Noms de familles

Résumé :
Entre ceux de naissance, d'immigration ou de choix personnel, les noms ont un pouvoir.
Choisir lequel porter aussi.
Chronologie :
Se situe après le chapitre 16 d'Avalanche.
A l'origine, ce chapitre faisait partie du chapitre 16 d'Avalanche, mais celui-ci s'éternisait et ça n'était pas forcément nécessaire à l'histoire principale.
Mais je trouvais que ces quatre-là avait des choses intéressantes à dire au sujet de leurs noms respectifs.
Personnages :
Vincent, Yuffie, Cid, Shera et Cait le chat.
Tags spécifiques au chapitre :
Viva la fuck you aux traditions, ils sont tous les quatre immigrés, world building, réinterprétation de la culture wutane, réinterprétation de la culture burmécienne, on ne choisit pas sa famille, référence au passé de Cid, référence au passé de Vincent, référence au passé de Shera, traditions imaginées, linguistique WTF, abus de japonais, abus d'islandais, abus d'espéranto, Google Traduction FTW.


"Je flippe de me rater" murmura Yuffie, les yeux baissés sur la pierre devant elle.
"Et ben, c'est pas grave, tu recommenceras," répondit Cid en lui tendant des lunettes de protection.
Yuffie hocha la tête et les enfila autour de son cou avant de prendre son pinceau et jeter un coup d'œil à ses brouillons.
Ils étaient tous les deux assis dans le garage, à l'établi sur lequel Cid réparait les moteurs ou tout autre machine de la maison nécessitant qu'il y mette le nez. Une des portes du garage était entrouverte, laissant passer l'air et Cait qui allait et venait au gré de sa fantaisie, soit se laissant dorer au soleil, soit venant réclamer un peu d'amour auprès de son maître, assis à l'arrière de la Chocomobile, à lire un des livres d'histoire de Yuffie. La porte de l'extension de Seventh Heaven était bloquée ouverte pour favoriser un courant d'air dans cet après-midi d'été chaud, et on entendait la musique de Jessie, juste assez forte pour faire un bruit de fond.
A Seventh Heaven, c'était ce qui pouvait être considéré comme le plus proche de la paix.
Cid jeta un regard sur le brouillon choisi comme modèle, pendant que Yuffie refaisait un peu d'encre dans le récipient traditionnel.
"Qu'est-ce que ça dit ? "
Il ne parlait pas Wutan, à part les jurons qu'il avait fini par repérer chez Yuffie et Vincent, et le principe d'avoir trois écritures différentes pour transcrire un seul langage l'avait étonné. Il ne comprenait pas pourquoi Yuffie râlait sur le commun, il avait plutôt trouvé ça simple de son côté.
"C'est son nom. Kisaragi Harumi."
"Ça veut dire quelque chose ? "
"Printemps" expliqua Yuffie en montrant un des caractères, puis l'autre, "âme. Âme ou esprit du printemps. Kisaragi, c'est… le mot qu'on utilise pour le mois de Février, ça veut dire… heu 'comme la lune' "
"Oh… Et Yuffie ? "
L'adolescente prit un morceau de papier et le retourna avant de tracer des symboles.
"Yuhi. Joie et soleil[1]."
"Yui ? " répéta Cid, "je croyais que ça se prononçait Youfi ? "
"Yu-hi," corrigea Yuffie, "hi, presque comme fi. Ouais, le bureau des passeports de Midgar aussi."
Ah, les bureaucrates et leur joie de servir...
"Et Makoto ? " demanda Cid, par curiosité.
"Hm…" fit Yuffie avant de se tourner vers Vincent. "Aniki ? "
"Hm ? " répondit Vincent sans lever les yeux de sa lecture.
"Quels sont les kanjis pour Makoto ? "
"Je n'en sais rien."
"Tu ne sais pas ? "
"Ma mère ne me l'a jamais dit. Je ne suis pas sûr qu'elle savait l'écrire de tout façon."
"Aucun rapport avec la mako ? " demanda Cid.
Ça l'avait intrigué la première fois qu'il avait entendu le nom originel de Vincent. Il y avait eu une quantité incroyable d'enfants nommés Mako lors de la découverte de cette source d'énergie, mais après la guerre contre Wutai, le nom était un peu tombé en désuétude à cause de ses consonances Wutane.
"Je ne pense pas," finit par répondre Vincent. "On s'éclairait encore à la bougie à l'époque dans la campagne de Wutai."
On s'éclairait encore à la bougie il y a vingt ans dans les coins les plus perdus de Wutai, il n'y avait vraiment eu qu'à la victoire de Shinra que les réacteurs et l'électricité s'étaient vraiment répandus dans l'île.
"Mais ça veut dire quoi ton nom ? " s'entêta Yuffie.
"Vérité."
Cid et Yuffie échangèrent un regard avant d'être pris d'un fou rire.
"Je sais, je sais" continua Vincent, "je ne pense pas qu'elle s'attendait à ce que je devienne Turk."
"Alors, vérité, c'est…" commença Yuffie en prenant un autre morceau de papier.
"Comment tu arrives à écrire avec un pinceau ? Ça me dépasse…" murmura Cid.
"Vous écrivez comment à Burmécia ? "
"On a des stylos," répondit le pilote, "traditionnellement, on utilise de l'encre de suie et des écailles taillées en guise de plumes."
Burmécia était un tout petit plus avancé que Wutai à l'époque où il l'avait quittée, mais c'était surtout parce qu'ils avaient encore une technologie ancienne, même si rudimentaire, basée sur les moulins à eau et l'énergie hydraulique.
Fallait bien que toute la flotte qui tombait là-bas serve à quelque chose.
L'arrivée de leur mère à Shera et lui avait déjà fait figure de révolution industrielle à Burmécia et entraîné la réparation d'une bonne partie de leur vieille technologie hydraulique, favorisant l'arrivée de l'électricité moderne et même de quelques téléphones.
Wow.
Heureusement, pour l'instant, Shinra semblait assez peu motivé pour grimper là-bas et affronter une armée de dragoons remontés, peu patients avec les étrangers et pas très enthousiaste à l'idée d'installer un réacteur mako chez eux.
Il avait fallu l'arrivée de Cid pour que la case Burmécien soit ajoutée dans les formulaires officiels. Et encore, la plupart du temps, Cid cochait 'autre : précisez' pour la case ethnicité.
"Comment tu écris ton nom ? " demanda soudain Yuffie.
Cid attrapa un crayon qui traînait sur l'établi et emprunta un autre morceau de papier à Yuffie.
"Siddhe."
"Cid-té," répéta Yuffie.
"Pas exactement" ricana Cid " mais presque. Cid-thé. A mi-chemin entre le T et le S."
"Oh. C'est comme ça que Shera t'appelle quand elle est énervée. Je croyais qu'elle disait Cid ! Tst. Ça veut dire quelque chose ? "
"C'est le nom d'un vent à Burmécia[2]," répondit Cid.
"Un vent ? "
"Un vent fort qui remonte les montagnes et passe au-dessus."
"Et Shera ? "
"C'est pas Burmécien, c'est Alexandriote. SHIERA ! " beugla Cid.
La voix de la biologiste s'éleva à son tour, avec à peine moins de coffre.
"OUI ? "
"Ça veut dire quoi déjà ton prénom ? "
Au bout d'une minute, Shera arriva dans le garage, en robe d'été et ses cheveux remontés en chignon, une tasse de thé à la main. Elle jeta un regard intrigué à son frère.
"Pardon ? "
"On compare nos noms" expliqua Yuffie." Moi ça veut dire Joie et Soleil. Makoto 'Nii-san, c'est Vérité. Et toi ? "
"... chérie, bien aimée[3], " répondit Shera "mais je préfère la prononciation et signification burmécienne."
"Ce que Cid t'appelle ? Shihéra ? "
"Shi-yé-ra" répéta Cid, plus lentement "C'est… hm… une shiera, c'est un type de montagne, avec beaucoup de pics."
"Et notre sœur Freya. Ça signifie Froid Calme," expliqua Shera en se penchant pour écrire le nom.
Cid ricana puis réécrit plus proprement dessous.
"Furueya," répéta Yuffie en fronçant les sourcils.
"Pourquoi vous comparez vos noms, au fait ? " demanda Shiera en tirant son frère par l'oreille.
"Oh... je suis en train de faire la tablette funéraire de mon oncle et Cid demandait ce qui était écrit."
"De ce que j'ai compris, c'est comme une rúnasteinn. En plus petit," expliqua Cid.
"Rounasutentu ? " répéta Yuffie.
Elle avait déjà du mal avec le commun, la prononciation Burmécienne semblait lui emmêler la langue.
"Rounasteïnt," corrigea Cid.
"Pierre de runes," traduisit Shera. "Ce sont des pierres gravées commémorant les dragoons du passé. Mais pourquoi tu la fais toi ? C'est une tradition ? "
"Logiquement, une tablette funéraire doit être gravée par la famille la plus proche" expliqua Yuffie en traçant soigneusement les caractères sur la pierre.
"Ah, tu es sa nièce, du coup c'est à toi de le faire…"
"Père l'avait fait y'a dix ans" répondit Yuffie d'un ton sobre avant de remonter les lunettes de protection sur ses yeux.
Elle prit l'outil de gravure électrique qu'avait préparé Cid et souffla deux ou trois fois sur l'encre de la pierre pour la faire sécher.
"Mais il estime qu'Oncle Harumi a déshonoré notre famille et ne mérite pas de rester dans les mémoires. Il l'a détruite."
"Hop, hop, hop, tu mets un masque avant de graver quelque chose" l'interrompit Cid en lui mettant un masque sur le nez, glissant l'élastique derrière sa tête.
Il posa le sien sur son visage et s'écarta légèrement, observant l'adolescente commencer à graver la pierre avec application.
Shera s'éloigna, faute de protection et vint s'appuyer du dos sur la Chocomobile, au niveau de Vincent qui avait cessé de lire et regardait Yuffie et Cid.
"C'est… grave ça, non ? " demanda Shera à voix basse.
"Très," répondit Vincent sur le même ton, "si on oublie ton nom, tu n'existes plus. Ton corps est en cendre, ton esprit dans la Rivière de la Vie, et il ne reste rien de toi."
"Comme les rúnasteinar[4], encore une fois," commenta Shera.
"A quoi servent-t-elles ? "
"Elles sont gravées du vivant du dragoon, pour célébrer ses exploits et restent après sa mort en souvenir. Après le départ de Cid, ils ont détruit la sienne."
"Pourquoi ? "
Shera ne répondit pas immédiatement, baissant les yeux sur sa tasse.
"Il est parti de Burmécia," finit-t-elle par répondre. "C'est suffisant pour ne plus être considéré comme un Burmécien."
Elle bu une gorgée avant de continuer.
"Et de toute façon, Cid a changé de nom en prenant la nationalité Midgarienne."
"Ha ? "
"Cid Highwind, ce n'est pas très Burmécien," expliqua Shera, "Siddhe Kænsson[5] du clan Haifin de son vrai nom."
Vincent vit Cid se redresser et se tourner vers sa sœur en entendant son nom mais elle lui fit signe que ce n'était rien et il retourna à sa supervision de Yuffie maniant des outils électriques.
"Et toi ? " demanda Vincent en posant son livre, "pourquoi tu n'es pas Shiera Kænsson du clan Haifin ? "
Shera roula des yeux.
"Ça devrait être Shiera Kænsdóttir[6] du clan Haifin. Mais non. Mon nom est Shera Highwind Mist. Mist pour le nom de jeune fille que ma mère a repris après son divorce d'un mari qui ne supportait pas que sa femme ai une vie professionnelle plus reconnue que la sienne[7]. Highwind parce que…"
Elle hésita et reprit une gorgée de thé qu'elle savoura avant de continuer.
"Parce que, finalement, je considère que Cid est plus de ma famille que son père."
"Les noms ont un pouvoir," murmura Vincent.
"Hm ? "
"C'est ce que me disait mon père. Les noms ont un pouvoir."
"Je ne comprends pas…"
Vincent haussa les épaules.
"Un dicton de mage érudit. Il avait trop le nez dans ses livres et oubliait comment parler aux gens."
Shera regarda Vincent replonger le nez dans son propre livre avec un petit sourire. Apparemment, les chocobos ne faisaient pas des malboros dans la famille.
"Et toi ? " fit-t-elle avec curiosité, "pourquoi Vincent Valentine ? "
"Parce que personne n'était foutu de faire l'effort de dire Hamasaki Makoto," répondit Vincent, " et à l'époque, si tu arrivais au bureau de la naturalisation sans nom local, ils choisissaient dans une liste."
Il y avait aussi le fait que, conformément aux conseils de son père, il préférait que le moins de gens possible connaissent son vrai nom.
Et ça aurait été plus facile d'abandonner le nom Valentine qu'Hamasaki le jour où il en aurait eu assez de Midgar.
Dommage que ce jour ne soit pas arrivé plus tôt.
"Mais pourquoi Vincent et Valentine précisément ? "
"Le prénom, parce que l'employait pensait que je ne pourrais pas le prononcer avec mon accent de l'époque."
Vincent avait soigneusement passé plusieurs heures à s'entraîner à le prononcer parfaitement, rien que pour lui gâcher la blague.
Mesquin ?
Oui, tout à fait.
"Le nom, parce qu'il trouvait que j'avais une tête à m'appeler Valentine."
Shera resta silencieuse quelques secondes à tenter de comprendre la phrase.
"J'étais beaucoup moins viril à dix-huit ans avant que je finisse de grandir," précisa Vincent avec un petit sourire.
"Ah. Il disait que tu avais une tête de petit mignon, quoi."
"Je n'ai compris l'allusion qu'au bout de quelques mois."
"C'était vraiment des trous du cul à l'administration à l'époque."
"A l'époque ? " fit Vincent d'un ton moqueur.
"Tu pourrais reprendre ton nom d'origine, non ? "
Il y avait pensé, en fait.
Yuffie avait définitivement arrêté de l'appeler Vincent depuis presque deux mois et parfois, leurs collègues fourchaient, l'appelant Makoto au lieu de Vincent. Red surtout, chez qui les syllabes du nom Vincent ne venaient pas aussi facilement que Makoto. Cid et Zack continuaient de le surnommer Vince, mais c'était dans leur habitude à tous les deux de raccourcir tous les noms.
Il y pensait.
Mais à chaque fois, il décidait de garder le nom de Turk.
"Peut-être un jour," finit-il par déclarer, "mais je n'ai pas l'intention de le transmettre, ça n'est pas important."
"Makoto 'Nii-san ! Regarde ! "
Vincent se tourna vers Yuffie qui venait brandir une tablette funéraire toute neuve sous son nez, visiblement fière d'elle malgré la poussière qui la couvrait.
"Oh, bien," la félicita-t-il.
"C'est pas aussi joli que l'ancienne, mais je suis contente. Je vais pouvoir la mettre dans la boîte funéraire."
"Tu t'es mieux débrouillé que moi avec celle de ma mère," déclara Vincent.
"Yuffie ! Range-moi tout ça ! " appela Cid en montrant l'établi.
"J'arrive ! Tu peux tenir mon oncle, s'il te plait ? " demanda Yuffie en tendant la pierre des deux mains.
Vincent posa son livre pour la prendre de la même façon et l'adolescente repartit ranger l'établi.
"Tu es sûr et certain que tu ne veux pas transmettre ton nom ? " reprit Shera.
Vincent secoua la tête avec un petit sourire.
"Je ne ferais pas un père convenable…"
"Je ne dirais pas ça," rétorqua Shera avant de se redresser, "nouvelle tournée de thé, qui en veut ? "
"Moi ! " s'exclama Cid.
"Moi aussi, s'il te plait ! " renchérit Yuffie.
"Et toi, Makoto ? Café noir comme la nuit ? "
"Oui, mer…"
Il releva les yeux à temps pour voir Shera s'éloigner avec un petit sourire.
"Merci."
Peut-être qu'il devrait regarder ces formulaires de changement de nom d'un peu plus près.


[1] C'est une impro totale sur ce coup, vu que le nom de Yuffie dans le jeu originel est en katakana
[2] Alors, heu, si les noms Wutan sont bien des noms japonais existant, les noms Burméciens sont tirés d'une science occulte appelée : Tirée-de-mon-culogie
[3] Quant à l'Alexandriote, c'est de l'Espéranto à la base. Logiquement, il ne devrait pas y avoir de dialogue entre Alexandriote dans la fic… Je viens de me maudire, pas vrai ?
[4] Une rúnasteinn, des rúnasteinar.
[5] Kænsson : Fils de Kain. OH ATTENTION INDICE.
[6] Kænsdóttir : Fille de Kain, je ne vais même pas prétendre que les Burmécien ne sont pas patriarcaux
[7] Ouais, la mère de Cid et Shera a aussi apporté le féminisme à Burmécia, ils sont encore en train de s'en remettre.