L'envol du phœnix

J'ai oublié la semaine dernière de dire qu'évidemment Alixe, Dina et LaPaumée me tenaient ici la main et que les personnages initiaux ne m'appartenaient pas...
LaSilvana a pointé les incohérences entre le je et le il qui avaient survécu aux différentes versions. Un travail d'équipe.

2. Tous les chemins passent par le Brésil

Sirius avait toujours fermé les yeux pour transplaner, comme pour les voyages en Cheminette quand il était enfant ou les portoloins longue distance quand il avait été adulte. James en avait souri quand il l'avait remarqué - lui ne fermait jamais les yeux... Peut-être que, les yeux ouverts, son arrivée chez Dumbledore n'aurait pas été aussi brutale... Il aurait moins eu l'impression de rêver, d'avoir perdu le fil de la réalité... Puisque Patmol s'échappait d'Azkaban, à quoi servait d'ailleurs ce portoloin ?... Quand Sirius sentit le sol sous ses pieds, celui-ci se déroba, mais deux mains fermes le rattrapèrent de justesse.

"Sirius, mon garçon, vous allez vous faire mal !"

Dumbledore. Sa voix n'avait pas changé. Pourtant Sirius n'osait pas ouvrir les yeux pour se rendre compte qu'il était encore dans sa cellule d'Azkaban. Mais Patmol s'est sauvé... Tout ça n'avait aucun sens, pensa-t-il en trouvant le courage d'ouvrir les yeux. Le regard bleu d'Albus n'avait jamais été imitable. C'était un soulagement.

"Sirius, je suis si content de vous voir ici", reprit le vieux sorcier en le lâchant progressivement, comme s'il craignait qu'il tombe sans béquilles. Il y avait de la chaleur et de l'affection dans sa voix. Pour lui. Tout ça n'avait aucun sens, après tant d'années de silence, mais amena des larmes furtives aux yeux de Sirius.

"Ici", répéta-t-il pour se donner une contenance en regardant autour de lui. Ce n'était pas Poudlard ; il avait peu vu Dumbledore hors de Poudlard, finalement, même pendant la guerre. Ça lui rappela que Remus était directeur de Poudlard maintenant.. "Nous t'attendons", disait la lettre. La tête lui tourna. Pourquoi Patmol n'était pas allé à Poudlard ?

"Oui, ici, chez moi, à Finchley", répondit Albus sans le quitter des yeux comme s'il craignait qu'il ne transplane ailleurs.

Il lui prit ensuite le bras et le conduisit doucement à un fauteuil dans lequel Sirius ne put que s'affaler. Neuf ans qu'il n'avait pas vu, senti, un fauteuil... Neuf. Années.

"Asseyez-vous, Sirius, vous paraissez si faible... C'est naturel, après ce que vous venez de vivre ces dernières années", ajouta Albus avec un mélange de gentillesse et de pitié - autant appeler les choses par leur nom. "Je ne peux que regretter que nous n'ayons pas su plus tôt, que regretter d'avoir cru si facilement la version des Aurors... Je vous dois des excuses personnelles à ce titre, Sirius..."

Sirius regarda Albus s'asseoir à la fin de sa tirade, puis baissa les yeux sur ses genoux où reposait maintenant le portoloin. Des excuses personnelles ? Lui ? Parce que il était tombé dans le piège le plus énorme de la décennie ? Lui, Sirius Orion Black qui avait toujours pensé avoir plus de jugeote qu'un petit Peter ? Tout ça n'avait aucun sens. Encore.

"Tout ça n'a aucun sens", dit-il à haute voix - comme à Azkaban. Ça lui fit du bien de l'entendre.

"Votre évasion est survenue un peu vite, sans doute", estima Albus avec un soupir désolé..

"Patmol s'est... évadé d'Azkaban", indiqua Sirius pour commencer par le commencement. C'était bizarre comme, à la fois, il en était convaincu et comme pourtant il avait besoin d'une confirmation.

"Je ne savais pas que votre Animagus avait un nom", sourit Albus, très paternellement. "Remus reste cachottier envers moi, finalement... A moins qu'il n'en sache rien lui non plus ?"

"Remus", rebondit Sirius parce que Remus est définitivement important dans tout ce bordel.

"Patmol s'est échappé", reprit Dumbledore, semblant plutôt préférer répondre à sa première question."Mais ce matin, l'information ne semble pas encore avoir atteint le Ministère - ce qui ne veut pas dire que tout peut changer très vite. Nous n'avons que très peu de temps et, croyez-moi, Remus aurait aimé être là, avec moi - voire à ma place..."

"C'est quoi le plan ?", coupa Sirius en essayant d'avoir l'air tourné vers l'avenir... ne serait-ce que parce que le présent lui échappait. Il n'allait pas, par exemple, avouer combien l'absence de Lunard le troublait. Pas tout de suite en tout cas. Il lui fallait plus d'informations.

"On va y venir, Sirius, mais il me semble que vous ne pouvez pas totalement imaginer l'avenir sans mesurer le passé", biaisa une nouvelle fois Dumbledore. "Vous avez été absent très longtemps, Sirius, beaucoup de choses ont changé..."

"Remus est directeur de Poudlard", indiqua Sirius avec une fermeté dans la voix qui le ramenait presque neuf ans en arrière. Il avait toujours respecté Dumbledore, mais il se montrait quand même trop complaisant, non ?

"Vous savez", remarqua l'ancien directeur de Poudlard, et Sirius se contenta de hocher la tête - il n'avait plus trop l'habitude de parler, il s'en rendait compte. N'y même qu'on lui parle autant. Et il venait sans doute de livrer la seule véritable information qu'il détenait. Le silence serait encore son meilleur allié.

"C'est un bon directeur et un bon professeur", reprit Albus comme si Sirius avait pu en douter ou comme si ça lui importait réellement, là maintenant. "Les élèves le vénèrent et l'équipe lui est acquise..."

"Et le Ministère l'a accepté", souligna Sirius - de bonnes nouvelles comme cela méritaient d'être répétées.

"Le Ministère l'a accepté parce qu'il représente les progressistes et équilibre ainsi l'équipe directoriale - son adjoint est Severus Rogue qui est tenu par d'autres comme..."

"Rogue !", aboya Sirius sans ressource pour contrôler sa surprise et sa colère. Patmol ne s'était pas échappé depuis vingt-quatre heures, et cet espèce de faux jeton était de nouveau - déjà ! - sur sa route ?

"Severus a tout fait pour nous aider à sauver James, Lily et Harry, vous vous en souvenez, Sirius? Il est resté près de moi à Poudlard et est devenu un admirable maître des potions - Remus vous le dira", plaida Albus, comme si Sirius avait eu le pouvoir de nuire en quoi que ce soit à ce type - qui devait, selon toute probabilité, rester un triste imbécile graisseux.

"Remus", souligna donc plutôt Sirius. La question de son absence était restée sans réponse la première fois, peut-être cela pouvait-il changer.

"Comme je vous l'ai dit, s'il le pouvait, il serait là, mais il doit être vu à son poste comme n'importe quel autre jour. Rien ne doit mener jusqu'à lui - Vous ne voudriez pas qu'Harry perde la seule famille qu'il ait maintenant ?", conclut Albus dans un élan de chantage affectif que la mère de Sirius n'aurait certainement pas renié.

J'aurais dû être sa famille... Vous m'avez fait venir ici, mais vous avez craint de me faire venir à Poudlard ?... Avant, Remus n'était pas aussi tortueux - Sirius aurait pu formuler des tas d'objections à la présentation de Dumbledore. Mais il n'en avait pas réellement la force.

"Professeur, c'est quoi le plan ?", soupira-t-il donc simplement.

"Nous allons prendre un bon petit déjeuner et je vais essayer de vous expliquer vos options", répondit Dumbledore avec un certain entrain.

"Mes options", releva Sirius avec un regain d'intérêt - l'idée qu'il y ait un choix était sidérante. Quand avait-il choisi quelque chose pour la dernière fois ? Neuf ans auparavant, il avait couru derrière Peter plutôt que de serrer Harry contre lui... était-il sûr de ne pas se tromper autant aujourd'hui ?

"Tout à fait", confirma Albus en claquant des doigts.

La table basse entre eux se couvrit de plats et d'assiettes et des elfes entrèrent avec une cafetière et une théière presque aussi hautes qu'eux. C'était du pur Dumbledore et de la magie de sang-pur comme Sirius en avait vue exercer quotidiennement toute son enfance - une affirmation perpétuelle de droits abusifs sur la nature, professait-il alors -, mais c'était aussi tout ce dont il avait été privé depuis neuf ans. Des larmes brûlèrent de nouveau ses yeux.

"Servez-vous, Sirius. Mangez, vous êtes maigre et vous allez avoir besoin de toutes vos forces", l'enjoignit Dumbledore en lui tendant une assiette qu'il prit plus par réflexe que par accord. Sirius avait perdu l'habitude de désobéir, c'était un fait. "Comme je le disais, notre communauté a changé, elle a trouvé la paix, des Remus et des Severus ont trouvé leur place et appris à travailler de conserve", continua Albus tout en se servant comme pour lui montrer l'exemple. "Mais certaines choses n'ont pas changé, elles, notamment le fait que vous soyez toujours considéré comme coupable - voire bientôt comme en fuite !", asséna-t-il en lui rivant, pour bonne mesure, un regard bleu scrutateur en guise de ponctuation.

"Comment avez-vous su ?", questionna Sirius, une fois remplie une assiette d'œufs brouillés et de saucisses - tout ça était plus appétissant que tout ce qu'il avait avalé en neuf ans et l'aidait à échapper au regard bleu. Il avait besoin de savoir depuis quand ils savaient - combien de temps l'avait-il laissé croupir à écouter des gouttes d'eau tomber ? Et aussi, ce qu'ils savaient - imaginez qu'ils se trompent encore ? Il n'y avait qu'un moyen : " Comment avez-vous su pour Peter...?"

Dumbledore secoua la tête avec des regrets visibles - peut-être parce que lui répondre l'empêchait de faire honneur à sa propre assiette - mais sans sembler surpris par son accusation de Pettigrow.

"Les Weasley, vous vous rappelez de Molly et Arthur, n'est-ce pas ? Molly est une Prewett, presque une cousine pour vous...Ils ont sept enfants, et l'avant-dernier a l'âge de Harry - ils sont très amis tous les deux", commença Albus. Comme ça partait pour être un long récit, Sirius se tortilla inconsciemment sur son siège, et Dumbledore expliqua plus directement : "Ce jeune Ronald avait un rat de compagnie, un vieux rat doté d'une longévité étonnante..." Le mot rat suffit à le calmer et à l'aider à se concentrer. "Un jour, Ron a emmené son compagnon à Londres, Remus y a un appartement où il aime passer ses vacances. Je vous passe les détails qui ont fait que votre ami s'intéresse à ce rat - ils vous raconteront -,- mais Remus l'a reconnu, l'a obligé à se transformer et même à avouer. Il a eu la présence d'esprit de se trouver un témoin, notre chère Minerva, pour cette confrontation, et vous auriez dû sortir libre d'Azkaban, Sirius, c'était écrit... Sauf que Peter leur a échappé quelques heures plus tard et que nous le cherchons depuis en vain..."

"Peter leur a échappé après avoir avoué ?", reformula Sirius, épuisé de tous les mots employés par Dumbledore. Manger autant aussi l'épuisait, et il venait de poser sa fourchette. Pour un peu il aurait demandé à Patmol de prendre sa place et fait une sieste.

"Exactement. Nous le cherchons activement, croyez-moi Sirius, mais rien ne dit qu'il soit même encore en Angleterre. Nous ne pouvions évidemment pas vous laisser à Azkaban en attendant... Remus était véhément - presque autant que lorsqu'il est venu il y a quatre ans me supplier de l'aider à récupérer Harry", commenta Albus sans doute pour lui-même.

Sirius se dit vaguement alors qu'il devrait s'enquérir d'Harry, de sa santé, mais le sujet l'intimidait énormément. "Mais comment avez vous su pour l'évasion de Patmol ?", souffla-t-il donc plutôt.

"Seul un plan à la fois simple et improbable pouvait marcher", s'enorgueillit Albus. "On va très bientôt chercher partout un homme de trente ans, pas un labrador ! Nous vous avons aidé à avoir l'idée - vous ne vous en rappelez plus parce qu'il ne faudrait pas que ceux qui nous ont aidé aient à porter le poids de leurs actes..."

"Patmol n'a pas eu l'idée seul ?", vérifia Sirius un peu stupidement. Dumbledore sourit très doucement avant de se consacrer à son assiette pour lui laisser le temps de digérer l'information. Un reste d'orgueil le conduisit à s'intéresser à ce qu'il avait dit d'autre - la nécessité de ne pas paraître un homme de trente ans... "Et vous me proposez de rester un labrador tant que vous n'aurez pas Peter ?", s'alarma vaguement Sirius - ce n'était sans doute pas pire qu'Azkaban sans doute, mais ça restait une autre forme de prison.

"Je ne pense pas qu'il serait souhaitable qu'on revoie un labrador trop vite dans notre entourage, Sirius", estima Albus en secouant la tête comme déçu de sa supposition. "Ne présumons pas trop de la bêtise des autres !"

"Alors ?"

" Alors", répondit Dumbledore, un peu solennellement, "il y a plusieurs options. Tout dépend déjà de votre réponse à une question simple : êtes vous prêt à passer le temps qu'il faudra à l'étranger, au Brésil, spécifiquement, ou est-ce inenvisageable ? Prenez votre temps pour me répondre", indiqua-t-il en étalant une épaisse couche de gelée de citron sur un toast.

"Me cacher au Brésil ?", répéta Sirius, ne serait-ce que pour appréhender l'idée - il venait de passer neuf ans dans une cellule glacée au beau milieu de l'Atlantique Nord, et on lui parlait de Brésil !

"Où ailleurs qu'au Brésil ?"

La question fut immédiatement là, indicible tellement la réponse lui faisait peur. Mais Dumbledore était resté Dumbledore.

"Votre amie, Aesthelia Marin Da Silva, n'est pas encore prévenue de votre libération, mais... Remus lui a appris ce qu'il avait découvert... et beaucoup des chemins auxquels nous avons pensés passent par le Brésil..."

"Mais que ferai-je au Brésil ?", souffla Sirius, profondément intimidé.

"Vous construire une autre vie, sous une autre identité... en attendant qu'on trouve Peter et que votre nom soit lavé", résuma Albus avec facilité. Quand il le disait, ça semblait évident. " Mais je sens que vous envisagez mal cette solution..."

"C'est que... bien sûr, j'ai déjà... rêvé de construire une vie au Brésil... Après la guerre, je voulais... Mais Aesthelia... Comment pensez qu'elle accepterait...? Neuf années, professeur ! Elle a dû refaire sa vie... elle n'a pu que refaire sa vie !", balbutia Sirius, à la fois honteux de livrer l'étendue de son chagrin et terrifié par l'ampleur des choses qui avaient effectivement pu changer pendant son incarcération. "Et moi... moi, mes combats sont ici... Je veux dire, c'est la paix, j'entends bien... mais mon filleul est ici et il ne me connaît pas !"

Albus le regarda longuement et pensivement après sa longue sortie. comme s'il en pesait les termes selon des critères n'appartenant qu'à lui.

"Vous aimeriez d'abord régler vos comptes ici", reformula-t-il.

"Comment reconstruire ma vie tant que je suis censé être coupable ?", lui opposa Sirius en pensant, Comment revoir Aesthelia tant que je suis un paria ?

"Donc, vos priorités sont dans l'ordre : être jugé innocent et connaître Harry ?", questionna Albus avec un intérêt réel qui ne manqua pas de surprendre Sirius.

"Connaître Harry avant tout, participer aux recherches autant que possible...", reformula-t-il - Il fallait être honnête, il n'allait sans doute pas pouvoir faire grand-chose par lui-même... Mais qui allait s'en charger ? Albus ? Remus ? Tous les deux avaient d'autres choses à faire ? Ils l'avaient cependant déjà libéré... Il ne savait pas comment d'ailleurs, puisque Dumbledore disait que Patmol n'était pas sorti seul et qu'il n'en avait aucun souvenir... Seule une labrador blanche revenait de loin en loin... Devant l'ampleur des questionnements sans réponses qui le traversaient, une espèce de sueur froide lui dégoulina dans le dos et Sirius ferma les yeux.

Albus dégusta deux longues bouchées de toast et descendit la moitié de sa tasse de thé avant de reprendre.

"Comme je vous le disais tout à l'heure, Sirius, votre sécurité est d'abord une question d'apparence... On va chercher un homme de trente ans, brun, maigre aux yeux gris. On va sans doute s'intéresser un moment aux labradors noirs. Il faut que vous soyez autre chose, Sirius!"

"Une belle blonde ?", proposa Sirius avec une gaminerie qu'il avait oubliée posséder. Puis il pensa à sa petite cousine, la fille d'Androméda, née métamorphomage... voilà un don qui lui servirait maintenant ! Quel âge pouvait-elle avoir aujourd'hui ?

"Quelque chose de la même veine", indiqua Albus sans sembler trouver la suggestion gamine.

"Vous avez une idée", comprit Sirius tout en se rappelant inutilement que la petite cousine s'appelait Nymphadora - lui, qui avait toujours détesté les arbres généalogiques ! Toujours aucune idée de son âge pourtant.

"Un jeune garçon serait aussi peu probable qu'une jolie blonde", lâcha Albus, et son sérieux le glaça comme une attaque de Détraqueurs. C'était leur plan.

"Un jeune garçon ?"

"Il existe une potion qui permet de diviser momentanément l'âge physique par trois", souffla Albus avec un poil moins d'assurance. "Elle permet aussi de créer une... double identité, quelque chose de relativement plastique et en phase avec la nouvelle apparence physique..."

"Je serais un garçon de dix ans", reformula Sirius avec une distance chirurgicale. Il semblait incapable d'éprouver le moindre sentiment face à cette idée saugrenue. Aurait-il dû se rebeller ? Le Sirius d'avant se serait-il rebellé ?

"De l'âge d'Harry sans doute - ce qui serait une façon intéressante de faire sa connaissance...", glissa Albus en se reversant du thé.

"Et après, quoi ? Je serais élève à Poudlard...?"

Tout ça était à la fois ridicule et tentant, comme annihiler les dix dernières années, n'avoir jamais été à Azkaban, pouvoir encore aller à un match de Quidditch avec James, se faire engueuler par Remus pour avoir manqué de jugeote ou serrer Aesthelia contre lui... Tentant mais sans doute impossible.

"Ce serait à la fois trop contraignant - vous devez avoir plus de liberté de mouvement que cela - et trop dangereux - ça reste une couverture, Sirius, il vaut mieux éviter qu'elle explose subitement parce que la potion cesserait de marcher", argumenta Albus - à croire qu'il y avait vraiment réfléchi. "Non. Nous avons eu une autre idée... Enfin, soyons honnête, j'ai réussi à convaincre Remus qu'elle était envisageable, j'en suis l'auteur..."

Après Harry, Remus, Sirius eut l'impression que leurs noms étaient lancés comme des appâts dans la conversation. En tout cas, Remus, il en avait fait du chemin s'il tenat tête, lui, à Albus maintenant!

"Vous pourriez être le... fils caché de Remus", indiqua alors Dumbledore, et Sirius ne put que me redresser devant le saugrenu de la proposition. "... un enfant brésilien, qui devrait aller vivre auprès de son père après la mort de sa mère", compléta le vieux sorcier comme on invente une histoire. Il lui rappela Regulus - Reggie avait toujours été très fort pour les histoires. "Vous passeriez quelques jours au Brésil avant de revenir ici... Mais par la grande porte, cette fois, avec une identité solide qui nous garantirait de grandes marges de manoeuvre", argumenta encore Albus comme s'il anticipait une opposition.

Sauf que les mots pour le faire manquaient à Sirius. Sa pensée était bloquée.

"Tout cela est compliqué et un peu effrayant", commenta trop gentiment Albus.

"Remus serait mon... père ?", essaya Sirius en essayant de l'envisager comme une blague. Remus avait toujours été la conscience des Maraudeurs, mais c'était aussi son pote ! La camaraderie était la dernière chose qu'il aurait envisagée de la part de son paternel, même avant qu'ils ne s'adressent plus la parole. Et puis, Remus... il l'avait tenu injustement coupable... Ils devaient tirer ça au clair avant tout, non ?

"Et Harry, votre frère", compléta Albus, loin de ses interrogations et avec l'air de se réjouir de son jeu des sept familles.

Il y a neuf ans, je répétais à qui voulait l'entendre que les familles se choisissaient, songea alors Sirius. Et j'avais choisi James comme jumeau. Pourquoi pas Harry aujourd'hui ? Parce que tu es son parrain ! Tu dois le guider, le protéger, en faire l'homme dont Lily et James auraient été fiers ! Les attentes de sa conscience auraient donné envie de fuir à moindre que lui... peut-être que Patmol aurait su quoi faire ?

"Et ça tiendrait ?", se contenta-t-il donc de demander - genre, parlons technique.

"Cette double conscience... une part de vous aura vraiment neuf ans et des envies simples comme monter aux arbres, voler sur un balai ou jouer avec Harry... votre conscience adulte aura le choix de s'imposer ou non à elle..."

Sa conscience adulte ? Il en aurait bien ri.

"Il vous faut ma réponse quand ?", souffla-t-il.

"Le plus tôt sera le mieux."

Harry. Remus. Une belle connerie. Pas de choix.

"Vous l'avez."

oo

Rogue n'avait pas changé. Il était exactement le monstre froid, sarcastique et graisseux que Sirius avait imaginé en ré-entendant son nom. En plus vieux. Il aurait dû pressentir dès ce moment qu'Albus ne l'aurait pas mis sur le tapis sans qu'il ait un rôle à jouer dans la farce. Encore un entraînement qu'il avait perdu - comme les longues phrases ou finir des assiettes copieuses. Rogue était ainsi l'homme qui avait préparé la potion de rajeunissement avant même qu'il ne s'échappe d'Azkaban, selon des modalités qu'Albus prétendait qu'il était mieux qu'il ignore. Ils - Albus, Remus et Severus ? - avaient visiblement décidé par avance qu'il allait accepter leur plan tordu. Et ils avaient eu raison, Sirius devait l'admettre. Une fois de plus, il avait été tellement prévisible qu'il s'était livré à un piège qu'il espérait bien intentionné. Cela aurait été moins agaçant si le même Rogue n'essayait pas, maintenant, de lui déconseiller de prendre sa petite préparation...

"Je serai honnête, Black. Jouer sur le temps est toujours dangereux, jouer sur l'âge physique, sur l'âge mental, et pendant une durée de temps relativement longue, est pire... Nous sommes aux frontières de l'acceptable..."

"Tu dois y être bien", persifla Sirius avec une joie mauvaise.

"J'ai préparé, testé et adapté cette potion à la demande d'Albus et de Remus, je n'ai pas besoin de ta bénédiction, Black !"

"T'as besoin juste que je la prenne", souligna Sirius, content de cette importance que sa décision pouvait encore avoir. Il avait perdu l'habitude de décider et de peser. C'était un peu grisant. Il aimait moins comment Severus parlait de Remus, comme d'un ami - on aurait cru rêver !

"J'ai stupidement pensé qu'il serait séant de ma part de t'informer des risques que tu prends", répondit Rogue avec hauteur, genre je me prends pour la plus haute tour de Poudlard.

"Je peux t'informer des risques que je cours à ne pas la prendre : aimerais-tu en savoir plus sur Azkaban, Rogue ? Tu y retrouverais nombre de tes anciens amis !", le ramena Sirius sur terre.

"Sirius, voyons", intervint Albus dans un soupir, comme s'ils étaient deux cousins en train de gâcher le goûter de Noël.

"Albus, je vais laisser les trois fioles sur cette table", commença Rogue tremblant de colère - Sirius savait donc toujours le sortir de ses gonds, tout ne s'oubliait pas. "Il devra en prendre une dès que possible, puis une deuxième dans deux heures, puis la dernière trois heures plus tard... J'ai divisé le rajeunissement pour qu'il soit moins violent... Je conseille de l'endormir à chaque fois avant avec ça", continua-t-il en sortant un plus gros flacon. "Même progressif, le processus risque d'être douloureux..."

"Severus nous avons besoin de vous", objecta Albus. "Si quoi que ce soit ne fonctionnait pas..."

"Mes potions marcheront, Albus", affirma Severus avec une estime de soi que Walburga Black aurait applaudie, même chez un sang-mêlé.

"Nous avons besoin de vous, Severus", répéta Dumbledore sans sembler voir à quel point il entrait dans le jeu du maître des potions que Rogue prétendait être devenu. Sirius, lui, regardait les flacons alignés. Dans cinq heures, il aurait de nouveau neuf ans ? C'était vertigineux.

"Je ne supporterais pas...", reprit Rogue avec hauteur.

"Je vais les prendre, tes fioles", coupa Sirius, fatigué d'entendre Severus se plaindre. Mais pourquoi Remus le laissait-il seul face à cet imbécile ? Ah oui, la sécurité de Harry... "Si Albus et Remus te font confiance, je vais les prendre..."

Pour première réponse, Severus lui lança un de ses regards furibards qui les avaient toujours mis en joie, James et lui, mais qui devaient salement inquiéter les mômes soumis à sa férule de sale petit envieux prétentieux. Lui, prof ? Comment pouvait-on enseigner quoi que ce soit quand on méprisait autant les autres ?

"L'éthique voudrait que tu acceptes d'entendre les risques", alla-t-il même jusqu'à insister.

"Je pourrais crever ?", questionna Sirius, en pensant tellement fort que l'hypothèse devrait le réjouir qu'il ne devait pas être nécessaire d'être versé en légilimentie pour l'entendre.

"Non, je ne pense pas qu'il y ait de réels risques physiques, mais il y en a d'autres : d'abord, il ne faudra jamais oublier que cette transformation n'est réversible que pendant cinq ans... Ne pas le dire et le répéter ne serait pas honnête", commença Snivellus, et Albus leva imperceptiblement les yeux au ciel comme s'il avait déjà, lui, répondu à ce "risque". Après tout, prendre Pettigrow en cinq ans ne devait pas paraître infaisable à Dumbledore, songea Sirius, décidant qu'il préférait l'aveuglement potentiel du vieux sorcier au pointillisme graisseux de son vieil ennemi. "Et puis, même en respectant les délais et les procédures, le risque que tu perdes ta... conscience - tous tes souvenirs, tout ce que tu as appris... demeure", termina Rogue du bout des lèvres et avec un effroi sincère ou bien imité.

"Tu veux dire que tes trois petites fioles pourraient faire ce qu'Azkaban n'a pas réussi ?", ironisa Sirius

Rogue ferma les yeux. Albus soupira. Sirius prit la première fiole et l'avala d'un trait.

ooo

Note dont vous me direz l'utilité : J'essaie que cette histoire tienne sur ses pieds toute seule, mais pour ceux qui débarquent là et voudraient en savoir davantage à propos de Harry, Ron et un rat relativement nerveux devraient se reporter aux chapitres 16 à 20 de Entre Lune et étoile...

Oui, il y a une suite...