Retrouvailles
Résumé :
Séphiroth n'est pas un lâche. Il ne l'a jamais été.
Même dans le labo, même dans l'arène, il ne craignait pas d'affronter ses ennemis.
Il n'avait jamais fléchi à Wutaï.
Ou pendant les nombreuses missions qu'il avait accomplies pour Shinra après la guerre.
Mais il n'avait pas prévu le pire des affrontements :
Une invitation à dîner avec Basch et Vossler.
Chronologie :
Se situe pendant la semaine de pause de Séphiroth, pendant le chapitre 42 d'Avalanche
Personnages :
Team SOLDAT, soit : Séphiroth (FF7), Basch, Vossler, Reks et Vaan (FFXII), Ramza Beoulve (FF tactics), Leo Cristophe (FF6), Grim Olmur (OC)
Tags spécifiques au chapitre :
Flashback, guerre de Wutaï, enfant soldat, angst, référence à de l'expérimentation humaine, found family ? , Vossler en cuisine, de l'avis de Basch c'est un trigger warning, surtout pour l'intégrité de ses papilles.
Sept heures trente.
C'était l'heure.
Séphiroth se leva de son canapé et se dirigea vers l'entrée de son appartement, jetant un petit regard à ses chaussures.
Est-ce qu'il devait les mettre ou pas ?
Il n'allait pas loin. Il ne sortirait même pas de l'aile des premières classes et il devrait les retirer en entrant dans l'appartement de Basch…
Il décida de les mettre quand même et sortit, refermant derrière lui.
La porte de Basch n'était pas loin. Il avait juste à tourner au coin du couloir et il y serait.
Il vit un SOLDAT ouvrir sa porte en passant, les bras chargés d'un sac de courses et ils échangèrent un signe de tête en guise de salut avant que l'homme n'entre chez lui, laissant le passage à Séphiroth.
Ramza Beoulve.
Il l'avait connu en troisième classe, il était désormais en première.
Mais des autres premières classes, il n'en avait pas reconnu beaucoup.
Il y en avait moitié moins qu'avant, que leur était-il arrivé ? La guerre ? Hojo ?
Il se retrouva à nouveau devant la porte de Basch, comme quelques semaines auparavant.
Mais cette fois, il était invité.
Un des jeunes seconde classe lui avait transmis le message le matin même. Un qu'il ne connaissait pas, aux longs cheveux bruns en queue de cheval et aux yeux dorés, qui lui avait donné le mot du Capitaine ainsi qu'une proposition de faire plus ample connaissance.
Un nouveau visiblement.
Séphiroth lui avait fermé la porte au nez.
Il sentait le parfum d'Elena sur lui et s'il y avait une chose que Séphiroth savait sur les relations interpersonnelles, c'était bien de ne jamais se mêler de la vie amoureuse d'un couple sans invitation explicite des deux concernés.
Bref.
Basch l'avait invité à dîner avec Vossler et lui.
Comme au bon vieux temps.
Il aurait dû trouver ça rassurant et familier mais… Il n'avait pas vu Basch depuis…
Depuis la dernière fois qu'il était passé au laboratoire, essayant de le soigner, de le rassurer, de lui dire que les secours arrivaient, avant qu'il soit interrompu par Hojo.
Il toqua à la porte.
Laquelle s'ouvrit presque aussitôt avec de délicieux effluves de curry wutan.
Debout sur le pas de la porte, une main sur la poignée, Basch lui sourit.
Il portait ses cheveux plus longs maintenant, et une barbe.
Et cette cicatrice au-dessus du sourcil gauche que Séphiroth tentait de ne pas regarder.
"Bonjour, Petit Général."
"Basch."
"Entrez, Vossler ne va pas tarder, je l'ai envoyé chercher de la bière."
"Merci."
Il y avait des choses qui ne changeaient pas.
Leur Petit Général était toujours aussi peu loquace.
Le Professeur Hojo était dans l'aéronef et ça n'était pas prévu.
Basch se leva dans le silence qui suivait le scientifique, celui-ci observant l'intérieur de l'Atomos d'un regard dédaigneux. Ils devaient peut-être leur force et leurs pouvoirs aux recherches du professeur, mais entre la douleur du traitement à la mako et le tempérament méprisant du scientifique, on ne pouvait pas dire que les SOLDATs le portaient dans leur cœur.
"Professeur Hojo," l'accueillit leur général, un solide gaillard aux yeux dorés et aux courts cheveux blonds qui tranchaient sur sa peau sombre.
"Ah, Général Cristophe," marmonna le scientifique.
"Que puis-je pour vous ? " demanda leur supérieur.
"Rien, j'espère" entendit Basch derrière lui et il jeta un petit regard désapprobateur à Vossler.
"Le Président… a décidé que le prototype des SOLDATs devrait se joindre à votre escouade," annonça le Professeur Hojo d'un ton désapprobateur.
Basch ignorait même qu'il y avait eu un prototype à leur armée. Et vu comment ça semblait déplaire au Professeur, il se demandait un peu de qui il s'agissait.
"C'est un spécimen très précieux et unique en son genre, il devra revenir vivant," ajouta le professeur avant de se tourner vers la personne qui le suivait.
Basch écarquilla les yeux.
C'était un adolescent, vêtu de l'uniforme des SOLDATs troisième classe, dotés de longs cheveux argentés rassemblés en natte et de yeux vert mako, aussi intenses que ceux des premières classes.
Oh, Saint Alexander.
Il ne devait pas avoir plus de quinze ans.
Même le benjamin des SOLDATs en avait dix-sept et ça avait été toute une histoire avec son frère pour qu'il accepte de le laisser intégrer le programme avec lui. Basch jeta un rapide regard à Reks et Vaan, toujours assis sur leurs sièges, bouche-bée.
Oui, il était plus jeune qu'eux.
Avec tout le respect qu'il devait à ses supérieurs : Bordel, qu'est-ce qui leur prenait ?
"Professeur," reprit leur général d'un ton soudain sévère, "je refuse d'emmener un enfant sur le champ de bataille."
Le Professeur Hojo eut un rictus dédaigneux.
"Dites ça au Président. Cela dit, vous découvrirez rapidement que Séphiroth vous est supérieur en tout."
Il se tourna ensuite vers l'adolescent.
"Tâche de revenir en vie, compris ? "
"Oui, Monsieur," répondit l'adolescent d'une voix inexpressive.
"Ne t'inquiète pas, je veillerais sur les darkstars," ajouta le professeur avant de sortir de l'avion en branlant de la tête, laissant l'adolescent debout au milieu de l'aéronef, un sac sur le dos et une épée réglementaire neuve à la main.
Saint Alexander, il était si jeune que l'uniforme était trop grand pour lui.
Le Général Cristophe finit par soupirer avant d'approcher de lui.
"Ton nom, SOLDAT ? "
"Séphiroth, Monsieur."
"Séphiroth comment ? "
Cette fois, l'adolescent sembla hésiter avant de secouer la tête.
"Juste Séphiroth, Monsieur."
"Tu t'adresseras à moi en m'appelant Général Cristophe, est-ce compris ? "
"Oui, Général Cristophe."
Bien, au moins, celui-ci était obéissant, pas comme Vaan qui avait le don de désobéir par accident dès que le Général avait le dos tourné.
"Va t'asseoir, nous décollons bientôt."
"Oui, Général."
Le Général retourna vers sa place, mais s'arrêta près de Basch avant d'y parvenir.
"Basch."
"Général ? " répondit Basch.
"Tu me gardes un œil sur le gamin."
"Oui, Général."
"Que craignez-vous, Général ? " s'enquit Vossler, "il n'a pas l'air bien dangereux."
"N'oublie pas la règle d'or de la Shinra," objecta leur général.
"Tant qu'on peut se faire de l'argent on y va ? " rétorqua Vossler.
"Ne jamais faire confiance au département scientifique," corrigea Basch.
"Curry ? "
"Recette Wutane aux sept épices," précisa Basch en se dirigeant vers sa cuisine, "venez vous asseoir Général."
"Basch…" reprit Séphiroth d'un ton si étrange que Basch se tourna vers lui, étonné.
Il retirait ses chaussures, les rangeant soigneusement dans le meuble de l'entrée.
Ça avait été compliqué de civiliser Séphiroth à Wutaï.
Déjà, il y avait eu du travail. Il avait fallu partir de zéro pour lui apprendre la politesse, les formules rituelles, comment se tenir, mais en plus, ni Vossler, ni les autres SOLDATs n'avaient donné le bon exemple sur le front.
"Je… ne m'appelle plus Général. Plus de vouvoiement. S'il te plaît."
Ah. Si la politesse était sortie, c'est que c'était important.
"Très bien, comment puis-je t'appeler alors ? Juste Séphiroth ? "
Cette fois, son ancien supérieur hocha la tête.
"S'il te plait. Comme… Comme avant."
Quinze ans avaient passés depuis la première fois qu'il l'avait vu. Et il avait toujours l'impression d'avoir un adolescent en face de lui, alors que Séphiroth avait maintenant trente ans.
Il venait de passer douze ans à être manipulé comme une marionnette par Hojo. Il n'avait pas grandi.
Et il avait déjà été si… si réprimé avant, que Basch avait parfois eu l'impression d'essayer d'éduquer un enfant traumatisé.
"D'accord, Séphiroth. Prends un siège, Vossler ne va pas tarder, on commencera dès qu'il arrivera."
Il obtempéra à nouveau en silence.
Ils n'attendirent pas longtemps, et la porte de l'appartement se rouvrit, laissant passer un grand gaillard, presque autant que Séphiroth, qui entra, retira ses bottes tout en brandissant un carton de l'autre.
"Hey, Basch, j'ai trouvé les marques que tu as demandées, mais j'ai dû aller jusqu'à Wall Market ! " lança Vossler.
"À ce point ? "
"Avec Gongaga qui fait la gueule à Midgar, on a dû mal à se fournir en…"
Vossler stoppa net en voyant Séphiroth sur le canapé et les deux hommes se dévisagèrent en silence.
Le brun finit par se détourner du regard vert, tendant le carton à Basch.
"Ah, il est déjà là."
"Ça t'étonne ? Il a toujours été plus ponctuel que la moitié de l'armée à Wutaï," répondit Basch en prenant le carton pour le poser sur le comptoir de sa cuisine, fouillant dedans.
"Général," salua Vossler d'un air guindé.
"Vossler," répondit Séphiroth en se levant.
Vossler, lui, n'avait pas changé tant que ça. Il était toujours grand, baraqué, donnant l'impression qu'un tank se déplaçait dès qu'il bougeait et avait gardé ses cheveux courts, presque ras.
Séphiroth ne s'habituait pas à le voir plus petit que lui.
Même lors de leur dernière rencontre, avant… Avant sa disparition, Vossler avait été plus grand.
"Comment as-tu pu laisser Hojo faire ça à Basch ? ! ! "
"Voss ! Voss calme-toi ! " le supplia Reks en retenant le seconde classe, "Vaan, aide-moi ! "
Séphiroth ne répondit pas, laissant Vossler éructer en face de lui, alors que les frères tentaient de le retenir.
"Deux ans ! Tu l'as laissé pourrir deux ans dans le labo de ce connard ! " s'exclama Vossler en tirant les secondes classes après lui.
Séphiroth baissa les yeux, serrant les mâchoires.
"Tu le savais ! Tu savais qu'il était là ! T'étais tout le temps fourré là-bas, pourquoi t'as rien fait ? ! "
"Vossler, arrête, le Général a surement une bonne raison," intervint Vaan en changeant de tactique, s'interposant entre les deux hommes pour pousser Vossler en arrière des deux mains.
"Je n'avais pas le choix," tenta de se défendre Séphiroth.
"Harāʾa[1] ! " éructa Vossler, oubliant son commun sous l'effet de la colère.
Il empoigna Vaan et l'envoya voler sur le côté. Le jeune homme, plus léger que Vossler, parvint à amortir le choc mais percuta le mur, laissant un creux dans le plâtre et son frère lâcha Vossler, se précipitant immédiatement à son chevet. Vossler profita d'être libre pour se ruer aussitôt vers Séphiroth, l'attrapant par le col et le plaquant au mur à son tour.
Séphiroth ne se défendit pas.
Même pas quand Vossler leva le poing s'apprêtant à le frapper.
Mais il ne le fit pas.
Il se contenta de regarder son général d'un air trahi, puis le lâcha, tournant les talons.
"Voss ! Voss attends tu vas où ? ! " demanda Reks, qui achevait de relever Vaan.
"A la clinique ! " répondit rageusement le brun, " je vais chercher Basch et je l'emmène à l'abri ! "
"Voss ! " protesta Reks en lui emboîtant le pas, "arrête ! Il ne faut pas le sortir de là ! Il a probablement besoin de soins…"
"Moi vivant, ils ne l'auront pas ! " renchérit Vossler.
"Putain, il est furax," marmonna Vaan en se massant l'épaule avant de jeter un petit regard à Séphiroth.
"Va avec eux," ordonna Séphiroth avant de froncer les sourcils et reprendre, d'une voix plus basse. "s'il te plait."
"Général…"
Séphiroth lui tendit sa carte d'accès.
"Prenez un véhicule officiel, allez à la clinique et emmenez Basch à l'abri."
Vaan hésita avant de prendre la carte.
"Viens avec nous," murmura-t-il sur le même ton.
Séphiroth secoua la tête.
"Tu ne veux pas ou tu ne peux pas ? " grommela Vaan, habitué à traduire les expressions de leur jeune général depuis le temps qu'il le connaissait.
"Peux pas."
Van soupira, jetant un regard à son frère et Vossler qui s'éloignaient puis il se tourna vers Séphiroth, posant une main sur son épaule.
"Je reviens t'aider dès qu'on..."
"Surtout pas. Partez, ne revenez jamais à Midgar."
"Séphiroth..."
"C'est un ordre, SOLDAT."
"Qu'est-il… arrivé à Reks et Van ? " demanda Séphiroth.
"Disparus en mission," répondit aussitôt Vossler, penché sur le carton avec Basch.
Séphiroth leva les yeux vers lui et Vossler dû se faire violence pour rester impassible et tenter de maîtriser les battements de son cœur. Il n'avait jamais eu peur de Séphiroth du temps où ils étaient à Wutaï, mais quand il le voyait ainsi, aussi grand, les cheveux noirs et les yeux encore plus lumineux qu'avant.
Il avait l'impression de ne pas le reconnaître.
Et vu leur dernière interaction, il ne pouvait s'empêcher de… de craindre sa réaction à sa présence.
Mais Basch avait insisté qu'il soit là au repas. Qu'il montre son soutien à Séphiroth.
"Vraiment ? " reprit leur Petit Général.
"Officiellement," ajouta Basch en sortant un flacon du carton.
"Officieusement ? "
"Vivants. Quelque part dans le désert de Corel, ils ont retrouvé une amie d'enfance et sont chasseurs de prime," précisa Basch.
Il leva les yeux à temps pour voir la bouche de Séphiroth se tordre en sourire avant qu'il redevienne impassible.
"C'était ça ou pirate du ciel, je présume ? "
"Reks n'aurait jamais laissé Vaan voler un aéronef," confirma Basch.
"Tu crois qu'on peut le lui dire ? " marmonna Vossler.
"Oui," répondit Basch en approchant de Séphiroth, lui tendant une bouteille de bière, "tiens. Chose promise, chose due."
"Saint Alexander, il n'a que quinze ans ! " s'exclama Basch en arrachant la bouteille de bière des mains de Séphiroth.
"Oh, allez Basch, c'est un SOLDAT, ça ne lui fera rien," protesta un autre militaire.
"Un SOLDAT de quinze ans ! " reprit Basch. "Vaan, tu poses ça aussi ! "
"Mais..." protesta le petit blond.
"REKS ! Viens empêcher ton frère de boire ! " lança Basch par-dessus son épaule.
Vaan paniqua aussitôt et jeta sa bouteille au loin, droit dans les buissons qui entouraient leur camp.
"QUI leur a donné ça ? " renchérit Basch en brandissant la bouteille pendant que Reks arrivait et enguirlandait son frère avec toute la force de ses instincts de mère zuu.
Personne ne se dénonça.
"Je me fiche qu'ils soient tous les deux SOLDATS, je me fiche que Séphiroth ait assez de mako dans les veines pour faire tourner le Secteur Huit, taudis compris, pendant un an : Ni lui, ni Vaan ne boiront d'alcool avant leurs dix-huit ans ! "
"Mais, Basch," protesta Vaan.
"Et soit heureux que je choisisse l'âge légal de Midgar et pas d'Alexandria ou tu ne goûteras pas à ça avant tes vingt et un ans ! " renchérit Basch.
"Oui, Basch," marmonna Vaan.
Basch baissa les yeux vers Séphiroth qui, loin d'être aussi embarrassé que Vaan, semblait juste… confus.
Il était très confus ces derniers temps, parfois pour les petites choses qui sembleraient triviales aux autres SOLDATs.
La dernière en date avait été l'anniversaire d'un des secondes classes, quand ses camarades lui avaient amené un gâteau fait avec les moyens du bord, cuit sur le feu de camp dans une boîte de conserve et surmonté d'une bougie qui avait connu de meilleurs jours.
Et c'était il y a dix minutes, avant que Basch ne trouve les deux benjamins des SOLDATs avec des bières à la main.
"Je n'ai pas l'âge requis pour boire ? " demanda-t-il.
"C'est ça. Pas avant dix-huit ans. L'alcool est néfaste aux enfants et adolescents," expliqua Basch.
Il avait vite compris que donner une explication franche et honnête était la plus simple façon de se faire comprendre par Séphiroth. Mais depuis que l'adolescent avait saisi qu'il ne lui ferait pas de mal s'il osait le contredire, il commençait à répondre.
D'un côté, ça rassurait Basch. De l'autre, ça signifiait que Séphiroth avait appris à la dure à ne pas répondre à un adulte et un de ces jours, Basch écraserait son poing sur le visage d'Hojo sans retenir sa force.
"Je suis augmenté, ça ne me fera rien," rétorqua l'adolescent.
"C'est le principe," rétorqua Basch, "écoute, c'est promis, le jour où tu auras légalement le droit de boire, je t'offre ta première bière.
Il jeta un regard à l'étiquette avant de lancer la bière à Vossler qui se bidonnait.
"Et ce sera meilleur que cette bibine que vous osez tous appeler de la bière."
"Une meilleure bibine ? " commenta Séphiroth en prenant la bouteille.
"Sans comparaison," répondit Basch avant de retourner vers le carton, sortant deux autres bouteilles qu'il partagea avec Vossler.
Le jour des dix-huit ans de Séphiroth, Basch avait été dans le labo d'Hojo, à tenter de se remettre du dernier combat dans cette foutue arène.
Quelques jours après, Séphiroth avait trouvé Morrow en train de fouiller le bureau officiel d'Hojo. Le directeur des Turks avait eu l'air de penser que sa dernière heure était arrivée et avait été très surpris quand Séphiroth lui avait dit où se trouvaient les dossiers des pupilles de la Shinra et comment entrer dans le Tambour pour trouver les preuves des méfaits d'Hojo.
Deux mois plus tard, le tout fuitait dans la presse locale et internationale.
Les pupilles avaient été libérés peu après.
"On mange à la barbare ou façon civilisée ? " demanda Vossler.
"Civilisée," rétorqua Basch en lui tendant une pile d'assiettes et de couverts.
"La table donc."
Séphiroth se leva aussi, aidant Vossler à mettre la table.
C'était… vraiment comme avant. Comme l'année qui avait suivi Wutaï. Quand Séphiroth s'était prit à espérer que tout irait mieux, qu'Hojo n'oserait plus le toucher.
Hojo avait perdu le contrôle de Séphiroth, il avait dû donner Rufus et Umbra au Président, il n'avait plus aucun moyen de faire pression sur lui.
Alors il en avait trouvé un autre.
Lors d'une mission de sécurisation d'un réacteur, Basch avait survécu à un coup d'épée en pleine tête. Ça avait surpris tout le monde, y compris Séphiroth qui s'était attendu à trouver son ami mort après l'attaque, comme ils avaient trouvé le Général Cristophe à Wutaï, après une attaque éclair des ninjas ennemis.
Basch s'était relevé seul, sous le choc, mais vivant, ne réalisant pas vraiment qu'il avait le crâne ouvert. Il avait été évacué en urgence, la mission étant en cours et Séphiroth ne s'était pas méfié, se promettant de lui rendre visite à l'infirmerie des SOLDATs dès leur retour.
L'infirmerie n'avait jamais reçu Basch. Le dossier de Basch indiquait qu'il était décédé lors du transfert à Midgar.
Ses amis et collègues avaient fait le deuil d'un des leurs. L'épée de Basch avait été rendue à sa famille, son frère jumeau était venu de Kohlingen pour la cérémonie, puis était reparti, sans leur adresser un mot.
Hojo l'avait convoqué au laboratoire une fois la cérémonie finie et l'avait forcé à assister à un combat de Basch, à peine guéri, contre les monstres de l'arène.
A la moindre incartade de Séphiroth, Basch était sorti de sa cellule, jeté dans l'arène et devait combattre pour sa vie.
Après ça, Séphiroth avait cessé d'entretenir des relations amicales avec ses hommes. Il ne voulait plus offrir à Hojo de nouveaux moyens de pression.
Il s'était coupé de ses hommes et enfermé dans son rôle de directeur des SOLDATs.
Il s'était éloigné d'eux, petit à petit. De Vossler. De Reks. Vaan. Ramza.
De tous ceux qui n'étaient plus là.
"Tu es avec nous, Séphiroth ? "
Séphiroth sursauta légèrement, se retenant in extremis de ne pas casser l'assiette en la serrant trop fort. Il n'avait pas envie de passer une heure à retirer les échardes restées dans sa chair après sa guérison.
"Je… réfléchissais," finit-il par répondre en posant le plat sur la table.
"C'est l'impression que j'avais," rétorqua Basch, "quelque chose te tracasse ? "
Séphiroth reprit sa bière et s'assit à nouveau sur le canapé, observant l'étiquette bariolée en silence. Basch attendit qu'il se décide. Leur Petit Général avait été bien plus doué en tactique et au combat qu'à partager ses propres pensées et visiblement, ça n'avait pas changé. Il s'apprêtait à lui proposer de passer à table quand la voix de Séphiroth s'éleva à nouveau.
"Pardon."
"À quel sujet ? "
Bon, c'était peut-être un peu brutal.
"Je ne vois pas pourquoi tu devrais t'excuser…"
"Je t'ai laissé dans le Tambour," finit par répondre Séphiroth après une longue hésitation.
Ah.
Bon, Basch espérait qu'ils en parlent, mais il ne pensait pas que Séphiroth ferait le premier pas. Et pas aussi vite.
"Voss, tu pourrais surveiller le curry ? "
"Avec plaisir," rétorqua son ami en se dirigeant vers la cuisine, allumant la radio de Basch, posée sur le frigo, au passage.
C'était par pure courtoisie de sa part, à cette distance, il n'y avait aucun moyen qu'il n'entende pas leur conversation, sauf à avoir un groupe de métal dans les oreilles.
Basch s'assit près de Séphiroth, l'observant quelques secondes avant de boire une gorgée de sa bière.
"Je me suis toujours demandé si j'hallucinais ta présence à l'arène."
Séphiroth ne répondit pas immédiatement, déchiquetant nerveusement l'étiquette de sa bière de l'ongle.
"Il… chaque fois que je désobéissais… Il… se vengeait sur toi. Il m'obligeait à venir assister au combat."
"Hm. Ça explique pourquoi il essayait de me garder en vie," murmura Basch.
"Je suis désolé."
"Ce n'est pas à toi de l'être," répondit Basch.
"J'aurais dû l'en empêcher, je pensais qu'il ne te toucherait pas..."
"Je pensais la même chose à ton sujet," admit Basch, "j'espérais qu'une centaine de SOLDATs de classes diverses le dissuaderait de remettre la main sur toi…"
"Il n'a jamais craint les SOLDATs. Il ne les voyait que comme une… une conséquence négligeable de ses recherches."
"Ibn El-Kalb[2]," marmonna Vossler.
"Vossler ! " protesta Basch.
"Il n'a plus quinze ans ! Je peux jurer devant lui ! " protesta le brun en montrant Séphiroth.
"Je crois qu'il est trop tard pour s'inquiéter de mon vocabulaire[3], Basch," renchérit Séphiroth avec un petit sourire en coin.
Basch roula des yeux et reprit une gorgée de sa bière, imité par Séphiroth qui grimaça légèrement au goût.
"Ah, tu n'aimes pas ? "
"Ça ressemble à du champagne," marmonna Séphiroth avec un regard agacé à sa bouteille.
Cette fois, Vossler ricana pendant que Basch s'offensait du manque de goût de leur Petit Général
"Attends, essaye celle-là," suggéra Vossler en lui tendant sa bouteille.
Basch les observa échanger leurs boissons et Séphiroth fut visiblement un peu plus satisfait de la bière noire de Vossler.
"Tu venais au laboratoire," reprit Basch.
Séphiroth hocha la tête.
"Il… continuait les expériences. Je devais être là au moins une fois par mois…"
Séphiroth n'avait jamais dit clairement ce qui se passait pendant ces expériences. Il n'avait pas de traces sur lui, mais ses capacités de régénération frisaient la capacité d'auto-guérison des guérisseurs natifs et même de Wutaï, il n'avait pas gardé de cicatrice.
La seule que Basch lui connaissait, c'était la brûlure sur son poignet.
Celle qui était arrivée après leur retour de Wutaï.
Il s'était demandé ce qui s'était passé à l'époque, surpris de voir Séphiroth blessé, mais maintenant qu'il avait lui aussi un tatouage sur le poignet gauche, il comprenait.
Hojo avait dû être furieux quand Séphiroth avait brûlé son numéro.
"J'aurais dû… te laisser partir…" déclara Basch avant de prendre une nouvelle gorgée de bière.
"Me laisser…" répéta Séphiroth, confus.
"Quand tu t'es allé voir la mer," répondit Basch, "je n'aurais pas dû te ramener."
"Qu'est-ce qui lui a pris, putain ? ! "
"On lui demandera," rétorqua Basch.
"Si on le retrouve en vie," objecta Reks, suivant Basch et Vossler avec Vaan tout en surveillant leurs arrières.
"Si on le retrouve tout court," ajouta son frère, "tu as vu la vitesse à laquelle il a déguerpi ? "
Personne n'avait été préparé à la disparition de Séphiroth. Ils avaient monté le camp avec les autres SOLDATs, non loin de la plage, s'étaient installés pour la nuit et, alors que Séphiroth était, comme d'habitude, assis un peu à l'écart des autres, à manger sa ration, il s'était soudain levé, les sens aux aguets.
Il n'avait fallu que deux attaques surprises des wutans pour que tout le monde réalise que Séphiroth était en effet bien supérieur aux autres SOLDATs, malgré son âge.
Il entendait, ou voyait parfois des choses que personne d'autre ne pouvait, avec ou sans augmentation.
Aussi voir Séphiroth se lever soudain et fixer quelque chose derrière les pins autour du camp avait poussé les autres SOLDATs à faire de même, mais à peine debout et en arme, ils avaient juste pu voir Séphiroth déguerpir en courant vers la plage, sautant les troncs au sol et les tranchées en cours de creusement.
Le Général les avait aussitôt envoyés récupérer le gamin, avant qu'il arrive quelque chose au précieux spécimen du Professeur Hojo et qu'ils se prennent des réprimandes du Président.
Ils trouvèrent Séphiroth en haut d'une dune, les pieds enfoncés dans le sable jusqu'aux chevilles, observant l'horizon. Il ne bougeait pas, le regard fixé au loin, le vent ébouriffant les mèches échappées de sa natte.
"Putain, Séphiroth, tu..." commença Vossler avant d'être réduit au silence d'un geste de Basch.
Il n'y avait rien devant Séphiroth. Pas d'ennemis, pas de ville à assiéger, pas de monstres qui approchait.
Juste la plage, et ensuite la mer, rougie par le soleil qui se couchait, et très loin, visiblement probablement uniquement par les SOLDATs, la côte de Canyon Cosmos qui formait une ligne sombre à l'horizon.
"Séphiroth ? " appela doucement Basch.
L'adolescent tourna la tête vers lui et pour la première fois en un mois, Basch ne vit pas le prototype des SOLDATs, le jeune homme au visage impassible qui se battait comme un robot, abattant froidement monstres ou ennemis avec la même efficacité.
Il vit un enfant.
"Qu'est-ce que c'est ? " demanda-t-il, son ton étrangement expressif.
"De quoi, Séphiroth ? "
L'adolescent se tourna à nouveau vers la mer, tendant le doigt vers le détroit de Wutaï qui séparait l'île de Centra.
"La mer ? " s'étonna Basch.
"Mais… l'eau… c'est bleu… non ? " protesta Séphiroth.
Il n'avait jamais vu la mer.
Il n'avait jamais vu l'eau au coucher du soleil.
"Habituellement, oui… Au soleil couchant… je ne sais pas comment ça marche, mais sa lumière donne l'impression que l'eau devient rouge."
"Oh. C'est… une illusion d'optique ? "
"Je crois… Mais, tu sais, la mer n'est pas toujours bleue."
L'adolescent lui jeta un regard dubitatif.
"Je t'assure. A Junon, elle est plus verte. A Costa Del Sol, elle est turquoise, mais sur l'archipel du sud de l'Estérie, à Besaid et Mideel, l'eau est tellement transparente que tu peux voir le sable au fond."
"Je voudrais bien voir ça," murmura Séphiroth.
"Survit à Wutaï et tu pourras…"
"Le Professeur Hojo ne voudra plus que je sorte du laboratoire," rétorqua Séphiroth.
Et Basch sentit son cœur se serrer un peu plus à entendre l'adolescent dire ça.
"Tu... n'es jamais sorti du laboratoire ? "
Séphiroth secoua la tête sans quitter la mer du regard.
"Même quand tu étais petit ? "
"Je suis né dans le laboratoire," répondit Séphiroth avant de froncer les sourcils, "c'est ce que le professeur dit."
Et Basch allait définitivement casser les dents du Professeur s'il essayait juste d'imposer sa présence à Séphiroth à nouveau. Et après un regard à Vossler, Basch sut qu'il aurait au moins un alibi, si pas un complice.
"Allez, le Général Cristophe s'inquiète, il faut rentrer."
"Oui, Basch," répondit Séphiroth.
Il redevenait le parfait petit SOLDAT. La créature impassible et surhumaine qui terrorisait Wutaï et leurs alliés. Basch le retint par le bras au moment où il s'apprêtait à descendre de la dune.
"On va faire le grand tour," déclara Basch en montrant le chemin qui longeait la forêt. "Je suis sûr que tu ne connais pas le nom de la moitié des arbres."
"Les arbres n'ont pas de noms," objecta Séphiroth.
"Bien sûr que si. Ça, c'est un cèdre. Je crois que les wutans en font de l'encens."
"C'est quoi l'encens ? "
"Comme l'odeur du feu de camp mais qui sent bon, "répondit Vossler.
"J'aurais refusé," déclara Séphiroth en détournant le regard.
"Pourquoi ? "
Séphiroth garda le silence, réfléchissant visiblement à la réponse qu'il allait donner.
"Voss, met la musique plus fort," ordonna calmement Basch.
Son ami s'exécuta, en profitant pour changer la station pour quelque chose de plus agressif.
"Hojo ? " suggéra Vossler.
Leur jeune ami secoua doucement la tête.
"Le Président ? " reprit Basch, "Rufus Shinra," précisa-t-il en voyant Séphiroth hésiter.
L'expression de Séphiroth se referma aussitôt, redevenant aussi inexpressive qu'à Wutaï.
"Il nous a expliqué que vous avez grandi ensemble au laboratoire," reprit Basch à voix basse.
Séphiroth jeta un petit regard à Basch avant d'opiner lentement.
"Hojo ne pouvait plus le toucher mais… le Président… l'ancien président… Ne l'aurait jamais lâché."
"Un espion de cet acabit était trop utile…"
"Il vous a dit," comprit Séphiroth.
"Il nous a montré son numéro," expliqua Vossler.
"Juste avant que tu rencontres Avalanche, je crois qu'il essayait de les persuader de lui faire confiance à ton sujet."
Séphiroth acheva la bouteille de bière d'une gorgée avant de tendre le bras, la posant sur une assiette de la table à manger. Basch ne s'y faisait pas, mais il aurait dû s'y attendre. Il y avait même eu des paris à l'époque sur la taille que Séphiroth atteindrait à l'âge adulte, vu la vitesse à laquelle il fallait changer ses uniformes, mais il était encore plus grand que Vossler.
"Nous avions un plan," murmura Séphiroth en se rasseyant, "discréditer Hojo auprès du Président et dès que les pupilles seraient à l'abri, je…"
Séphiroth referma la bouche, hésitant sur la façon d'annoncer la suite du projet à l'homme qui lui avait appris à être chevaleresque.
"Je… je devais tuer le Président pour libérer Rufus et Umbra."
Les deux SOLDATs dévisagèrent leur Général, abasourdi.
"Je suis désolé," reprit Séphiroth, "ce n'est pas ce que tu m'as appris et..."
"Pourquoi tu ne nous en as pas parlé ? " s'exclama Vossler.
"Je ne pouvais pas… Si j'avais montré un intérêt pour n'importe quel autre SOLDAT, Hojo..."
"C'est pour ça que tu as quitté Reks ? " réalisa Vossler.
"Comment ça, quitté Reks ? " releva Basch avant de se tourner vers Séphiroth. "Reks et toi ? ! "
Vossler tenta de ne pas ricaner que Basch soit plus offensé de ne pas avoir appris la liaison entre Séphiroth et le jeune dalmascian[4] que le projet de meurtre de l'ancien président.
"Il a quatre ans de plus que toi ! Tu avais quel âge à l'époque ? ! "
"Ça n'a pas duré longtemps," rétorqua Séphiroth, "Hojo me surveillait de près et… j'avais peur de sa réaction s'il apprenait que je préfère les hommes."
"Il voulait être grand-père à ce point-là ? " marmonna Vossler tout en mélangeant le plat de curry.
Séphiroth le dévisagea d'un air stupéfait, ou du moins aussi stupéfait qu'il savait l'afficher.
"Vossler," finit par soupirer Basch.
"Vous saviez que Hojo…" commença Séphiroth.
"Mission à Nibelheim avec Avalanche il y a quelques mois," répondit Basch, "on a découvert… l'endroit où tu es né."
"Nibelheim ? " répéta Séphiroth, "c'est là que je… "
A un moment ou un autre, il faudrait peut-être qu'ils en parlent à Séphiroth, mais vu ce qu'ils avaient trouvé dans le Manoir avec Cid...
"Le Capitaine Highwind nous as dit qu'Hojo était ton père à ce moment-là… Tu... tu savais ? "
"Oui... non," corrigea Séphiroth avant de se redresser, plongeant la main dans ses cheveux.
Il vit Basch le fixer d'un regard étrange quelques instants et hésita avant de continuer.
"Hojo a toujours prétendu qu'il était mon père mais… Mais j'ai découvert récemment que ce n'était pas le cas."
Vossler en laissa tomber la cuillère dans le curry et passa les quelques minutes suivantes à tenter de la repêcher sans mettre la main dans le repas, fouillant les tiroirs de la cuisine à la recherche d'un outil de secours.
"Récemment à quel point ? " s'enquit Basch en posant sa bouteille sur l'accoudoir de son canapé.
"Il y a quelques jours."
Il y a quelques jours.
Fort probablement quand Séphiroth était revenu furieux à la Tour et s'était disputé avec le Président.
Hojo n'était pas le père de Séphiroth… mais alors… qui ? Est-ce que c'était le Professeur Falmis ? Est-ce que c'était pour ça que les époux Falmis avaient voulu parler à Séphiroth ?
"Dès que j'ai récupéré cette cuillère, on fête ça ! " s'exclama Vossler, "il y a de la vodka glaciane dans le carton ! "
Basch tendit la main, attrapant lentement Séphiroth par le menton pour l'observer avec attention.
Non, il ne ressemblait pas au Professeur Falmis. Par contre, il avait les mêmes yeux que Madame Falmis.
"Bon sang," murmura-t-il, "Séphiroth, qui est ton père ? "
"Vous… le connaissez peut-être ? " commença Séphiroth. "c'est difficile à croire mais… Valentine ? D'Avalanche ? "
Vossler, qui avait enfin repêché la cuillère du plat et était en train d'ouvrir la vodka, sembla soudain changer d'avis et prit une longue gorgée à même le goulot de la bouteille.
"Oh…" murmura Basch en lâchant Séphiroth.
"Qu'y a-t-il ? "
"Disons que je comprends maintenant… beaucoup de choses de Nibelheim."
"Comme ? "
"Ce qu'Hojo lui a fait."
"Putain, oui," renchérit Vossler en leur tendant un verre à chacun, "tiens bois ça, mais fait gaffe, c'est presque assez fort pour qu'on le sente passer."
"Tu ne me vends pas vraiment les mérites de l'alcool," marmonna Séphiroth avec un regard suspicieux à son verre.
Il fit néanmoins honneur au verre de la même façon que Basch. Cul sec.
"J'ai l'impression que tu n'aimes pas l'alcool," nota Basch avec un petit sourire.
"Pas le goût de celui-ci, en tout cas," maugréa Séphiroth.
"Je sors le whisky blackbelly," marmonna Vossler, vexé, en replongeant la main dans le carton.
"Donc, Valentine est ton père," reprit Basch, "et… ça se passe comment ? "
"C'est… un choc," admit Séphiroth.
"En bien ou en mal ? "
"Je… ne sais pas. Je ne suis pas sûr…" finit par répondre Séphiroth. "Il n'est pas Hojo, c'est déjà ça, mais…"
"Mais ? "
Le jeune homme eut un geste hésitant des mains.
"Je ne sais pas…Je ne sais pas quoi attendre d'un père. Surtout un qui..."
"Qui ? " reprit Basch.
Séphiroth chercha ses mots, sans arriver à les trouver.
"Ça ne lui plait pas, c'est ça ? " reprit Basch.
"Je ne sais PAS ! " rétorqua Séphiroth avant de grimacer de son propre éclat de voix.
Et avec tout ce qu'il avait fait, au laboratoire, à Wutaï, la patrie de son… son père, à Sin, Besaid, Winhill, au secteur 7…
Qu'est-ce que son père voudrait de lui ?
Est-ce que son père voudrait de lui ? [5]
"Je… ne sais pas," répéta Séphiroth plus bas, "je n'ai… je ne suis pas resté lui parler après... après le résultat du test…"
Basch et Vossler échangèrent un regard. Ils avaient tous les deux leurs propres griefs avec leurs pères respectifs[6], mais à côté de cette situation, ils se sentaient positivement proches d'eux.
"Il… chaque fois qu'il me voit… Il devient…" expliqua Séphiroth avant de passer sa main devant son visage, "il devient inexpressif."
Basch leva la main qui ne tenait pas sa bouteille et la posa lentement sur le dos de Séphiroth.
"Il est souvent comme ça. C'est… je pense que c'est ça façon d'être."
"J'aurais envie de dire… tel père, tel fils, sur ce coup…" marmonna Vossler.
"Voss," gronda Basch.
"Je crois que c'est cuit," déclara rapidement le brun en attrapant la casserole pour la transporter sur la table.
"Je m'occupe du service," reprit le blond avec une petite tape affectueuse sur l'épaule de Séphiroth, "installez-vous."
Le brun obtempéra, posant la casserole au centre de la table pendant que Séphiroth le rejoignait.
"Vous... le connaissez bien ? " finit par demander Séphiroth en s'asseyant.
"Valentine ? Pas vraiment," admit Vossler, "on est plus ami avec Highwind, mais Valentine est toujours là quand on va boire un verre avec lui."
"Boire un verre ou 'boire un verre' ? " demanda Séphiroth en haussant un sourcil.
" 'Boire un verre' " répondit Basch en amenant le riz à table.
"Ou plutôt 'débrief non officiel dans le dos de Heidegger'," expliqua Vossler.
"On a eu quelques missions avec Avalanche," expliqua Basch en commençant le service, "déminage, évacuation de civils, sécurisation autour de leur zone d'intervention, mais jusqu'à récemment, Heidegger nous empêchait de leur donner le soutien nécessaire."
"J'ai appris la nouvelle de son décès tragique," déclara Séphiroth d'un ton impassible.
La première fois que Séphiroth avait fait preuve de son sens de l'humour, Basch n'avait pas été sûr que ça avait été voulu. Il avait fallu quelques démonstrations de plus avant que les SOLDATs comprennent que leur Petit Général était doté d'un sarcasme assez acéré pour trancher un bras et était capable de sortir les pires horreurs sans ciller. Vaan avait même réclamé que Séphiroth leur fasse un signe supplémentaire quand il tentait de faire de l'humour[7].
Basch avait accusé Vossler d'être une mauvaise influence sur lui, ce à quoi Vossler avait répondu qu'il avait un humour de troupier, pas d'officier, et que si Séphiroth était sarcastique, c'était entièrement la faute de Basch.
"Tragique en effet," renchérit Basch pendant que Vossler s'étouffait proprement de rire.
"Et c'est Basch qui est devenu directeur du SOLDAT," renchérit le brun, hilare.
Basch lui tendit son assiette pleine avec un regard agacé.
"Tu veux ton poste ? " offrit-t-il à Séphiroth en le servant à son tour.
"Sans façon. Je ne comprends toujours pas pourquoi ils m'ont nommé Général à Wutaï."
"Haut fait de guerre ? " suggéra Vossler.
"J'aurais dû laisser ce léviathan m'avaler," soupira Séphiroth.
C'était un massacre.
Les wutans avaient soigneusement préparé leur attaque. Ils avaient allumé des brasiers d'encens qui couvraient le champ de bataille d'effluves rapidement étouffant pour les SOLDATs, usaient de grenades éblouissantes et attaquaient à dix contre un.
Le général Cristophe était mort.
Il n'avait pas senti les ninjas approcher, leur odeur couverte par les effluves d'encens, le bruit de leurs pas par celui des explosions.
Basch ne savait pas quel poison les wutans avaient mis sur leurs armes, mais ça avait engourdi le Général suffisamment pour qu'il ne puisse se défendre avant d'être achevé.
Les premières classes tentaient de structurer la défense, mais les ninjas apparaissaient et disparaissaient avec facilité, semant le chaos et leurs explosifs comme du riz à un mariage gongan.
Reks était blessé, son bras droit inutilisable, collant aux basques de Basch et Vossler tout en tentant de se soigner.
"Je… je suis content que Vaan et Séphiroth soient restés au camp," balbutia Reks entre deux soins.
"Pourquoi ça ne guérit pas ? " marmonna Vossler avec un regard inquiet à la blessure du jeune blond.
"Utilise esuna ! " ordonna Basch, "on ne sait pas ce qu'ils mettent sur leurs armes ! "
Plusieurs bombes explosèrent à proximité et Basch fut brièvement sourd, pour la troisième fois de la journée.
Heureusement que ça guérissait vite parce que ça faisait un mal de chien à chaque fois et il n'avait plus le sens de l'équilibre le temps que ça s'arrange. Il sentit la main de Vossler le retenir puis l'entraîner à sa suite, suivant le mouvement de retraite des SOLDATs. Vossler soutenait Reks de son autre bras, pendant que le jeune homme alternait sort de soin et d'attaque par-dessus son épaule. Ce ne fut qu'au bout de quelques mètres que Basch réalisa qu'ils pataugeaient dans de l'eau et la boue jusqu'aux chevilles.
"On est déjà à la rivière ? "
"Hein," fit Vossler avant de baisser les yeux vers le sol.
"On est dans le lit de la rivière," marmonna Reks, "où est passée l'eau ? "
Des cris fusèrent de l'avant de la troupe quand d'autres SOLDATs reculèrent.
"Embuscade sur l'autre rive ! " s'exclama Ramza en les rejoignant, son épée à la main.
"Et ils sont toujours derrière nous ! " ajouta un autre troisième classe en arrivant sur les talons de Basch.
Basch réalisa ce que les wutans étaient en train de faire.
"Un piège…"
Il se tourna vers l'amont de la rivière. D'autres guerriers wutan s'y trouvaient aussi, l'un d'eux, vêtu d'une somptueuse armure ornementée dont le casque imitait la gueule d'un léviathan, avait les deux mains levées.
Un mur d'eau se tenait derrière lui, montant lentement au fur et à mesure que la rivière derrière l'alimentait.
"Ils vont lâcher l'eau d'un moment à l'autre ! "
"Sort de glace ? " suggéra Vossler.
"Tiendra jamais, pas contre une rivière de cette taille," objecta Reks qui avait la meilleure magie d'entre eux.
"On n'a rien de mieux ! Préparez vos sorts de gel ! Que ceux qui ont une G-Force se préparent à les utiliser ! " ordonna Basch.
Des deux côtés de la rivière, les wutans hurlaient des encouragements à leur chef dans leur langue, visiblement ravi d'avoir enfin pu mettre en déroute leurs ennemis surhumains.
Il n'y avait qu'une seule issue, et elle était droit derrière eux. Sur le lit de la rivière asséchée.
Ils allaient tous mourir noyés.
Le mage d'eau lança un ordre et ses subordonnés s'éloignèrent précipitamment de lui, regagnant la terre ferme.
Il allait arrêter son sort, réalisa Basch en sortant sa carte de Cerbère.
Ça ne suffirait pas. Mais c'était la seule chose qu'il pouvait faire.
Le dernier baroud d'honneur.
"Préparez-vous ! " lança-t-il en levant la main, imité par Reks.
Un coup de feu lui transperça le bras et il lâcha sa carte, brisant sa concentration et l'empêchant d'appeler la créature. Le wutan sourit, méprisant, avant de reculer lentement, s'enfonçant dans l'eau derrière lui.
"Qu'est-ce qu'il fait ? " s'étonna Reks pendant que Vossler tentait de soigner Basch.
Le mur d'eau explosa, fonçant vers les SOLDATs rassemblés au milieu du lit asséché.
Basch refusa de fermer les yeux.
Bien lui en prit, car il put assister au retournement de la bataille au premier rang.
Un immense mur de glace apparut autour des SOLDATs, épais de plusieurs mètres et sur lequel s'écrasa le flot de la rivière. Bonus non négligeable, l'eau, repoussée par la glace, jaillit sur les rives, emportant des soldats Wutan par dizaine.
"Qu'est-ce que…" murmura Vossler.
"Par ici ! " lança une voix connue.
"VAAN ! Qu'est-ce que tu fais là ? " rugit aussitôt Reks, "je vais te tanner le cul jusqu'à ce qu'il ressemble à la gueule d'un seeq ! "
"On verra plus tard ! " rétorqua Basch, "retraite ! "
Les SOLDATs escaladèrent la rive, rejoignant un des benjamins de l'unité qui avaient pourtant reçu l'ordre formel de rester au camp et de poser leur cul dans la tente du général. Le mystère du mur de glace fut rapidement résolu. Séphiroth était tout bonnement juché dans un arbre et lançait un sort en continu, gelant l'eau au fur et à mesure de l'avancée des SOLDATs, les protégeant de l'eau et de la riposte wutane.
A un autre moment, Basch se serait demandé comment s'était seulement possible, mais ça faisait plusieurs semaines que Séphiroth lui causait surprise sur surprise et ce n'était pas le moment de s'en étonner.
"Où est le Général Cristophe ? " demanda l'adolescent sans quitter son chef-d'œuvre du regard.
"Mort ! " répondit Basch, "descends ! "
Séphiroth s'apprêtait à obéir, stoppant son sort et se levant sur sa branche quand quelque chose d'immense jaillit hors de l'eau, droit sur l'adolescent.
La mâchoire du Léviathan se referma sur lui.
"Ils ont un invokeur ! " lança quelqu'un dans la foule.
"Feu nourrit ! " ordonna Basch alors que des sorts jaillissaient déjà, frappant la bête, sans parvenir à entamer ses écailles.
Aussi vite qu'il était sorti de l'eau, le dragon d'eau y retourna, emportant Séphiroth avec lui.
"Séphiroth ! " hurla Vaan.
"Hojo va nous tuer," murmura Vossler.
"Les wutans nous tueront d'abord, retraite ! " répéta Basch.
L'explosion de magie les prit tous par surprise.
Wutan, SOLDATs, tous furent projetés au sol, tant par la force de l'explosion que par l'eau, la glace et la terre, projetées à grande vitesse sur eux.
Quand Basch parvint à se relever, aidé par Vossler, un immense cratère remplaçait le lit de la rivière.
Le cadavre du léviathan gisait dedans, inerte, flottant au milieu de l'eau rougie et des fragments de glace.
Séphiroth était au centre, debout, la tête du léviathan à la main, couvert du sang du dragon qui retombait en pluie sur lui.
Le silence régna sur le champ de bataille, SOLDATs comme Wutan stupéfaits du dénouement inattendu.
Puis un guerrier wutan lâcha sa lance et s'enfuit en hurlant un mot. Un deuxième l'imita. Un autre leva son fusil, mais sur un geste de Séphiroth, un éclair s'abattit sur lui.
Très vite, les wutans désertèrent les lieux, répétant le mot encore et encore.
"Qu'est-ce qu'ils disent ? " demanda Reks.
"Oni," répondit Vossler qui avait le plus d'avance dans les cours de wutan qu'ils recevaient depuis le début du conflit, "ça veut dire démon."
"Séphiroth ! " appela Basch en lâchant Vossler, boitant vers l'adolescent qui mitraillait toujours leurs ennemis en fuite.
Il semblait possédé, lançant sort sur sort.
Séphiroth n'avait pas de G-Force. Il lui avait confié quelques semaines plus tôt qu'il n'aimait pas les utiliser, sans arriver à lui dire pourquoi.
Et il n'avait pas de matéria non plus. D'un commun accord, Basch, Reks et le Général Cristophe avaient décidés de ne pas laisser les benjamins des SOLDATs avoir accès à de la matéria sans surveillance.
Mage né alors ? Ou une magie qui se serait développée après l'injection de mako ?
Glace, foudre et…
Feu réalisa Basch quand un des poings de Séphiroth s'enflamma.
Même Reks n'avait pas plusieurs éléments, seule la terre s'était développée chez lui et il était un des mages les plus puissants de leur unité.
"Séphiroth, arrête ! " ordonna Basch alors que la boule de feu passait au-dessus de lui.
Les hurlements de douleur des wutans se firent entendre et Basch frissonna tout en attrapant Séphiroth par les épaules.
"Séphiroth, ça suffit ! "
Il vit les yeux de l'adolescent se lever vers lui, la mako dans ses iris commençant à entamer ses pupilles, comme s'il avait la Rivière de la Vie elle-même derrière les yeux.
Sa peau frémissait sous les doigts de Basch, à deux doigts de se déchirer.
Il allait atteindre sa limite.
Basch serra derechef ses mains sur ses épaules et le secoua en hurlant.
"ARRÊTE ! C'EST UN ORDRE ! "
Séphiroth lâcha la tête du dragon qu'il tenait toujours.
Basch sut qu'il se souviendrait toute sa vie de la réaction de Séphiroth. De la façon dont il se redressa, dont ses yeux s'agrandirent, la manière dont il réprima un haut-le-cœur.
De la terreur dans les yeux vert trop lumineux, comme si Basch allait le frapper.
Ou pire.
C'était décidé : Basch allait tuer Hojo.
"C'est fini, Séphiroth," reprit le blond d'une voix plus calme.
La terreur ne diminua pas, Basch pouvait sentir les muscles sous ses doigts rester tendus, l'adolescent prêt à fuir, ou sa limite à se déployer.
"C'est fini," répéta Basch, plus bas, "nos ennemis ont fui, ce n'est pas honorable de les tuer quand ils ont abandonné le combat."
Il entendit l'adolescent laisser échapper un souffle léger.
"Tu as sauvé les autres. C'est bien."
"C'est… bien ? " répéta Séphiroth.
Basch hocha lentement la tête et Séphiroth se détendit peu à peu. Il sursauta néanmoins quand Reks arriva à son tour, l'auscultant presque frénétiquement, cherchant ses blessures.
"Tu es blessé ? "
"Je… Non, je…"
"Tu as eu de la chance que ton armure te protège des crocs du léviathan," déclara Vossler en glissant un doigt dans la fente la plus large du gilet de protection de Séphiroth.
"Merci pour le sauvetage, Séphiroth ! " lança Ramza, vite imité par les autres soldats.
L'adolescent se détendait. Il continuait de regarder les autres SOLDATs d'un air hébété, mais la terreur et la colère disparaissaient. La mako retournait dans ses iris.
Basch ne voulait pas savoir quel genre de limite Séphiroth avait. Destructeur comme il l'était déjà au naturel, des pouvoirs déclenchés par l'adrénaline ne pouvaient être qu'impressionnant. Terrible, mais impressionnant.
Le blond desserra sa prise sur les épaules de Séphiroth, lui adressant un petit sourire calme.
Oubliez Cerbère, il fallait qu'il se trouve une carte de Sirène, ou une matéria de guérison.
Ou des tranquillisants.
Non, il préférait ne pas donner de médicaments à Séphiroth.
"Oh, les gars regardez cette beauté ! " s'exclama soudain Vaan.
Basch tourna la tête vers l'autre adolescent, à temps pour le voir se pencher sur un immense sabre japonais planté près du cadavre du léviathan.
"VAAN EL SAHRA ! NE TOUCHE PAS À CA ! "
La moitié des SOLDATs présents obéit, reculant comme un seul homme.
Y compris Vaan qui se réfugia, penaud, près de son frère, se demandant bien quelle bêtise il avait fait cette fois.
Basch se tourna vers Séphiroth, plus calme et lui montra l'épée.
"C'est à Séphiroth."
L'adolescent lui jeta un regard confus, mais obéit quand Basch le poussa doucement vers l'épée, lui expliquant à voix basse.
"Parfois, quand tu vaincs certains monstres, les armes qu'ils gardaient apparaissent."
"Ne te demande juste pas où elles les planquaient," marmonna Vossler.
Un autre SOLDAT émit une hypothèse mais se tut rapidement sous le regard désapprobateur de Basch.
"Tu as vaincu le léviathan, l'épée est à toi."
Séphiroth hésita un moment avant de lever la main, effleurant presque timidement le tsuba avant d'oser poser la main sur la garde.
Il dû tendre le bras au maximum pour arriver à la sortir du sol ou elle était plantée, tant la lame était grande. Elle ressemblait aux armes des wutan, ce qui n'était pas si surprenant vu que les léviathans étaient leurs bêtes sacrées, mais Basch n'avait jamais vu d'épée wutane aussi imposantes. Et Séphiroth la tenait pourtant d'une seule main.
"Si je me rappelle bien les dires de mon grand-père, elle devrait te dire son…"
"Masamune," déclara Séphiroth, le regard fixé sur la longue lame légèrement courbée[8].
"Au fait, savez-vous ce qu'il est arrivé à Masamune ? " s'enquit soudain Séphiroth.
Basch parvint à rester impassible. Pas Vossler.
"Vossler ? " reprit Séphiroth.
"Cassée pendant la bataille où tu as été capturé. Les jumeaux Strife y ont mis du cœur."
"Elle a été mise sous scellé avec le reste des preuves prélevées ce jour-là," continua Basch avec un petit sourire devant l'expression désabusée de Séphiroth.
"C'était la seule épée qui n'avait pas cassée après dix jours d'utilisation," grommela Séphiroth d'une voix dépitée.
"Le Président te la rendra sûrement si tu lui demandes…"
"Est-ce qu'une arme… quel est le terme déjà ? "
"Heredaĵa armilo[9]," répondit Basch en s'asseyant à son tour.
"Est ce qu'une heredaĵa amarillo peut être réparée ? "
Les deux SOLDATs haussèrent les épaules d'un même geste et Séphiroth soupira derechef. Il aurait aimé pouvoir passer Masamune à travers la gorge d'Hojo, mais ce projet semblait bien mal parti. Sauf s'il restait assez de lame pour ça.
"Mangeons," décida Basch.
"Merci pour le repas," déclarèrent Vossler et Séphiroth d'une même voix.
Ils échangèrent un regard surpris et Basch soupira.
"Saint Alexander, vous allez recommencer la stéréo à chaque repas ? "
"T'avais qu'à pas nous traumatiser avec les bonnes manières," rétorqua Vossler avant de prendre une bouchée de curry.
Séphiroth l'imita avec enthousiasme.
Oh.
Il n'avait probablement rien mangé d'aussi épicé depuis des années. Rufus lui avait bien dit qu'il n'avait pas mangé depuis longtemps et il le voyait bien chaque fois qu'il essayait de finir les assiettes qu'Elena lui amenait, mais l'odeur du curry lui donnait l'eau à la bouche depuis qu'il était entré...
Et c'était tellement bon.
"Tu as rajouté des épices ? " demanda Basch en clignant des yeux frénétiquement après avoir goûté.
"Juste un peu, c'était fadasse," rétorqua Vossler.
"Toi et ton palais de nomade," grommela le blond en se levant pour aller ouvrir son frigo.
"C'est pas de ma faute si tu as une langue en carton ! "
Malgré sa bouche en feu et les larmes qu'il avait aux yeux, Séphiroth avait presque envie de rire. Ces deux-là ne changeaient pas. Vingt ans qu'ils se connaissaient, incarnant l'exemple même du chef digne et de son second dévoué en public et ils continuaient à se chamailler comme un vieux couple dès qu'ils étaient en privé.
Il sentit quelqu'un lui mettre un verre dans la main et il but goulûment, reconnaissant du lait qui calma un peu la brûlure.
"Est-ce que ça va ? " s'inquiéta Basch.
Séphiroth hocha la tête, reprit une gorgée puis une nouvelle bouchée de curry.
"Tu vas te faire mal," protesta son aîné en posant le carton de lait sur la table après s'être servi.
"C'est bon," rétorqua Séphiroth.
Il s'essuya les yeux d'un revers de manche, remarquant que Vossler avait l'air très fier de lui.
"Tu n'es plus autorisé à approcher de ma cuisine sauf pour faire la vaisselle," grommela Basch à son ami.
"Un sacrifice nécessaire pour manger quelque chose avec du goût," rétorqua celui-ci.
Séphiroth ne put finir son assiette.
Mais Basch lui emballa des restes pendant que lui et Vossler lavaient la vaisselle.
[1] Mon cul, Arabe / Corel Sud
[2] Fils de chien en Arabe égyptien
[3] Ouais, bien trop tard, Séph sait jurer en corelien du sud, en commun, en wutan, connait quelques jurons en Gongan, en alexandriote, étonnement en galbadien et quelques malédictions en yévonite mais pas leur signification.
Eh, les SOLDATs étaient très cosmopolites. Mais pas polis.
[4] Écoutez, j'ai commencé à jouer à FFXII et j'ai réalisé en moins de 5 mn qu'il n'y avait pas moyen que Reks soit hétéro.
[5] … Et merde, le angst est héréditaire.
[6] Pour mise en situation, le père de Vossler est un nomade de Corel Sud qui n'apprécie pas que fiston n°1 préfère bosser pour Shinra plutôt que reprendre l'élevage de chocobo des sables, malgré l'argent qu'il a envoyé à la maison pour payer les études de fifille et fiston n°2, et le père de Basch ne lui parle plus depuis qu'il a abandonné une charge héréditaire de chevalier à Kohlingen pour aller jouer au SOLDAT pour un autre pays.
Faudrait vraiment que j'arrête de conceptualiser autant sur des personnages secondaires et tertiaires.
[7] Dixit Vaan : "Fronce le sourcil gauche quand tu es sérieux, hausse le droit quand tu fais de l'humour."
[8] Et petite explication, le léviathan en question était un des grands oncles de Yuffie, petit-fils de Da Chao. Oui, il y a des chances que Godo en veuille à Séphiroth.
[9] Arme héritage en esperanto/alexandriote, chaque pays à son terme, mais Séph a appris le métier des armes avec Basch (ou du moins, comment les manier correctement au lieu de juste charcuter le type en face)
