, ça semble les avoir interpellés. Je remarque quand même que les élèves qui veulent répondre sont parmi ceux m'ayant posé des questions la semaine passée. Les moins timides probablement. Je donne la parole à une jeune fille blonde de Gryffondor, puis à deux garçons de Serpentard.

— Protego.

— Le sortilège de Désillusion !

— Le repousse-moldu ?

Les mots des élèves s'inscrivent au tableau spontanément.

— Les trois propositions sont bonnes, il s'agit en effet de sorts exclusivement défensifs ou protecteurs. Aucun d'eux ne peut être utilisé ni pour attaquer ni pour autre chose. On peut émettre une réserve sur le Repousse-Moldu qui, bien que protecteur pour nous, sert essentiellement à la préservation du Secret. Mais vous vous rendrez compte qu'un certain nombre d'enchantements sont ainsi à la frontière entre deux catégories.

Je poursuis mon cours en incitant les élèves à donner de nouvelles réponses. Certaines sont bonnes, d'autres non et j'explique pourquoi. Je termine moi-même la liste une fois que leurs connaissances ne suffisent plus. Je ne rentre pas encore dans les détails de chaque sortilège et de leurs variantes, ça sera pour les prochaines semaines. L'ambiance est agréable et stimulante, les élèves semblent apprécier de ne pas juste écouter un cours magistral en recopiant. Je me le note pour plus tard : essayer d'être interactif le plus possible. Avec un pincement au cœur, cela me rappelle douloureusement Remus et ses quelques mois en tant que professeur. J'ai toujours aimé la DCFM, mais avec lui c'était vraiment intéressant et il nous faisait participer. Je soupire intérieurement et je cache mes émotions, un peu triste de me rendre compte qu'à l'aube de mes quarante ans, les absents me manquent toujours. Aucun d'eux n'a atteint l'âge que j'ai aujourd'hui et cela me fait une drôle d'impression.

Je surveille régulièrement du coin de l'œil l'horloge située au-dessus du tableau, placée dans mon dos. Et je passe à chaque fois sur la silhouette de Malefoy qui est resté en retrait, demi-assis sur le bureau. Il s'est détendu au bout d'un moment et a abandonné les bras croisés et son air renfrogné, s'appuyant nonchalamment de ses mains sur le bois, un peu en arrière. Quand j'y pense, j'ai du mal à croire que ce type soit le même qui m'a persécuté pendant des années alors que nous étions mômes, il a l'air tellement plus ouvert et avenant.

Je garde les quinze dernières minutes pour demander à mes étudiants ce qu'ils pensent de la nouvelle mise en place des tables. Les réactions sont assez positives et ça me rassure sur mes capacités. Je suis encore un peu capable de comprendre les jeunes.

— D'autres questions avant que je vous laisse partir ?

Une main se lève timidement. Un garçon que je n'ai pas beaucoup entendu, c'est un Serdaigle. Je lui donne la parole d'un mouvement de la tête.

— Qu'est-ce que le professeur Malefoy fait ici, monsieur ? Vous prévoyez des cours en commun avec les potions ? demande-t-il avec un air inquiet.

Je n'arrive pas à retenir un éclat de rire et je me tourne vers Malefoy. Un léger sourire ourle ses lèvres.

— Rassurez-vous, il n'y a pas de projets communs entre nos deux matières. Le professeur Malefoy est mon tuteur, car je n'ai jamais enseigné auparavant, il est là pour m'aider à m'intégrer et vérifier que je ne vous raconte pas de sottises.

Ma boutade a le mérite de faire rire mes étudiants et un coup d'œil dans sa direction m'indique que Malefoy aussi, même s'il reste discret.

C'est l'heure de les laisser partir et ils sortent en discutant, oubliant rapidement qu'ils sont encore en présence de leurs professeurs. J'envie leur insouciance, que je n'ai jamais vécue.

J'ai maintenant trente minutes devant moi avant que le deuxième groupe de la cinquième année arrive. Pas grand-chose à préparer puisque je vais donner le même cours, j'efface simplement le tableau. Je n'utilise pas la magie, je prends le tampon qui soulève un petit nuage de poussière de craie et je frotte lentement et consciencieusement toute la surface. Je sens le regard de Malefoy qui m'observe.

— Dis-moi, Malefoy, je croyais que les gamins avaient l'habitude des tutorats des nouveaux profs ? Surtout que je suis le troisième dans cette matière pour eux. Ils semblaient très étonnés de te voir ici, pourtant.

— Chaque arrivée est différente, Potter, fait-il en se redressant de sa position détendue. Avec toi, je préfère prendre toutes les précautions et m'assurer en personne que tout se passe bien.

Je fronce les sourcils, je n'aime pas le sous-entendu.

— Ça veut dire quoi ? Tu insinues que je pourrai mal me comporter avec les étudiants ? Je te signale que mes deux gosses sont scolarisés ici !

— Ne prends pas si vite la mouche, Potter. Laisse-moi donc t'expliquer ce que je voulais dire. Tu as été Auror, pendant quoi, quinze ans ?

— Dix ans, je grogne entre mes dents, les bras croisés dans une attitude clairement défensive.

— Bon, dix ans. C'est un parcours idéal pour la DCFM en termes de connaissances, que je ne juge pas de toute façon, mais ce n'est absolument pas la même chose que l'enseignement ! Suffit de voir l'ex-Auror complètement parano qu'on a eu en quatrième année !

— Un scoop pour toi, Malefoy, ce n'était pas le vrai Alastor Maugrey, mais un Mangemort sous polynectar.

— Parce que tu penses que je ne le sais pas ? En attendant, le faux Maugrey a agi exactement comme l'aurait fait le vrai, sinon il se serait trahi rapidement. Je maintiens que la carrière d'Auror doit sûrement rendre un peu givré. Même si tu t'es arrêté au bout de dix ans, je n'avais aucun moyen de savoir si ça tournait rond dans ta caboche.

Je reste silencieux un instant, perplexe. Est-ce que je comprends bien ce qu'il m'explique ? Il s'inquiète pour les élèves ou pour moi ?

— Merci de te soucier de ma santé mentale, Malefoy, je réponds un peu abruptement, mais elle va beaucoup mieux que pendant ma scolarité où un sorcier maléfique, et ses partisans, ont tenté de m'assassiner une bonne dizaine de fois et où j'ai été harcelé sans arrêt par des petits cons arrogants. Ah ça, j'ai rendu riche le psymage qui m'a suivi pendant des années !

Il se renfrogne. Je me doute que ça n'a pas dû lui plaire que je lui rappelle cette période pendant laquelle il m'a beaucoup insulté et où son père a attenté plusieurs fois à ma vie. Période où il devait sûrement trépigner d'impatience à l'idée que je disparaisse. Pourtant, curieusement, il n'explose pas. Je le vois serrer les poings et son regard me fusille.

— Ce qui m'importe le plus, ce sont les enfants. Maintenant que j'ai pu constater que tu sembles apte à enseigner, je ne viendrai plus t'importuner pendant tes cours. Et puis j'ai du boulot moi aussi, répond-il d'une voix glaciale légèrement traînante.

Et il s'en va en claquant la porte de la classe, me laissant un peu surpris. Bon, on aura mis une semaine et demie à se prendre la tête, ce n'est pas si mal finalement. Très franchement je suis presque étonné que ce ne soit pas arrivé plus rapidement. On n'efface pas si facilement une inimitié de presque dix ans, même s'il s'est écoulé deux fois plus de temps depuis.

Je soupire et me passe la main sur le visage. Les minutes s'égrainent, les élèves vont finir par arriver et James se trouve dans ce groupe. Je dois reprendre mes esprits et donner mon cours comme si de rien n'était. Ça fait mal de l'admettre, mais Malefoy a raison : les enfants d'abord.

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Dimanche 15 septembre 2019

Edward « Teddy » Lupin parcourt les couloirs pour rejoindre les appartements de Harry. Au pied de la tour Gryffondor, il croise James qui sort de la Salle Commune et ils toquent ensemble à la porte de leur père. Ce dernier ouvre avec un grand sourire et le jeune homme se rend compte qu'Albus est déjà arrivé.

Il s'installe à la petite table ronde à côté du cadet Potter qu'il considère comme son frère, et il observe les lieux. Ça ressemble à ses appartements à lui sauf que c'est un peu plus grand. Cependant, à quatre autour de cette table, ils sont déjà à l'étroit. Cet endroit n'est visiblement pas fait pour recevoir une assemblée nombreuse et c'est sûrement fait exprès.

— Thé ou chocolat chaud ? demande Harry à la cantonade.

— Thé, répond James immédiatement.

— Chocolat, sourit Albus.

Teddy hésite, il a terriblement envie d'un chocolat, mais il a l'impression que ça ne fait pas très adulte. Or, maintenant qu'il est presque un professeur pour de vrai il essaie de faire des choses de grande personne. Harry a compris son dilemme et lui prépare un chocolat sans attendre sa réponse. De toute façon, la théière sera disponible aussi. Teddy se laisse finalement aller, ici il n'a pas besoin d'être Edward Lupin, assistant-professeur de Botanique, mais juste Teddy.

— Comment ça se passe ce début d'année, Teddy ? demande Harry en déposant les boissons sur la table. Pas trop stressé par tes cours solos ?

— Ça va. Neville m'a laissé les deuxième, troisième et quatrième années, les plus faciles. J'ai repris les cours de l'an passé en gros et je fais un peu à ma sauce. Il me fait confiance et c'est très agréable. Et toi ?

— Pour le moment, personne ne s'est plaint donc je suppose que ça va...

— Tu te sous-estimes Papa, le coupe James, ton premier cours sur les sorts défensifs était super ! Les copains ont adoré ! Et puis franchement vu le dernier prof c'était pas dur de faire mieux.

— Merci, mon grand.

— Et... heu... avec le professeur Malefoy ? demande Albus d'une petite voix. Scorpius m'a dit que son père avait fait la tête toute la soirée mercredi, et qu'apparemment c'était ta faute.

Les trois garçons regardent Harry avec curiosité. Ce genre de choses les intéresse au plus haut point, ils savent tous les trois que la scolarité de leur père n'a pas été de tout repos et que le professeur Malefoy était dans le camp adverse. Mais ils ne connaissent pas tout et ils aimeraient être dans le secret de ce que leurs parents ont vécu.

— Ah, il a fait la tête à cause de moi ? On s'est disputés mercredi après-midi, un truc d'adulte, ne vous inquiétez pas.

— Ça a un rapport avec quand vous étiez jeunes ? insiste James.

— Plus ou moins, oui. Difficile de passer au-delà de nos anciennes rancœurs, je suppose.

— Et si vous vous demandiez pardon, ça s'arrangerait, non ?

Teddy sourit de la naïveté enfantine d'Albus. Il est terriblement intelligent, mais il n'a que treize ans et ça se sent parfois. Le jeune homme aime ça, cette candeur de son petit frère, qu'il perdra sûrement bientôt.

— Al, si c'était aussi simple que ça, Papa et monsieur Malefoy seraient amis depuis longtemps !

— James, n'embête pas ton frère. L'idée en elle-même n'est pas mauvaise Albus, mais c'est effectivement beaucoup plus compliqué que ça. Ne vous inquiétez pas, ça va se tasser.

Albus se déride un peu et James grimace. Ce genre de choses devient rare depuis qu'ils sont tous les deux à Poudlard, ils se voient moins, car ils sont dans des maisons différentes et n'ont plus vraiment l'occasion de se titiller. Au contraire, ils sont très soudés devant le reste de l'école. Le groupe qu'ils forment avec leurs cousins et cousines, et Scorpius, est connu de tout Poudlard et personne n'ose les embêter. Teddy regrette presque de ne plus être étudiant, il ne peut plus vraiment faire partie de ce petit clan Potter-Weasley qui existe depuis quelques années maintenant. Il est adulte et est un professeur, ou presque. C'est un peu barbant parfois.

Pendant ce temps, Harry a ramené des biscuits et les garçons se précipitent dessus. Il n'y a bientôt plus que des bruits de mastications et quelques soupirs de contentement. Teddy est heureux, cela fait si longtemps qu'il n'a pas connu de moment en famille, comme avant. C'est sa troisième année comme assistant-professeur et pendant les vacances, ainsi que parfois le week-end, il réside seul dans son appartement de Pré-au-Lard. Enfin, officiellement seul, mais Victoire vit quasiment chez lui. Avant ça, il habitait chez Harry — ou Ginny — avec James et Albus, depuis que sa grand-mère était trop fatiguée pour s'occuper de lui à temps plein. Harry est son parrain, mais Teddy le considère comme son père, il l'a presque élevé. Il avait proposé un jour de l'adopter, mais Teddy voulait garder le nom de son vrai père et cela aurait été impossible s'il était devenu officiellement le fils de Harry. Ce dernier avait très bien compris et ne lui en avait pas tenu rigueur. De toute façon il l'avait toujours considéré comme son premier enfant, un papier n'aurait rien changé à ça.

Teddy regarde Harry et devine que la conversation à propos du professeur Malefoy le tracasse. C'est aussi ça être adulte, c'est se rendre compte de problèmes qui ne l'auraient pas effleuré quelques années plus tôt. Et il connaît assez bien Harry pour savoir que cela lui pèse. Il se dit qu'il restera discuter avec lui quand les deux garçons seront repartis tout à l'heure.

Finalement, le temps passe si vite que Harry propose à ses enfants de dîner là plutôt que d'aller dans la Grande Salle. Tous les professeurs ayant des enfants scolarisés ont le droit de manger avec eux le soir s'ils le veulent. Harry ne souhaite pas l'imposer parce qu'il se doute que les garçons préfèrent rester avec leurs amis, pour ne pas avoir l'air favorisés. Mais Harry ne peut cacher sa joie quand ils acceptent tous les trois, cela lui fait du bien de retrouver sa famille au complet. Et il se promet de proposer un dimanche ensemble régulièrement.

Quand les deux plus jeunes garçons rejoignent leurs dortoirs avant l'heure du couvre-feu, Teddy reste encore un peu avec Harry. Ce dernier sort du Whisky-pur-feu et en verse deux petits verres avant de la ranger. Le métamorphomage le reconnaît bien là : il s'assure que la bouteille ne finira pas vide alors qu'ils travaillent tous les deux le lendemain matin. Parfois, Teddy aime bien ce nouveau statut d'adulte, surtout quand il s'agit de se promener à n'importe quelle heure ou consommer de l'alcool.

Ils sirotent en silence leur boisson, lentement. Teddy prend son temps, c'est fort. Il laisse la fumée s'échapper de ses lèvres après chaque petite gorgée qui lui brûle la bouche, l'œsophage et l'estomac.

— Harry ?

— Oui, Teddy ?

— Tu peux me dire la vérité à moi. Il s'est passé quoi avec Drago Malefoy ?

— Il est mon tuteur, tu sais, comme je suis nouveau prof. Il était dans ma classe mercredi, le cours du groupe avant celui de James. À la fin on s'est engueulé parce qu'il était en fait venu vérifier que je n'avais pas la cervelle pleine de joncheruines, comme dirait Luna. Soi-disant qu'être Auror trop longtemps ça rend zinzin... Je l'ai pas très bien pris et je lui ai balancé un commentaire un peu vache en rapport avec l'époque de notre scolarité. Il est parti en concluant que visiblement j'allais suffisamment bien pour donner des cours aux enfants et il a claqué la porte. Depuis on ne s'est même pas dit bonjour, je crois.

Teddy se force à garder son sérieux. Il se doutait que ce genre de choses allait arriver. Tous les gens qui connaissent Harry le savaient. Il avait même pris des paris avec Neville et son oncle Ron. Il a conscience que ça pourrait mal tourner, mais il a quand même envie de rire de cette situation grotesque et puérile.

— Vous êtes vraiment des gosses en fait, lâche-t-il finalement, on dirait pas que vous allez avoir quarante piges hein. Même moi je suis plus mature que ça !

— Pardon ?

Harry est un peu offusqué. Et surpris.

— Harry, il était évident que vous alliez vous prendre la tête tous les deux. Ça n'en reste pas moins ridicule ! Il s'est écoulé plus de vingt ans depuis cette époque et vous êtes incapables de passer au-dessus. Pourtant, Drago n'avait de problème avec personne ici. Jusqu'à ce que tu arrives.

— Alors c'est ma faute ? Tu ne l'as pas entendu insinuer que j'étais un mec dangereux pour les élèves !

— Tu es certain de ne pas l'avoir un peu asticoté ? Je t'assure qu'il est vraiment sympa d'habitude.

Harry ouvre la bouche puis la referme. Et soupire. C'est le moment de se remettre en question.

— C'est vrai que tu le côtoies depuis deux ans déjà. Et tu l'as eu comme prof aussi. J'ai peut-être mal interprété ses propos et on est montés aux créneaux directement. Je ne voulais pas que ça arrive.

— Ouais, je me doute bien. Tu sais ce qu'il te reste à faire ?

— Hé ! Je ne suis pas le seul à m'être mal comporté, pourquoi est-ce que ce serait à moi d'aller m'excuser ?

Teddy lève les yeux au ciel.

— Papa ! Même Albus, à treize ans, a plus de maturité que toi sur ce coup-là... Et puis, Drago est vraiment très très rancunier et particulièrement têtu, il ne viendra jamais en premier.

— Dis donc, tu as l'air de bien le connaître. Il n'a pas quelques petites failles que je pourrais exploiter, non ? sourit Harry pour détendre l'atmosphère.

— Tu es incorrigible, râle Teddy avant d'éclater de rire.

Ils rient tous les deux un moment. Et Teddy décide qu'il est assez tard et qu'il va rentrer se coucher. Il dit au revoir à Harry en le serrant longtemps dans ses bras. Il a beau avoir vingt-et-un ans, il a encore besoin de ça. Et ça faisait des mois qu'il n'avait pas pu se laisser aller ainsi, il n'a quasiment pas vu Harry de l'été et jamais seul. Teddy est pudique et n'aime pas montrer ce genre de faiblesses aux autres. Maintenant qu'il a grandi, il a l'impression que c'est indigne d'un adulte de demander de la tendresse à celleux qu'on aime. Personne ne lui a jamais dit qu'au contraire, c'est important et que c'est loin d'être une faiblesse.

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Mercredi 18 septembre 2019

Drago travaille sur le cours qu'il doit donner à la septième année le surlendemain. Il apprécie que son planning lui laisse le mercredi après-midi libre, ainsi il a du temps en milieu de semaine pour préparer ou corriger, et Scorpius vient souvent le voir. La troisième année n'a pas cours le mercredi, Drago profite un peu plus de son fils. Évidemment, plus les années passent et moins son garçon reste avec lui pendant ses temps libres, il grandit et aime bien l'autonomie que l'école lui permet. Cependant, ils sont très proches tous les deux. Les circonstances de la vie ont soudé la petite famille qu'ils forment et Drago a mis un point d'honneur à éduquer son fils comme il aurait voulu l'être : avec amour, bienveillance et respect. Et loin des idéaux anciens et dépassés des Sangs-Purs. La mère de l'enfant ne l'aurait de toute façon pas permis.

Septembre 2008

Drago regarde son fils de deux ans jouer avec ses cubes en bois. Il n'a connu que cette maison, plutôt petite, mais confortable et surtout bien suffisante pour trois personnes. Drago sait qu'il va chambouler la vie de son enfant encore plus que c'est déjà le cas. Il espère qu'il ne se rappellera pas le double traumatisme : perdre sa mère aussi jeune et déménager à des milliers de kilomètres d'une partie de sa famille. Famille qu'il a toujours connu et qui l'aime tendrement.

La clochette de la maison sonne et Drago se lève pour aller ouvrir. Il laisse entrer Elliott et Agatha Greengrass qui font visiblement un effort pour sourire. Il les attendait. Il accompagne le couple jusqu'au salon puis s'excuse pour aller chercher Scorpius. Il n'aime pas le savoir seul dans sa chambre trop longtemps sans personne pour veiller sur lui. Et maintenant il n'y a plus que Drago pour veiller sur son fils. Iels n'ont jamais eu d'elfe de maison ou de nourrice.

Il dépose le petit garçon sur le tapis avec des jouets qu'il a ramené de la chambre. Scorpius se rend compte que ses grands-parents sont là et se précipite sur eux, un peu maladroitement. Agatha le prend dans ses bras, l'embrasse sur le haut de la tête et Elliott le chatouille. Le rire de Scorpius éclabousse les murs de la pièce et amène un peu de joie chez les trois adultes qui sont au plus mal. L'enfant demande rapidement à retourner jouer et s'absorbe dans la création d'une colonne de cube de bois.

Comment vas-tu ? questionne doucement Elliott.

Je m'occupe de Scorpius, ça m'oblige à faire autre chose que ressasser la mort d'Astoria... Et vous ?

Comme tu t'en doutes, pas très bien. Nous savions tous que notre fille était condamnée, mais c'est plus difficile que prévu d'y faire face maintenant que c'est réel.

Daphnée est aux petits soins pour nous, ajoute Agatha, ne t'inquiète pas. Il va falloir du temps, tout simplement.

Drago soupire. Il se sent vraiment mal. Et ce n'est pas uniquement le décès de sa femme qui le tourmente. C'est de mentir ainsi à ses beaux-parents depuis des années, des gens réellement adorables et qui l'ont accueilli sans réserve cinq ans plus tôt. Il aimait sincèrement Astoria, mais comme une confidente, une excellente amie, et la douleur de son décès est moins vive qu'elle ne devrait, il le réalise. Il a toujours tout fait pour tomber amoureux d'elle, mais ça n'est jamais arrivé et elle le savait. Elle l'acceptait parce qu'elle se doutait de la vérité. Une vérité que Drago a fini par admettre, mais qu'il a du mal à accepter, son éducation a encore beaucoup de prise sur lui et il ne peut s'empêcher de se croire anormal. Au moins, maintenant il a un héritier, une chose que les hommes sorciers homosexuels ne peuvent obtenir habituellement. Mais cela ne soulage que très peu sa conscience de se savoir différent, à la marge. Une énormité de plus aux yeux de la bonne société, comme si être un ancien Mangemort ne suffisait pas. Au moins, personne n'est encore au courant qu'il aime les hommes. Et il compte bien faire en sorte que personne ne le soit jamais. Il ne veut pas que son enfant souffre de l'image de son père, porter le nom de Malefoy sera sûrement déjà bien assez compliqué.

Es-tu certain de ta décision, Drago ? C'est un peu rapide tout de même, Astoria n'est enterrée que depuis deux semaines.

C'est très dur de rester ici, cette maison était la nôtre et j'ai tellement de souvenirs qui m'assaillent... Par ailleurs, nous avions décidé de rentrer en Angleterre avant Noël et je ne compte pas changer nos plans. Je ne trouve pas de travail malgré mes diplômes et pourtant je cherche depuis deux ans.

Comment peux-tu être certain d'y parvenir là-bas ? Tu es parti à cause du regard des gens sur toi et sur ton passé, penses-tu que les choses aient tant changé en seulement sept ans ? Si porter le nom de Malefoy ici te porte préjudice pour trouver du travail, il y a peu de chances que ce soit mieux sur le vieux continent.

Je n'ai aucune certitude, Elliott, mais maintenant qu'Astoria n'est plus, je n'ai plus d'amis ici. Ne le prenez pas mal, vous êtes des gens très bien et des grands-parents parfaits, mais je me sens seul. Daphnée est gentille également, mais même si elle a mon âge nous n'avons jamais été très proches. Là bas il y a mes amis et ma mère.

Quand pourrons-nous voir Scorpius ?

Quand vous voudrez, Agatha, vous le savez. Vous faites partie de son monde, il aura besoin de vous. Nous viendrons le plus régulièrement possible et vous serez les bienvenus chez ma mère, elle me l'a assuré.

As-tu arrêté une date de départ ? soupire Agatha Greengrass.

Le dernier week-end du mois.

Il s'en veut énormément d'éloigner Scorpius des Greengrass, mais il ne peut plus vivre ici. Il pensait trouver une nouvelle vie aux USA, que son nom ne serait pas aussi problématique qu'en Angleterre, mais il s'est trompé. Il a essayé longtemps, il a réussi à survivre avec peu de ressources, il a payé ses études en Potions avec ce qu'il lui restait d'héritage. Quand il avait renoué avec les Greengrass et qu'il s'était marié à Astoria, il avait eu l'espoir que le vent finirait par tourner. Mais la seule chose qui s'était améliorée fut son train de vie : avant son mariage, il vivait moins bien que les Weasley dans leurs pires années. Une triste revanche du destin, certainement. Drago voulait revenir dans son pays et Astoria avait accepté, il n'y avait aucune raison de ne pas poursuivre dans cette voie. Avec un peu de chance, l'un de ses amis lui ouvrirait des portes pour un travail.

Nous t'aiderons à empaqueter tes affaires si tu veux. Daphnée souhaite s'occuper de celles d'Astoria que tu ne conserveras pas, ça ne te dérange pas ?

J'emmènerai simplement quelques photos et souvenirs, je fais confiance à Daphnée pour le reste. Merci infiniment.

Drago est sincère cette fois, il ne sait pas ce qu'il aurait fait sans cette famille. Il ne sait pas s'il aurait tenu le coup sans leur amitié et l'amour de sa femme.

Et comme prévu, le dernier week-end de septembre 2008, il se trouve au terminal des portoloins internationaux de New York, avec une valise au bout d'un bras et son fils qui s'accroche fermement à son autre main. Ils ont dit au revoir et s'éloignent derrière les portes vitrées qui séparent Drago de ses quelques années passées ici. L'ancien Serpentard a les larmes aux yeux, un échec de plus dans sa vie. Il serre les dents pour ne pas pleurer devant son fils et des inconnus. Quand les choses vont-elles enfin s'arranger ? Combien de temps va-t-il encore payer ses erreurs de jeunesse ? Combien de temps les décisions de ses parents vont-elles encore impacter sa vie ? Drago est triste, mais une rage couve au fond de lui. Il veut que ça change ! Et il fera tout pour que ça soit le cas, il n'a pas le choix, son fils compte sur lui. Son précieux petit garçon qu'il aime plus qu'il n'a jamais pensé aimer qui que ce soit. Un jour, son fils sera fier de lui, il se le promet.

...

Trois coups discrets à la porte du bureau de Drago le sortent de ses souvenirs. Il s'est laissé embarqué par son passé. Il secoue la tête.

— Qui c'est ? demande Scorpius.

— Probablement l'un de mes élèves.

Drago se lève pour ouvrir. La personne qui attend n'est pas du tout quelqu'un qu'il pensait voir là. Il en reste médusé un instant.

— Je peux entrer ?

— Qu'est-ce que tu veux, Potter ?

— On peut discuter ? J'ai des choses à te dire.

— Tu es venu t'excuser ?

Drago a laissé la surprise transparaître dans sa voix. Exprès. Harry est gêné et acquiesce en silence. Drago ouvre un peu plus grand et se pousse pour qu'il entre.

— Bonjour Scorpius, salue poliment le directeur de Gryffondor en pénétrant dans le bureau.

— Professeur Potter, répond l'enfant en relevant brièvement la tête de son livre.

— Tu as laissé tomber la cinquième année juste pour me parler ? attaque Drago.

Il n'a pas du tout envie d'être sympa. Rester poli en public est déjà bien assez. Il a encore les mots de Harry en travers de la gorge. Même si son fils lui a raconté certaines confidences que lui a faites son ami Albus et qu'il a conscience d'avoir légèrement provoqué son collègue.

— Il est plus de dix-sept heures, Malefoy, les cours sont terminés...

— Ah. Déjà ? Je n'ai pas vu passer l'heure.

Drago se sent un peu idiot sur ce coup-là. Il aurait préféré ne pas avoir oublié l'heure devant Harry.

— Tu veux peut-être rejoindre tes amis, Scorp' ? propose-t-il à son fils pour détourner le sujet.

— Papa !

— Pardon. Scorpius.

Le jeune garçon se lève cependant et dit au revoir à Drago et à son professeur. Il referme la porte derrière lui et laisse les deux adultes seuls en tête à tête. Drago a suivi des yeux son fils afin de ne pas être obligé de regarder Harry.

Drago se rassoit à son bureau, croise les mains sur le plateau en bois en se penchant légèrement en avant et lève la tête vers l'autre homme. Ce dernier se balance un peu d'un pied sur l'autre.

— Alors ? lâche finalement Drago qui en a assez d'attendre.

— Je voulais te dire que je suis désolé pour ce que j'ai dit l'autre jour.

— OK... Merci, je suppose.

— Mais n'empêche, si tu ne m'avais pas provoqué...

— C'est toi qui as mal interprété mes propos, dès le début !

— Peut-être, mais tu m'as quand même clairement traité de cinglé en puissance juste après. Ça, je ne l'ai pas inventé ! J'avoue que ça ne m'a pas tellement plu...

Drago ne répond pas immédiatement. Sa fierté est malmenée, il a conscience que Harry a partiellement raison, mais il n'aime pas l'admettre. Ce n'est pas tant qu'il ne sait pas reconnaître ses torts, il y arrive plutôt facilement maintenant, mais face à Harry il a l'impression de revenir vingt ans en arrière. Ce type a un potentiel à l'exaspérer qui est hors norme ! Sauf qu'il n'est plus un ado, il a vieilli, il a mûri et surtout il tente depuis des années de se racheter aux yeux de la société, de montrer qu'il est différent d'avant. Il a l'opportunité ici de prouver à Harry qu'il n'est plus aussi arrogant et égocentrique qu'il l'a été. Parce qu'il était quand même sacrément odieux, il est bien obligé de se l'avouer.

— Bon. J'admets que je suis un peu de mauvaise foi et que j'ai sûrement exagéré. Je n'aurais pas dû te dire les choses comme je l'ai fait.

Drago est content de lui : Harry est bouche bée. Le directeur de Serpentard croise les jambes et s'installe confortablement dans sa chaise, appuyé sur le dossier et les bras croisés nonchalamment.

— Tu voulais autre chose ? questionne-t-il quand il se rend compte que Harry ne fait pas mine de s'en aller.

— Heu ouais. En fait, j'avais quelques interrogations à propos des cours, des élèves, tout ça. Si tu es toujours mon tuteur, bien sûr.

— Je le suis toujours. Tu en doutais ?

— Tu aurais pu demander à McGonagall de passer le relai à quelqu'un d'autre.

— Pour si peu ? s'étonne honnêtement Drago. Allons, Potter, on a vécu bien plus difficile qu'une simple altercation, pas de quoi fouetter un fléreur. Installe-toi.

Drago fait un geste de la main vers la chaise de l'autre côté du bureau. Là où Scorpius était installé. Harry baisse les yeux vers l'objet et s'assoit. Drago l'observe et suit son regard qui se pose ostensiblement sur ses bras nus. Sur la Marque des Ténèbres, qu'il ne cache pas spécialement en dehors de ses cours. Drago porte un t-shirt aujourd'hui parce qu'il fait encore bon pour mi-septembre et que son bureau est magiquement chauffé pour contrer l'humidité des cachots.

Le regard de Harry se détache finalement du bras de Drago, il tente de cacher qu'il est ému, il se souvient des mots du Serpentard pour ses élèves lors du premier cours de l'année. Il hésite un instant, mais décide de ne pas aborder ce sujet là.

— Je... Je me demandais... à quelle fréquence on peut donner des devoirs aux élèves ? Et pour les interrogations ?

Pas de question à propos de la Marque. Drago décide donc de ne pas relever le fait que l'autre l'a scruté et reste dans le sujet lancé par son collègue.

— Ça dépend des matières et des professeurs. Personnellement, je ne donne pas beaucoup de devoirs. Cela dépend aussi de l'avancement de tes cours par rapport au programme, les devoirs permettent aux élèves d'étudier certaines notions abordées, mais que tu n'as pas pu approfondir. Cependant cela augmente ta charge de travail puisqu'il faut corriger. De la même façon, je ne punis pas beaucoup en mettant des heures de colle, ça ne sert à rien. À la place, je leur donne un devoir spécifique à faire sous ma surveillance. Au moins ils apprennent quelque chose.

— Et les interrogations ?

— J'en fais environ toutes les quatre à cinq semaines. Le temps qu'ils aient vu plusieurs choses sur lesquelles les interroger. Ça permet de vérifier s'ils ont bien intégré ce qu'on a appris ensemble. Quand les notes sont globalement mauvaises, je refais un cours sur le sujet. En général c'est que j'ai raté quelque chose s'ils n'ont pas compris.

— C'est différent de ce que l'on a vécu en Potions pendant des années...

— Je te l'accorde.

— Comment as-tu su ce qu'il fallait faire ? Ce que tu m'expliques là, qui te l'a dit ?

Drago prend quelques secondes pour rassembler ses pensées. Il y a pas mal de choses à dire sur le sujet, mais il ne veut pas forcément entrer dans les détails de ce qu'il a vécu au début de sa « carrière » à Poudlard, il est préférable de taire certains éléments.

— J'ai passé trois ans comme assistant du professeur de Potions en place à l'époque et j'ai décidé de ne surtout pas travailler comme lui, il était faignant et alcoolique, il ne foutait rien. Je n'avais pas tellement envie de prendre modèle sur nos anciens professeurs non plus. Rogue nous favorisait et il était brillant, mais il était cruel et injuste. Et je crois qu'il détestait son métier et les étudiants. Slughorn était bon, mais trop vaniteux, il n'aimait que les élèves naturellement doués ou trop célèbres.

Harry grimace. La référence à leur sixième année est trop grosse pour passer inaperçue.

— Il m'a toujours profondément agacé à me coller aux basques, son club était d'un ennui... Je te raconte pas.

— J'imagine... Bref. C'est Neville qui m'a un peu guidé pour toutes ces choses quand je suis devenu titulaire, il a été d'une grande aide.

— Oui, Neville est très généreux. Une qualité Gryffondor, taquine Harry.

Drago se retient de lui tirer la langue. Comment Harry fait-il pour réussir à le rendre aussi immature qu'à son adolescence ? Il soupire en silence et ne dit rien.

— D'autres questions ?

— Non pas pour le moment. Merci.

— Les cours se passent bien ? Les élèves ne t'en font pas trop voir de toutes les couleurs ?

— Dans l'ensemble ça va. J'ai beaucoup de travail pour proposer du contenu correct, je pars de zéro quasiment. Les derniers profs n'ont presque rien laissé de leur passage.

— Ça ne m'étonne pas, de ce que j'en ai compris, ils n'étaient pas passionnés par ce qu'ils faisaient...

Harry se relève et remercie Drago. Il précise ensuite qu'il a encore beaucoup de choses à faire avant le dîner. Et il s'en va.

Drago reste immobile quelques instants, à méditer sur cette discussion. Il ne sait pas si sa relation avec Harry est définitivement apaisée ou non. Les choses n'avaient pas si mal commencé, mais avec Harry il y a toujours des hauts et des bas. Drago espère qu'il n'y aura pas d'autres bas, c'est stressant pour lui. Il n'a pas envie que sa petite vie bien rangée à Poudlard soit modifiée par la présence du Gryffondor. Il a mis beaucoup d'énergie et de temps à se faire sa place ici. Pourtant, quelque chose lui dit que l'année ne sera pas de tout repos.


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On se retrouve dans deux semaines, le 18 février, pour le chapitre 3 : « De l'utilité du tutorat ».
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