Cactuar tequila on the rocks

Résumé :
Gast a tout perdu.
Son emploi, sa maison, ses amis, le peu de famille qu'il lui restait.
Il ne lui reste que la vie, et pour la conserver, il devra la vivre caché de Shinra, Hojo et des Turks.
Heureusement, Canyon Cosmo est prêt à l'accueillir, il y sera le bienvenu.
S'il arrive à survivre à la fureur d'une petite jeune fille vêtue de rouge et prompte à la bataille de boue.

Personnages :
Gast Falmis, Ifalna Crescent, Professeur Bugenhagen (Carl de son petit nom, c'est cadeau, c'est fanon), Seto, Nanaki (FF7), Nina (mère de Nanaki-OC)

Chronologie :
Se déroule en 2951-2952. Pour référence, à ce moment-là, Vincent est sous le Manoir depuis six, sept ans, Jénova est rangée dans le réacteur du Mont Nibel, l'expérience Jénova est arrêtée et l'expérience SOLDAT commence juste.

Tags spécifiques au chapitre :
Chabadabada, coup de foudre mais pas au premier regard, consommation non raisonnable d'alcool, Ifalna a une sacrée descente, Gast n'était pas prêt, mention de meurtre et tentative de, mention d'expérimentation humaine, différence d'âge importante.


"Bienvenue à Canyon Cosmo, Professeur Falmis."
Gast regarda son comité d'accueil avec surprise, son sac de voyage en travers du dos.
Ce n'était même pas son sac en fait. Le Turk qui l'avait sauvé le lui avait donné avant de le mettre dans l'aéronef de fret en direction de Canyon Cosmo. La seule chose de personnelle qu'il contenait, c'étaient les sous-vêtements de rechange qu'il avait achetés à une escale. Et un carnet de notes ou il avait gribouillé des théories pour tenter de se changer les idées.
Tout le reste était désormais perdu, resté à Midgar et probablement jeté ou vendu dès que sa disparition serait officielle.
"Comment avez-vous su que j'arrivais ? " s'inquiéta-t-il aussitôt.
Le vieux professeur dans sa chaise roulante se contenta d'en rire. Bugenhagen était centenaire, n'avait plus l'usage de ses jambes depuis une dizaine d'années, mais gardait le sens de l'humour et la vivacité d'esprit d'un jeune homme.
"La Planète, Professeur Gast, la Planète ! "
"La... planète ? "
"Pour qui est accoutumé à écouter, votre arrivée était annoncée," déclara mystérieusement le Professeur Bugenhagen.
Le lion de cosmo debout à ses côtés secoua la tête d'un air las avant d'expliquer.
"Nous avons reçu un télégramme nous prévenant de votre arrivée."
"Seto, voyons, je voulais le faire marcher encore un peu," ronchonna Bugenhagen avec un sourire malicieux.
"C'était signé du nom 'Reciproka Amino', acheva le lion sans changer de ton.
"Un ami commun," traduisit immédiatement Gast.
Le Turk, probablement. Si Gast le recroisait un jour, il lui devrait un verre.
Ou une bouteille.
"Est-ce que ça ira ? " s'enquit le fauve.
"Il faudra bien," soupira Gast.
Le vieil homme en face de lui leva la main pour lui tapoter doucement le coude.
"Je vous avais prévenu que la société Shinra n'était pas ce qu'elle semblait être."
"Et vous aviez raison Professeur Bugenhagen," répondit Gast, "j'aurais dû vous écouter…"
"Vous devriez toujours écouter vos enseignants, même quand vous n'êtes plus étudiant. Qu'allez-vous faire maintenant ? "
"Je ne sais pas, je ne peux pas retourner à Midgar… Et je vais devoir éviter l'Estérie, je crains…"
"Vous êtes l'invité Cosmo Canyon," déclara le lion en se levant, aidant Bugenhagen à manœuvrer son fauteuil.
"Merci, Maître Seto. Mais je ne vais probablement pas rester longtemps, je ne voudrais pas mettre votre clan dans une situation dangereuse…"
Tout en parlant, ils arrivèrent à la place centrale de Cosmo Canyon, où les plus jeunes lions jouaient ensemble avec des enfants terrans, gis et humains, luttant dans la poussière en grognant et faisant semblant de se mordre, le tout sous le regard des adultes de la communauté.
"Maintenant que la paix est établie entre Cosmo Canyon, Terra et les Gis, nous sommes une force à laquelle Midgar n'osera pas s'attaquer," répondit le lion.
"Ne les sous-estimez pas. Je ne suis pas sûr que ça suffise…"
"Qu'est-ce qui vous inquiète ? "
"Les expériences du Professeur Hojo. Outre le manque de... d'éthique, leur but est préoccupant."
Le lion et le vieux professeur trouvèrent une chambre libre dans les cavernes troglodytes du canyon et aidèrent Gast à s'y installer.
Ce fut vite fait. Il n'avait pas grand-chose à installer.
Gast resta quelques instants à regarder le sac vide sur son lit et le peu de vêtements dans le creux du mur qui lui servirait d'armoire. Ce fut visiblement suffisant pour que son vieux professeur décide de lui changer les idées.
"En attendant, pourquoi ne pas nous aider ? Je sais que ce n'est pas votre domaine, mais nous avons toujours besoin d'un cerveau supplémentaire dans nos recherches sur la Planète…"
"En fait, j'allais vous le demander. J'ai toujours été fasciné par la civilisation des Cetras et j'aimerais… vérifier quelques théories."
"Ah, vous tombez très bien alors, une de nos jeunes doctorantes est de Grand Glacier, et elle nous a apporté une quantité d'histoires orales les concernant."
"Vraiment ? Pourrais-je m'entretenir avec elle ? "
"Bien sûr, mais soyez prévenus, Ifalna ne vous parlera que si vous l'aidez avec ses plantes."
"Je ferais de mon mieux pour n'en tuer aucune, alors," soupira Gast.
Il n'avait pas la main verte et avait toujours craint de tuer les plantes de Lucrécia chaque fois qu'elle lui demandait d'arroser en cas d'absence. Heureusement, elle avait vite désigné Vincent volontaire pour s'en charger. Et leur Turk n'avait jamais réussi à lui refuser quoique ce soit.
La serre était toute neuve, fabriquée de matériaux de récupération et n'était encore qu'à moitié achevée, son armature nue en court d'achèvement. Le Professeur Bugenhagen manœuvra son fauteuil sur les planches posées au sol et le guida jusqu'à un petit groupe qui déchargeait des pousses d'une caisse pour les planter dans la terre humide. Il s'arrêta près d'eux et désigna une silhouette en robe d'été rouge. Elle avait un ruban jaune dans ses cheveux brun et Gast soupira, baissant les yeux.
Un rien lui rappelait Lucrécia en ce moment. Surtout depuis qu'il avait dû abandonner son enfant à Midgar, dans les griffes de son père.
"Ifalna, mon enfant," appela Bugenhagen.
La jeune femme se leva à son nom et tourna la tête vers le vieil homme.
"Oui, Professeur ? "
Elle avait le même accent que Lucrécia, réalisa Gast et il leva les yeux pour regarder son visage.
C'était Lucrécia.
C'était elle, la première fois qu'il l'avait vue arriver au Département des Recherches Scientifiques de la Shinra, il y avait plus de dix ans.
"Lucrécia ? "
La jeune femme se redressa, lentement, essuyant ses mains boueuses sur son tablier d'un geste presque automatique, observant le visage de Gast.
"Lucrécia, c'est toi ? "
Elle sembla le reconnaître. Ses yeux s'agrandirent, sa bouche s'entrouvrit, elle lâcha son tablier sous le choc.
"Espèce… de…" commença la jeune femme.
Elle se pencha à nouveau.
Attrapa une motte de terre.
Et la lui jeta au front.
Trop surpris par l'attaque, Gast ne l'esquiva pas, laissant la motte boueuse lui exploser sur le crâne, bousculant ses lunettes et l'aspergeant de terre molle.
"Comment as-tu pu OSER faire ça à Lucrécia ? ! " hurla la jeune femme.
Ah.
Ce n'était pas elle.
Elle se pencha à nouveau pour ramasser une autre motte, mais son collègue l'en empêcha, lui arrachant les plants des mains.
"Ifalna ! Ce sont des boutures fragiles ! "
"Oh, c'est vrai, désolée. Je vais le gifler alors ! " s'exclama-t-elle en saisissant sa jupe à deux mains, enjambant les rangées de plantes pour approcher de Gast d'un pas furieux.
"Mais..." commença Gast.
"Ifalna, voyons," reprit le professeur Bugenhagen.
"Elle est MORTE et tu n'as RIEN FAIT pour l'empêcher ! " s'exclama la jeune femme, plantant son index dans le torse de Gast.
"Mademoiselle…"
"J'espère que ça en valait le coup ! J'espère que votre projet était assez important pour justifier la mort de deux personnes et qu'un enfant grandisse comme un rat de labo ! "
Et… ça n'était même pas le cas.
Le projet Jénova avait été abandonné, remplacé par le projet SOLDAT.
Lucrécia était morte pour rien.
Son fils était entre les mains de son père, pour satisfaire les caprices d'un dirigeant sans scrupule et va-t-en-guerre.
Et c'était la faute de Gast.
"Je suis désolé…" murmura Gast.
Elle avait arrêté de crier et le regardait, les yeux débordant de larmes, mais toujours furieuse, sa main maintenant à plat contre son cœur.
"Comment… Ose-tu… être triste pour elle…" murmura-t-elle avant de reculer et de s'éloigner d'un pas furieux.
"Mademoiselle…"
"Professeur Falmis, que se passe-t-il ? " demanda Bugenhagen.
Le biologiste se tourna vers le vieux planétologue, cherchant ses mots.
"Ifalna est… un tel rayon de soleil habituellement, pourquoi vous a-t-elle agressé ainsi ? "
"Je… j'ai peur que ce soit entièrement mérité."
"Professeur…"
"Par ma faute… elle a perdu un membre de sa famille…"
"J'ai du mal à le croire, Professeur…" rétorqua le centenaire avec un regard sévère par-dessus ses lunettes.
Cela faisait seize ans que Gast n'était plus son étudiant ni son assistant, mais le vieil homme avait toujours le don de le faire se sentir trente ans plus jeune, comme un enfant qui avait fait une bêtise.
"Et pourtant… J'aimerais m'excuser, mais... j'ignore comment…"
"J'aurais une suggestion, mais laissez-lui peut-être quelques heures pour se calmer avant…"


Il la trouva tout en haut du Canyon, près des travaux du futur planétarium, dos à un mur d'adobe qui séchait, le regard tourné vers les mesas au loin. Une lionne lui tenait compagnie et un jeune lionceau était sur ses genoux, dormant paisiblement[1]. La lionne, une élégante chasseuse à la fourrure dorée, la crinière ornée de plusieurs plumes, leva la tête de son épaule en l'entendant arriver, et Ifalna l'imita en la sentant bouger.
Si les regards pouvaient tuer, il aurait été incinéré par deux beaux iris verts.
"Je... euh… je vous amène une offrande de paix ? " déclara Gast en tendant une bouteille.
La préféré d'Ifalna avait prétendu le Professeur Bugenhagen et certains des camarades de doctorat d'Ifalna. Il avait du mal à croire qu'une jeune femme aimerait un alcool aussi fort.
"Ça ramènera Lucrécia ? " rétorqua la jeune femme d'un ton acerbe.
"J'ai peur que non," admit Gast en baissant son offrande.
La lionne eut un petit rire qui roula étrangement et elle poussa son petit du bout du nez pour le réveiller.
"S'il a des regrets comme tu le penses, laisse-le au moins les exprimer," déclara-t-elle avant d'attraper son petit par la peau du cou, malgré les protestations endormies du chaton.
"Oui, Nina," soupira Ifalna.
La lionne partit avec son enfant ensommeillé, saluant Gast d'un signe de tête avant de laisser les deux humains discuter. Gast hésita avant de désigner une place libre près d'elle.
"Puis-je ? "
Elle hocha la tête et Gast s'assit, laissant un espace qu'il jugeait convenable entre eux. La bouteille tiendrait lieu de chaperon, décida-t-il en la posant entre eux.
"Mademoiselle... euh... Ifalna, c'est ça ? "
"Ifalna Crescent."
Cre… oh… oh non… c'est ce qu'il craignait. Lucrécia avait de la famille.
Pourtant… il n'y avait rien eu d'indiqué dans son dossier et elle avait prétendu être orpheline et sans famille, comment...
"C'était ma COUSINE ! " rétorqua Ifalna, "et elle est morte par ta FAUTE ! "
Gast grimaça. Les excuses partaient mal. Bon sang, qu'il aimerait avoir le talent de Vincent pour dire ce qu'il fallait en aussi peu de mots possible[2]. Il avait beau y avoir réfléchit tout l'après-midi, il ne savait pas vraiment comment présenter ses excuses et ses condoléances à la jeune femme.
"Je suis désolé…"
"Comment tu as pu laisser Lucrécia et ce... cet immonde cancrelat faire ça ? A leur enfant ! "
"Mademoiselle Crescent," balbutia Gast.
Lucrécia avait été Mademoiselle Crescent, avant de devenir Docteur Crescent. C'était difficile d'appeler cette jeune fille du même nom. C'était difficile de la voir aussi furieuse, et en même temps au bord des larmes.
"Et l'ÉTHIQUE alors ? Tu t'assieds dessus ? ! "
"A l'époque, je ne réalisais pas… ce que nous faisions… ce que je faisais..."
"Deux personnes sont mortes pour cette expérience ! "
Ifalna replia ses genoux et posa ses bras croisés dessus pour y cacher son visage.
"Je sais… J'ai perdu des amis et je…"
Il releva la tête.
"Deux ? "
La jeune brune se redressa, lui jetant un regard interloqué. Elle avait les yeux rouges d'avoir pleuré et le visage barbouillé de boue de l'avoir frotté de ses mains sales. Gast sortit son mouchoir de sa poche et le lui tendit pour qu'elle s'essuie.
"Tenez."
Elle prit le mouchoir d'une main et referma l'autre sur la sienne, regardant leurs doigts croisés pendant quelques secondes.
Elle avait la peau fraîche, comme si elle ne venait pas de passer une journée sous le soleil de Canyon Cosmo.
Ses mains étaient petites et délicates.
Lucrécia avait eu des doigts plus longs, pas autant que ceux de Vincent, bien sûr, mais Ifalna avait des mains minuscules, couvertes de terre et aux ongles cassés par les travaux.
"Tu ne sais pas," finit-t-elle par déclarer.
"De quoi ? "
"Il les as tués tous les deux."
"Ifalna, que voulez-vous dire ? "
Elle lui lâcha la main, comme à regret et prit quelques instants pour s'essuyer le visage, contemplant le paysage pensivement.
"L'homme que Lucrécia a épousé, comment s'appelle-t-il ? Un Wutan. Longs cheveux noirs. Des lunettes, je crois ? "
"Hojo. Yakumo Hojo[3]."
"Bien, j'ai un nom à maudire maintenant," déclara la jeune femme avant de tendre la main pour attraper la bouteille posée entre eux, l'ouvrant avec l'habitude d'un doctorant.
Elle avala une longue gorgée et fronça le nez de la force de l'alcool avant de la lui tendre.
"Bois. Tu en auras besoin."
Gast prit le temps de relire l'étiquette de la bouteille, notant la forte proportion d'alcool dedans avant de se demander si le conseil de son aîné avait été bien avisé. Surtout vu la descente d'Ifalna.
"C'est lui qui l'a tuée," déclara-t-elle sans se tourner vers lui.
"Je suis tout aussi responsable, j'aurais dû arrêter l'expérience quand sa santé…" commença Gast.
"Il lui a tiré dessus. Il l'a tuée."
Gast la dévisagea avec surprise. Elle le regardait en face maintenant, ses yeux secs.
"Q... quoi ? "
"Elle essayait de sauver l'autre homme et son enfant. Il a sorti une arme à feu à trois têtes et l'a tuée."
Gast resserra la main en sentant la bouteille glisser de ses doigts.
Le Professeur Hojo avait…
Il avait tiré sur Lucrécia ?
Une arme à trois têtes ?
Le Cerberus de Vincent ?
Mais alors l'autre homme…
L'alcool était effectivement très fort, et il pleura presque en avalant avant de rendre la bouteille à Ifalna.
"Comment sais-tu ? ! "
"Je sais. C'est tout," déclara-t-elle en guise d'explication avant d'avaler une longue gorgée avec, encore une fois, une aisance qu'il n'avait pas vue depuis qu'il avait été lui-même étudiant.
Il n'arrivait pas à le croire.
Ça ne pouvait pas être possible.
Vincent était mort des mois avant celle de Lucrécia, c'était Hojo qui…
Qui l'avait… annoncé...
"Filo di putino[4] ! " s'exclama Gast.
Ifalna lui rendit la bouteille et il lui fit honneur, toussant à peine cette fois-là.
"L'autre homme… qui était-ce ? " finit-t-il par réussir à demander.
"Ça, je ne sais pas," admit Ifalna, "grand, brun, yeux rouge… Sacrément beau gosse."
Gast laissa échapper un petit rire. Il aurait dû s'en douter, tiens. Dès que quelqu'un voulait décrire Vincent, c'était "le beau gosse" et tous les autres hommes cessaient d'exister.
"Vincent. Vincent Valentine," expliqua-t-il, "notre garde du corps."
"Avec un aussi beau garçon sous la patte, pourquoi est-ce qu'elle a choisi l'espèce de savant fou ? "
"Elle aurait peut-être dû," soupira Gast, "ils auraient fait un beau couple tous les deux et il lui mangeait dans la main."
Une minute. Comment est-ce qu'Ifalna savait à quoi ressemblaient le Professeur Hojo et Vincent ? Lucrécia n'avait jamais envoyé de courrier privé quand ils étaient à Nibelheim, juste ses rapports hebdomadaires sur les expériences. Même Vincent avait envoyé plus de courriers à… sa famille ? Ses amis ? Gast avait tenté d'envoyer des lettres à l'adresse indiquée dans le dossier du Turk, pour présenter ses condoléances aux proches de son ami, mais les lettres étaient revenues.
Et quand il avait tenté de faire de même avec la jeune Turk rousse qui avait remplacé Vincent le reste de leur séjour à Nibelheim, elle n'avait même pas semblé émue du sort de Vincent, déclarant que c'étaient les risques du métier.
"Tu les as rencontrés ? "
Non… Non ce n'était pas possible. Vincent était mort depuis… depuis bientôt sept ans, Ifalna devait avoir été tout juste adolescente à l'époque.
"Je le sais," répéta Ifalna de son ton mystérieux avant de tendre la main vers la bouteille.
"Lucrécia t'a envoyé des photos ? " demanda Gast en lui abandonnant l'offrande.
Elle la prit et vida une nouvelle gorgée.
"Quelque chose comme ça."
"Il les as tués," répéta Gast. "comment ai-je fait pour ne pas le réaliser ? "
"Je me pose la question," grommela Ifalna en lui rendant la bouteille.
"Je pensais… je croyais…" balbutia Gast.
Ifalna leva la main, la posant sur son avant-bras et il souffla calmement, apaisé par le contact.
Qu'elle avait les mains fraîches… Le soir tombait, la fraîcheur de la nuit était en train de descendre sur Canyon Cosmo, elle devait être gelée.
Gast retira sa veste, la drapant autour des épaules de la jeune femme, à la grande surprise de celle-ci.
"Tiens. Tes mains sont glacées."
Elle le fixa avec stupéfaction avant de laisser un petit sourire fleurir sur ses lèvres.
Ah, elle était définitivement de la famille de Lucrécia, aussi belle qu'elle.
Eeeet elle n'avait qu'une vingtaine d'années. Maximum. Il était trop vieux pour elle.
Gast se détourna, reprenant la bouteille pour en boire une autre gorgée.
A bien y réfléchir ce n'était peut-être pas bien malin non plus de boire autant en présence d'une jeune femme aussi belle.
"Je croyais… Que… qu'Hojo… aimait Lucrécia."
"Vraiment ? Il te l'a dit ? "
"Non, non, il est Wutan, c'est un peuple très réservé. Mais quand ils parlaient ensemble…"
Gast était brillant, il le savait. Enfant surdoué, adolescent génial, il était devenu chef du département scientifique de la Shinra jeune, une opportunité qu'il n'aurait jamais eu à Alexandria avec leur hiérarchie figée par des siècles d'oligarchie.
Il était brillant, mais il avait toujours été seul.
Lucrécia et Hojo… Une fois lancés, ces deux-là rebondissaient l'un sur l'autre, nourrissant chacun les recherches de l'autre...
Non…
Non, les recherches de Lucrécia nourrissaient celles d'Hojo. Il avait toujours refusé de partager les siennes.
Elle avait été fascinée par Hojo et son intelligence. Elle avait été celle qui le poussait et le soutenait, celle qui prenait toujours le parti d'Hojo quand Gast et lui étaient en désaccord.
Et après sa mort, quand il avait prétendu qu'elle était morte en couche…
Filo di putino.
Il était devenu… comme obsédé par ses recherches. Gast avait cru que c'était la façon de son collègue de gérer son deuil, de s'abrutir de travail pour oublier sa femme…
Alors qu'il l'avait tuée et avait ensuite utilisé leur fils comme sujet d'expérience.
"J'ai été aveugle," murmura Gast. "Je voulais tellement les voir comme un couple amoureux et dédié à leurs recherches autant que l'un à l'autre…"
C'était ce qu'il n'avait jamais réussi à trouver. Une compagne, quelqu'un qui le comprendrait, qui le soutiendrait, qui l'aimerait.
Et maintenant, il revoyait toutes les fois où Hojo avait rabaissé sa femme. Il avait cru que c'était des taquineries de couple, Lucrécia ne s'en était jamais plainte, plaisantant que les génies étaient impossibles à vivre avec.
Toutes les fois où Hojo avait essayé de dénigrer Vincent et où leur Turk avait répondu avec sa langue de vipère qui touchait aussi précisément que quand il tirait avec son arme.
Toutes les fois où ils s'étaient disputés tous les deux au sujet de la santé de Lucrécia et du bébé.
Est-ce que c'était pour ça qu'Hojo avait tué Vincent ? Parce qu'il l'empêchait de travailler ? Parce qu'il se souciait plus de Lucrécia que du projet Jénova ?
"Il les as tués," répéta Gast, sentant les larmes lui monter aux yeux. "Il a tué mes amis…"
Sa voix se brisa et toutes ses barrières mentales avec. Il était fatigué, il avait failli mourir quelques jours avant, il avait tout perdu, son travail, sa maison, sa réputation, il avait dû abandonner Séphiroth, il avait été bombardé de mottes de terre, il s'était fait crier dessus, il avait déjà trop bu et Hojo avait tué ses deux amis.
Les larmes coulèrent.
Il sentit la bouteille lui échapper des mains quand quelqu'un la prit, puis deux bras nus se serrer autour de lui l'attirant contre un corps plus petit que lui.
"Il a tué mes amis," répéta-t-il en sanglotant.
"Il a tué ma cousine," renchérit la voix d'Ifalna, "je la considérais comme ma sœur."
"Je suis désolé," murmura Gast en passant les bras autour des épaules d'Ifalna.
Elle sentait la végétation, les herbes médicinales et aromatiques, elle sentait la neige aussi…
Elle sentait la neige au milieu du désert.
"Je sais. Je sais," répondit la jeune femme "je te pardonne."
"Je ne… je ne le mérite pas, je n'ai rien fait…"
Il sentit sa main dans ses cheveux et pencha la tête pour la laisser les caresser.
"Alors promet-moi quelque chose, Gast Falmis."
"Ce que tu voudras."
"Tu vivras encore des années. Que chacune de ces années soit dédiée à corriger tes erreurs. Que chacune d'elles soit consacrée à faire mieux. Que le jour où tu rejoindras la Rivière de la Vie, tu pourras fermer les yeux et te pardonner à toi-même."
Il ne savait pas comment faire ça.
Il ne savait pas par où commencer.
Mais… c'était un début.
Il allait essayer.
"Je te le promets," déclara-t-il solennellement.
Ifalna lui tapota le dos d'un geste satisfait et s'écarta de lui, ramassant la bouteille.
"Alors trinquons à la première de toutes tes années à venir."
"Commence, je te suis."


"Je suis trop vieux pour boire autant," gémit Gast en se réveillant le lendemain, sur le tapis de la chambre d'Ifalna, sa veste sur le ventre en guise de couverture.
"Quarante ans, ce n'est pas si vieux," rétorqua Ifalna de son lit, à peine plus fraîche.
"On s'est vidé une bouteille à nous deux… Une bouteille de quoi au fait ? "
"Tequila de cactuar," répondit Ifalna en se hissant sur ses coudes, rabattant ses cheveux en arrière d'un geste.
"Ils mettent du cactuar dedans ? " gémit Gast, horrifié en tournant la tête vers elle.
"Si tu trouves une épine dans ton verre, ça porte chance," expliqua la jeune femme avec un petit sourire amusé.
Elle avait encore les yeux rougis, mais elle s'était débarbouillée avant d'aller dormir et sa peau était pâle et fraîche, sauf sur le nez et les épaules, rouges de coups de soleil. Ses cheveux étaient en bataille, le ruban dénoué pendant la nuit et elle s'assit pour le démêler rapidement de sa masse de cheveux.
Elle avait vraiment les mêmes yeux que Lucrécia.
Mais quand il y regardait mieux, elle était différente. Lucrécia avait été mince et élancée, Ifalna était un peu plus petite, plus charpentée que sa cousine, visiblement plus habituée aux travaux physiques. Elle avait des bras plus musclés, pour commencer, remarqua-t-il quand elle les ramena devant elle pour retenir la couverture qui glissait, dévoilant son soutien-gorg...
Il était en train de regarder une jeune femme de la moitié de son âge, assise dans son lit en sous-vêtement, réalisa-t-il avec un sursaut.
"Je euh," commença Gast en se détournant, "je… je vais… retourner dans ma chambre ! Je veux dire… Merci pour... euh… ton hospitalité mais... euh… ce serait plus approprié que je… sorte. Discrètement."
"Si tu veux..."commença Ifalna, amusée.
Sans la laisser finir, Gast se leva, attrapa ses chaussures près de l'entrée et ouvrit la porte.
"Mais ma chambre donne sur la cuisine, tu ne sortiras pas discrètement," acheva Ifalna.
Et en effet, tous les autres étudiants, professeurs et thésards de Canyon Cosmo devaient être rassemblés autour du feu de camp communal qui servait de cuisine, regardant Gast avec des expressions allant de l'amusement au scandalisé, en passant par toutes les nuances d'étonnement et de surprise.
Le fou rire d'Ifalna, venant de sa chambre sembla être un signal pour que tout le monde se réveille.
"Prof ! C'était une des dernières célibataires humaines de Canyon Cosmo ! " geignit un étudiant.
"Elle a la moitié de votre âge ! " protesta un autre.
"Ah ! Je vous l'avais dit ! Elle n'est pas lesbienne elle n'était juste pas intéressée par aucun d'entre vous ! " ajouta une jeune femme aux longues nattes.
"Bah si elle les aime plus vieux, c'est sûr qu'elle n'allait pas faire ses courses chez les boutonneux ! " lança un des cuisiniers.
Gast se contenta de fermer la porte derrière lui, laissant Ifalna s'étouffer de rire dans sa chambre, essayant d'ignorer la façon adorable qu'elle avait de rouler sur le dos en agitant les pieds.
Il avait deux fois son âge et n'était généralement pas intéressé par la romance.
Généralement.
Il passa près du Professeur Bugenhagen, un lionceau sur les genoux, et qui lui adressa un salut de sa tasse.
"Bien dormi, Professeur Falmis ? "
"Sur le tapis, merci, " précisa Gast en s'appropriant une tasse vide pour la remplir au chaudron de thé qui chauffait.
"La plus jolie des étudiantes de Canyon Cosmo n'est donc plus disponible ? "
"Professeur, j'ai… deux fois son âge au moins ! C'est inapproprié ! J'ai... j'ai juste dormi sur le tapis. Merci pour le conseil sur la bouteille, mais c'était… un peu fort."
"Quand on n'a pas l'habitude, en effet," déclara Bugenhagen alors que la porte d'Ifalna s'ouvrait à nouveau sous les hourras des autres étudiants.
Elle s'était rhabillée, une autre robe rouge, son ruban porté en bandeau cette fois et elle approcha en nouant un foulard autour de ses hanches.
"Bonjour Professeur Bugenhagen ! " salua-t-elle joyeusement en s'approchant.
"Déjà du scandale de si bon matin, Ifalna ? "
"Vous vous ennuierez sans moi," déclara-t-elle.
"Oh, et à quel point," soupira le vieillard.
"Tiens Gast," reprit Ifalna en se tournant vers l'autre professeur, lui prenant sa tasse pour lui en mettre une autre dans la main, "ce thé là est meilleur pour la gueule de bois."
"Ah, euh, vraiment ? "
"Promis, merci pour la tasse ! " reprit Ifalna avant de s'éloigner vers la table où était proposée la nourriture solide.
"Comment… elle fait pour être aussi fraîche après tout ce qu'elle a bu hier soir ? "
"Elle est guérisseuse native," répondit Bugenhagen laissant le lionceau laper dans sa tasse.
"Cette jeune fille n'a donc que des qualités," marmonna Gast en buvant une gorgée du thé qu'elle lui avait donné.
"Je vous donne moins d'un an pour tomber amoureux d'elle," déclara Bugenhagen, en tamponnant le museau trempé de thé du lionceau.
"Professeur, c'est inapproprié ! "


"Je croyais que c'était inapproprié ? " lui rappela le professeur Bugenhagen, un an et demi plus tard, lors du mariage d'Ifalna et Gast.
"Je croyais qu'il me faudrait moins d'un an ? " rétorqua Gast.
"Tu es tombé amoureux d'elle en deux jours."
"Et j'ai été dans le déni 368 jours très exactement."
"Heureusement qu'elle sait ce qu'elle veut, n'est-ce pas ? "
"Carl, tu as cent-huit ans cette année, tu ne penses pas qu'un peu de maturité serait une bonne idée ? "
"Crois-moi, passé les quatre-vingts ans, la maturité c'est très surfait."
"J'espère passer les quatre-vingts ans," soupira Gast en regardant sa jeune épouse danser avec ses amis, une couronne de fleurs sur la tête.
"Vous avez décidé ce que vous ferez quand elle aura fini sa thèse ? "
"Elle veut retourner à Grand Glacier et mettre en place des serres tempérées à l'énergie solaire pour améliorer les ressources en nourriture."
"Elle sauvera le monde, notre petite Ifalna."
"Et j'espère pouvoir être avec elle quand elle le fera."
"Gast. C'est ton mariage. Au lieu de ruminer des pensées aussi sombres, tu devrais aller danser avec ta femme."
"Tu sais, je ne suis pas très bon danseur…"
"Meilleur que moi en tout cas."
"Oh, Alexander, Carl…"
"Ifalna ! Viens faire valser Gast ! " appela Bugenhagen, changeant, comme à son habitude, de sujet brutalement.
"J'arrive ! "
Et elle le fit, arrivant d'un pas léger, dansant encore à moitié dans sa robe blanche et rouge, tendant sa petite main aux ongles courts et incrustés de terre à Gast qui la prit en souriant.
Il ne savait pas danser, mais il n'avait qu'à la suivre et tout irait bien.
Il n'avait qu'à la suivre.


[1] Vous avez droit à trois essais pour deviner qui est la peluche et les deux premiers ne comptent pas
[2] Si Vincent entendait ça, il rirait beaucoup. Avant de prendre des notes, au cas où.
[3] Je viens tout juste de me décider d'un prénom pour Hojo. Yakumo peut signifier Huit Nuages, mais à l'origine, je cherchais un prénom où caser le mot yaku, qui signifie catastrophe, mal, malheur… avec mo qui signifie germe ou bourgeon, ça donne : germe du mal. Oui, je lui ai filé un nom de mauvais augure, je vais pas me priver.
[4] Fils de pute en Alexandriote.