Bonjour à toustes !

Un très grand merci pour vos très nombreuses reviews ! Ça me fait vraiment hyper plaisir !

L'écriture avance, le chapitre 27 est achevé.

Nous nous retrouvons donc pour le chapitre 4, dans lequel nous en apprenons un peu plus sur Harry et dans lequel les ennuis vont pointer le bout de leur nez ^^

Bonne lecture !


Chapitre 4 — Nostalgie, détente et draps étrangleurs

Lundi 14 octobre 2019 — Harry

Le cours que j'avais préparé pour la première année s'est très bien passé. Comme je m'en doutais, j'ai créé trop de contenu : au moins je me suis un peu avancé. Et vendredi, il y aura une petite évaluation théorique. Nous n'avons pas encore fait beaucoup de pratique.

Malgré mon lundi matin libre, je suis épuisé par le rythme de ces premières semaines en tant que professeur. Je n'arrête pas. Je suis infiniment reconnaissant à Neville d'avoir organisé mon sauvetage et je garde à l'esprit que Malefoy est celui que je dois tenir informé de ce genre de problèmes à l'avenir.

Les derniers élèves quittent en ce moment la Grande Salle pour retourner à leurs dortoirs, il leur reste encore un peu de temps pour se détendre ou réviser avant de se coucher. Je suis tellement las que je regarde sans voir ce qui se passe devant moi. Je sursaute quand Malefoy me tapote le bras.

— Ton gamin te fait un signe depuis au moins une minute, Potter. Tu ne l'as pas vu ?

En effet, je ne l'avais pas remarqué. Je remercie Malefoy et je descends de l'estrade où se trouve la table des professeurs pour rejoindre James.

— Bonsoir, mon grand. Quelque chose ne va pas ?

— Non, tout va bien, je voulais juste te demander un truc…
Il s'arrête et j'ai la sensation qu'il veut me dire autre chose. Finalement, il ajoute :

— Tu as l'air défoncé, Papa, c'est à toi qu'on devrait poser la question.

— Je suis fatigué par mon nouveau travail, je n'ai pas beaucoup de temps pour dormir. Mais ça va s'arranger, ne t'inquiète pas. Que voulais-tu me dire ?

— Ron m'a proposé de m'emmener pour une journée parrain-filleul le jour de la prochaine sortie à Pré-au-Lard. Est-ce que tu es d'accord ?

— C'est quand déjà ? Tu as demandé à Maman ?

— C'est le vingt-six. Non, pas encore. J'ai reçu le hibou d'oncle Ron ce matin seulement, je voulais t'en parler puisque tu es là.

— Je n'y vois pas d'inconvénient si Maman est d'accord aussi. Et ne tente pas d'influencer sa réponse, je te connais ! Par contre, il faudra que tu sois bien à l'heure pour le retour à Poudlard. Et essaie de ne pas te faire punir d'ici là, sinon je retire mon accord.

— Merci, Papa. Je ferai de mon mieux.

— J'en suis sûr. Bonne nuit !

— Bonne nuit.

Je retiens un geste vers lui, persuadé qu'il ne me laissera jamais l'enlacer ou même lui ébouriffer les cheveux alors que nous ne sommes pas seuls. Il ne reste pourtant que quelques personnes. L'adolescence est ingrate.

Il commence à s'éloigner, mais je le rattrape. Je me penche vers lui et je lui dis que je l'aime. Il grimace, vérifie que personne ne peut l'entendre et me répond. Je le laisse s'en aller, mon cœur bat fort et un sourire orne mon visage. Ce genre de choses me rend heureux, j'ai l'impression de fondre de l'intérieur.

J'ai toujours dit à mes enfants que je les aime, Teddy inclus. À tous les gens que j'aime, amis compris. Mais cela m'a pris du temps pour y arriver, beaucoup de temps. Et beaucoup de séances chez le psymage. Ginny en a souffert, j'ai mis des mois à lui dire que je l'aimais, et il m'a fallu encore plus de temps pour que cela devienne naturel. Je me suis rattrapé depuis, tout le monde y est passé, mes amis aussi ! C'est important, parce qu'on ne sait pas de quoi demain sera fait, les gens peuvent nous être arrachés sans crier gare et ensuite il est trop tard.

Ce doux moment d'échange avec mon fils me rend nostalgique. Et ravive mes sentiments pour mes amours perdus. Je pense que je vais envoyer des courriers ce soir.

Je rejoins la volière d'un pas rapide et vif, presque en trottinant. Il fait froid ce soir et ça me réchauffe. Une fois sur place je frissonne de plus belle, c'est plein de courants d'air ici, évidemment. Je suis sorti sans préparer mes lettres et sans cape. Malgré mes presque quarante ans, je continue à être si impulsif, parfois. Je soupire, je me désespère tout seul. Je sautille sur place devant le pupitre qui contient des feuilles de parchemins, des plumes et de l'encre, pendant que je réfléchis à ce que je vais écrire.

D'abord, Ginny, pour lui demander des nouvelles. Je n'ai pas suivi autant que j'aurai voulu le début du championnat cette année, j'espère que son équipe est en forme. Je sais qu'elle est une entraîneuse exigeante avec ses Harpies, mais ça leur permet de monter sur le podium presque tous les ans. J'écris rapidement, je pense qu'elle saura me lire. Elle a été habituée à mes mots griffonnés en hâte quand je devais rester plus tard au bureau. J'attache le rouleau à la patte d'un hibou de l'école et je l'envoie porter la missive.

Le deuxième courrier est plus difficile à rédiger. D'abord parce que ça fait des années que je ne lui ai pas écrit, nous avions décidé de laisser passer du temps, pour digérer. Mais ça fait cinq ans maintenant que j'ai rompu, et plus d'un an que je n'ai pas eu de ses nouvelles. Il n'est pas revenu pour les fêtes ces dernières années. J'hésite un bon moment, à chaque fois ça me fait mal autant que ça me fait du bien. Pourquoi est-ce que je continue à me torturer ainsi ? Finalement je prends un nouveau parchemin. Cette fois je tente de m'appliquer.

« Salut toi,

Cela fait longtemps, trop longtemps que j'ignore ce que tu deviens. J'ai conscience que je n'en ai pas le droit, mais je m'inquiète toujours pour toi.

J'imagine que les premières neiges sont déjà arrivées chez toi ou alors ça ne va pas tarder. J'espère qu'il neigera ici aussi cet hiver, ça me manque. Tu me manques.

Je pense que tu es au courant par les autres que j'ai accepté le poste de DCFM que McGonagall m'offrait depuis quatre ans. Ça me plaît bien, même si je suis littéralement enfoui sous la charge de travail. Au moins ça m'occupe. Tu vois, je finis par avancer quand même.

J'espère que tu vas bien. J'espère que tu seras dans les parages à Noël, ça me ferait plaisir de te croiser. Comme avant, tu sais. Avant nous.

Si tu as la force, réponds-moi.

À bientôt, avec un peu de chance.

Harry »

J'enroule le parchemin sans me relire, sinon je risque de changer d'avis. Je lui lance un sort d'imperméabilité et je l'attache à une grosse chouette qui semble résistante. Elle va avoir un très long chemin à faire.

Je retourne au château avec une impression bizarre. Ma peine n'est pas aussi vive que j'aurais pensé, mais j'ai un petit pincement au creux du ventre quand même. J'essaie de me dire que ça ne passera jamais et que ça n'est pas grave. Après tout, Ginny et moi sommes séparés depuis quatorze ans bien tassés et mon cœur s'affole encore pour elle parfois. Juste un peu, pas longtemps. Je ne sais pas arrêter d'aimer, peut-être parce que j'en ai trop manqué dans mon enfance ? Parce qu'on m'a tout arraché, même quand je pensais n'avoir plus rien à perdre. Je comble les trous dans mon cœur par de l'amour. Ça marche pas trop mal finalement, puisque quand j'ai réalisé ça, il y a des années maintenant, j'ai arrêté de vouloir mourir.

Je monte dans mes appartements et je me couche, la tête pleine de souvenirs d'elle et de lui. De mon amour, de leur amour, des années vécues ensemble. Je m'endors le sourire aux lèvres.

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Samedi 19 octobre 2019

Harry franchit le portail massif qui sépare Poudlard de Pré-au-Lard en marchant tranquillement, les mains dans les poches. Il n'attend pas de s'éloigner pour sortir sa baguette et transplaner. Le crac résonne un moment derrière lui.

Il réapparaît devant une petite maison d'allure modeste, à la frontière entre le Terrier et une construction moldue moderne. Le parfait mélange de ses propriétaires en fait. Harry sourit, il a l'impression d'avoir été libéré d'une sorte de prison dorée. Il sait bien que Poudlard n'a rien d'une prison et que sa situation n'a rien de commun avec celle d'un détenu. Il a passé suffisamment de temps à Azkaban en tant qu'Auror pour en avoir conscience. Pourtant, voir autre chose que les murs de pierre ou la forêt interdite lui fait un bien fou. Il n'avait pas anticipé que sa vie d'avant lui manquerait, mais il aurait pu s'en douter. Depuis son départ du Ministère et sa dernière rupture, en 2014, et encore plus depuis la rentrée d'Albus à Poudlard en 2017, Harry a une vie très libre. Il a fait ce qu'il voulait quand il voulait, dormait parfois jusqu'à midi ou au contraire ne se couchait pas, sortait en club pour danser durant des heures, multipliait les amant·e·s, allait voler dans des endroits déserts, mangeait quand il voulait et, surtout, ce qu'il avait envie, sans obligations, sans restrictions. Comme pour rattraper une jeunesse perdue. Un sacré choc avec sa nouvelle vie de professeur : des horaires à respecter, un travail très prenant et des responsabilités. Mais c'est bien différent du Ministère et ça convient à Harry. Et c'est sans danger.

Harry toque à la porte puis entre directement. Ses ami·e·s l'attendent. Et de toute façon il n'a jamais attendu qu'on lui ouvre ici. C'est un accord tacite entre elleux trois, l'une de ces choses que personne ne comprend vraiment. Une odeur alléchante attire Harry jusqu'à la cuisine. Ron touille une marmite, un tablier jaune noué sur ses hanches. La couleur est horrible, mais son ami adore cuisiner avec ça et Harry le taquine souvent à ce sujet.

— Qu'est-ce qu'on mange ? lance Harry joyeusement.

Il s'assoit au bar qui sépare la grande pièce en deux au moment où Hermione arrive et le salue d'un baiser dans les cheveux.

— Curry de lentilles et pommes de terre, c'est une recette de Luna, j'avais envie d'essayer.

— Et des naans que j'ai ramenés de Londres hier, ajoute Hermione avec un clin d'œil. Je pense que ça a dû te manquer depuis que tu es reclus au fin fond de l'Écosse.

Le sourire de Harry atteint ses oreilles. Il adore ses ami·e·s. Iels le connaissent si bien, ce genre d'attention le prouve. Si seulement il pouvait trouver quelqu'un avec qui il partagerait la même osmose, la même compréhension. Mais il sait que c'est impossible. Ce n'est pas tant qu'il est difficile d'apprendre à le connaître, à découvrir ses goûts, mais c'est tout le reste. Les petites choses qu'il n'a jamais pu résoudre depuis la fin de Guerre et son amour très fort, trop fort, débordant, étouffant. Son besoin de proximité, d'attention, de tendresse. Ses cauchemars qui n'ont jamais complètement disparu. Son idéal, ça aurait été Ron, ou Hermione, ou les deux pourquoi pas. Mais il n'a jamais été question de ce type de relations avec ses deux ami·e·s, ça ne s'est jamais fait, tout simplement. Alors Harry est plus ou moins résigné à n'avoir que des histoires relativement courtes et se doute que ses vieux jours seront solitaires.

Le plat était délicieux, Harry a savouré chaque bouchée. Hermione avait raison, manger indien lui avait tant manqué ! Évidemment, pas de livraison de repas depuis l'extérieur à Poudlard, encore moins de la nourriture moldue. Le pudding en guise de dessert est plus classique, mais réconfortant.

— Ça avance le dépoussiérage des lois à propos des mariages pour les personnes de même sexe, au fait ?

— Lentement. Comme d'habitude. Il faut réussir à concilier les demandes des conseillers les plus réticents à celles des plus modernes. Si j'avais été seule, ça ferait belle lurette qu'on aurait tout viré ! Cependant, ce dossier est plus sensible que les précédents.

— Tu penses que ça peut te coûter ta place à la prochaine élection ? s'inquiète Harry.

— Peut-être. D'autant plus que j'ai envie d'aller plus loin que simplement supprimer ces lois. Je ne veux pas laisser un trou sans réels droits. Je compte créer de toutes pièces une version égalitaire du mariage et de l'adoption, pour toutes et tous, sans restrictions d'aucune sorte.

— J'ai dit à Mione que ce projet serait difficile à mettre en place. Ma famille est très tolérante et respectueuse, pour des Sang-Purs, mais je sais que c'est loin d'être le cas partout. Même parmi les familles les plus modérées. Même chez les Sang-Mêlés.

— Je préfère que la loi change dans le sens que je veux, même si ça doit m'empêcher de devenir Ministre de la magie, s'entête Hermione.

— Et tu sais que tu as tout mon soutien, ma chérie.

Harry observe ses ami·e·s, iels ont l'air d'avoir oublié qu'il est là. Ça l'amuse et l'attendrit, il laisse un sourire fleurir sur ses lèvres et les écoute débattre. Quelle agréable sensation de se sentir entièrement à sa place. La voix de sa meilleure amie le tire de sa torpeur digestive.

— Comment ça va à Poudlard, Harry ?

— Disons que je commence tout juste à sortir la tête de l'eau. J'ai eu des semaines horribles, tellement de travail que je n'ai pas dormi plus de cinq heures pendant je ne sais combien de temps.

Les regards compatissants touchent Harry. Il sait que c'est sincère.

— Et Malefoy ?

— Il n'y a plus eu aucun problème depuis qu'on s'est expliqué. Il est un bon professeur et un tuteur sérieux. On se supporte pas trop mal finalement. Avec Neville, Teddy et un autre collègue, il m'a aidé à m'organiser le week-end dernier, pour m'éviter de couler. Je ne sais pas comment il fait, mais il est toujours disponible quand j'ai une question. Depuis une semaine, on a pris l'habitude de travailler ensemble à la salle des profs. J'ai l'impression qu'il s'inquiète pour moi, c'est bizarre.

— La fouine aurait des sentiments ? glousse Ron.

Hermione lève les yeux au ciel et Harry devine facilement qu'elle se demande quand son mari arrêtera les enfantillages. Elle lui donne un coup de coude pour la forme et récolte un grognement boudeur. Harry rit, ce que ça fait du bien d'être là.

En fin de journée, Harry quitte la maison confortable de Ron et Hermione et transplane à Londres. Il a rendez-vous à dix-huit heures avec Tulipe. Cette dernière est déjà arrivée quand il émerge de derrière des poubelles malodorantes au fond d'une ruelle sombre. Une planque parfaite pour camoufler son apparition soudaine en plein monde moldu. Harry se jette discrètement un sortilège pour les odeurs, range sa baguette et enlace son amie.

En prenant des nouvelles de l'autre, le duo se dirige vers l'un de leur pub fétiche : The Cross Keys . L'équipe de Tulipe, dont Harry a longtemps fait partie, a passé des centaines d'heures dans cet endroit, pour se détendre après le travail ou pour y faire une pause avant d'entamer une longue nuit d'enquête au bureau. Et Harry quand il a eu sa propre équipe a continué à venir là, parfois seul, parfois avec ses collègues, souvent avec Tulipe.

Iels s'installent dans le fond, derrière une paroi où il y a peu de tables. Après avoir commandé des bières, blonde pour Harry et brune pour Tulipe, les discussions commencent. Harry raconte de nouveau ses premières semaines à Poudlard, ses difficultés, l'aide qu'il a reçue.

— Et les enfants, Harry ?

— Teddy est plutôt content de son poste d'assistant, d'autant plus qu'il gère trois années seul. Je crois que ça lui fait du bien. C'est fou comme il a pris en maturité en quelques mois !

— Il le faut bien, il donnera bientôt des cours à des élèves à peine plus jeunes que lui. Et James, est-ce qu'il fait toujours autant de conneries ?

— Étonnamment, non, rien pour l'instant. Je ne sais pas ce qui a changé, mais il se tient plutôt tranquille. Et Albus est fidèle à lui-même, calme et assidu en cours.

— Toujours inséparable de son ami ? Il s'appelle comment déjà ?

— Scorpius. C'est le fils de Drago Malefoy. Le prof de Potions.

— Je vous ai assez entendu en parler pour savoir qui c'est, Harry.

Le rire clair de Tulipe s'élève au milieu du brouhaha du pub qui s'est rempli maintenant qu'il est presque l'heure de dîner. D'ailleurs, Harry et son amie commandent des fish-and-chips qui arrivent rapidement. Harry mange salement, avec ses doigts. Le gras tapisse ses papilles et le fait sourire, c'est si bon. Il adore la nourriture à Poudlard, qui lui rappelle son adolescence, mais ça n'a rien à voir avec le plaisir régressif de ce genre de plat simple. Il a bien conscience que son activité physique, plutôt importante, lui permet de manger n'importe quoi et il en profite allègrement, sans une once de culpabilité.

— Et alors, vous ne vous êtes toujours pas entre-tués comme le craignait Luna ?

— Ça aurait pu, sourit Harry, mais on s'est juste engueulés une fois. Depuis ça se passe bien. On s'envoie des piques à longueur de semaine, mais je crois que ce genre de choses ne changera jamais, ça fait partie de notre fonctionnement.

— Le principal c'est que ça se passe bien. Comment va Ginny ?

— On s'est écrit dernièrement, justement. Elle va bien, elle ne ménage pas ses forces au boulot, comme d'habitude. Elle est heureuse et j'en suis très content.

Tulipe la connaît bien. Quand Harry a fait sa formation d'Auror puis est rentré dans son équipe, Ginny vivait encore avec lui et il parlait beaucoup d'elle. Elle est souvent venue le voir au travail aussi, puisqu'il avait parfois du mal à trouver du temps pour être chez lui. La jeune femme avait naturellement sympathisé avec les collègues de son mari. Elle ne laissait pas indifférente et les gens se souvenaient facilement d'elle.

— Et... est-ce que tu as eu des nouvelles de... tu sais ? demande Tulipe.

— Tu peux prononcer son nom, ça ne me pose pas de problème. Et il s'avère que oui, je lui ai écrit la semaine dernière, sa réponse est arrivée ce matin. Je n'y croyais qu'à moitié.

Harry sort un parchemin de son sac et le tend à Tulipe. Il a déjà eu le temps de le lire une dizaine de fois et le connaît par cœur.

« Harry,

Tu as raison, ça fait longtemps. Mais je crois qu'il nous fallait attendre.

Je vais bien, je te remercie. Le travail ne manque pas et ne me laisse pas le temps de m'ennuyer moi non plus.

La neige est en retard cette année, de plus en plus chaque année j'ai l'impression. J'ai beau être dans une zone particulièrement protégée, les dégâts des moldus sur le climat nous touchent aussi. Mais on s'adapte.

Je suis très heureux que tu aies décidé de reprendre un peu ta vie professionnelle en main, j'espère que cette fois c'est la bonne.

Je serais dans les parages à Noël cette année, oui. Ça me fera plaisir de te croiser également. Mais ça ne sera jamais comme avant, Harry. Et tu le sais très bien, toi aussi.

On en a parlé suffisamment, mais il va falloir que tu te décides à dire la vérité sur nous, un jour. Tu ne seras jamais serein, sinon. Moi je suis en paix avec notre histoire, toi non, je le sens dans tes mots, même cinq ans après.

À bientôt »

— Ils ne sont toujours pas au courant ?

— Non, tu es la seule. Je n'ai jamais eu la force de le faire et maintenant que nous sommes séparés je n'en vois plus l'intérêt.

— Mais ça te ronge. Tu le sais. Et lui aussi visiblement.

Harry soupire. Il a conscience qu'il devra en parler un jour. C'est bien la seule chose qu'il a cachée à ses proches. Il ne sait même pas vraiment pourquoi et il sent au fond de lui que personne ne sera perturbé outre mesure. Mais il n'a jamais réussi et ça a été l'une des raisons de la séparation.

— Et si on allait se dégourdir un peu les jambes ? propose Harry qui a envie de changer de sujet.

Tulipe acquiesce et les voilà parti·e·s pour une longue marche dans Londres. Il est encore assez tôt et les rues sont pleines de monde en ce samedi soir. Harry et Tulipe discutent tout le chemin, iels ont le temps, le club n'ouvre pas avant vingt-deux heures.

La marche est agréable malgré le fond de l'air frais. Harry a pensé à se couvrir suffisamment, il ne peut pas se lancer de sort de chaleur en plein monde moldu. Il apprécie grandement ces échanges stimulants, mais sans prise de tête avec son amie. Il ne sait plus vraiment comment iels en sont arrivés à devenir si proches, au point de lui confier des choses qu'il ne peut pas dire à Ron et Hermione. Alors que ces dernières sont les personnes à qui il parlera s'il va vraiment mal parce qu'elles le comprendront toujours et ne le jugeront jamais d'être au fond du trou. Iels connaissent ses problèmes et ses faiblesses. Tulipe est une confidente, mais d'une autre partie de sa vie et elle ne saura jamais à quel point il a gardé des séquelles d'avoir été maltraité par les Dursley et d'avoir été un Horcruxe, d'avoir été manipulé toute son enfance pour accepter de se sacrifier pour le monde sorcier, d'avoir tout perdu.

À leur arrivée au club, il fait nuit noire depuis longtemps. Il y a peu de clients à l'extérieur et iels n'attendent pas pour entrer. Il fait chaud dedans et Harry dépose son sac et sa veste au vestiaire.

Il ne tarde pas à s'installer au bar, laissant son amie aller danser immédiatement. Il boit quelques verres, lentement, le temps de s'imprégner des lieux, de la musique, de l'ambiance. Le temps que les gens arrivent. Ce que Tulipe et Harry aiment ici c'est la musique très éclectique. C'est moldu, certes, mais le DJ passe des tubes de toutes les époques et la clientèle est donc très variée. Personne n'est choqué que Tulipe, la petite cinquantaine, se trémousse sur la piste de danse à côté de jeunes de vingt ans. Ici, tout le monde trouve ça normal. Harry a découvert cet endroit par hasard et ne vient plus que là. Il a bien tenté les équivalents sorciers, mais il continue à être reconnu à cause de la cicatrice qui lui barre presque la moitié du visage et ça l'horripile. Il se demande si les gens arrêteront de le traiter en héros glorieux avant sa mort ou s'il devra le subir toute sa vie. Il craint même que cela perdure après.

Au bout de deux heures, Tulipe le rejoint et boit une limonade à toute vitesse. Sa passion à elle c'est danser au milieu de la foule, elle est une amatrice de concerts de toutes sortes et adore les boîtes de nuit. Quand Harry lui a fait découvrir cet endroit, c'est devenu l'un de ses lieux favoris. Mais ce qu'elle préfère, c'est y aller accompagnée, même si elle passe toute la soirée de son côté. D'ailleurs, Harry a fini par se lever pour se mêler à la foule. Elle n'est pas dupe, Harry ne fréquente pas ce lieu que pour la musique. Elle sait qu'il vient pour les gens et pour se défouler.

Elle repart pour danser, se mêle à la foule, se laisse porter par le rythme, par les mains de ses voisins et voisines qui la frôlent. Elle danse avec tout le monde, sans préférence ni crainte. Elle est Auror depuis longtemps, aguerrie aux bagarres, musclée et sportive. Et surtout, elle est une sorcière : même si elle a l'air d'avoir presque cinquante ans, son corps n'est pas plus fatigué que celui d'un homme moldu de vingt ans. Elle s'amuse pendant des heures, aperçoit Harry de temps en temps. Il semble avoir trouvé une partenaire qui lui plaît, une jeune femme, peut-être dix ans de moins de lui, de longs cheveux crépus, plutôt jolie. Quand il finit par s'éloigner avec elle et sortir de la foule vers le fond de la grande pièce, Tulipe ne se fait pas d'illusions, elle sait très bien ce qui va se passer là-bas. Des tas de gens font ça, profitant du bruit assourdissant de la musique qu'on entend jusqu'aux toilettes pour tirer un coup vite fait. Elle ne le juge pas. Et elle ne s'inquiète pas pour la jeune femme, elle sait que Harry est un homme bienveillant et respectueux. D'ailleurs, Tulipe lui a déjà fait remarquer qu'il buvait moins d'alcool quand iels venaient danser que s'iels restaient au pub toute la soirée. Il lui avait dit qu'il ne voulait pas risquer de perdre le contrôle et de passer outre le consentement d'un·e partenaire, alors qu'il mettait un point d'honneur à toujours être à l'écoute de l'autre. Il avait vécu beaucoup de violences dans sa vie, et il ne voulait pas en générer lui même, de quelque type que ce soit.

Aux environs de quatre heures du matin, Harry cherche Tulipe dans la foule qui se raréfie. Il a passé une excellente soirée. La jeune femme avec qui il a dansé et qui l'a emmené aux toilettes pour s'envoyer en l'air est rentrée chez elle. Elle lui a donné son numéro, mais Harry sait qu'il ne la rappellera pas. Il ne peut pas se permettre d'avoir des relations avec des personnes du monde moldu, la magie fait beaucoup trop partie de sa vie. Et l'ironie c'est qu'il ne peut pas non plus avoir d'histoires avec ses pairs, il ne saurait pas si l'on s'intéresse à lui pour sa célébrité, son argent ou pour qui il est. Excepté quelques personnes qu'il connaît bien, mais qui sont toutes déjà en couple ou non intéressées.

Les deux ami·e·s repartent de la boîte de nuit. Tulipe ramène Harry en transplanant, elle n'a quasiment pas bu d'alcool et la fatigue ne la dérange pas outre mesure. Harry ne s'y serait pas risqué, il se serait désartibulé, il est bien trop épuisé. Mais pour une fois sa fatigue est physique et sa tête entièrement vide de toute considération professionnelle. Cette nuit il dort chez lui, il rentrera à Poudlard avant midi. Même si son week-end de relâche dure du samedi matin au dimanche soir, il préfère ne pas revenir trop tard, il a encore du boulot. Au moins, il profitera de son passage dans sa maison pour prendre quelques livres supplémentaires dont il pense avoir besoin.

Harry s'endort après une longue douche chaude, le corps courbaturé, mais content.

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Samedi 26 octobre 2019

Les Trois Balais sont bondés, une bonne partie des élèves de Poudlard sont de sortie ce jour-là. Il y a énormément de bruit de discussions et de vaisselle. Un endroit idéal pour avoir une réunion secrète sans se faire remarquer. Mike, John et Jessica sont trois étudiant·e·s parfaitement anonymes au milieu de leurs camarades. Iels sont arrivés il y a peu de temps et ont réussi à réserver une table pour cinq personnes, dans l'attente des deux autres. John est un peu réticent, il ne sait pas vraiment ce qu'il fait là. Il se demande si Mike va reconnaître les gens qu'iels doivent rencontrer. Iels ne se sont jamais vus en vrai. C'est aujourd'hui que les choses deviennent concrètes et ça l'effraie. Au départ, il a suivi ses deux meilleurs ami·e·s pour ne pas rester seul et ne pas avoir l'air idiot, mais il n'est plus vraiment convaincu maintenant.

Après presque trente minutes à attendre, Jessica fait un signe de la main vers l'entrée. Deux hommes s'approchent, ils ont peut-être vingt-cinq ans, pas plus. Elle est sûre que ce sont eux, ils semblent chercher quelqu'un et correspondent aux descriptions données sur le forum.

Les deux adultes s'assoient comme s'ils connaissaient les jeunes, commandent des boissons pour ne pas avoir l'air louches, et la discussion s'engage immédiatement. Ils n'ont pas beaucoup de temps et ils ne veulent pas risquer de se faire repérer. Ils prennent garde à n'utiliser aucun mot suspect et les trois adolescent·e·s semblent bien comprendre les indications.

— Donc, l'un de nous récite cette incantation devant la porte et ça suffit ?

— C'est un charme complexe et qui demande une puissance magique assez importante tout de même. Vous êtes jeunes, il faudra sûrement être au moins deux pour que le sortilège agisse complètement. À trois, c'est à peu près certain que ça marchera.

— Et l'effet sur la cible sera de quel ordre ?

— Il y a toujours la variable de la force du sortilège, mais ça dépendra surtout de sa réactivité. Il devrait avoir au moins une bonne frayeur, peut-être avoir besoin d'un petit séjour à Sainte-Mangouste.

L'homme sourit en terminant de parler. Il ne dit pas qu'il espère que la cible ressortira de Poudlard entre quatre planches, il ne veut pas effrayer ces jeunes. L'objectif officiel est de faire partir le professeur de Poudlard. Il se doute que le résultat est incertain : passer par des adolescent·e·s, c'est une difficulté supplémentaire.
John se garde de réagir à cette annonce, il sait maintenant que sa décision de suivre ses deux ami·e·s dans leurs projets secrets avec ce groupe n'est pas bonne. Il n'a jamais voulu mettre en danger qui que ce soit. Les choses vont forcément mal tourner !

— Avant de partir, nous vous demandons de signer ce parchemin magique. Histoire que vous n'alliez pas raconter à n'importe qui ce qui s'est dit ici.

Le plus grand des deux hommes sort un papier de sa poche et le donne aux jeunes. Mike se sent vexé qu'on puisse le soupçonner de vouloir trahir son groupe. Mais il comprend l'utilité, on ne sait jamais sur qui l'on peut vraiment compter. Jessica signe sans se poser de question puisque Mike l'a également fait. La seule chose qu'elle souhaite, c'est qu'il s'aperçoive enfin qu'il l'aime, elle est prête à tout pour lui plaire. John se sent obligé de signer alors qu'il n'en a pas la moindre envie. Mais s'il refuse il perdra ses deux seul·e·s ami·e·s. Il espère simplement que les choses n'iront pas trop loin.

Les deux adultes repartent et les ami·e·s discutent encore un peu de tout et de rien, pour ne pas avoir l'air de comploter quelque chose. Puis iels retournent à Poudlard après un petit tour dans le village, histoire de brouiller les pistes. Mike garde les mains dans ses poches et serre fermement le document sur lequel est inscrite l'incantation à prononcer. Le tout est maintenant de trouver le moment propice pour le faire et ça sera peut-être risqué. Il va tenter de soudoyer un Préfet pour sortir après le couvre-feu cette semaine, en pleine nuit, iels pourront agir sans se faire remarquer.
Mike place beaucoup d'espoirs dans ce sortilège et il espère qu'il sera assez efficace pour envoyer ce professeur qu'il exècre à Sainte-Mangouste, au minimum. En espérant qu'il ne reviennent pas du tout à Poudlard.

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Vendredi 1er novembre 2019

Il est trois heures du matin. Drago a mis son réveil pour patrouiller. Une fois par nuit, l'un·e des professeur·e·s fait un grand tour dans tout Poudlard, pour permettre aux deux concierges de ne pas avoir un sommeil trop découpé par plusieurs rondes. Il y a treize professeur·e·s, un assistant et la directrice. Minerva et Neville ne sont pas concerné·e·s à cause de leur charge de travail au quotidien, et Edward Lupin non plus étant donné qu'il n'est pas titulaire. Toutes les douze nuits, Drago perd une heure de sommeil à faire le grand tour dans le château, pour vérifier que tout va bien et que des élèves ne s'amusent pas dans les couloirs. En fait, c'est exceptionnel qu'il tombe sur quelqu'un et la plupart du temps la personne a une bonne raison pour ne pas être au lit.

Avant de partir dans les couloirs sombres et froids, Drago se prépare un thermos de thé. Un petit rituel qui lui permet de se réveiller afin d'être un minimum efficace et alerte. Il s'habille chaudement, allume sa baguette d'un Lumos Maxima et commence son tour. Il le fait toujours dans le même ordre, les cachots en premier, la tour Gryffondor en dernier.

Les personnages endormis dans les tableaux magiques se couvrent les yeux et grognent sur son passage : ils n'aiment pas être dérangés. Ils devraient pourtant y être habitués. Mais Drago ne fait pas de concession, il a besoin d'une lumière forte pour se déplacer. D'une part, ça lui permet de vraiment voir devant lui — sinon à quoi bon faire une patrouille ? — d'autre part, il déteste le noir. Il a toujours eu une crainte de l'obscurité, mais ça s'est très clairement accentué depuis les dernières années de la Guerre et la présence continuelle des Détraqueurs dans les environs du Manoir. Puis à Azkaban les premiers mois de sa détention. Non seulement les affreuses créatures semblent retirer tout ce qui est bon, beau et heureux dans le monde, mais, en plus, elles refroidissent et obscurcissent l'environnement dans lequel elles se trouvent. La prison avec et sans les Détraqueurs, ça n'a rien à voir. Et Drago a connu les deux. Bien qu'il ait souffert tout le long de son séjour à Azkaban, le départ des créatures avait redonné un espoir à toustes les détenu·e·s.

Drago profite de ces instants où il est seul avec lui-même pour réfléchir. Il aime bien ça. Ce soir c'était le banquet d'Halloween et l'ambiance était joyeuse, toustes les gamin·e·s adorent. Il y a des plats que les elfes ne cuisinent qu'à cette occasion, une décoration censée être effrayante, mais qui ne l'est pas vraiment et qui fait rire tout le monde, et des jeux dans la Grande Salle tout au long du repas. Exceptionnellement, le couvre-feu a été décalé de trente minutes et les élèves se sont attardés à table avec leurs camarades. Par ailleurs, lors de ce type de banquet, les maisons se mélangent allègrement toute la soirée. Une chose que Drago n'a jamais connue pendant sa scolarité. Ça s'est mis en place progressivement dans les dix dernières années de façon assez naturelle et personne n'a jamais opposé de refus. De manière générale, les tables accueillent chacune une maison pour les trois repas de la journée, c'est plus facile pour les directeurs de surveiller leurs étudiant·e·s ainsi, mais pas les soirs de banquet. Drago aurait aimé que les choses soient différentes quand il était jeune. Il aurait préféré que la rivalité inter-maisons soit plus un jeu qu'une réelle compétition, que les autres ne se méfient pas tant des Serpentard. Mais surtout il aurait voulu ne pas avoir été élevé dans la haine et les préjugés, et pouvoir se lier d'amitié avec tout le monde. Harry ne l'aurait jamais rejeté aussi vivement si ça avait été le cas, si Drago n'avait pas insulté Weasley à répétition, avant même leur répartition.

Mais Drago apprécie cette nouvelle vie, cette nouvelle ambiance au sein de l'antique établissement et surtout il est particulièrement heureux que son fils en profite, lui. Ça rattrape un peu. Ce soir, il avait l'air tout content de se déplacer d'une table à l'autre pour être avec ses amis de Gryffondor et de Serdaigle, presque tous des Weasley, des cousins et cousines d'Albus Potter. Le groupe avait adopté le petit blond très vite et Drago avait pris sur lui pour ne rien dire de désobligeant. Il n'y voit en fait pas d'inconvénient, mais les vieux réflexes ont parfois tendance à ressurgir. Et depuis, Drago s'y est fait. Par ailleurs, tous ces gosses sont ses élèves et certain·e·s sont brillants, c'est le cas de Rose Granger-Weasley, digne fille de sa mère et c'était aussi le cas d'Edward Lupin.

Dans cette ambiance joyeuse et joueuse, son voisin de table est resté plus réservé qu'à son habitude. Il est parti tôt aussi. Il était peut-être fatigué ou de mauvais poil ? Si ça se trouve, il n'a pas encore récupéré de son week-end de relâche quelques jours avant. D'autant plus que sa charge de travail ne lui permet apparemment pas de dormir suffisamment, c'est ce qu'il lui a dit. Pourtant, depuis une dizaine de jours, il y a une amélioration. Depuis qu'ils l'ont épaulé ce samedi-là, Harry réussit à mieux gérer son temps. Il ne s'isole plus et travaille dans la salle des profs tous les soirs. Drago a décidé d'y aller aussi, afin d'être présent en cas de nécessité. Il a retenu la leçon, Harry n'est pas du genre à appeler à l'aide avant d'être à moitié noyé, alors il prend les devants. Il serait un bien piètre tuteur s'il n'arrivait pas à s'adapter.

Son tour de Poudlard a été tranquille, pas une âme qui vive dans les couloirs cette nuit. Même l'infirmerie était silencieuse, ce qui est rarement le cas. Rien d'anormal avec autant de monde sous ce toit. Il termine par la tour Gryffondor, comme toujours. Il passe devant les appartements du directeur de maison et il s'arrête net. Il entend un cri. Immédiatement, son cœur s'accélère, son esprit s'aiguise, il cherche d'où ça peut provenir. Il réalise rapidement que ça vient de derrière la porte qu'il a dépassée. C'est relativement faible, assourdi par les épaisseurs de bois et de pierre.

Drago est tenté de poursuivre son chemin, ce n'est sûrement rien du tout. Il attend quand même un peu derrière le battant et tend l'oreille. Les cris étouffés recommencent. Qu'est-ce que Potter trafique là-dedans ? Un cauchemar un peu trop réaliste peut-être. Étant donné ce que lui-même a vécu, et vit encore de temps en temps, il ne serait pas surpris que le grand héros de la Grande-Bretagne fasse également de mauvais rêves. Et ce dont il est certain, c'est qu'il aimerait qu'on le réveille quand ça lui arrive. Étant donné que les bruits ne s'arrêtent pas, Drago décide d'entrer. Tant pis s'il se trompe.

Il tente d'ouvrir la porte, mais elle est verrouillée. Évidemment, c'est un ex-Auror alors il s'enferme ! Drago jure et grommelle :

— Salazar ! J'espère qu'il n'a pas mis là-dessus des sorts de fermeture de niveau élevé !

Malgré tout, Drago se décide à tenter un Alohomora et la serrure s'ouvre. Drago se sent soulagé, son estomac s'était noué sans qu'il s'en rende compte. Il entre et referme avec soin derrière lui. Le son est déjà plus fort maintenant que la porte n'est plus fermée. Cela ressemble en effet à un cauchemar.

Drago traverse le petit salon qui ressemble au sien, comme tous les appartements de cette école, et se dirige vers les bruits. Il distingue clairement des jurons et des grognements. D'un geste brusque, Drago tourne la poignée et démonte presque la porte de la chambre, sa baguette toujours allumée à la main, le thermos de thé coincé sous son aisselle. Il manque de perdre l'équilibre, il a mis trop de force pour ouvrir le battant. Probablement à cause d'un réflexe dans ses propres appartements : celle de sa chambre grince et ses gonds sont résistants alors il faut pousser un peu.

Les yeux de Drago balayent la pièce éclairée par le Lumos . Harry est dans son lit et se débat dans les draps et couvertures. Il est entortillé dedans. Drago s'approche en soufflant de lassitude, il s'est mis à paniquer alors que ce stupide Gryffondor fait effectivement un rêve un peu violent.

— Alors, Potter, on fait un cauchemar ?

Seuls des sons incompréhensibles sortent de la bouche de son collègue. Drago ne sait pas s'il est encore endormi ou déjà réveillé.

— M... ba... ggg... te, grogne Harry d'une voix étranglée.

Ah, il vient de se réveiller. Drago ne saisit pas ce qu'il dit, sa voix est enrouée de sommeil.

— Quoi ? demande-t-il en s'approchant pour mieux entendre.

Dès le premier pas, il marche sur un objet dur. Il se baisse et ramasse la baguette de Harry. Celle-ci a dû tomber alors qu'il était agité par ses rêves. Aucun Auror ou ex-Auror n'aurait volontairement mis sa baguette si loin de lui pour dormir. En fait, aucun sorcier ne ferait ça.

Il se rapproche encore et tend le bras pour la poser sur la table de nuit. Harry l'attrape à la volée, brutalement, puis hurle d'une voix rauque un sort inconnu de Drago. Les draps retombent immédiatement sur le lit, inertes. Le directeur de Gryffondor se redresse en position assise, il est rouge et essoufflé, il se tient la gorge d'une main. Dans l'autre, toujours en l'air, la baguette est fermement maintenue.

Drago est perplexe.

— Potter, est-ce que ça va ? Que se passe-t-il ici ?

— Merlin... je...

Sa voix est cassée, il s'éclaircit la gorge. Drago achève de se rapprocher pour ne pas l'obliger à forcer, il pressent que sa voix risque d'être faible. Il bute dans un nouvel objet. En baissant la tête, Drago constate qu'il s'agit d'un verre. Il est vide. Il le ramasse et en profite pour le remplir d'un peu de son thé. Harry s'en empare, reconnaissant. Ça va peut-être lui faire du bien et le réveiller définitivement.

Harry boit quelques gorgées et tousse un moment. Puis repose le verre et se lève de son lit en le regardant avec frayeur.

— J'ai été attaqué par mes draps, déclare-t-il d'un ton presque interrogatif, la voix un peu éraillée.

— Par tes draps ? Tu es certain que ce n'était pas un mauvais rêve plutôt ?

— Mes cauchemars ne m'ont jamais attaqué. En tout cas plus depuis la disparition de Voldemort. C'était autre chose.

Harry est inquiet. Et Drago sent l'instinct de l'Auror qui se réveille. Ce dernier va encore foutre la merde alors qu'il n'y a rien du tout.

— Donc j'ai raison, tu faisais un cauchemar ?

— Oui ! s'agace Potter. Mais je te dis que ça n'a rien à voir avec ce qui s'est passé ici. Je me suis réveillé à cause des couvertures qui tentaient littéralement de m'étouffer.

Drago s'approche du lit et l'observe à la lueur de sa baguette. Rien ne semble anormal. Il est fatigué de sa ronde et la lumière est vaguement bleutée, créant des ombres, mais il ne constate absolument pas d'anomalie. Il va même jusqu'à poser la main sur la couverture, rien ne semble sortir de l'ordinaire.

— Il n'y a rien ici, Potter. Tu t'es laissé envahir par tes songes, c'est tout. Il y a parfois des manifestations de magie bizarre ici quand des émotions fortes sont à l'œuvre.

— Mais pas du tout ! Je t'assure que ce satané drap a tenté de m'étrangler !

— C'est ça... Tu connais beaucoup de draps doués d'initiative toi ? J'aurais vraiment préféré ne pas savoir que tu as des fantasmes sado-maso, grimace Drago, mais si vraiment tu veux qu'on t'étouffe, je prends un oreiller et j'arrange ça. Ça me débarrassera de tes élucubrations en pleine nuit alors que j'aurais déjà dû finir ma ronde.

— Ferme-la, Malefoy ! Et dégage de ma chambre, répond Harry froidement.

— Ne dis pas merci, surtout...

Drago s'en va sans un regard en arrière, vexé et déçu. Écœuré et fatigué. Potter ne changera jamais, il n'aura jamais de reconnaissance pour lui, visiblement. Il a beau avoir l'air différent, le remercier, lui, l'ancien Mangemort, pour l'avoir « sauvé » semble au-dessus de ces forces. Il n'est bon qu'à le sortir du pétrin de ses cours, en public s'il vous plaît. Drago commence à regretter de ne pas avoir demandé à Minerva de passer le relais du tutorat à quelqu'un d'autre.


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On se retrouve dans deux semaines, 18 mars 2022 avec le chapitre 5 : «Un coming-out et une enquête des Aurors ».
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