L'envol du phoenix 14 | Les intentions de la magie

« Attends, Cyrus, attends ! », s'affolait Harry en dessous du jeune garçon qui tirait sur ses bras pour se hisser par un fenestron de la tour nord.

« Quoi ? Qu'il se soit envolé ? », cracha Cyrus sans se retourner. Un dernier effort lui permit de s'asseoir sur le bord du fenestron. Son équilibre était précaire et il devait se tenir des deux mains.

« Tu ne peux pas aller sur le toit, c'est trop pentu ! », argumenta Harry.

Cyrus condescendit à regarder autour de lui les tuiles noires, à peine sèches de la dernière pluie. La pente était celle d'un toboggan mais le fil du cerf-volant – le magnifique cerf-volant chinois offert par ce décidément étrange professeur Quirrel au dîner hier soir, et avec lequel ils avaient joué toute la journée – s'était coincé dans la gouttière qui bordait le toit de la tour nord. Cyrus se demanda mollement si Trelawney avait prévu que Harry et lui fassent des glissades sur le toit de sa classe cette fin d'après-midi. Quand Quirrel leur avait donné le cerf-volant, elle avait bien prétendu avoir vu venir, depuis des jours, un cadeau volant.

« C'est n'importe quoi, Cyrus », insista Harry avec une intonation directement piquée à son père, à leur père adoptif.

Elle agaça Sirius, cette intonation, et c'était un bien selon Cyrus parce que jusqu'à présent son double adulte s'était montré plus enclin à défendre la position prudente de Harry et à essayer de reprendre le contrôle de leur course folle qu'autre chose. Toute distraction était bienvenue.

« Je croyais que tu aimais ce cerf-volant », lui opposa donc Cyrus avec un peu de méchanceté.

« Bien sûr que je l'aime ! », protesta Harry avec virulence.

« Et tu vas le laisser s'envoler ? »

« Je ne vais pas me tuer pour lui ! »

« Qui parle de se tuer ? »

« Cyrus, tu crois pouvoir te retenir sur un truc aussi pentu ? Tu remonterais comment ? »

« Tu penses en moldu, Harry ! », jugea Cyrus avec une pointe de condescendance.

« Je n'ai pas de baguette ! », s'exaspéra Harry. « Et je ne saurais sans doute pas m'en servir», il rajouta dans un souffle plein de regret.

Sirius trouva une nouvelle source d'agacement dans ce soupir – James aurait déjà filé une baguette à Harry, selon lui – et Cyrus décida de suivre cette voie de moindre résistance.

« On n'a pas toujours besoin de baguette », proposa le jeune garçon en repoussant mes cheveux de ses yeux. « Tu as assez de magie en toi pour amener à toi un bout de papier de bambou qui ne doit pas peser 200 grammes ! »

« Moi ? », s'étonna Harry avec cette innocence de l'enfance.

« Moi, il paraît que je ne dois pas essayer de faire de magie », lui rappela Cyrus. Immédiatement, Harry opina embêté de ne pas y avoir pensé tout seul. « La formule est... »

« Accio – je sais », le coupa Harry pas loin d'adopter l'idée, Cyrus le voyait bien.

« Tu te concentres, tu appliques ta volonté au cerf-volant, tu ouvres la main et il va venir », pronostiqua Cyrus avec une certaine excitation. Il avait tellement envie que ça marche, que Harry réalise son potentiel magique et aussi qu'il soit moins sempiternellement raisonnable. Pour une fois, Sirius paraissait totalement d'accord avec lui. Il disait même que c'était la meilleure solution.

Harry, lui, hésita un instant, les yeux sur le grand cerf-volant à tête de dragon qui battait au vent. Puis il soupira et ferma ses yeux derrière ses lunettes. Sa respiration se fit plus profonde, sa main droite se tendit vers le cerf-volant. Cyrus retint son souffle. Il sentait la magie qui emplissait l'air, un peu désordonnée mais bien perceptible, comme un vent incertain. Il regarda le cerf-volant et pendant un court moment il eut l'impression que celui-ci luttait contre le vent et revenait vers eux.

« Ça ne marche pas », renonça alors Harry en rouvrant les yeux.

« Essaie encore ! », le pressa Cyrus. « Personne ne peut y arriver la première fois ! »

Harry mit quelque secondes à accepter cette vérité raisonnable et il referma les yeux. Mais il n'y croyait pas vraiment – moins que la première fois en tout cas. Cyrus le sentit immédiatement à la qualité de la magie autour d'eux. Il le laissa cependant essayer encore deux fois avant d'enjamber la fenêtre. Le bruit lui fit ouvrir les yeux et son cri fut immédiat. C'était trop tard, Cyrus avait commencé à désescalader le toit, tuile par tuile.

« Cyrus ! », geignit Harry d'une voix plaintive.

Cyrus ne prit même pas la peine de lui répondre. Un pied après l'autre, il continuait de descendre, totalement concentré sur ses gestes, ses prises, les battements de son cœur. Sirius préférait retenir son souffle plutôt que de le déranger avec ses avis, et c'était une victoire en soi. L'enfant n'était plus qu'à un mètre de son but quand il prit le temps d'essuyer une main de ses mains après l'autre sur son t-shirt.

« Ça va aller », s'encouragea Cyrus à haute voix.

Il n'avait pas réellement peur de tomber. C'était comme si la possibilité n'existait pas. Mais il avait envie de réussir – il craignait que le cerf-volant lui échappe une fois de plus, par exemple. Et c'était pour cela qu'il s'efforçait à des gestes mesurés. Ses mains essuyées, l'enfant reprit sa progression lente jusqu'à la gouttière, tuile après tuile, avec la ferme conviction qu'il ne pouvait que réussir.

Une fois au bout du toit, il résista à la tentation de s'emparer du cerf-volant qui battait toujours au vent avant d'avoir trouvé un moyen de s'asseoir sur cette gouttière qui avait l'air assez solide. Ses jambes battirent dans le vide. Instinctivement, les talons cherchèrent des aspérités dans les murs de pierre mais n'en trouvèrent pas. Cyrus inspira lentement pour se calmer avant de continuer sa mission. Il savait que le plus facile était derrière lui mais il restait confiant. Il avait survécu seul dans une barque au fond de l'Amazonie – ce n'était pas un peu d'escalade qui allait avoir raison de lui !

Toujours très lentement, l'enfant tendit sa main droite vers le cerf-volant. Ses doigts se refermèrent sur la cordelette enduite et il tira lentement dessus pour la dégager de la gouttière. Elle vint au troisième essai. Il ne put s'empêcher de soupirer de soulagement. Il passa ensuite la cordelette dans sa main gauche et essuya sa paume de nouveau humide avant de délicatement l'accrocher à un bouton de sa chemisette.

« J'aurais les deux mains libres », se félicita à haute voix Cyrus puisque personne – ni Harry, ni Sirius – ne semblaient avoir la présence d'esprit de le faire.

Toujours prudemment, l'enfant se redressa sur la gouttière pour se tourner vers les tuiles et reprendre sa progression dans l'autre sens. Il perçut du coin de l'œil que Harry avait lui aussi passé la fenêtre pour se jucher sur le toit et l'observait le visage tendu.

« Qu'il en prenne de la graine », marmonna Cyrus en se hissant d'une tuile.

Remonter lui sembla d'abord plutôt facile. Il n'avait plus besoin de se retenir et ses muscles semblaient moins crispés. Il avait hâte d'être en haut, de pouvoir jubiler et savourer sa victoire. Il se contraignit à ne pas accélérer, à rester concentré malgré tout, conscient que c'était la maîtrise de ses gestes qui allait lui assurer son triomphe. Le cerf-volant s'agitait autour de lui, emporté par le vent et retenu par la cordelette nouée à son bouton de chemise. Ça faisait un peu comme un drapeau. Un dragon chinois tirant la langue lui paraissait des armes tout à fait dignes de lui !

C'est à ce moment là que le cerf-volant et sa corde s'emmêlèrent dans ses cheveux et qu'instinctivement l'enfant chercha à les repousser et lâcha la tuile qu'il tenait de la main droite. Son geste trop brusque le déstabilisa.

« Non ! », hurla une voix au dessus de lui. Harry.

« Je suis désolé », pensa Cyrus en se sentant glisser contre les tuiles. Sirius, paniqué, essayait de reprendre le contrôle de ses gestes sans y parvenir. La glissade s'arrêta brusquement. La gouttière, imagina l'enfant juste avant de réaliser qu'il flottait maintenant dans les airs.

« Accio, accio, accio », hoquetait Harry la voix pleine de sanglots depuis le fenestron du toit. Agrippé au montant de la main gauche, il tendait la main droite vers lui et faisait un geste des doigts comme s'il lui demandait silencieusement de venir. Ça aurait été ridicule si Cyrus comme Sirius n'avaient pas tant eu envie qu'il réussisse.

La vérité était que l'attraction ne réussissait qu'à annuler sa chute. Le poids de Cyrus et l'absence de baguette empêchaient le sort de fonctionner totalement. Sans compter l'inexpérience de Harry. Cyrus en était à espérer – à supplier ! - que Sirius prenne enfin le dessus sur sa volonté pour les sortir de là quand un sortilège de lévitation puissant et précis le saisit. Il se sentit fermement attiré vers le fenestron dont Harry avait maintenant disparu. Quand il passa l'encadrement, il vit que c'était Remus qui avait lancé le sort. Une jeune femme aux cheveux roses tenait Harry contre elle. Nymphadora se rappela-t-il. La cousine de Sirius. Bizarrement, il se rendit compte qu'il avait oublié jusqu'à son existence.

A la seconde même où ses pieds touchèrent le sol, Remus explosa :

« Mais vous êtes malades ! Vous vous croyez indestructibles ? »

« Il allait tomber », hoqueta Harry, les lunettes embuées. Son intervention sembla accroître encore la colère de Remus qui le prit par le bras sans ménagement pour lui administrer deux claques sonores sur les fesses.

« Vous alliez tomber tous les deux ! », affirma-t-il sévèrement, sans lâcher le bras de Harry mais en le faisant pivoter pour l'affronter du regard. « Vous n'aviez rien à faire sur un toit ! »

Cyrus regarda le cerf-volant détruit par le passage en force du fenestron et retint l'explication qu'il aurait pu apporter à leur entreprise risquée. Un sentiment mêlé de regrets rétrospectifs et de crainte de l'avenir le jeta dans les bras de Remus : « Désolé, Papa, désolé ! J'ai failli y arriver ! Ne gronde pas, Harry ! », lança t il tout à trac, les larmes aux yeux.

«Mais je ne gronde pas que Harry », répondit Remus tout en le prenant par les épaules. «Comment peux-tu prendre autant de risques pour un bout de papier et quatre baguettes de bambou, Cyrus ? La magie spontanée de Harry t'a sauvé, certes, mais... jamais il ne t'aurait ramené... il serait peut-être tombé avec toi ! »

Derrière Remus, Harry avait l'air vexé et sombre plutôt que reconnaissant de son intervention, jugea Cyrus.

« Ce n'était pas spontané, c'était volontaire ; il a essayé de rattraper le cerf-volant par un accio... ça n'a pas marché, sans doute parce qu'il n'a pas réussi à le vouloir assez mais quand j'ai glissé... il a réussi, Papa ! », insista-t-il donc.

Nymphadora eut un rire étouffé derrière lui.

« J'espère qu'il ne faudra pas que tu sois en danger de mort pour qu'il réussisse un sort », commenta fraîchement Remus après un silence aussi bref que stupéfait.

« Il devrait avoir une baguette », jugea Cyrus.

« Pour l'instant, il devrait plutôt se réjouir de ne pas recevoir une vraie fessée », estima Remus en le relâchant à son tour. « Votre petite aventure me donne tout sauf l'envie de vous donner plus d'accès à la magie ! »

« C'est injuste ! », lâcha Cyrus, décidé à défendre Harry coûte que coûte.

« Ah oui ? Tu sembles réellement ne pas réaliser que tu viens d'échapper à la mort, Cyrus ! Pas la prison ou l'enfermement, la mort ! »

La sortie coupa la répartie de l'enfant. Sirius en profita pour se glisser dans sa conscience pour estimer que Remus avait raison. - Je savais que tu allais dire ça , lui opposa Cyrus avec ressentiment. - Débrouille-toi donc avec lui, conclut Sirius en se demandant sincèrement s'il saurait jamais faire entendre raison à un enfant. Même son double ne l'écoutait pas !.

De son côté, Remus semblait avoir repris suffisamment se esprits pour se lancer dans une leçon en règle :

« Il est hors de question que vous preniez des risques pareils pour quelque raison que ce soit, vous m'entendez tous les deux ? Si je ne peux pas avoir confiance, vous allez avoir Linky sur le dos en permanence ! »

Harry baissait la tête et ne répondait rien, et ça désolait Cyrus plus sûrement que la destruction du cerf-volant, les reproches de Sirius ou les menaces de Remus : « Il m'a sauvé la vie. Il ne voulait pas que j'aille sur le toit et il m'a sauvé la vie – arrête de le gronder ! »

Remus leva longuement les yeux au ciel avec exaspération avant de répondre :

« Je suis content qu'il t'ait sauvé, Cyrus, comment peux-tu en douter ? Mais j'aurais préféré qu'il n'ait pas besoin de le faire – ne serait-ce que parce que l'un de vous ait eu suffisamment de jugeote pour appeler Linky, pour demander l'aide d'un adulte ou, si les deux autres options étaient définitivement trop raisonnables, aller chercher ce cerf-volant en balai ! » Harry grimaça comme si l'argument lui faisait mal, et Cyrus soupira en découvrant qu'en effet ils avaient eu d'autres options qu'ils n'avaient pas pris le temps de considérer. « Rentrons », conclut Remus sombrement en leur faisant signe de marcher devant lui.

La traversée du château parut interminable à Cyrus – ils ne croisèrent pas beaucoup d'élèves mais tous parurent deviner qu'ils avaient fait une bêtise. Certains osèrent un petit salut de la main pour Harry qui les ignora avec constance et morosité.

Quand la porte de l'appartement se referma sur eux, Nymphadora se laissa tomber sur le canapé et commentant : « Il est confortable mais vraiment trop tristouille ce truc ! Tu devrais en changer, Remus ! »

« Je dois aller dans ma chambre ? », s'enquit Harry d'une voix atone sans regarder personne.

« Je me demande si tu m'as compris », répondit Remus d'un ton désolé.

« J'ai mis ma vie en danger et laissé Cyrus prendre trop de risque... on aurait pu mourir », essaya Harry, pas loin de fondre en larmes.

Remus passa des mains fatiguées sur son visage.

« Tu as surtout oublié de réfléchir à tes options, Harry. Tu pouvais demander de l'aide, utiliser ton balai... » Harry opina immédiatement.

« C'est de ma faute », intervint Cyrus. « Je ne lui ai pas laissé le temps... »

« Il n'avait qu'à le prendre ! », s'agaça Remus.

Cyrus ne put s'empêcher de faire un pas en arrière devant la colère qui lut dans ses yeux.

« Je propose qu'on prenne le thé », intervint alors Nymphadora se levant pour se diriger vers la cheminée. « Je te rappelle que tu m'as invité à prendre le thé avec tes enfants, Remus... Je suis sûre qu'on s'écoutera mieux les uns les autres avec un peu plus de sucre dans le sang !»

Comme aucun des trois membres officiels de la famille Lupin ne réagit à la proposition, la jeune femme appela la cuisine et passa commande de thé, de sandwiches, de gâteaux et de scones.

« Asseyez-vous donc, on ne va pas manger debout », elle lança ensuite comme personne n'avait bougé. « Non pas sur ces vieux meubles trop tristes : on n'a qu'à faire un thé par terre, comme un pique-nique... » Elle fit apparaître des coussins colorés sur le tapis et s'assit pour donner l'exemple. Remus eut un drôle de sourire, comme s'il lui était venu contre son gré, et finit par l'imiter avant de tendre la main vers les deux garçons.

Cyrus décida qu'il copierait la décision de Harry cette fois ; il n'interviendrait pas autrement que pour aller dans son sens. Quand Harry réalisa que Cyrus lui laissait l'initiative, il finit par s'asseoir lentement entre Nymphadora et Remus. Il semblait avoir érigé un mur autour de lui, se désola Cyrus avant de s'asseoir face à lui. Linky et deux autres elfes arrivèrent alors pour installer la collation commandée et l'installèrent selon les indications de Nymphadora. Quand les elfes furent repartis, celle-ci s'empara d'un sandwich au cresson et mordit dedans avec appétit

« Le risque m'a toujours donné faim ! »

« Nymphadora, ne leur rend pas les choses trop légères », s'agaça Remus.

«Remus, ils ont eu peur, nous avons eu peur et tu leur as très clairement expliqué en quoi ils avaient merdé... Si tu n'es pas capable d'essayer de passer à autre chose, Harry avait raison: ils seraient mieux dans leur chambre ! »

- Je vois pourquoi elle lui plaît, jugea alors Sirius avec un nouvel amusement, elle lui dit ce qu'elle pense et elle combat pied à pied son pessimisme méthodologique. Je me disais qu'elle n'avait sans doute pas fait tout ça juste pour les souvenirs qu'elle avait de moi... - Tu veux dire qu'il sont ensemble? s'effara Cyrus. - A vérifier, mais à les voir interagir, je pense que oui, confirma Sirius l'air prodigieusement ravi de ce développement.

« Ou moi dans la mienne », aboya pourtant Remus en retour de cette proposition de paix. Le ton peu habituel fit se ratatiner Harry sur son coussin.

« Tu sais quoi, quand j'étais aspirante et qu'on merdait, on se faisait engueuler...et crois moi, un Shacklebolt qui a eu peur pour toi, tu ne lui arrives pas à la cheville en violence verbale », commença à développer Nymphadora avec constance. « Mais après, on allait au pub et on passait à autre chose... Moi, ça me paraît plus sain que ruminer dans son coin ses échecs ou ses peurs... »

Elle a du cran – estima Sirius avec une grande vague de sympathie pour sa petite cousine. - Il va exploser, s'inquiéta Cyrus ; il pouvait voir que Harry partageait son inquiétude. Il va nous crier dessus, je ne veux plus. Je te laisse la place ! - Te voilà bien peureux d'un seul coup, commenta Sirius avec acidité mais tout en profitant de la brèche ouverte. En plus, je crois que tu te trompes. Nymphadora a de bons arguments. Elle lui propose une échappatoire plus qu'elle ne le critique. Il est du genre à s'en rendre compte.

« Tu vas me proposer de revenir à nos plans initiaux ? », s'effara Remus. Ou faisait mine de s'effarer – Sirius sentait un jeu entre eux.

« Uniquement si tu en es capable. Sinon, allons nous promener, libérons nous de cette peur avant... Ça m'étonnerait qu'ils soient capables de tester des baguettes, de laisser leur magie agir après le savon qu'ils viennent de prendre »

Au mot baguette, Harry avait levé la tête avec incrédulité.

« Tu me forces la main », constata Remus avec un certain amusement. Nymphadora préféra hausser les épaules mais il y avait de la malice et de la complicité dans son regard.

«Nymphadora dit vrai ?», finit par oser Harry. «Vous vouliez nous faire essayer des baguettes?»

« Oui », admit Remus. « C'est même pour ça qu'on s'était mis à votre recherche... Comme vous n'étiez nulle part – je veux dire aux endroits où j'aurais pu m'attendre à vous trouver -, j'ai demandé à Poudlard de me guider... et heureusement... »

« Oui », admit Harry à son tour en repiquant du nez.

« Après... n'en déplaise à Nymphadora, que vous soyez sans doute épuisés par... ce que vous avez vécu devrait plutôt faciliter les tests... Vous aurez moins de puissance sans doute mais moins de retenue aussi... une meilleure combinaison que trop d'excitation et de volonté de bien faire... »

« Si le professeur Lupin le dit », commenta légèrement la jeune Auror en faisant circuler une assiette de gâteau au chocolat dont tous se servirent une large part avec un appétit renouvelé.

« Est-ce que je peux poser une question ? », glissa brusquement Remus se tournant vers Cyrus.

« Évidemment », répondit Sirius sur ses gardes.

« Qu'est-ce que fichait Sirius quand Cyrus et Harry arrivaient à la conclusion que pratiquer la magie sans baguette puis escalader le toit de la plus haute tour de Poudlard était la seule et bonne décision à prendre ? »

Harry avait de nouveau cessé de manger en entendant ça ; ses yeux verts brillaient derrière ses lunettes, et Nymphadora avait l'air aussi désolée de ce développement que Sirius.

« Il assistait impuissant à tout ce bazar », décida-t-il de formuler. Devait-il répéter que les décisions les plus farfelues venaient de Cyrus ?

« Impuissant ? »

« Quand ils sont ensemble, je les laisse... Cyrus est plus drôle que moi pour Harry... et moins perturbant aussi – c'est un enfant dans un corps d'enfant avec des envies d'enfant... »

« Et la certitude qu'il est indestructible ! », ponctua sèchement Remus.

« Il a survécu à trois jours sur une rivière sans eau ni nourriture en pleine Amazonie », répliqua non moins sèchement Sirius. Nymphadora pâlit. « Je ne t'en veux pas, cousine ; disons que ça fait partie de votre logique collective et que je préfère ne pas m'étendre sur ce qu'elle m'inspire. Il y a un prix à toute chose... Mais ça l'a rendu plus défiant que vous ne l'aviez anticipé, j'imagine. »

« Cyrus t'empêche d'intervenir ? », creusa Remus apparemment peu intéressé par les autres récriminations de Sirius.

« Disons que cette fois, et je pense que c'est sa peur qui a tout bloqué, même quand il me suppliait de faire quelque chose, je ne pouvais rien. »

« Merlin », commenta Nymphadora. La bouche ouverte de Harry disait la même fascination inquiète.

«Je ne sais pas si ces baguettes sont une bonne idée », commença Remus. « On devrait en parler avec Severus et Albus d'abord – on ne sait vraiment pas ce que ça va provoquer chez toi!»

« Si tu flippes, je comprends, mais Harry n'est pour rien dans tout ça – écoute-moi, Lunard, bon sang ! Ok, il aurait dû penser à tes alternatives, simples, logiques et raisonnables, mais tu ne connais pas Cyrus quand il est déterminé. Pourtant tu me connais. C'est difficile de le raisonner et tout est allé très vite. Cyrus est allé sur le toit contre l'avis de Harry et contre le mien – tu ne peux pas demander à Harry de réussir en permanence à le gérer ! »

« Non », admit sombrement son ami.

« Donc si quelqu'un doit bien avoir son essai de baguettes, maintenant que vous l'avez organisé, c'est Harry », insista Sirius, fermant toute communication avec un Cyrus totalement révolté par sa nouvelle position. C'était son tour de prendre des décisions.

Sa sortie amena un sourire franc sur les lèvres de Remus.

« J'espère que tu mesures la chance que tu as d'avoir un parrain tel que Sirius, Harry ! »

« On va le faire ? », se risqua l'interpellé.

« Si Sirius a raison, il est sans doute plus raisonnable que nous ne le soyons pas et que nous te donnions accès à davantage de ressources magiques », formula Remus.

«Ça veut dire oui !», s'émerveilla le gamin avec un sourire immense qui s'effaça juste après. «Juste moi ? »

« On va commencer par toi, et on verra », estima Remus en se levant, immédiatement imité par Nymphadora.

De concert, les deux adultes disposèrent une dizaine de baguettes de formes et de tailles très différentes sur la table du salon sous les regards curieux des deux enfants. Instinctivement, Sirius chercha la sienne dont la forme est restée très nette dans sa mémoire. Il aurait pu en décrire le poids, l'odeur, la petite nervure à la base sur laquelle il calait son pouce. Bien sûr, elle avait été détruite quand Sirius avait été incarcéré sans espoir de retour.

« Où avez-vous trouvé toutes ces baguettes ? », questionna Harry aussi proche de Remus qu'il pouvait l'être sans le toucher.

« Oh, il y a là la baguette de mon père et celle de ma mère ; Minerva m'a confié celle de sa grand-mère ; Filius celle d'un de ses oncles ; Severus m'en a prêté deux sans m'indiquer leur provenance... », répondit Remus en rectifiant l'alignement des baguettes.

Sirius ne put s'empêcher de rire jaune – Un bel euphémisme pour dire qu'elles proviennent sans doute de ses victimes ! Mais comment Remus peut lui faire confiance ? – mais garda cette réserve pour lui.

« De mon côté, j'ai soustrait deux baguettes aux stocks d'entraînement de la Division et les deux dernières viennent de la famille Black... », indiqua Nymphadora avec entrain.

« Black », répéta Sirius avec un frisson. Immédiatement, il les reconnut parmi celle étalées devant sa petite cousine. Celle de Regulus l'hypnotisait : assez longue, fine, taillé dans un bois d'aubépine – une rareté avait souligné Ollivander à l'époque pour la plus grande fierté de leur mère. Son cœur contenait une écaille de serpent – Sirius avait trouvé drôle à l'époque de trouver ça normal pour un Serpentard.

« J'aimerais qu'on ne s'appesantisse pas trop sur l'origine ou l'ancien propriétaire de ses baguettes », énonça lentement Remus. « L'idée est de voir si l'une d'entre elles pourraient vous convenir pour un apprentissage mesuré de la magie... Dans un deuxième temps, nous pourrons chercher plus ouvertement un matériel adapté... »

Sirius ne savait pas comment Harry traduisait cette dernière remarque. Pour lui, Remus entendait peut-être après sa libération officielle. - Ce n'est pas le moment de lui demander ça, jugea Cyrus. - Non, admit Sirius. Il pourrait ranger tout et repousser à un autre jour où vous ne lui aurez pas fait prendre dix ans en quelques minutes ! A ce propos, il va falloir que tu te fasses pardonner par Harry. - Je ne fais que ça ! - M'est avis que tu peux continuer. Il s'est fait gronder très fort à cause de toi et...

« A toi Harry », annonça alors Remus avec son meilleur sourire.

« Ok », murmura l'enfant se rapprochant encore de son père adoptif. « Je fais quoi ? »

« Tu fermes les yeux et tu poses ta main au milieu de l'arc de cercle qu'on a formé », l'instruisit Nymphadora. « Ça ferait hurler n'importe quel fabricant de baguettes mais on fait comme ça à la Division quand on doit se trouver une baguette au pied levé. »

- Comme ça, elle a une vraie expertise de la question, réalisa Sirius avec une certaine satisfaction alors que Harry tendait la main droite – la main qui l'a sauvé lui, Sirius, et ce petit imbécile trompe la mort de Cyrus au centre de la table. Le gamin était nerveux mais il se maîtrisait. Et Sirius se sentit ridiculement fier de lui - comme un parrain de son filleul, il se justifia à lui même. Il s'attendait à ce que des baguettes se rapprochent de la main jeune et innocente qui se tendait vers elle. Mais ce n'est pas ce qui se produisit. La plupart des baguettes s'écartèrent de la main tendue au dessus d'elles ; une tomba au sol. Seules trois restèrent plus ou moins à leur place. Celle de Regulus était parmi elles, nota Sirius.

« Alors ça ! », marmonna Nymphadora les yeux ronds comme des soucoupes.

« Ce n'est rien, Harry », s'empressa de commenter Remus. « Les baguettes choisissent leur sorcier, et celles-ci ont toutes appartenu à des personnes qui ont laissé leur marque ; c'est normal que des choses inhabituelles se passent... »

- T'as presque réussi, Lunard, songea Sirius avec une certaine amertume. Une phrase de moins et tu pouvais concourir pour le meilleur père de l'année.

« Inhabituelles ? », releva Harry.

« Voyons ce que disent ces trois-là », reprit Remus sur un ton positif qui n'est pas celui de l'intimité. Sirius ne l'avait jamais vu donner des cours mais il aurait bien parié que ce ton là fait partie de sa panoplie de pédagogue qui doit rassurer, guider, faire avancer. « Prends en une... »

« Dans ma main ? », vérifia Harry avec une tension palpable. Remus ayant silencieusement confirmer, le jeune garçon prit une profonde inspiration et s'exécuta. Il se saisit de la plus petite. Elle est en acajou – comme celle de James songe Sirius se prenant à espérer que ce soit la bonne.

«Pointe-la loin de nous », s'empressa d'indiquer Remus. « Essaie un accio puisque tu en as déjà réussi un... tiens : un des coussins de Dora, par exemple. Il sera moins lourd que Cyrus.»

Harry prit le temps d'inspirer et de se concentrer avant de lancer le sortilège mais quand son «accio» résonna dans la pièce, tous les tableaux tombèrent des murs dans un fracas de bois et de verre brisés.

« Désolé ! », s'exclama l'enfant, lâchant la baguette pour bonne mesure comme si elle lui avait brûler les doigts.

« Rien qui ne soit de ta faute – la baguette ne te convient pas », lui assura Remus. Nymphadora opina en soutien tout en la ramassant et en l'essuyant sur sa manche. Harry regarda Cyrus, et Sirius se sentit obligé de confirmer d'un signe de tête. « On arrangera ça à la fin, Dora et moi. »

« Essaies-en une autre », proposa la jeune Auror.

Harry hésita puis sa main se tendit vers la plus grande – elle était en bois marron chaleureux et brillant. Du châtaignier, postula Sirius sans plus se souvenir si elle provient du stock réuni par Remus ou celui de Nymphadora. Ce n'était pas celle d'Alphard. Quand Harry la saisit, Sirius le vit replacer plusieurs fois ses doigts autour d'elle – ce qu'il n'avait pas fait la première fois. Il se demanda si son filleul ressentait un fourmillement de bon augure.

« La même chose ? », s'enquit Harry avec un regard circulaire et coupable pour la décoration tombée au sol.

« Oui », confirma Remus en posant une main rassurante sur des épaules. « Ne t'inquiète pas des résultats... tu auras toutes tes études pour le faire. »

« Accio », articulait avec application Harry l'instant d'après. Cette fois, les coussins s'empilèrent les uns sur les autres et allèrent, tour branlante, heurter le mur le plus proche.

« Peut-être qu'un accio est trop compliqué », se demanda Nymphadora à haute voix.

«Non, l'intention y est et le geste n'est pas n'importe quoi. C'est la baguette qui ne convient pas», estima Remus.

« Tu dis ça pour me rassurer », accusa Harry.

« Non, Harry. Il est tout à fait possible qu'aucune de ces baguettes ne te convienne. Ça ne voudra pas dire que tu n'es pas un sorcier », martela Remus. « Essaie la dernière. »

« Ok », souffla le jeune garçon avec une once de découragement qui serra le cœur de Sirius.

La main si jeune de Harry se tendit vers la baguette de Regulus. Sirius revit une autre main, jeune elle aussi, et il se demanda quel sens tout cela peut-il avoir. Comment la baguette de son petit frère hautain, solitaire, fasciné par les forces du Mal pourrait-elle convenir à l'enfant qui avait détruit Voldemort, qui était élevé par un loup-garou professeur de Défense contre ces mêmes forces du Mal ?

« Accio », énonça très vite Harry – plus vite que précédemment, avec plus de confiance, presque une surprise ravie. Le coussin en dessus de la pile s'éleva immédiatement et vint droit sur eux pour se poser nettement devant Harry qui arborait un grand sourire.

« La baguette de Regulus ? », souffla Sirius malgré lui.

« Pourquoi pas », jugea Remus sans le regarder.

« C'est qui ? », questionna Harry.

« C'était mon frère et un Mangemort », aboya Sirius. - Et on dit que je ne sais pas me faire des amis, jugea Cyrus. - Mais Remus devrait comprendre, s'agaça Sirius.

Muet de surprise, Harry regardait la baguette dans sa main. Le ravissement avait laissé la place à la confusion.

« Ce n'est pas la baguette qui fait le Mangemort ou l'Auror, Harry », se lança alors Nymphadora. « Elle est en aubépine, qui est un bois rarement utilisé pour les baguettes parce qu'il convient à peu de sorciers. Il faut des caractéristiques mentales rares. On dit aussi qu'il convient bien aux médicomages par exemple... Ma mère a tenu à que je vous la propose parce qu'elle pensait qu'elle pouvait convenir à l'un de vous. Comme elle l'a dit, ce sont des baguettes pour des êtres complexes et... »

« Regulus était un petit imbécile prétentieux, pas un être complexe », gronda Sirius.

« Je n'en sais rien, Sirius », lui répondit la jeune Auror aux cheveux roses. « Je n'ai qu'un vague souvenir de lui, mais Andromeda dit qu'il était plus complexe que la plupart des gens ne le pensent... »

« Quoi qu'il en soit, cette baguette permet à Harry de s'essayer à quelques sortilèges simples en attendant d'avoir l'âge de choisir sa baguette neuve chez Ollivander. Ce n'est pas un objet de magie noire, ayant sa propre autonomie et pouvant l'entraîner à des activités douteuses, Sirius. Dédramatise s'il te plaît », les interrompit Remus. Ses yeux étaient sur Cyrus, lui intimant de cesser d'inquiéter Harry. Sirius décida de marquer son accord en haussant les épaules.

« Je peux la garder ? », souffla Hary dans le silence revenu.

« Pas en permanence sur toi – pas pour l'instant - mais tout de suite, oui... quand Cyrus aura une baguette, nous... »

« Cyrus ou Sirius ? », voulut savoir Harry alors que Sirius digérait seulement que Remus était prêt à prendre le risque de le laisser essayer.

« Bonne question... peut-être que la baguette va nous dire des choses à ce sujet », livra Remus, et Sirius ne sut pas ce qu'il pensait de cette sortie. La baguette pouvait elle choisir Cyrus plutôt que lui ? Cette idée dérangeante s'appuyait-elle sur ce qu'il leur avait raconté ?

Durant cet échange, Nymphadora avait replacé toutes les baguettes en arc de cercle face à lui. Il n'attendit pas que les deux « adultes » lui donnent des indications. Il tendit la main au dessus des baguettes en se demandant si elles allaient s'enfuir comme pour Harry. Une seule roula vers l'extérieur, mais les autres restèrent sur place. Il était quasiment sûr que la fine à l'extrémité droite de l'arc était celle de Alphard. Il s'obligea à ne pas se focaliser sur elle et tendit un peu plus la main. Deux frémirent. Une troisième se leva et vint s'encastrer très proprement dans sa main. Presque par réflexe, il resserra très légèrement les doigts contre le bois, et le fourmillement emplit sa main. Pas exactement celui dont il se rappelait. Quelque chose de plus léger et de plus diffus mais la réaction était là. Sa magie et celle de la baguette se rencontraient et se mêlaient.

Sirius la détailla. « Du cèdre ? » Remus opina un peu nerveusement en retour, il lui sembla. «Elle n'est pas très longue... »

« C'est la baguette de ma mère », souffla Remus avec une pointe de gêne. Harry ouvrit de grands yeux verts derrière ses lunettes – presque une pointe d'envie que Sirius savait ne pas ressentir. Qu'est-ce qu'il avait en commun avec la petite sorcière fatiguée qui venait attendre Remus à la gare de King's Cross ? « J'imagine que si tu avais ta taille d'adulte, elle n'aurait pas répondu, mais... essaie la donc. », concluait son ami.

Sirius hésita un moment : il y avait tellement de sortilèges qu'il aurait aimer faire et refaire. Fais du feu, proposa Cyrus avec l'excitation de son âge. Le regard curieux de Harry, sur lui, l'amena à une autre décision. Il ferait comme Harry – et serait content si le sortilège fonctionnait correctement. Il se tourna donc vers la pile de coussins et prononça distinctement la formule, avec décision et humilité, un cocktail qu'il n'a pas toujours su apprécier à sa juste valeur. Le gros coussin obéit avec fluidité et simplicité.

« Magnifique ! », s'enthousiasma sa petite cousine avec sincérité.

En la regardant, Sirius réalisa alors que Remus et elle avaient sorti leurs baguettes et s'étaient tenus prêts à intervenir. Le pire, jugea-t-il avec amertume, était qu'il leur donnait totalement raison de ne pas lui faire confiance. Si Cyrus avait pris le contrôle, aurait-il plutôt fait brûler le coussin ? - Merci bien, grommela l'intéressé, décidément, tu ne me fais pas confiance. - A part pour nous mettre dans plus d'ennuis que nous en avons besoin ? Non.

« Elle semble te convenir pour l'instant », formula à sa façon Remus.

« Qu'est-ce qu'il y a dedans ? », s'enquit Sirius dans un effort pour accepter l'évolution qui s'imposait à lui.

« Crin de licorne. »

« La combinaison est claire », estima Nymphadora avec ce mélange d'impétuosité et de connaissances qui rendait Sirius nostalgique. « C'est une baguette pour des gens droits, généreux, fidèles et prêts à se sacrifier pour ce qui leur est cher... »

« Moi aussi, je me sacrifierais pour ce qui m'est cher ! », s'agaça Harry.

« Ça n'a pas plus de valeur que les maisons de Poudlard ou un horoscope mal fait », lui répondit Remus. « Ce sont des généralités, Harry. Les Serpentards peuvent être courageux et les Gryffondors ambitieux, les Poufsouffles apprécier les défis de l'esprit et les Serdaigle se montrer loyaux, et je peux encore tout mélanger et avoir raison. Chaque baguette a des qualités, elle amplifie mieux certaines intentions, et tu en sais assez sur la magie pour mesurer combien l'intention est centrale. Quelle est la différence entre le médicament et le poison ? Qu'est-ce qui différencie la magie noire de la magie blanche, si ce n'est l'intention ?»

« Le prix qu'on est prêt à payer », objecta tranquillement Nymphadora.

« Pour moi, ce n'est pas totalement séparable de l'intention », compléta Remus. « Et ce ne sont pas les baguettes qui forgent les intentions, elles les relaient. C'est tout »

« Et je suis Fourchelangue », reprit Harry tout à sa propre logique. « Peut être que l'écaille de serpent l'a senti... »

« Tu es Fourchelangue ? », s'effara Sirius faisant rougir Harry. Juste après, il se rappela que son filleul avait mentionné avoir reçu des informations de serpents qui les avaient conduits à démasquer Peter. Il faudrait qu'il lui demande de raconter en détails.

« Albus pense que cette... qualité lui a été transmise en même temps que sa cicatrice », expliqua Remus.

« Et si je ne l'étais pas, jamais j'aurais entendu les serpents du musée quand ils me mettaient en garde contre Croûtard ! », rajouta Harry comme on se justifie.

- Et je ne serais pas sorti de Azkaban, même pas sous la forme tronquée d'un gamin impétueux de neuf ans, compléta Sirius mentalement. Ces nouvelles implications le dépassaient. Les intentions de la magie auxquelles sa propre mère croyait dur comme fer lui paraissaient bien tortueuses pour exister.

« Et l'esprit de la mère de Remus t'a sans doute reconnu », s'amusa Nymphadora en se penchant vers lui. Son ton disait le peu de cas qu'elle faisait de la relation entre les capacités linguistiques de Harry et l'écaille de serpent au cœur de la baguette qui l'avait choisi.

« Ma mère avait une grande affection pour lui », commenta sobrement Remus sans que Sirius puisse déterminer ce qu'il voulait vraiment dire par là.

« Je veux dire qu'il est trop tôt pour connaître les intentions de la magie qui nous a attribué ces baguettes – si jamais on les connaît », indiqua-t-il, conscient que ce n'était pas sans doute le meilleur moment pour livrer ses doutes mais incapable de laisser Remus totalement décidé de la course des événements ou des interprétations.

« La magie a des intentions ? », s'étonna Harry.

« Personne ne le sait avec certitude », répondit Nymphadora alors que Remus avait détourné les yeux, semblant chercher ailleurs comment répondre. « Mais tous les arts divinatoires finalement repose sur l'interprétation de ces intentions... des forces à l'œuvre dans l'équilibre de la magie dans sa totalité... »

« Restent les choix et le libre-arbitre », intervint enfin Remus. « Les intentions ne sont rien sans les actes. »

Faire enfermer Peter. Retrouver mon nom. Reconquérir Aesthélia. Connaître ma fille. Être un parrain pour Harry. Sirius savait quelles étaient ses intentions. Restaient les actes et ça, il n'avait pas vraiment commencer à les produire. Il regarda la baguette de cèdre dans sa main. La mère de Remus s'était battue pour que son fils ait une éducation, pour qu'il accède au statut de sorcier. Peut-être le lien était-il là.