Cauchemar – Barret

Résumé :
Après un cauchemar, Barret n'arrive pas à se rendormir, réalisant les points communs entre Avalanche et un autre escadron.
Ils étaient cinquante en partant à Besaid.
Ils revinrent à quatre.
Ils ne sont plus que trois.
Barret fera tout pour que ça ne recommence pas.
Chronologie :
Se situe en octobre, avant la Grande Aventure à Burmécia.
Personnages :
Barret Wallace, Elmyra Gainsborough, Dyne, Eleanor, Myrna, Marlène (FF7), Braska, Auron, Jecht, Tidus, Yuna (FFX)
Tags spécifiques au chapitre :
Barret est un papa, PTSD, amputation, humour pourri de Jecht, non mais vraiment pourri, Elmyra est une maman, slow burn, ces deux-là sont encore pire que Vincent et Cid, c'est dire.


Sa main lui faisait mal.
Ça faisait trois ans maintenant, si pas quatre, quand est-ce que son corps allait finir par se mettre au diapason et arrêter de lui rappeler régulièrement qu'il avait eu une main droite et qu'elle lui faisait mal ?
Aérith disait que la prothèse aiderait, et en journée, c'était le cas. Avoir la main de métal aidait, il suffisait qu'il la bouge et la douleur s'estompait, voire disparaissait.
Mais la nuit, quand il ne la portait pas…
Peut-être qu'il aurait dû la remettre avant de descendre.
Peut-être qu'il ne devrait pas prendre de café aussi, mais le thermo de thé du soir était déjà vide et il ne se sentait pas motivé à faire du thé avec une seule main.
Il avait entendu Vincent et Cid revenir de leur ronde de nuit un peu plus tôt. Ils avaient probablement vidé le thermo avant d'aller se coucher. C'était leur droit, les thermos étaient là pour ça, pour ceux qui étaient de garde de nuit.
C'était Braska qui avait mis la tradition en place, sur le front de Besaid. Il y avait toujours un thermo de café et un de thé près du feu de camp, pour que ceux de garde de nuit puissent prendre une dernière boisson chaude avant d'aller se coucher. L'Invokeur avait eu un tempérament de maman chocobo, et le respect qu'avait eu les hommes de Barret pour lui n'avait jamais failli.
Même quand il avait avoué s'être fait mettre dehors par le clergé pour avoir épousé une Al Bhed.
Dyne en avait hurlé de rire ce jour-là.
Jecht aussi.
Auron avait été proprement scandalisé, partagé entre son éducation ultra religieuse et le fait que le clergé ait excommunié leur invokeur pour être tombé amoureux.


Il se souvenait du regard terrorisé de Braska, quand il avait basculé par-dessus le bord de leur bateau, quand Dyne et lui le retenaient, chacun par un bras.
Quand le squame aquatique avait jailli hors de l'eau, gobant Braska et leur tranchant les mains d'un seul coup de crocs.
Le squame avait fait quelques mètres à peine avant d'exploser, libérant les aeons de Braska.
Valefor avait ramené le corps de leur Invokeur après la bataille, restant quelques minutes à pleurer dessus avant de s'effondrer en cendres sur lui, comme son temple qui achevait de brûler dans les ruines de Besaid.


Il se souvenait du plongeon de Yuffie dans l'eau du canal, de si haut dans une eau qui n'était pas si profonde, pleine de squames affamés et d'un léviathan furieux.
Quand le petit léviathan avait jailli de l'eau à son tour, fendant les flots pour attaquer le grand, quand il - elle, c'était Yuffie, c'était une enfant - l'avait saisi à la gorge.
La bataille n'avait duré que quelques minutes à peine avant qu'elle réussisse à l'empaler sur la grue.
Vincent avait ramené Yuffie blessée, hurlant de douleur et de peine dans leur langue natale, pleurant l'homme qu'elle venait de tuer et dont le sang couvrait les quais autour d'eux.


Barret entendit un bruit sourd au-dessus de sa tête, le faisant sursauter, suivit du pas de Cid. Ah, il avait dû sortir fumer sur le toit. Il n'entendait pas le pas de Vincent, personne ne l'entendait, il faisait même sursauter son chat, mais les connaissant, ils ne devaient pas être loin l'un de l'autre. Il ne comprenait pas comment ces deux-là pouvaient passer autant de temps là-haut. Il ne comprenait pas non plus comment ils faisaient pour escalader le mur comme ça et ne jamais tomber. Barret avait été mineur et ferrailleur, la hauteur, ce n'était pas pour lui.
Il n'aurait jamais cru que Cid et Vincent s'entendraient aussi bien. Cid était expansif, bruyant et amical, tandis que Vincent était plus réservé et distant, les observant en silence.
Mais bon, il avait déjà vu comment l'amitié entre Auron et Jecht avait commencé. Il aurait dû s'y attendre.
Les Titans soient remerciés, Cid et Vincent avaient pris l'option respect mutuel plutôt que cris et hurlements.
S'il avait dû repasser encore une fois par ce que Jecht et Auron leur avait fait subir sur le front, il les aurait tous les deux balancés dans le canal.


Ils avaient retrouvé Auron sur la plage. Comment il avait échappé au débarquement des squames, puis aux moissonneurs, c'était un mystère, mais ils l'avaient retrouvé en train de marcher sans but, son épée cassée à la main, du sang séché sur sa joue droite.


Ils avaient trouvé Cloud dans les ruines du secteur 7. Comment il avait fait pour échapper à l'effondrement, puis aux moissonneurs c'était un mystère, mais ils l'avaient trouvé en train de marcher sans but, la moitié du corps de Tifa dans les bras, la même plaie au centre de leurs torse, juste assez décalée chez Cloud pour avoir évité son coeur.


Barret posa sa tasse d'une main tremblante pour se frotter le visage.
Bon sang, qu'est-ce que Auron avait été collé monté au début.
Avant que Jecht et lui ne commencent à se hurler dessus à intervalles réguliers.
Avant que Dyne commence à prendre les paris dans leur escadron, sur le temps qu'il leur faudrait pour s'entretuer.
Avant que Braska ne relance sur le temps qu'il leur faudrait pour tomber dans le lit l'un de l'autre.
Braska et Dyne étaient tous les deux morts, l'un sur la plage de Besaid, l'autre dans les Taudis de Midgar.
Et Auron et Jecht ne s'étaient toujours ni entretués, ni envoyés en l'air. Même s'il commençait à avoir des doutes sur la seconde éventualité.
Et ils continuaient à s'enguirlander suffisamment fort pour faire trembler les murs du bar.
Il fallait qu'il aille les voir, ça faisait un moment et le seul moment où ces deux là étaient d'accord, c'était pour se plaindre qu'ils ne voyaient pas Marlène grandir.
Ce weekend, il l'emmènerait voir Oncle Auron et Oncle Jecht. Yuna et Tidus seraient là aussi et ils adoraient s'occuper de Marlène comme d'une petite sœur.
Jecht dira encore que ça les entraînerait pour quand ils les feraient grand-père, Auron et lui.


Jecht avait été emporté par le raz de marée qui avait suivi la destruction du réacteur sous-marin. Il avait fallu des jours pour que Dyne et lui le retrouvent, dans un des hôpitaux de fortune installé autour de Mideel, là où ils avaient tous été évacués.
il était vivant.
Intoxiqué par la mako, couvert de plaies, son genou en miette et son bras brûlé par les radiations, mais vivant.


Il avait transporté Vincent de l'ambassade à Seventh Heaven, ne le posant qu'une fois à l'infirmerie. Il avait fallu des heures pour qu'il reprenne enfin conscience et presque deux jours pour qu'il perde la peur dans son regard.
Il était vivant.
Terrorisé, traumatisé, les écailles de son bras mutant hérissées comme la fourrure d'un cœurl en colère, mais vivant.


Son bras lui faisait mal.
Barret se leva, ramassa sa tasse vide et se dirigea vers l'évier de la cuisine, rinçant rapidement le récipient avant de régler la température de l'eau sur le plus froid possible, plaçant son… son bras blessé dessous.
Il n'arrivait toujours pas à le dire.
Son moignon.
Il haïssait ce mot. Jecht avait tenté une seule fois d'appeler ça un mignon avant que Dyne ne lui signale son désaccord à grands coups de poing dans le nez. Même Tidus avait déclaré que son père l'avait bien mérité.
Aérith lui avait donné des astuces pour calmer les douleurs fantômes et le glaçon marchait en général bien, mais il avait du mal à extraire un cube de glace du congélateur avec une seule main.
Du coup, l'eau froide était un bon compromis.


Dyne avait été trouvé dans le canal.
Heureusement, il n'y avait pas séjourné assez longtemps pour devenir…
Pour…
Il était reconnaissable.
C'était pour cela que les troopers avaient convoqué Barret.
Pour l'identifier.
L'enquête fut rapide. Gorge tranchée, la marque d'un des syndicats du crime qui régnait dans les Taudis. Barret ne se demanderait plus d'où venait l'argent que Dyne ramenait au bar.


Cid avait été trouvé sur le pilier.
Heureusement, il n'était pas resté seul assez longtemps pour se vider de...
Pour…
Il était vivant.
C'est pour celà qu'Aérith et Yuffie se précipitèrent vers lui.
Pour le soigner.
La guérisseuse fut rapide. Yuffie aida Cid à relever son tee-shirt ensanglanté, lui tenant la main pendant qu'Aérith remettait ses organes à leur place et refermait ses plaies. Barret ne se demanderait plus pourquoi Yuffie n'arrivait plus à dormir la nuit.


"Barret ? "
Il sursauta, se cognant le bras au robinet. Jurant à mi-voix, il arrêta le flot, vérifiant qu'il n'avait rien abîmé, ni l'évier, ni la partie métallique greffée sous son coude.
"Je suis désolée," s'excusa Elmyra en approchant, attrapant le torchon de la cuisine pour l'aider à se sécher, "je pensais que tu m'avais entendue…"
"J'étais plongé dans mes pensées," répondit Barret en se laissant faire.
"Douleur fantôme ? " demanda Elmyra tout en tamponnant délicatement son bras.
Il hocha la tête sans répondre.
"Est-ce que tu veux un glaçon ? "
"S'il te plait…"
"Va t'asseoir, j'arrive tout de suite," déclara-t-elle en rangeant le torchon.
Il la regarda se diriger vers le congélateur tout en resserrant la ceinture de sa robe de chambre, ses pieds nus ne faisant pas un bruit sur le lino usé.
Quand elle revint, le glaçon enveloppé dans un sac en plastique et qu'elle le posa sur la peau juste au-dessus du système d'accroche de son bras, il se laissa à nouveau faire.
Il regarda ses mains, à la peau abîmée par les travaux ménagers, aux petites cicatrices dues à la cuisine.
Aux deux alliances sur sa main gauche.


Il n'avait pas vu le corps de Myrna. Ni celui d'Eleanor. Dyne et lui étaient revenus de Besaid trop tard, les corps avaient déjà été incinérés.
Ils avaient été à l'autre bout du monde, à tenter de se remettre de leurs blessures quand la nouvelle de l'attaque de Corel Nord était arrivée.
Le temps de trouver un moyen de s'y rendre, c'était fini. Les survivants avaient été évacués à Midgar, les morts incinérés, leurs cendres soigneusement rangées dans une tombe commune à Guadosalam. Les guados qui s'en étaient chargés avaient tout minutieusement enregistré et précieusement gardé le peu d'objets personnels qui avaient permis d'identifier les morts.
C'était ainsi que Dyne avait pu récupérer le médaillon d'Eleanor, son alliance et la seule photo d'eux trois qui avait été prise, pendant la permission de Dyne lors de la naissance de Marlène.
La seule chose que Barret avait récupéré de Myrna, c'était son alliance. Leur maison avait été rasée, il n'avait plus rien de sa jolie femme aux cheveux nattés de perles et au coeur trop fragile. Il savait qu'elle mourrait longtemps avant lui, mais pas comme ça. Il ne voulait pas la perdre comme ça, savoir qu'elle était morte seule, sans lui, sans Eléanor, sans Dyne…
Il avait été à deux doigts de se jeter du Mont Corel quand Dyne était revenu, Marlène dans le bras, emmaillotée de voiles aux motifs maduin.
Les Guados l'avait trouvée vivante, cachée sous le corps d'Eleanor et l'avaient confiée à une troupe de Maduins.
Que les Titans fassent la terre légère sous leurs pieds, les Vagabonds avaient su -comment ? ! - que la petite fille avait encore de la famille et l'avait ramenée à Dyne.
Et Dyne la lui avait tendue.
"Ton bras est plus grand que le mien. Tiens ta filleule quelques instants, tu veux ? "
Dyne lui avait donné une autre raison de vivre.


"Elmyra ? "
Elle leva les yeux vers lui et il lui sourit, levant la main pour ramener une mèche dans la natte qu'elle se faisait pour dormir tous les soirs.
"Oui ? "
"J'emmène Marlène voir Auron et Jecht ce weekend."
"Oh, d'accord, vous dormirez là bas ? "
"Est-ce que tu veux venir ? " répondit Barret en guise de réponse.
Elle refusait toujours.
Barret ne comprenait pas pourquoi. Ils s'étaient tout de suite bien entendus tous les deux, rapprochés par Marlène, par la nécessité d'avoir un autre adulte responsable d'elle quand il était absent, mais même une fois leur attraction mutuelle avouée…
Elle restait hésitante.
"Barret… je… qu'est-ce qu'ils diront que… que tu m'invites chez eux ? "
"Probablement 'pas trop tôt', " répondit Barret. "Et c'est chez moi aussi. C'est notre bar."
"Qu'est-ce qu'ils penseront de moi ? Je... je suis plus âgée que toi et tu n'es veuf que…"
"Myrna m'a fait promettre de ne faire mon deuil d'elle qu'un an."
Ils ne parlaient jamais de leurs époux. La première fois que Barret avait entendu parler de Leif, c'était lors du premier jour des morts à Seventh Heaven, l'année précédente, quelques jours à peine avant que Yuffie n'arrive.
Elmyra avait dû lui expliquer qui était le spectre aux yeux gris qui flottait près d'elle.
Et elle s'était éloignée quand Myrna était apparue, penchée au-dessus du lit de Marlène.
Barret prit une des mains d'Elmyra dans la sienne, caressant le dos du pouce, l'empêchant de s'éloigner.
"Elle savait qu'elle ne vivrait pas très longtemps. Elle était malade, son coeur… Qu'elle soit arrivée à l'âge de trente ans, c'était déjà un miracle."
Barret prit la main d'Elmyra, la serrant dans la sienne.
"Elle m'a fait promettre que je ne la pleurerais qu'un an. Ça fait trois maintenant."
Il ne comprenait pas pourquoi Elmyra s'estimait indigne de lui. Pourquoi elle disait qu'elle n'était qu'une cuisinière, qu'une femme de ménage. Qu'elle était trop vieille pour lui.
(Et oui, la première fois qu'il avait vu les parents d'Aérith après ça, il s'était contenté de lui jeter un regard significatif.)
"S'il te plaît, viens avec nous," reprit Barret d'une voix basse.
Et il sortit son arme secrète.
"Ça fera plaisir à Marlène."
Elmyra lui jeta un petit regard sévère, réalisant fort bien ce qu'il faisait, mais elle finit par hocher la tête.
"Très bien… Mais appelle les pour les prévenir d'abord… s'il te plait."
"Si tu veux, mais ils ne refuseront pas."
"Il faudra que je prépare des repas d'avance pour les autres…" reprit pensivement Elmyra, réfléchissant aux futurs menus.
"Pas la peine, Elmyra, les enfants sont grands, ils pourront se débrouiller seul une journée," grommela Barret avant de réaliser que la gouvernante le regardait avec un petit sourire amusé. "Quoi ? "
"Tu réalises que tu viens d'appeler les Plombs : 'les enfants' ? "
Barret cligna des yeux.
Puis se prit le visage dans la main en grognant, priant pour que Zack n'apprenne jamais ce lapsus. Elmyra eu un petit rire et se releva, venant déposer un baiser sur les cicatrices sur la joue de Barret.
"Ton bras va mieux ? "
"Oui," admit Barret en pliant le coude.
"Alors allons nous coucher."
Barret obéit, se levant et prit la main d'Elmyra pour retourner à l'étage, tachant de faire grincer l'escalier le moins possible. Il ne lâcha pas la main de sa petite amie en passant devant la chambre de celle-ci, l'entraînant vers sa propre chambre, à son grand embarras.
"Barret ! " protesta-t-elle aussi bas que possible.
"Promis, c'est en tout bien, tout honneur," répondit Barret sur le même ton en la faisant entrer, vérifiant d'un regard que Marlène dormait bien.
"Mais c'est…" continua Elmyra quand il ferma la porte derrière elle. "Reeve…"
Barret la coupa d'un baiser, l'aidant à défaire sa robe de chambre avant de s'asseoir sur son lit, fort heureusement un des plus grands de Seventh Heaven.
"Tu es toujours la première debout et Reeve arrive plus tard, il n'en saura rien."
"J'ai l'impression d'être une adolescente qui transgresse le couvre-feu," avoua Elmyra en se glissant dans le lit de Barret, s'installant entre ses bras.
"Ça nous rajeunira tous les deux," déclara-t-il avant de lui donner un dernier baiser.