Chronologie :
Se situe à n'importe quel moment après les chapitres 10 et 11 d'Avalanche. De toute façon, elle est traumatisée, alors un peu plus, un peu moins…
Personnages :
Vincent, Yuffie.
Tags spécifiques au chapitre :
Found family, Vincent est un grand frère, adoption mutuelle, ils sont mentalement constipés mais ils se soignent, ou pas, Vincent est probablement une mauvaise influence a ce sujet là aussi, rappel : Yuffie appelle Vincent par son nom de naissance, c'est non négociable, il ne négocie pas d'ailleurs, Vincent est ceinture noire de sarcasme, au cas où ils parlent tous les deux en Wutan d'un bout à l'autre du chapitre.
La porte de sa chambre s'ouvrit.
Yuffie se réveilla en sursaut.
Le kunaï avait déjà quitté sa main et s'était planté dans le panneau de bois quand elle réalisa qu'elle n'était pas en mission, ni en train de tuer un squame.
La porte se rouvrit doucement et resta un moment ainsi, immobile avant que la personne de l'autre côté finisse de la pousser.
Elle vit deux yeux rouge briller dans le noir quand l'intrus passa la tête par l'ouverture.
"Ho… désolée," murmura Yuffie avant de tendre la main vers son bureau, allumant la petite lampe posée dessus.
Makoto cligna des yeux, laissant sa vision se réajuster avant d'entrer dans sa chambre, refermant derrière lui.
Il tenait une tasse entre les mains et approcha du lit, la tendant à Yuffie.
Des deux mains.
Elle laissa échapper un petit rire et s'agenouilla sur son lit, tendant les deux mains pour la prendre avec un petit signe de tête.
"Merci, Grand Frère."
"Je t'en prie."
C'était quelque chose que personne ne faisait ici. Même Elmyra, qui était très à cheval sur la politesse, tendait toujours les assiettes ou les objets d'une seule main. Yuffie en avait depuis longtemps déduit que c'était une politesse spécifiquement Wutane et n'y prêtait presque plus attention.
Mais Makoto lui tendait tout à deux mains. C'était une des choses qui faisait qu'elle aimait bien le sniper, malgré tout ce que lui reprochaient les autres adultes. Elle le vit jeter un petit coup d'œil dans la chambre, découvrant la pièce.
C'est vrai qu'il n'était jamais entré. Yuffie se félicita d'avoir rangé récemment. Elle n'était pas si bordélique que ça, mais la pièce était toute petite par rapport à sa chambre à Wutai, et entre ses affaires de cours, ses vêtements et ses armes, c'était vite encombré.
Il salua le kaminada fixé au mur au-dessus de l'armoire d'un signe de tête respectueux avant de se tourner vers l'autre lit dans la pièce.
"Puis-je ? "
Yuffie hocha la tête.
C'était le lit de Tifa. Personne ne dormait dedans depuis… des mois. Mais elle continuait de le refaire régulièrement.
Parfois, elle prenait la couverture du dessus pour l'ajouter aux siennes, quand il faisait froid. Tifa la lui avait souvent prêtée quand elle était encore en vie. Elle était habituée à des températures plus fraîches et ça ne la dérangeait pas, tandis que Yuffie, accoutumée à la chaleur de Wutai, claquait souvent des dents en hiver.
Elle l'utilisait de moins en moins.
La couverture commençait à perdre l'odeur de Tifa et elle voulait la garder le plus longtemps possible.
"Je t'ai entendu marmonner dans ton sommeil," finit par déclarer Makoto après s'être assis sur le lit de Tifa.
"Ouais. Désolé pour le couteau," ajouta-t-elle en désignant la porte dans laquelle était toujours plantée l'arme.
"J'ai été visé par pire," répondit-t-il, "j'ai même parfois été touché."
Yuffie essaya de ne pas rire trop fort. C'était le genre d'humour qu'elle aimait et qui lui rappelait celui de ses maîtres d'armes. Elle se demandait si ce genre de chose manquait à Makoto aussi. Comme les gestes de politesse, la nourriture, la langue...
"Cauchemar ? " murmura-t-il.
Elle but une gorgée de thé, peut-être un peu trop vite et se brûla la langue. Autant pour se donner une contenance.
"Ouais," finit-t-elle par croasser.
"Tu veux en parler ? "
"Non."
Il n'insista pas.
C'était… bizarre. En général, dès que les autres apprenaient qu'elle avait fait un cauchemar, ils étaient tous à essayer de la rassurer, de la faire parler, de la préserver.
Comme le psy de la MGU, qui la convoquait régulièrement pour parler de son activité à Avalanche et qui tentait de lui faire admettre ses émotions et son ressenti.
"Pourquoi tu n'insistes pas ? "
"Tu voudrais ? "
"Non," admit-t-elle.
"Je déteste qu'on me force à parler de moi, je ne vois pas pourquoi je t'y obligerais."
Elle hocha la tête. Ouais, elle était bavarde et arrogante et pleins d'autres défauts que lui reprochait souvent Squall, mais elle n'aimait pas parler de ses émotions. C'était personnel.
Visiblement, Makoto était pareil.
Encore un truc de Wutai.
"Tu en fais aussi ? " demanda-t-elle soudain, sans que son cerveau ait été consulté.
Il hocha la tête.
"Tu fais quoi pour plus en avoir ? " demanda-t-elle avant de reprendre une gorgée de thé.
"Je n'ai pas encore trouvé comment," répondit-t-il avec un haussement d'épaules.
"Si je trouve, je te dirais."
La tasse de thé était presque finie. Pour quelqu'un qui n'en buvait jamais, il savait bien le préparer. Ça ne valait pas un thé traditionnel avec toute la cérémonie, mais c'était déjà mieux que le thé en sachet que buvaient les autres.
Le thé de Cid était bon aussi, mais elle ne l'aurait jamais admis. Ils étaient au septième round de comparaison entre le thé Wutan et le thé Burmécien, Cid, Shera et elle. Le débat finissait toujours en concours de cris, mais elle était presque sûre que c'était pour rire.
"Tu as cours demain ? "
"Tout à l'heure, tu veux dire ? " corrigea-t-elle après un regard à son réveil. "Ouais. Je commence à 8h30."
"Tu penses pouvoir te rendormir ? "
Elle secoua la tête avant de boire les dernières gouttes.
"Si je me rendors maintenant, j'arriverais pas à me réveiller."
"Je te réveillerais," proposa-t-il.
"Ça te dérange pas ? "
"Je me lève toujours tôt."
Elle y réfléchit quelques secondes puis hocha la tête. Il se leva, tendant les mains pour reprendre la tasse. Il allait sortir quand il vit le kunaï toujours planté dans la porte. Il le lui ramena avec un petit sourire et elle le reprit, le faisant tourner autour d'un doigt avant de le remettre sous son oreiller.
"Tu vas abimer les draps," lui reprocha-t-il.
Elle souleva l'oreiller, montrant les étuis à kunaï caché dessous. Il hocha la tête d'un air approbateur.
"Dis rien à Reeve," demanda-t-elle en tirant un bout de langue.
"Si tu savais ce que j'ai sous mon oreiller."
"J'ai celui-là aussi," ajouta-t-elle en sortant le Kunaï Spécial de sous la couverture, le lui montrant à bout de bras.
Cette fois, elle eut la satisfaction de surprendre Makoto.
Enfin, il devait être surpris, il resta à cligner des yeux sans bouger.
"Yuffie. C'est un kunaï..."
"En peluche, oui. C'est Tifa qui me l'a fait. Je suis censé l'utiliser sur Zack quand il dit une bêtise au lieu des vrais."
Il garda le silence, visiblement abasourdi. Le Kunaï Spécial était plus grand qu'un vrai, à peu près comme son avant-bras à elle et rempli de coton tassé pour tenter de le rigidifier. C'était son cadeau des jours Carbunkle[1] de l'année précédente. Tifa avait essayé de les faire en taille réelle, mais avec le tissu pelucheux, ça s'était avéré trop difficile à coudre et, tant qu'à faire un cadeau farceur, elle en avait cousu un plus grand.
"J'ai aussi les shurikens qui vont avec," offrit-t-elle en les sortant à leur tour.
Cette fois, elle le vit lutter contre son sourire.
"Hé ! Te moques pas, je vise aussi bien qu'avec les vrais ! "
"Prouve-le."
Le shuriken en peluche le toucha au milieu du front. Il supporta vaillamment la douleur.
"Ta précision est admirable, Yuffie."
"Ce serait un vrai, tu serais mort ! "
"En effet, merci de l'avertissement."
Il ramassa le shuriken rembourré et le rendit avec un petit sourire.
"Essaye de te rendormir maintenant. Je te réveille à sept heures."
"Oui, Grand Frère ! "
Elle se pelotonna sous ses couvertures, regonflant son oreiller pendant que Makoto éteignait la lumière. Il allait refermer la porte quand elle le rappela.
"Grand Frère ? "
"Oui, Yuffie ? "
Il attrapa un shuriken en peluche au vol.
"Tiens. Ça t'aidera peut-être à dormir."
Il regarda le jouet dans sa main avant d'hocher la tête.
"Merci, Yuffie."
"Merci, Grand Frère," répondit-t-elle avant de se recoucher pour de bon.
Il repoussa la porte.
Elle inspira profondément, enfonçant sa tête plus profond sur l'oreiller, jusqu'à sentir les fourreaux de ses couteaux à travers.
Elle ferma les yeux.
Elle dû réussit à se rendormir.
Parce que quelques heures plus tard, elle fut réveillée par un shuriken en peluche sur le nez.
[1] Noël, quoi. Selon les régions, c'est entre trois et sept jours de fêtes fériées à travers tous Gaïa.
