L'envol du phœnix

Alixe, Dina et LaPaumée ne m'ont pas lâché la main et les personnages initiaux ne m'appartiennent toujours pas plus...

4. De place en place

A la différence de ce que Sirius avait anticipé, ils n'étaient pas allés directement au Brésil quand ils avaient quitté Finchley à la nuit tombée, Nymphadora toujours grimée en Laelia et lui. Vêtus comme des Moldus, ils avaient commencé par prendre le dernier bac pour Calais, puis le train pour Paris, puis le train de nuit pour Lisbonne. En plus des embruns, des champs et des villes - autant de choses exotiques après neuf années de prison ; Sirius avait ainsi pu constater, de ses yeux, qu'ils détenaient des papiers moldus qui semblaient tenir l'examen sourcilleux des différentes autorités. Laelia Coelhio et son jeune fils, Cyrus Coelhio e Lupin. Lui-même pouvait passer des heures à tourner ses pages, comme s'il espérait que les caractères moldus finissent par s'animer et livrer leurs secrets.

"On n'aurait quand même pu aller plus vite", il avait murmuré quand ils s'installaient dans le wagon-lit réservé pour eux.

"On cherche à passer inaperçus du Ministère", elle avait répondu sur le même ton. "Et tu dois apprendre le portugais."

Elle avait résolument fermé la porte du compartiment et lui avait tendu une fiole.

"Encore ?"

"Il s'agit d'améliorer ton apprentissage en rendant ton esprit réceptif, la potion induira une quasi hypnose", elle avait expliqué - et Sirius s'était demandé ce qu'elle en savait réellement.

"Mais toutes ces potions ne vont-elles pas se mélanger et interférer les unes avec les autres ?", avait-il objecté - il n'avait jamais été un bille totale en potions ; loin de là.

"Severus a travaillé à leur compatibilité", avait affirmé Laelia-Nymphadora avec une confiance totale qui avait fait frémir Sirius.

Vous passiez - injustement ! - neuf ans à Azkaban et, quand vous sortiez de ce lieu de cauchemar, votre némésis était devenu l'ami de tous ? Pire, il participait au plan qui devait vous rendre libre ? Il devait y avoir des enfermements moins douloureux que ce type de libération !

Comme si elle avait lu dans son esprit, Nymphadora avait continué : "Severus est avec nous, Cyrus. Il a prévenu de la découverte de la prophétie et de l'attaque imminente de Voldemort sur Harry. Il est devenu le sous-directeur de Poudlard, et Remus te dira combien il défend l'institution bec et ongles..."

"Magnifique", cracha Sirius, les bras croisés sur sa poitrine.

"Tu lui en veux d'avoir été un Mangemort ?", souffla très bas sa cousine.

"Je m'en veux de ne pas avoir su protéger Harry et ses parents", répondit sincèrement Sirius.

Leur "Severus" n'était qu'un triste sire ; il avait prétendu aimer Lily, "mieux que James", et il avait laissé Voldemort la tuer et avait continué à vivre ? Sirius savait que si on ne l'avait pas enfermé et si Harry n'était pas demeuré comme la preuve de sa responsabilité, il serait sans doute mort dans l'attaque suicide des derniers nids de Mangemorts. C'était limpide et évident.

"Comment aurais-tu pu imaginer... !", commença à le dédouaner Nymphadora avec un soupir désolé - exactement ce dont il avait besoin ! "La seule chose que je n'ai jamais comprise, c'est pourquoi ne pas avoir choisi Remus plutôt que Peter ?"

"Parce qu'il était un loup-garou", avoua Sirius en rougissant et en piquant même du nez.

Neuf années lui avaient imposé de regarder beaucoup de choses en face : ses erreurs, sa présomption, son orgueil... mais pas de se trouver d'excuses sur ce jugement-là. Remus, vendu à Voldemort ? Comme Lily avait eu raison de le défendre contre James et Sirius. Dommage qu'elle n'ait pas su les convaincre.

"Parce que...!", s'affolait d'ailleurs sa petite bécasse de cousine - elle avait beau avoir l'air plus vieille qu'elle ne pouvait l'être ; elle avait beau appelé tout l'Ordre du Phoenix par son prénom ; elle devait encore avoir beaucoup à apprendre sur l'honneur, l'erreur et la trahison.

"J'ai eu le temps de peser toute... toute mon erreur", souffla encore Sirius - gardant pour lui son jugement peu flatteur. "J'attends autant l'occasion de m'excuser que de revoir enfin Harry, tu sais..."

Nymphadora-Laelia hocha la tête comme si elle approuvait l'idée.
"Il s'est tellement battu, tu sais. Pour Harry, pour toi..."

"Remus ?" - ce n'était pas qu'il en doutait, c'était qu'il trouvait surprenant que Nymphadora ait une opinion sur les combats de Lunard.

"J'étais en troisième année quand Remus est arrivé à Poudlard... Le meilleur prof de Défense qu'on ait jamais eu, tout le monde l'a adoré, en moins d'une semaine... Et puis, on a su pour sa..."condition"... Avec tout ce que je croyais savoir des Maraudeurs, même moi, je l'ai découvert !", révéla la jeune femme avec une animation nouvelle. "Il l'a plus que reconnu - il l'a affiché parce qu'il demandait la garde de Harry et qu'il n'y avait aucun moyen de cacher la vérité - elle ne pouvait que sortir durant le procès ou dans la presse... surtout que les Malefoy réclamaient Harry !"

"Les Malefoy ?", s'étrangla Sirius, oubliant ses premières questions : avec qui avait été Harry avant de vivre avec Remus ? Le connaissait-elle ? Comment était-il ?

"Même Maman n'a pas réellement compris pourquoi - peut-être pour la rédemption qu'il leur aurait offerte, mais personne ne sait vraiment pourquoi...", soupira Laelia-Nymphadora en regardant par la fenêtre d'un air songeur. Sirius cherchait encore comment la relancer quand elle reprit : "Quand ça s'est su, des tas de gens ont écrit à Poudlard, et d'autres ont enlevé leurs enfants ; la presse s'est déchaînée, mais Remus a gardé le front haut, et Dumbledore n'a cessé de le défendre... Moi, qui l'admirais déjà, je me suis battue en duel avec une fille de ma promo qui disait qu'il fallait mettre tous les lycanthropes à Azkaban... Quand j'ai eu le dessus, une autre a insinué que je connaissais déjà tellement de personnes à Azkaban que je craignais pour leur sécurité", ajouta Laelia avec un soupir.

"Moi", comprit Sirius avec un petit sourire désabusé. Il songea aussi que la jeune femme avait l'air d'en pincer sérieusement pour Remus qui aurait pu être presque son père... Et puis, Lunard avait peut-être quelqu'un... Sirius espéra pour Harry et pour lui qu'il y avait quelqu'un.

"Toi et Bellatrix", corrigea la jeune femme en levant les yeux au ciel. La malédiction Black, encore et toujours.

"Tu t'es battue avec la seconde fille aussi ?", questionna Sirius, s'amusant de trouve en sa cousine un écho de son propre comportement sur sa cousine...

"Je l'ai explosée", confirma Nymphadora-Laelia, avec un soupir de regret qui ne débordait pas de sincérité. "Mes parents ont été convoqués et j'ai cru que j'allais être expulsée... Finalement, j'ai pris trois semaines de retenue, ma mère a hurlé, mon père a secoué la tête, et la moitié de mon année a refusé de me parler pendant des jours... Sur le coup, c'était un peu la fin du monde pour moi. Mais Remus est venu me parler... Il m'a dit : 'l'honneur de ses amis est une chose qui mérite des sacrifices' et il m'a souri... J'ai serré les dents le temps que les choses se tassent... Et je suis devenue sa meilleure élève... - ce qui m'a permis d'entrer haut la main à la formation d'Auror", raconta-t-elle avec un sourire nostalgique.

"Tu es Auror ?," enquêta Sirius avec une sincère surprise. La fille d'Androméda, Auror ? Le sang des Black révélait finalement autant de surprises que de constantes ! Ça remettait aussi en cause tout son jugement sur elle : elle ne pouvait être une bille facilement embobinée par Severus en potions, par exemple. Elle saurait sans doute les protéger si jamais des sorciers se lançaient à leurs trousses. Albus ne l'avait pas choisie que pour ses dons de métamorphose.

"Quasiment. Je suis en stage final - garde rapprochée du président du Magenmagot, c'est-à-dire Albus, ça tombe bien, n'est-ce pas ?", commenta-t-elle avec un air mutin.

Sirius l'envia, ce fut total et immédiat. Auror... redevenir Auror... Il n'aurait pas su dire si c'était mieux ou moins bien que revoir Aesthélia et demander sa main. Mais pour cela, tout cela, il fallait laver son honneur, réhabiliter son nom. Ce qui semblait curieusement commencer par se cacher dans un train de nuit moldu et le corps d'un enfant. Il en eut un léger vertige.

"Assez discuté", décida brusquement la jeune femme, le tirant de sa rêverie maussade, et en tendant le flacon. "Je vais te lire des livres, d'abord des livres pour enfants - moi, ça me fait réviser, et toi, ça va te construire tes compétences linguistiques..."

"Maintenant ?", il se rebella sans trop savoir pourquoi.

"Je ne vois pas réellement ce que nous pourrions faire de plus productif", estima la jeune femme sans sembler réellement mesurer sa réticence.

"Tu ne vas pas dormir ?", il essaya - en fait, rêver à tout ce qu'elle venait de lui raconter lui aurait suffi.

"Plus tard", répondit évasivement Laelia-Nymphadore en lui collant le flacon dans la main et en extirpant un livre coloré de ses bagages. "Quand tu veux !"

Les yeux sur le flacon, Sirius se demanda brièvement s'il pouvait l'amener à plutôt parler de Harry, de Remus, de ses parents ou même de la communauté magique en général - comment les Malefoy pouvaient-ils courir libres alors que lui croupissait à Azkaban ? Mais elle était une Auror en mission - l'amener au Brésil, y mourir officiellement et accessoirement lui apprendre en chemin le portugais... Sacré stage de fin d'études, songea-t-il avec une nouvelle bouffée d'envie. Il décida de l'aider - enfin, décider était sans doute un peu fort. Il ne trouva plutôt pas de réelle contre-proposition. Il avala le contenu de la fiole et se laissa aller sur les oreillers.

oo

Sirius lui même ne savait pas trop pourquoi il avait suivi ces enfants - deux garçons d'environ son âge ; un grand blond et un châtain un peu fort. Ils avaient l'air d'avoir un plan, et ça avait suffi à ce qu'il ait envie de les suivre. A ce que Cyrus veuille les suivre serait sans doute plus juste - étonnant, cette volonté qui se développait à côté de la sienne. Ce n'était pas affolant comme si quelqu'un d'étranger avait pris le contrôle de son corps - rien à voir avec un Imperium - mais étonnant tout de même. Il les avait donc suivis, pour faire plaisir à Cyrus, et deux ruelles plus tard, les gosses s'étaient rendus compte de sa présence.

"T'es qui toi, pourquoi tu nous suis ?"

"Je m'ennuie", avait-il répondu en haussant les épaules.

La méthode hypnotique marchait plutôt bien. En moins de deux jours, il comprenait l'essentiel des conversations courantes et commençait à pouvoir répondre. Dommage qu'elle impliquât cette potion un peu écoeurante qui l'endormait à moitié - encore que quand elle cessait de faire effet, il se sente étonnamment fatigué. Et puis il y avait cette impression que Cyrus était chaque fois un peu plus fort qu'avant...

"T'étais avec une jeune dame au café", remarqua le châtain.

"Ma mère", répondit laconiquement Sirius, étonné de la simplicité avec laquelle la réponse avait fusé.

"Vous êtes des touristes", jugea le grand blond.

"On est Brésiliens", expliqua Sirius avant de se demander si le mensonge tiendrait contre l'expertise de deux gamins portugais des rues de Lisbonne.

"T'es blanc", s'étonna le premier.

"Il y a des Blancs au Brésil", intervint le second. "Mais vous êtes des émigrés alors ?"

"C'est quoi ?", s'enquit Sirius bloqué par son manque de vocabulaire.

"Des étrangers qui viennent prendre notre travail", expliqua le châtain avec hauteur.

"Ah non," le détrompa Sirius avec un haussement d'épaules. "On était en vacances, voir mon père qui est Anglais et là, on rentre au Brésil... on ne travaille pas."

"Ton père est Anglais ?", s'émerveilla le blond. "C'est des conneries !"

Sirius haussa les épaules - les mensonges serinés pendant la transe hypnotiques sortaient facilement ; "Ils" - Albus sans doute, mais peut-être aussi Remus voire Severus, tous ceux qui étaient derrière ce plan sans queue ni tête - auraient sans doute été contents.

"Vous rentrez au Brésil ?", s'intéressa l'autre.

"On visite, et puis on prend l'avion", résuma Sirius avec l'envie de parler d'autres choses - il ne les avait pas suivis pour raconter sa vie. "Vous alliez faire quoi ?"

"Tu prends l'avion quand ?", insista le châtain.

"Ce soir", soupira Sirius, regrettant maintenant d'avoir autant parlé et presque de les avoir suivis. Il n'était pas un môme après tout.

"Et ta mère ?"

"Elle écrit des cartes postales - je m'ennuie...", répéta Sirius presque à son insu. C'était une réponse de Cyrus - de cette page blanche qui se développait lentement en lui à coup de potions et de livres pour enfants portugais. Et Cyrus détestait s'ennuyer.

Les deux garçons s'entre-regardèrent.

"Joao, le patron du bar, des fois, il nous file des cocas si on l'aide à porter ses caisses - mais là, il a dit qu'on devait se partager un seul coca !"

"On va lui brûler ses poubelles", conclut le grand blond avec détermination et il ouvrit la main qui contenait une poignée de pétards. Sirius ne savait exactement quels dégâts ils pouvaient causer. Ils lui paraissaient petits pour avoir un tel effet, mais ses connaissances en technologie moldue se limitaient aux armes blanches et aux motos.

"T'en es ?", questionna le châtain.

"Bien sûr", répondit Sirius sans trop savoir pourquoi. Il aurait eu envie de dire que Cyrus l'en avait supplié. Pas verbalement non, mais comme une envie pressante qui lui avait remplie les tripes et le cerveau... qui aurait compris ?

Les poubelles pétaradèrent mais ne prirent pas feu comme les deux gamins l'espéraient. Quand il s'en rendit compte, le Blond décida d'y ajouter des journaux enflammés. Comme le son de pétarade avait fait sortir le fameux Joao ainsi que les cuistos du restaurant d'à côté, et que tous connaissaient les deux chenapans, ils furent vite attrapés. Ils n'avaient visiblement pas pensé à leur fuite. "Des débutants", jugea sévèrement Sirius. Le père du grand blond travaillait deux boutiques plus loin et il fut là avant même que son fils ait fini de prétendre que c'était un accident. Il l'emmenait en le tirant par l'oreille avant que le châtain essaie de mettre toute l'idée sur le dos de Sirius. Joao ne parût pas particulièrement impressionné par la manoeuvre.

"Tu es une petite raclure ! Tu finiras comme ton père, mort dans une ruelle sans qu'on sache même pourquoi !", asséna-t-il tout en demandant à l'un des cuistos de le reconduire à sa mère qui travaillait apparemment dans une poissonnerie non loin de là. "Moi, je vais m'occuper du jeune monsieur", termina-t-il en empoignant Sirius par le bras et en le tirant vers les tables.

La tentation de la magie l'emplit comme une vague, et il fallut un contrôle que Sirius s'étonna de réunir pour ne pas y succomber. C'était étrange d'être traîné aussi facilement - pas qu'il résistât vraiment. Et puis, c'était embarrassant pour la pauvre Nymphadora qui n'avait aspiré qu'à finir ses cartes postales. "Mais j'aurais pu avoir été enlevé par des Mangemorts et elle n'en aurait rien su !", songea-t-il avec une bouffée de ressentiment.

"Madame, vous pourriez surveiller votre fils !", attaquait déjà Joao.

"Cyrus... il joue par là", répondit un peu évasivement Laelia-Nymphadora sursautant à l'invective du tenancier et renversant sa tasse de café heureusement vide. Puis elle vit Sirius et elle rougit violemment - presque à changer entièrement de couleur, jugea son cousin avec intérêt. "Mais qu'est-ce qui se passe ?"

"Il se passe que votre gamin s'acoquine avec les pires racailles du quartier pour brûler mes poubelles, voilà ce qui se passe !", répondit le cafetier en poussant Sirius assez brutalement devant lui. "Et vous, vous ne savez même pas où il est et ce qu'il fait ! J'espère que son père le tient mieux que vous !"

La remarque fit éternuer Sirius - son père ? - de rire. Il avait bien eu un père qui avait prétendu le "tenir" ; il était mort depuis longtemps et ce n'était pas une perte.

"Vous voulez un dédommagement ?", proposa Nymphadora-Laelia plus rouge qu'une tomate.

"Là n'est pas la question !", répondit l'homme. "Plus personne ne semble prendre la peine d'élever les enfants ..."

"Je suis bien d'accord", affirma la jeune femme, surprenant autant le cafetier que Sirius. "Mais je voulais être sûre que vous n'étiez pas lésé, maintenant si vous voulez bien nous excuser...", elle termina empoignant Sirius par l'épaule avec une force étonnante et l'entraînant avec elle un peu comme le père du gamin blond. "Tu aurais pu au moins feindre un minimum de regret !", elle souffla en anglais, quelques mètres plus loin.

"Ne te prends pas trop au jeu", répondit Sirius avec hauteur.

"Je ne fais qu'essayer de sauver notre couverture", asséna Laelia avec une colère qui ne lui parut pas le moins du monde feinte, elle. "Je suis ta mère ; je vais dire quoi ? Bravo mon chéri ?"

Sirius n'avait pas de réponse à une telle affirmation.
"Je m'ennuyais, j'ai suivi ces mômes, mais c'étaient des débutants", il résuma donc.

"Quel dommage qu'ils n'aient pas planifié le casse d'une bijouterie !" s'agaça Nymphadora. "Mais tu entends ce que tu dis ? Tu étais censé ne pas t'éloigner ; tu es censé avoir deux grammes de jugeote ; et tu brûles des poubelles parce que tu t'ennuies ? Tu veux donc tout faire rater ?"

"Bah, tu aurais payé une amende !"

"Ou la police magique portugaise se serait intéressée à notre cas"

"Paranoïa", jugea Sirius.

"Il me semblait qu'Azkaban aurait pu t'apprendre que le pire est possible", asséna Nymphadora-Laelia.

Ils marchèrent le reste de la rue sans s'adresser la parole. La jeune femme semblait fulminer, et Sirius se sentit - un peu bêtement - obligé de la rassurer.
"On va prendre l'avion et personne ne sait nos noms..."

"Mais ce cafetier saura nous décrire et les enfants aussi, ils ne t'oublieront pas comme ça. On fait tous ces détours pour brouiller les pistes et toi, tu laisses des traces fraîches comme un lapin dans la neige !", contra-t-elle avec véhémence. "Tu es irresponsable !"

De nouveau, Sirius pensa très fort qu'elle exagérait les risques mais il songea aussi que c'était la mission de la jeune femme de le protéger et de l'amener à bon port. Il se rappelait de la volonté de bien faire, d'être irréprochable dans le respect du plan.

"Pardon, ça ne se reproduira pas", essaya-t-il pour se faire immédiatement rabrouer :

"Ça tu peux en être sûr : tu ne risques plus de disparaître de ma vue !"

L'affirmation saisit Sirius - mais pour qui se prenait-elle ? Il lui fallut toute sa volonté pour ravaler ses protestations et de convaincre que la jeune femme parlait sur le coup de l'inquiétude et qu'elle se calmerait plus tard.

ooo

Deux heures plus tard, à près d'une heure de l'embarquement annoncé pour Rio de Janeiro, Sirius se demandait si son interprétation de la réaction de sa cousine n'était pas finalement erronée. Nymphadora avait été sur ses talons chaque seconde depuis qu'ils avaient quitté le café du centre ville. Son regard était celui d'une professionnelle chargée de la surveillance de quelqu'un. Il notait tout, les lieux, les gens, les mouvements. Jamais elle n'avait été à plus de cinq pas de lui, et il était à peu près convaincu que sa main droite n'avait jamais réellement quitté sa baguette.

Un temps, ça l'avait amusé et puis, bizarrement, ça l'avait attristé. Ça changeait assez profondément leur relation. Jusque-là, Nymphadora avait été prévenante et souriante ; elle avait lu sans fatigue pendant des heures tous ces livres qui devaient lui apprendre le portugais ; elle lui avait servi des potions à heures régulières, mais elle avait aussi raconté des choses personnelles, ri avec lui à la mise ou aux comportements de leurs compagnons de voyage ou à leurs incompréhensions linguistiques - notamment quand ils avaient commandé du thé et avaient eu de la camomille à la place. C'était un peu comme avoir une amie, presque une famille. Là, elle était distante et sur le qui-vive. La chaleur, précieuse après neuf années de solitude, qui avait empreint leur relation lui manquait. Et pour Cyrus, c'était visiblement pire. Sirius ne pouvait pas manquer la boule qui s'était formée dans sa gorge, ses yeux qui ne quittaient pas la jeune femme et se faisaient chaque minute plus suppliants. Il ne s'en fallait que de peu qu'il fonde en larmes et qu'il se répande en excuses.

Un homme s'approcha, jeune, bronzé, habillé avec recherche, et demanda à Laelia si la place à côté d'elle était libre. Comme Laelia était jolie, les hommes s'intéressaient à elle. Sirius s'en était rendu compte dès leur petit déjeuner au wagon restaurant. Il avait réalisé ça comme on observe les mœurs des créatures magiques - comme si jamais il n'aurait pu en être partie. Pourtant il n'avait pas manqué d'envie en la matière, avant... Est-ce que c'était Azkaban qui lui avait rendu les femmes étrangères ?

L'homme raconta qu'il voyageait pour ses affaires et sembla passionné quand Laelia expliqua qu'elle étudiait les usages des plantes d'Amazonie. Il parla de marchés insuffisamment explorés et de richesses dormantes. Elle sourit un peu pincée, pas assez à l'aise avec le fond pour répliquer - comme Aesthélia l'aurait fait, Sirius le savait - sur les savoirs ancestraux à protéger et à rémunérer. L'homme se rapprocha pour développer son raisonnement, et Sirius sentit Cyrus se lever avant qu'il ne le perçoive avoir envie de le faire. Suivant entièrement sa logique, l'enfant s'assit sur les genoux de Laelia, la séparant de l'homme d'affaires en le regardant droit dans les yeux.

"Ma Maman défend les savoirs des Indiens, elle empêche qu'on les vole", annonça-t-il avec une énorme de dose de défi dans les yeux.

"Tout ça", s'amusa l'homme. "Voilà une entreprise aussi noble que, sans doute, pleine de périls ! "

"Je suis là pour la protéger", affirma Cyrus avec aplomb.

"Vous voilà hors de danger, Madame", se moqua l'homme avec un regard pour Laelia qui semblait l'inviter à remettre l'enfant à sa place.

"Nous formons de fait une sorte d'équipe, Cyrus et moi", commenta calmement Laelia, passant même une main caressante sur sa joue. "Une équipe gagnante, je dirais."

ooooo

Oui, il y a une suite... brésilienne, évidemment. Vous connaissez la Croix du Sud ? C'est le moment de chercher une carte du ciel...