Un prêté pour un rendu

Résumé :
Sa mère le lui avait pourtant bien dit : Les SOLDATs ne sont pas dignes de confiance. Et quand le futur ex petit copain d'Elena la plante le jour où ils devaient retourner à Kalm leur rendre visite, elle n'a pas le choix. Elle doit trouver quelqu'un d'autre pour la conduire à la maison.
Heureusement, Vincent lui doit un service.

Notes :
Merci à Mini-Clio pour avoir lu les deux versions de ce chapitre et m'avoir conseillé sur laquelle choisir !

Chronologie :
Se situe en novembre après le jour des morts.

Personnages :
Vincent Valentine, Elena, Turk OC, Roche (mentionné et doit avoir les oreilles qui sifflent)

Tags spécifiques à ce chapitre :
fanfic de fanfic, OCeption, Turk OC, mes ocs font des bébés, vieux amis devenus vieux amants et vieux parents, ils ont eu une jeunesse aventureuse, personnage bisexuel, mais c'est la faute à Vincent, Vincent est un petit con, c'est pas nouveau, t'étais pas mort toi ? Before Crisis n'existe pas,


"Coucou, Vincent ! "
Vincent et Cid, tous les deux allongés sur le toit, une tasse de thé à portée de main, firent un bond quand la salutation résonna derrière eux, presque à tue-tête.
Vincent était déjà ramassé sur lui, prêt à bondir sur leur agresseur quand il reconnut la jeune femme.
"Elena. Qu'est-ce que je t'ai dit au sujet des surprises et des augmentés ? "
"Je suis hors de ta portée," objecta Elena, effectivement debout à l'autre bout du toit.
"Qu'est-ce que tu fous là ? Tu nous surveilles ? " grommela Cid.
"Pas en civil," contra de nouveau Elena en approchant d'un pas joyeux.
En effet, la jeune femme ne portait pas son costume habituel, mais un jean, une paire de bottines en cuir (et dont les semelles ferrées arrachaient des étincelles au toit de métal) et un blouson de moto bleu, agrémenté d'une écharpe. Un casque de moto était pendu à son bras et un sac à dos sur son épaule.
Elle vint s'asseoir près de Vincent et le regarda, les coudes sur les genoux, et le menton dans la paume de ses mains, papillonnant des yeux. Vincent rétrécit les siens, soudain pris d'un intense soupçon.
"Qu'est-ce que tu veux ? "
"Tu m'en dois une," commença la blonde.
Vincent se tordit les méninges pour essayer de se souvenir en quel honneur il lui en devait une avant de se rappeler.
L'évacuation avant l'assassinat d'Heidegger.
"Je t'en dois une," admit-t-il, en se demandant quand est-ce que la tradition entre Ash, Morrow et lui était entrée dans les mœurs des Turks au point qu'elle existait encore trente ans plus tard.
"Super ! J'ai besoin d'aller à Kalm ce weekend, mon co-voyageur m'a planté et c'est lui qui avait le véhicule."
"Kalm ? C'est à trois heures de route…"
"Ils ont construit une autoroute il y a vingt ans, tu sais, ça descend le trajet à deux heures," corrigea Elena avant de se mettre à genoux, croisant les mains devant elle, sur son cœur, "s'il te plait Vincent ! Ça fait six mois que je n'ai pas vu mes parents ! "
Vincent fit mine d'hésiter et Elena reprit, agrandissant ses yeux.
"On te nourrira, tu pourras dormir à la maison et repartir demain si tu ne veux pas faire l'aller-retour dans la journée ! Mon père fait une caldeirada comme à Junon ! "
"Avec du vin blanc en accompagnement ? "
Elena roula des yeux, piquée dans sa fierté et offensée au nom des compétences culinaires de son père.
"Quoi d'autre ? "
"Je dois d'abord m'assurer que Barret et Reeve peuvent se passer de moi."
"Super, je t'attends en bas ! " rétorqua Elena avant de se relever, retournant descendre la façade avec son agilité habituelle.
"Tu sais, un jour, faudra que tu apprennes à résister à une jeune fille en détresse," nota Cid en ricanant.
"Ça m'aurait évité tellement d'ennuis, " soupira Vincent en se levant, ramassant sa tasse.


Reeve et Barret acceptèrent que Vincent accompagne Elena à Kalm, à la condition qu'il se tienne bien, qu'il soit sage et qu'il n'en profite pas pour faire bisquer les autres Turks.
"Traduction : Pas touche au bébé des Turks ? " comprit Yuffie pendant que Vincent préparait son arme et des munitions dans le vestiaire.
"Venant de la part du bébé d'Avalanche..." rétorqua Elena.
"C'est pas moi, c'est Marlène ! "
"Yuffie, je te promets que je n'attenterai pas à la vertu d'Elena."
"Dommage," marmonna la blonde.
"C'est plus drôle quand les autres Turks sont là de toute façon."
"Un jour, Rude va te flinguer et tu te demanderas pourquoi," déclara Elena, mi-figue, mi-raisin.
Vincent rangea son arme dans son holster avant d'enfiler son blouson par-dessus et ramasser son sac.
"Rude ? Vraiment ? "
"Il se considère comme le grand frère que je n'aurais jamais voulu avoir."
"Ah. Je savais que tu avais un faible pour les hommes wutans plus âgés," avoua Vincent.
"Un jour, JE vais te flinguer et tu te demanderas pourquoi."
"Tseng est pas, genre, super vieux ? " marmonna Yuffie, à moitié horrifiée.
"Il n'a que trente ans ! Vincent a le double ! "
Vincent ouvrit la porte vers le garage, laissant galamment passer Elena et Yuffie avant de la passer à son tour, tendant les mains vers le tableau des clefs pour récupérer celle de la Chocomobile. Elena intervint, attrapant un autre trousseau.
"Ah, non ! "
"Quoi ? "
"On prend ta Daytona ! " s'exclama Elena en le lui jetant.
Vincent l'attrapa au vol, haussant un sourcil.
"Pourquoi ? "
"Vincent ! " s'exclama Elena en approchant de son véhicule, garé à sa place près de celles des jumeaux, "j'ai toujours rêvé de monter sur cette moto ! Et ça fera baver d'envie mes copains de Kalm," ajouta-t-elle avec un sourire satisfait.
"Pas les copines ? " s'étonna Yuffie.
"Il est là pour ça," rétorqua Elena sans se tourner en désignant Vincent du pouce.
"On ne m'apprécie que pour mon physique", soupira Vincent.
"Et ta moto," ajouta Elena.
"Et ma moto."


Effectivement, avec l'autoroute, le voyage vers Kalm fut plus rapide qu'à l'époque de Vincent. Et si la moto n'avait plus besoin de plein d'essence régulier, merci à son noyau mako, Vincent décida néanmoins de faire un arrêt à une station.
Faute de pouvoir vendre du carburant, elles avaient été recyclées en lieux de détente et de loisirs et la qualité des boissons chaudes avait augmenté pour attirer le chaland.
Il tendit un café à Elena.
"Tiens."
"Merci," articula Elena entre deux claquements de dents.
Il s'assit près d'elle sur la moto, savourant sa propre boisson chaude.
Ils en avaient tous les deux besoins. Vincent avait beau être augmenté, ça ne lui permettait que de supporter le froid plus longtemps, mais pas de ne plus le sentir.
"On aurait dû prendre la Chocomobile, tu n'es pas assez couverte pour faire de la moto en novembre."
Elena grimaça en hochant la tête.
"Mon pilote habituel est une fournaise et plus large que toi, je cuis littéralement quand je suis derrière lui."
"Désolé d'être trop osseux."
"La Caldeirada y pourvoira."
"Je ne savais pas que tu étais de Kalm."
"Pas exactement, mais c'est le point de chute de mes parents depuis qu'ils ont pris leur retraite. Avant, on parcourait Gaïa selon le travail de Maman."
"Qu'est-ce qu'elle faisait comme travail ? "
Elena réfléchit quelques secondes, observant Vincent du coin de l'œil, utilisant son café comme prétexte pour prendre le temps de répondre.
"Contractuelle en zone de guerre."
"Mercenaire," traduisit Vincent, "avec une enfant ? "
"Spécialisée dans l'infiltration et l'espionnage, un adorable bébé blond en couche était un alibi parfait."
"Et ton père ? "
"Consultant en sécurité personnelle."
"Garde du corps," comprit Vincent.
"Entre autres. Il a pris sa retraite il y a dix ans et le relais pour s'occuper de moi."
"Comment ça ? "
"Maman m'a élevée les dix premières années, puis c'était à son tour."
"Ils ne vivaient pas ensemble ? "
"C'est un couple compliqué," admit Elena avec un soupir, "il leur a fallu six ans pour devenir amants, douze pour être parents et encore dix pour tomber amoureux. Ils se sont mariés il y a quatre ans seulement."
Effectivement, compliqué avait l'air d'être un bon mot pour les décrire.
"Et toi ? "
"Ma mère était chasseuse de prime de Wutai Sud."
"Sérieux ? "
"Elle m'a élevé dans les camps de chasseurs. Je savais tirer au fusil à huit ans."
"Veinard. J'ai dû attendre douze ans pour que Papa accepte de m'apprendre. Et ton père ? "
"Comme toi, rencontré à dix ans. Un érudit de Centra."
"Nan, tu te fiches de moi ? Comment ont-ils fait pour se rencontrer ? "
"Il l'a engagée comme... consultante en sécurité privée."
"Hmmm, sécurité très privée ? "
Vincent hocha la tête. Il n'allait pas le nier, il avait entendu toutes les versions de l'histoire, y compris certaines qu'un enfant n'aurait pas dû entendre, merci à ses parents et leurs amis. Pendant un de ses voyages à travers le monde, son père avait décidé d'explorer un temple abandonné à Wutai Sud et avait engagé quelques chasseurs pour le protéger pendant qu'il avait le nez fourré sur les inscriptions. L'expédition avait duré trois mois et sa mère en était revenue avec un butin de reliques impressionnant, un bon salaire et enceinte d'un mois.
Elle avait réalisé le dernier point bien après coup, mais heureusement, la vente du butin lui avait permis de vivre le temps que son fils soit assez grand pour voyager.
"J'ai l'impression que l'un des critères d'embauche des Turks est une enfance atypique," marmonna Elena en finissant son café.
C'était peu dire.
Yoshiro avait été issu d'une famille Wutane noble désargentée et déshonorée par le crime quelconque d'un ancêtre, Ash changeait l'histoire chaque fois qu'on lui demandait, mais la constante était qu'elle était une gamine des Taudis et qu'elle avait réussi à passer pour un garçon jusqu'à la puberté, voir même après, comme en témoignait son talent de déguisement pour les infiltrations. Le Turk qui l'avait recruté n'avait réalisé qu'une semaine après qu'elle était : 1 adulte 2 une femme. Les autres Turks ne l'avaient jamais laissé tranquille après ça. Morrow n'avait jamais vraiment expliqué son passé. Il tenait trop bien l'alcool pour avoir la langue qui se délie facilement, mais était arrivé avec une matéria d'Ifrit qu'il maîtrisait parfaitement malgré son jeune âge, un tempérament qui l'avait envoyé de piquet presque autant que Vincent et un talent magique qui frisait la magie native. Ça devait être une histoire complète en trois tomes mais Vincent n'avait jamais réussi à lui faire desserrer les dents sur son passé.
Trigger avait été le plus "normal" des Turks, un de la première heure, de l'époque où le président Shinra commençait tout juste à s'établir comme marchand d'armes. Ancien militaire, une femme, trois enfants et un tempérament de maitre-chien qui lui avait permis de tenir son partenaire (Vincent) et les autres jeunes recrues (Ash, Morrow et Yoshiro) d'une main de fer et les former jusqu'à ce qu'ils soient assez matures et expérimentés pour être lâchés dans la nature sans provoquer d'incidents.
Pas trop en tout cas.
"Réchauffée ? "
"Tu m'offrirais un second café si ce n'était pas le cas ? " taquina Elena.
"Bien sûr que non. Je les ai payés avec ton portefeuille," déclara Vincent en le lui rendant.
"Espèce de petit con ! " s'exclama Elena en récupérant son bien d'un geste brutal.
Et puis il y avait Vincent. Un pickpocket des Taudis, qui avait consciencieusement assassiné plusieurs hommes de Cornéo père pour avoir brutalisé une de ses amies et avait manqué d'arriver de s'enfuir de la Tour Shinra (qui ne faisait que trente étages à l'époque, mais ça restait un exploit) quand les Turks l'avaient enfin pincé et lui avait laissé le choix entre moisir en prison ou rejoindre les Turks.
Il avait choisi les Turks.
Trigger avait souvent prétendu que s'il n'avait pas été aussi bon sniper, il l'aurait abattu au bout d'un mois.


Une fois réchauffés et de nouveau sur la Daytona, ils furent rapidement en vue de Kalm.
Vincent était rarement allé dans cette ville pour des missions, mais Ash avait eu une planque ici, une petite maison qu'elle avait à moitié reconstruite elle-même. Morrow, Vincent, leurs collègues et même Yoshiro y avaient régulièrement été envoyés pour se remettre tranquillement de leurs blessures, dans un air plus frais que Midgar, et surtout loin du Département Scientifique qui commençait déjà à prendre les mauvaises habitudes qui le caractériserait plus tard. La ville avait été… et bien calme, le temps clément grâce à sa proximité avec la mer et à l'époque, c'était un lieu de villégiature privilégié, avec une longue histoire culturelle, un bord de mer agréable et une architecture typique à colombages.
Mais avec la guerre contre Hojo, la ville avait changé.
Les antiques murailles de pierre avaient été renforcées de fosses et de plaques de métal, des canons à mako étaient installés régulièrement sur le rempart et le petit réacteur qui alimentait la ville était gardé par des troopers. Des bunkers étaient construits à intervalles réguliers pour que la population puisse s'y réfugier en cas d'attaque et les itinéraires d'évacuations étaient ajoutés aux panneaux de circulation.
Toutefois, à l'intérieur, la vie continuait, comme à Midgar. Les gens sortaient dans la rue, les jeunes se rassemblaient, il y avait des fêtes improvisées, des réunions entre amis aux terrasses des cafés, le tout dans une ambiance bon enfant qui rappelait des souvenirs à Vincent.
La nuit tombait quand Elena et Vincent arrivèrent et que l'ex-Turk dû ralentir pour que Elena le guide dans les rues de la ville. Ils arrivaient dans une artère pleine de bars bondés quand Elena lui fit signe de s'arrêter près de la terrasse d'un café. Il obtempéra et elle retira son casque, sautant au sol pour embrasser des jeunes gens de son âge assis à une table.
"Ettie ! "
Ah, apparemment Elena n'était pas le vrai nom de la jeune Turk. A moins que ce soit Ettie qui ne soit pas le vrai.
"Je croyais que Roche t'avait planté ! " s'exclama une jeune femme.
"Il M'A planté et il peut se brosser pour un futur rencard," rétorqua Elena, "mais j'ai trouvé un autre motard pour m'accompagner ! Dites bonjour à Vincent."
"Bonjour, Vincent ! " s'exclama un jeune homme en admirant sa moto.
"Mes yeux sont plus hauts," signala Vincent en retirant son casque.
"Wow, Etna, tu tapes fort là ! " renchérit un autre ami de la jeune femme.
"Ouais, mais je crois qu'il est en main," rétorqua Elena s'attirant un regard étonné de Vincent, "faites-moi une place et commandez-moi un kalm coffee[1], je reviens dès que j'ai déposé Vincent chez mes parents."
"Il ne vient pas boire un verre avec nous ? " protesta une jeune femme en battant des cils à l'intention de Vincent.
"On verra," répondit Elena avant de remettre son casque et enfourcher de nouveau la moto, "tout droit et tu prends la troisième à gauche puis tout de suite à droite, on vise la petite maison au numéro 22."
"Oui, Etna," répondit Vincent en remettant son casque, redémarrant.
C'était étrange qu'Elena décide soudain d'aller boire avec ses amis alors qu'elle avait tant insisté pour voir ses parents. Ils furent rapidement au numéro 22 et Vincent fronça les sourcils, détaillant la petite façade.
C'était… une maison typique de Kalm, avec des colombages, des murs fraîchement repeints, et des tuiles d'ardoises. Elle était identique à toutes les maisons de la ville, pourquoi semblait-t-elle familière ?
Elena sauta au sol et ouvrit le garage, indiquant une place pour que Vincent se gare.
Il y avait deux motos à l'intérieur, des daytona plus récentes, et il restait juste la place pour mettre la sienne à côté. Vincent se leva, les sourcils froncés par la réflexion et retira son casque pour le poser sur son siège. Il se tourna lentement vers Elena.
"Tu commences à comprendre ? " demanda-t-elle.
"Tu m'as fait venir ici."
"C'était prévu depuis un moment, mais Roche m'a vraiment planté, du coup, j'en ai profité."
"Pourquoi ? "
Elena eu un petit sourire, cette fois un peu triste et elle tendit la main vers Vincent.
"Je veux que tu rencontres mes parents. S'il te plaît," ajouta-t-elle.
Les Turks ne disaient jamais 's'il te plaît'.
Sauf quand c'était important.
Vincent hésita avant d'accepter la main d'Elena, la laissant l'entraîner par la porte attenant au garage, menant directement dans la maison.
"Tu peux laisser ton sac ici," ajouta-t-elle en montrant un petit banc dans l'entrée. "Papa ! Maman ! Je suis là ! Je plaque Roche ! "
Vincent entendit un rire de femme à travers l'épaisseur de la porte et il se redressa, reconnaissant un timbre familier.
"Vincent est avec moi," ajouta Elena et le rire stoppa soudain.
Dans une autre pièce, la cuisine réalisa Vincent, il y eut un bruit de vaisselle qu'on posait précipitamment.
"Elena…" murmura Vincent en observant l'entrée.
Elle avait été repeinte. Les meubles avaient changé, ce qui n'était pas un mal vu les ruines qui y étaient, trente ans plus tôt.
Il y avait deux chambres dans la maison, à l'étage.
La salle de bain était entre les deux.
Tout ça, Vincent le savait.
Il avait dormi dans la chambre qui donnait sur la rue, tout autant que dans l'autre, quand Ash y était aussi.
Il avait bu des bières dans le jardin de derrière avec Morrow, lui avec un bras dans le plâtre, Morrow avec des points de suture tout le long de la jambe.
Trigger leur avait amené des provisions et des médicaments, s'assurant personnellement que ses hommes- et femme- se remettaient bien de ses blessures et ne faisaient pas trop de bêtises avec les locaux.
"Elena…" reprit Vincent.
"Ils sont vieux maintenant, ménage-les un peu," conseilla Elena en l'aidant à retirer son blouson, "Papa a les poumons fragiles, empêche-le de chouiner."
"Je t'ai entendu, fille indigne ! " s'exclama une voix venant de la cuisine.
Elena ouvrit la porte du salon à Vincent et posa la main sur son bras, le poussant doucement à l'intérieur avant de le suivre, fermant derrière elle.
Il y avait une femme dans le salon. Elle était petite, à peine de la taille de Yuffie, des cheveux roux, pas aussi intense que ceux de Reno, plus court qu'il y a trente ans mais malgré les années, pas encore gris. Ses yeux bruns étaient de la même couleur que ceux d'Elena.
Elle se tenait debout, hésitant à garder les mains devant elle, ou à les mettre dans le dos, comme elle l'avait toujours fait quand elle portait encore le costume des Turks, sur mesure pour qu'elle puisse y mettre ses petites jambes et ses formes féminines.
"Ash ? " murmura Vincent.
Ash sourit, et Vincent la reconnut pour de bon. Elle n'avait pas beaucoup souri il y a trente ans, mais c'était un souvenir qui lui revenait facilement.
"Je savais qu'il te reconnaîtrait du premier coup d'œil," fit la voix du cuisinier.
Vincent tourna la tête vers lui.
Il avait plus vieilli qu'Ash. Les soucis, peut-être ? Ou juste le fait qu'Ash n'avait jamais fait son âge, quel que soit cet âge de toute façon. Ses cheveux étaient gris, mais toujours autant en bataille, et il portait des lunettes, mais ses yeux restaient bleus.
"Ben quoi ? Dit quelque chose, petit con ? "
"Morrow ? "
Elena approcha de sa mère, déposant un baiser sur sa joue.
"Je vous laisse, je vais boire un verre avec mes potes."
"Etna, ton père a fait la caldeirada que tu as demandé" commença Ash.
"Je sais, c'est comme ça que je l'ai attiré ici," expliqua Elena en montrant Vincent du pouce avant d'aller embrasser son père.
"Ifrit, merci," soupira Morrow, " j'ai eu peur que tu aies dut l'aguicher."
Elle avait la taille et les cheveux de Morrow, les yeux et le visage d'Ash.
Ash avait disparu il y a une vingtaine d'années, soi-disant après une mission qui avait mal tourné.
Elena avait une vingtaine d'années.
"Je vous laisse," s'exclama la jeune fille en se dirigeant vers la porte, "je reviens dans quelques heures, passez une bonne soirée ! "
"Ne finis pas au poste," déclara son père.
"Quoi qu'ils te disent à mon sujet, c'est arrivé qu'une fois," déclara sérieusement Elena à Vincent avant de rouvrir la porte et leur faire signe d'au revoir, "et Vincent ! "
"Oui ? "
"Ne couche pas avec mes parents, s'il te plait."
"Trop tard," déclarèrent les parents d'une même voix.
"Veutpasensavoirplusàtoutàl'heure ! "
Une fois leur fille partie, le couple se tourna à nouveau vers Vincent qui semblait à court de mots.
"Première fois de ma vie que je te vois sans voix, Vincent," reprit Morrow.
Vincent inspira, les regardant tour à tour.
"Je sais que je peux parler, mais vous n'êtes pas censé être morts, tous les deux ? "
Ash roula des yeux et glissa son bras au coude de Vincent, l'entrainant vers le canapé, retrouvant son habitude de le traîner après elle, habitude qu'Elena tenait visiblement de sa mère.
"Effectivement, tu peux parler," déclara-t-elle en l'asseyant sur les coussins avant de le rejoindre.
"J'ai vu votre message. A Nibelheim… derrière le miroir…"
"Je t'avais dit que c'était une bonne idée," marmonna Morrow à sa femme.
"Vous auriez pu être démasqués…"
"Contrairement à toi, nous savons être discrets," annonça Ash.
"Et si tu crois que c'était nous deux contre le reste du monde, tu te fourre le doigt dans l'œil," ajouta Morrow en servant des verres d'alcool. "Tu veux boire un verre ? "
"Ce que tu as de plus fort, je sentirais peut-être quelque chose…" souffla Vincent.
Il sentit la main d'Ash effleurer son menton et tenta de réprimer son mouvement de recul réflexe. Elle était toujours si petite à côté de lui qu'elle devait se mettre à genoux sur le canapé pour arriver au-dessus de son épaule.
"Tu es augmenté," nota-t-elle d'un ton neutre.
"A mon insu."
"J'aurais dû flinguer Hojo la première fois que je l'ai vu," marmonna Ash en touchant doucement ses cheveux, "ça se voit que Trigger n'est plus là pour te raccourcir les pointes."
"Je te déconseille d'essayer," déclara Vincent en acceptant le verre de Morrow, "qui d'autre contre la Shinra ?"
"Tu le sauras bien assez vite," répondit Morrow en s'asseyant près de lui, tendant un verre à sa femme.
"Yoshiro ? "
"Nan, ce fils de pute est mort, je l'ai tué moi-même," répondit Ash.
Vincent haussa un sourcil. Oui, Yoshiro avait été imbuvable, bouffi d'orgueil et méprisant, mais Ash et lui avaient plutôt bien travaillé ensemble et elle avait même réussi à être cordiale avec lui.
"Je l'ai retrouvé pendant la guerre de Wutai," expliqua Ash en se rasseyant correctement sur le canapé, "ce connard menaçait de révéler à Shinra que j'étais encore en vie et leur envoyer Etna si je n'aidais pas le camp Wutan."
"Ah, c'est pour ça que son corps n'a pas été retrouvé."
"Je l'ai donné à manger aux chiens de guerre shinra qui se baladaient dans la campagne," déclara Ash avec un sourire satisfait.
"Je l'aime," soupira Morrow avec un petit sourire béat.
Vincent laissa échapper un petit rire, avalant une gorgée d'alcool en le sentant s'étrangler.
Ils lui avaient manqué, réalisa-t-il. Tout comme Edéa lui avait manqué.
Comme Maduin lui manquait.
Et sa famille.
Il sentit la main de Morrow se poser sur son épaule.
"Tu ne vas pas devenir sentimental, hein ? "
"Je commençais à m'habituer à l'idée que vous n'étiez plus là," avoua Vincent, "et ça te va bien de dire ça. Qui a passé vingt ans à essayer de faire tomber Hojo pour venger un collègue disparu ? "
"Lui," rétorqua Ash en dégustant son propre verre.
"Elle a aidé," précisa Morrow.
"J'aurais dû me douter d'Elena était votre fille."
"Etna," corrigea distraitement Morrow.
"Pas touche, hein ? " fit Ash en fronçant un sourcil.
"Je promets de ne flirter avec elle que pour embêter Tseng," répondit Vincent avec un petit sourire en coin.
"Ah, ça, ça n'a pas changé," nota Ash.
"Tseng est un bon Turk qui fait de son mieux avec les merdes qui lui tombent dessus, arrête de le faire tourner en bourrique," soupira Morrow.
"Et Reno ? "
"Vas-y franco," répondit Morrow avec un de ses sourires narquois.
Vincent tendit le bras vers son ancien collègue, ancien ami et ancien amant, posant ses doigts sur sa joue. Le vieil homme soupira avant de lui prendre la main, la retirant doucement.
Le Morrow d'il y a trente ans se serait dégagé en le foudroyant du regard. Celui-ci se contenta de lui serrer les doigts avant de le lâcher.
Il avait vieilli, en effet. Il s'était…
Il n'allait pas dire adouci, même en étant augmenté, Vincent pouvait sentir que sa poigne était toujours ferme et il était sûr que s'il le touchait de sa main démoniaque, il pourrait sentir la présence de son Ifrit sous sa peau. Mais il s'était calmé.
Il avait vécu les trente dernières années. Il n'était pas resté endormi, figé dans le temps et ses cauchemars, à ne pas évoluer.
"Quand même, c'est dommage…" murmura la rousse en posant sa tête contre le bras de Vincent.
Elle palpait plus ou moins discrètement sa peau par-dessus son gant, sentant les irrégularités qui n'auraient pas dû y être et Vincent se dégagea doucement, lui prenant la main de l'autre.
"Qu'est-ce que tu espérais, Ash ? "
La vieille femme eut un petit sourire en coin et haussa les sourcils d'un air suggestif tout en croisant ses doigts avec ceux de Vincent.
"Un vieux renard argenté toujours prompt à sauter dans un lit avec de vieux amis ? "
Morrow eut un murmure pensif à ces mots et Vincent haussa lui aussi un sourcil amusé.
"Est-ce que je dois craindre pour ma vertu ? "
"Quelle vertu ? Tu n'en as pas eu depuis…" commença Morrow avec un sourire taquin.
"L'âge de dix-sept ans," répondit Vincent.
"Ta vertu ne crains rien avec moi," déclara Ash en se dégageant avec une petite tape sur le genou de Vincent, "la seule chose que j'ai envie, c'est de te mettre un coup de peigne dans cette toison et de te donner un de tes foutus chocobonbons pour t'engraisser."
"Pareil, tu es trop jeune pour moi, maintenant, " ajouta Morrow.
"Et à propos d'engraisser, Morrow, la caldeirada," ordonna Ash en claquant des doigts.
"Oui Patronne," rétorqua Morrow en se hissant sur ses pieds, "mets la table avec Vincent, j'amène la marmite."
Ils avaient tous les deux vécu trente ans sans lui. Ils étaient devenus amants, parents puis époux sans lui.
Il en était presque… jaloux.
C'était peut-être hypocrite de penser ça. Avant Nibelheim, après la mort de Trigger, Vincent comptait quitter les Turks. Simuler sa mort peut être, ou juste disparaître, mais il avait fait le tour de ce que Midgar pouvait offrir et commençait à avoir des fourmis dans les pieds. S'il n'y avait pas eu Lucrécia, il aurait disparu quelques semaines après son arrivée à Nibelheim. Il aurait laissé sa vie derrière lui, sans se soucier de ses collègues, amis ou amants.
Et eux avaient consacré une partie des trente dernières années à le chercher et, faute de le trouver, à le venger.
"Merci," murmura-t-il.
"Attends de goûter la cuisine de Morrow, il a progressé."
"Et ça, ce n'est pas dommage."
"Hey, vous n'aviez qu'à aider tous les deux ! " protesta Morrow en arrivant, une marmite dans les mains, "elle n'est pas mise, cette table ? "
"Assiettes, verres, couverts," énuméra Ash en désignant les meubles autour d'elle, "je m'occupe du reste."
"Oui, Patronne," répéta Vincent en se tournant vers le plus proche.
Elle lui mit une claque sur les fesses.
"Et tu vas prendre double ration," marmonna-t-elle en secouant la main, "je me suis fait mal sur tes os."


La nuit était bien avancée quand Elena se glissa dans la maison en silence. Elle avait déjà été douée pour faire le mur discrètement dans son adolescence, merci à un père Turk et une mère mercenaire, mais son entrainement avec Rude avait porté ses fruits et…
"Tu avais la permission de minuit ? "
Elle fit un bond sur place, se retenant de hurler pour ne pas réveiller ses parents.
Vincent se tenait dans l'embrasure de la porte du salon. Elle ne le voyait pas dans le noir complet à part ses yeux étincelants.
"Vincent ! Ça t'amuse ? ! "
"Énormément," répondit Vincent d'une voix enjouée.
En guise de vengeance, Elena alluma l'ampoule de l'entrée, lui jetant un regard agacé. Elle vit les yeux de Vincent s'adapter aussitôt au changement de luminosité, sa pupille se réduisant à une tête d'épingle dans les iris rouges.
C'était flippant.
Et pourtant, avec un petit copain -pardon, ex petit copain- SOLDAT, elle devrait être habituée.
"Comment ça s'est passé ? " demanda-t-elle en fronçant les sourcils.
"Nous avons discuté. Ils m'ont montré des photos de toi."
Elena gémit d'embarras, cachant son visage entre ses mains. Elle aurait dû les cacher avant de laisser ses parents seuls avec Vincent.
"Ils m'ont raconté leurs vies. Tout ce que j'ai raté…"
"Ils t'ont dit que si j'avais été un garçon, je me serais appelé Vincent ? " rétorqua Elena de derrière ses mains.
"Et que tu avais failli être une Valentine. Je suis désolé pour ça, ils ne connaissaient pas mon vrai nom. Etna c'est plus joli."
"Tu connais la chanson ? "
"Je ne le dirais à personne, promis. Elena ? "
"Hm ? " fit la jeune femme en levant le nez de ses paumes.
Vincent inclina légèrement le torse vers elle, comme Tseng le faisait parfois.
Quand c'était important.
"Merci."
Elle eut le même sourire rapide que sa mère, si rare chez elle, mais plus fréquent chez Elena.
"Je ne l'ai pas fait pour toi. Ça les bouffait vivants de ne jamais avoir pu te retrouver."
Vincent hocha la tête.
"Tu feras quoi à leur sujet ? " demanda Elena.
"Hojo… m'a pris pour cible. Tant que les choses n'ont pas changé, il vaut mieux que je ne revienne pas trop souvent."
"C'est plus sage, ils comprendront."
"Mais je reviendrais. J'ai encore beaucoup de choses à rattraper."
Il eut un petit sourire et se pencha vers Elena.
"Et beaucoup de choses à te raconter sur les conneries qu'on a faites tous les trois."
"Tant que ce ne sont pas vos exploits sexuels, ça me va," rétorqua Elena.
"Vraiment ? " commença Vincent avec un sourire narquois.


"Vincent ! Etna ! Allez au lit et arrêtez de vous battre ! " lança Ash par la porte de sa chambre, qu'elle partageait avec son mari.
"Vingt gils que c'est Vincent qui a commencé," marmonna Morrow, toujours au lit et à moitié endormi.
"Vingt que c'est ta fille qui l'a provoqué," rétorqua Ash en revenant se coucher.
"Pourquoi c'est ma fille seulement quand elle fait des conneries ? "
Il y eu un crash en bas.
"C'est ton tour," soupira Ash.
"Tu vois, je suis bien content qu'on n'en ait pas eu un deuxième."


[1] Irish coffee quoi, la moto en novembre, c'est généralement frisquet