Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. Je ne retire aucun profit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, sont à moi.
Genre : Univers Alternatif Heroic Fantasy Médiéval Fantastic. Aventure/Romance/Surnaturel. Certains couples sont très inhabituels. Het, Yaoi et lemon bien sûr.
Rating : M ou NC-18
Résumé : Complots, romance, magie et créature surnaturelles, comment les histoires de ces Quatre Royaumes vont-elles se mêler et se démêler ?
Les Royaumes du Sanctuaire et d'Asgard, alliés indéfectibles, mènent une guerre contre le Royaume des Océans depuis plus de cent cinquante ans. Au moment où débute cette histoire, les raisons de cette guerre ont été oubliées. Non loin, le Royaume des Ténèbres se relève doucement d'une guerre de succession qui l'a laissé exsangue. Après avoir été ennemis, ils finiront par unir leurs forces pour faire face à une menace bien plus grande encore. De l'action, de la romance, du complot politique, de la magie et des créatures surnaturelles sont au rendez-vous avec de nombreuses références aux mythologies grecque et celtique ainsi qu'au manga original de Masami Kurumada. HxF, HxH explicite.
Sunny : Merci comme toujours de suivre cette fic avec intérêt et de prendre le temps de laisser une review. Oui, Poséidon est compréhensif, après tout il connait l'histoire de Kanon. Quant aux retrouvailles avec Saga, il faudra patienter un peu ^^
Les révélations de Maïa peuvent paraitre effectivement brutales mais c'est la maladie qui la fait parler ainsi. Après m'être renseignée un peu, j'ai tenté de retranscrire les symptômes de la maladie d'Alzheimer mais sans trop insister. J'ai la chance de ne connaitre personne d'atteint dans mon entourage et je n'ai fait qu'imaginer en fonction de ce que j'ai lu.
Comme je l'ai dit dans mon pavé avant le prologue, les personnages de The Lost Canvas ne seront là qu'en arrière plan.
Chapitre 10
Année 10219 de la Licorne, mois de février, Royaume du Sanctuaire…
Chaque pas était calculé. Etudié. Souplesse du serpent. Silence du chat. La fine couche de neige ne craquait même pas sous le poids de l'homme. Camouflé par la végétation hivernale du sous-bois, il avançait vers l'animal. Une bête d'environ deux cent cinquante kilos avec des bois de près d'un mètre magnifiquement ramifiés. Un spécimen superbe sur lequel le jeûne de la saison froide avait, malgré tout, prélevé son tribu. Il manquait de graisse et sa masse musculaire avait fondu. Mais il pourrait nourrir de nombreuses personnes et sa peau servirait à fabriquer des vêtements chauds comme ceux que l'homme portait.(1)
Ses jambes et ses cuisses étaient recouvertes de bandes de fourrure attachées par des lanières de cuir. Il avait une grosse veste fourrée sur deux épaisses chemises de laine et à sa ceinture étaient accrochés deux couteaux de chasse, une gourde, une fronde et un petit sac contenant des pierres rondes. Il portait également un carquois et un arc en bandoulière. Ses longues boucles bleues étaient emprisonnées sous un bonnet de fourrure. Devant lui, le cerf baissa la tête et fouilla la neige de son museau à la recherche de lichens. Avec les premiers perce-neiges, cela constituait la seule nourriture fraiche dont ces animaux se nourrissaient en attendant le printemps, mais il n'y en avait pas beaucoup.
L'homme dégagea son arc, prit une flèche et l'encocha. Il s'appuya contre le tronc d'un arbre qui le camouflait en partie. Il tira la corde vers l'arrière autant qu'il le put, dans le plus grand silence. Un œil fermé, il visa le flanc du cerf, là où il savait que battait le cœur. Il n'aurait droit qu'à un seul tir. S'il le ratait, l'animal, même blessé s'enfuirait. Il faudrait alors le traquer, mais l'après-midi tirait à sa fin et à la nuit tombée, il servirait de nourriture aux prédateurs de la forêt.
Il tira. Le claquement de la corde fit sursauter la bête mais elle n'eut pas le temps de fuir. La flèche se ficha profondément dans son flanc, transperçant son cœur. Elle était morte en touchant le sol. Le chasseur se précipita vers sa prise et sortit un couteau à dépecer de l'intérieur de sa chemise. Il retourna l'animal et pratiqua une incision de la gorge à l'anus. Il ôta son gant et glissa son poing sous la peau pour la décoller de la carcasse. Ceci fait, il l'ouvrit pour la vider. Il rinça l'estomac et l'intestin dans l'eau d'un petit ruisseau dont il avait cassé la surface gelée. Ils serviraient à faire des outres et des contenants parfaitement étanches. Les bois et les sabots, une fois fondus dans un chaudron constitueraient une colle efficace pour assembler de grandes pièces de tissu comme les voiles d'un bateau ou pour colmater les trous et les interstices des murs des maisons.
Il revint vers le cerf et mit le foie, le cœur, les reins et les poumons dans l'estomac et l'intestin. Il s'apprêtait à envelopper la carcasse dans une pièce de cuir qu'il avait laissé un peu plus loin, pour la transporter quand un grognement sourd le stoppa net dans ses gestes. Peut-être un ours tiré de son sommeil plus tôt que prévu par la faim ? Non. Le grognement n'était pas celui d'un ours. Pas assez grave. Encore un autre. Puis un autre. Des loups. Toute une meute. Le chasseur déglutit et ferma les yeux. Contre un, il avait une chance, mais face à plusieurs… Il les sentit se placer en arc de cercle derrière lui. Malgré l'urgence de la situation, il prit le temps de recouvrir le cerf puis il sortit les deux couteaux qu'il avait à la ceinture. Il se releva et se tourna lentement pour faire face aux loups. Il en compta six. Un mâle et cinq femelles. L'une d'elle était certainement la compagne du chef de meute, la seule à avoir des petits et de ce fait, son agressivité en serait décuplée.
Lentement, les loups se déployèrent, encerclant l'homme et le cerf mort. Prudents, mais loin d'être effrayés, ils avançaient, resserrant leur piège. Soudain deux d'entre eux bondirent sur le chasseur. Il cueillit le premier avec son couteau en pleine poitrine, l'autre referma ses crocs sur son bras. Il hurla de douleur et lâcha sa seconde arme. Les autres loups s'étaient jetés sur la carcasse. Ils les entendaient grogner de satisfaction. Il parvint à poignarder la louve qui mordait son bras mais un troisième lui planta ses crocs dans le mollet. Il tomba au sol. La douleur faisait danser des points noirs devant ses yeux. Il entendit vaguement d'autres cris avant de perdre connaissance.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il ne reconnut pas l'endroit où il se trouvait. Une odeur d'herbes médicinales et de sang lui sauta au nez. Il entendait un brouhaha de gémissements, de plaintes. Il leva la main mais la douleur à son bras le dissuada d'en faire d'avantage.
- Vous êtes enfin réveillé, fit une voix de femme près de lui.
Il tourna légèrement la tête et croisa un regard ambre rempli de douceur, encadré de cheveux d'un noir corbeau.
- Où suis-je ? murmura-t-il difficilement.
- Au dispensaire du Palais. Je vais prévenir le Seigneur Shion !
Elle disparut de son champ de vision. Il essaya de se souvenir des derniers évènements, mais tout était flou et se bousculait dans sa tête.
- Eh bien ! Tu reviens de loin ! éclata une voix qu'il connaissait bien.
C'est alors qu'il réalisa qu'une douleur intolérable lui vrillait le crâne.
- Shion… Qu'est-ce qui s'est passé ?
- D'après Aïolia, tu as voulu affronter six loups tout seul ! Ne bouge pas, je vais examiner ton bras.
Shion ôta le pansement et Nya désinfecta la plaie qui avait été recousue avant de remettre un nouveau bandage. Ils firent la même chose pour le mollet.
- Dis-moi Milo, ce cerf en valait-il la peine ? Tiens, bois ça pour ta tête.
- Tu parles qu'il en valait la peine ! J'espère qu'ils l'ont ramené ! répondit-il en buvant l'infâme potion d'une traite avec une horrible grimace.
- Je ne sais pas. Je me suis avant tout occupé de toi !
- Et comment je vais ? Ce truc est vraiment infect !
- Mais il est efficace. Tu survivras. Il te faudra rester tranquille pendant quelques jours. Ta jambe est bien amochée.
- Les chasseurs…, protesta le jeune homme.
- … se passeront d'un traqueur quelques temps ! le coupa le Médecin. Et tu ne discute pas ! N'oublie pas qui tu es, Milo. Tu dois être en pleine possession de tes moyens !
- Je sais, consentit le jeune homme à contrecœur. Quand doit-on se réunir ?
- Je vais attendre que tu sois guéri. Voilà. Nya va te porter quelque chose à manger et tu pourras rentrer chez toi. Je te suggère de rester au Palais.
- C'est injuste tu ne trouves pas ?
- Quoi donc ?
- Eh bien, ici il y a des gens qui auraient bien besoin d'un peu plus de confort et nous, sous prétexte que nous avons un statut privilégié, on nous attribue des appartements ici, au Palais, que nous n'habitons presque jamais.
- C'est la coutume. Les Maîtres ont droit à un traitement de faveur. C'est ainsi.
- Mais si nous utilisons nos appartements pour héberger des réfugiés, il y aurait moins de monde dehors dans le froid.
- Le Roi est très attaché à cette coutume. Nous n'y pouvons rien.
- Tu sais où est Aïolia ? demanda encore Milo en buvant le bol de soupe dans lequel il trempait des morceaux de pain.
- Non, mais je peux l'envoyer chercher. Tu veux qu'il t'aide à monter chez toi ?
- Oui, mais surtout je voudrais savoir ce qu'ils ont fait du cerf !
- C'est une obsession ! s'esclaffa le Médecin en rangeant ses potions.
- C'était une bête énorme pour la saison !
- C'est aussi ce qu'ont dû se dire les loups ! Je changerai ton pansement demain.
- Merci Shion !
Celui-ci fit un signe de la main en s'éloignant vers d'autres patients. Assis sur sa paillasse, il palpait son bras et sa jambe. Il l'avait vraiment échappé belle.
- Milo ! Comment vas-tu ?
- Shion a dit que je survivrai. Merci de vous être occupés de moi, Lia !
- Pourquoi ? Tu croyais qu'on allait te laisser en pâture aux loups ?
- Le cerf ?
- On l'a ramené comme les quatre loups qu'on a tués ! Les fourrures seront utiles !
- Tu m'aides à rentrer chez moi ?
- Ici ? Au Palais ?
- Ordre de Shion.
- Alors on y va. Appuie-toi sur moi et évite de trop poser ton pied au sol.
Clopin-clopant, les deux hommes parvinrent jusqu'à l'appartement de Milo. Aïolia l'aida à faire un brin de toilette, mais il n'était pas question de prendre un bain pour ne pas mouiller les pansements.
- C'est bien dommage ! grimaça le Maître de Chasse. Dans quoi t'es-tu roulé pour sentir aussi mauvais ?
- Des crottes de biches ! C'est pour ça que j'ai pu m'approcher si près du cerf !
- Ouais… ben vivement que tu prennes un bain ! Je vais donner tes vêtements à nettoyer !
Pendant que son ami était parti, il termina de se laver plus ou moins avec un linge trempé dans une préparation de plantes moussantes et odorantes. Il gagna sa chambre en claudiquant et s'habilla d'un pantalon, d'une chemise ample, de bottillons d'intérieur et d'une robe de chambre en laine sans manche.
- Voilà. J'ai trouvé une servante qui se chargera de rapporter tes vêtements quand ils seront propres ! déclara Aïolia en revenant dans la pièce. Tu as besoin de quelque chose ?
- Quelqu'un qui me tienne compagnie, sinon je vais mourir d'ennui à rester ici tout seul !
- Je vais prévenir les autres. Ils passeront certainement te voir pour prendre de tes nouvelles. Allonge-toi et repose-toi !
- Lia, personne d'autre n'a été blessé pendant la chasse ?
- Non, juste un chien qui n'a pas évité à temps la charge d'un sanglier, mais rien de grave.
- Combien en avez-vous ramené ?
- Trois, dont une femelle avec des petits.
- Alors la journée n'a pas été trop mauvaise…
- Non, pas trop… Mais c'est toujours insuffisant. Il faut nous rationner.
- Je sais… Merci.
- A plus tard !
A peine son ami sorti que déjà Milo s'ennuyait. Allongé sur son lit, le dos calé contre des coussins, il avait croisé les bras sur son torse et réfléchissait. A tout et à rien. Par les Dieux, que le temps lui semblait long. Il savait que des serviteurs n'étaient pas très loin, à portée de voix. Il aurait pu leur demander n'importe quoi. Il était tard et le sommeil finit par le gagner…
Le Roi arpentait la pièce d'un pas nerveux, comme depuis plusieurs jours à chaque fois que son esprit n'arrivait pas à se concentrer sur la charge de travail. Ses cheveux grisonnants étaient décoiffés et quelques mèches s'étaient échappées de son catogan. Il marchait de long en large et à chaque fois qu'il faisait demi-tour, son lourd manteau de laine aux épaules et au col recouvert de fourrure de loup volait autour de ses jambes. Chaussés de bottes en cuir, ses pas ne faisaient aucun bruit. A la ceinture de son pourpoint, la poignée et la garde de son épée reflétaient la lumière de ce début de journée hivernale qui entrait par les grandes fenêtres. Le fourreau de l'arme battait sa cuisse et avait laissé une trace d'usure sur le tissu de son pantalon. Son visage anxieux était recouvert d'une barbe parfaitement taillée. Ses petits yeux noirs pétillaient d'impatience et il n'arrêtait pas de se tordre les mains. Il attendait un messager qui, d'un jour à l'autre, devait lui rapporter une nouvelle de la plus haute importance. Ou plutôt, une réponse à un message qu'il avait fait porter au Souverain du Royaume voisin. Cela faisait trois semaines que l'homme était parti et depuis tout ce temps, il n'avait quasiment pas dormi. Il était non seulement inquiet de la réponse, mais si celle-ci s'avérait être celle qu'il espérait de tout son cœur, il allait devoir affronter la réaction de sa fille.
Mais quelle importance pouvait bien avoir l'opinion de cette dernière ? Elle ferait son devoir pour son Royaume et sans discuter. Il entendit des pas venant du couloir, des pas rapides. Il s'arrêta et se composa un visage de circonstances. Il était le Roi et il se devait de toujours montrer une parfaite maîtrise de lui-même devant ses sujets. Mais il était aussi un homme. Un homme qui avait la charge du bonheur de son peuple et il le voyait souffrir depuis trop longtemps. Il était persuadé d'avoir failli à son devoir de protection envers lui. Aussi espérait-il de toutes ses forces que la réponse allait enfin apporter un peu d'espoir dans tout ce chaos.
La porte s'ouvrit sur un homme vêtu d'une tenue de voyage, chaude et légère. Aussitôt en présence de son souverain, il mit un genou à terre et baissa respectueusement la tête. Il était couvert de poussière, sale et n'avait dû voir un baquet d'eau chaude depuis plusieurs jours à en juger par l'odeur répugnante qu'il dégageait. Il sortit un rouleau de parchemin de l'intérieur de sa chemise et le tendit au Roi Mitsumasa. Celui-ci le prit d'une main fébrile, presque tremblante, brisa le sceau de cire bleue et le déroula immédiatement. Ses yeux parcoururent rapidement la surface couverte d'une écriture ronde et élégante. A la fin de la missive, la signature était accompagnée d'un sceau de cire rouge cette fois, représentant un trident.
Un sourire commença à étirer ses lèvres desséchées par la respiration haletante de son impatience. Il relut plusieurs fois la lettre pour être bien certain qu'il ne faisait pas de son rêve une réalité.
- Tatsumi ! appela-t-il d'une voix de stentor.
Le Chambellan entra dans la pièce par une porte latérale et s'inclina.
- Oui, Majesté ?
- Je veux que cet homme soit traité au mieux, ordonna-t-il en désignant le messager. Qu'il se lave, qu'il mange et qu'il dorme tout son soûl. Il est l'un des artisans de notre avenir.
- Merci votre Majesté, mais je n'ai fait que mon devoir, murmura le héraut, humblement. Le Roi Poséidon m'a également confié ceci.
Il lui donna une petite boite en bois précieux. Le roi l'ouvrit et retint un sursaut de surprise puis il referma l'écrin.
- Oui, tu as fait ton devoir et tu l'as très bien fait, reprit-il. Tu verras bientôt quelle était l'importance de ce message que tu tenais bien au chaud contre ton cœur. Suis mon Chambellan, il exaucera tous tes souhaits.
L'homme se releva et emboita le pas de Tatsumi. De nouveau seul, le roi prit le temps de s'asseoir derrière la table qui lui servait de bureau. Il y avait quelques documents qu'il avait étudiés et signés. L'un concernait la reconstruction d'un mur effondré dans les écuries. Il avait souri en voyant la lettre. La personne l'avait certainement faite rédiger par l'écrivain public. Il reconnaissait l'écriture de Shaka.
Il appela un serviteur et lui dit quelques mots. Celui-ci revint un instant plus tard, suivit d'un homme au regard d'un vert lumineux et à la chevelure flamboyante. Il s'inclina devant le souverain.
- Ambassadeur de Megrez, je suis content que vous ayez pu vous libérer aussi vite, lui dit-il en l'invitant à s'asseoir sur l'un des sièges de l'autre côté du bureau, face à lui.
- Majesté, je me fais un devoir de répondre à vos convocations sans délai.
- Il y a quelques temps, j'ai envoyé un messager auprès du roi Poséidon et je viens de recevoir sa réponse… Il vous faudra en informer votre souveraine…
Après avoir été mis au courant, l'Ambassadeur regagna son appartement. Il soupira en s'adossant à la porte. Il avait réussi par il ne savait quel miracle, à donner le change et ne pas montrer au Roi l'inquiétude qui était la sienne. Quelques jours plus tôt, il avait reçu un message, délivré par un homme étrange, alors qu'il se rendait aux écuries. L'individu l'avait légèrement bousculé, à dessein, et avait glissé un étui en cuir dans sa main avant de disparaître dans la foule. Sa sœur, Freya, lui expliquait qu'elle était retenue prisonnière aux Royaume des Ténèbres. Elle lui relatait tout, dans les moindres détails. Une seconde lettre était jointe. Signée par le Roi Hadès en personne, il lui ordonnait de lui faire part de toutes les décisions que prendrait le Roi Mitsumasa, faute de quoi, sa sœur lui serait expédiée par petits morceaux. Une mèche de cheveux blonds accompagnait le message.
Il était en train de se dire qu'il allait devoir plier au chantage. Pour sa sœur, il serait dans l'obligation de trahir le Roi Mitsumasa et sa Souveraine, qui lui avait fait assez confiance pour l'avoir nommé à ce poste, malgré son manque d'expérience. Il remplit une coupe de vin qu'il vida d'un trait. L'anxiété le rendait nerveux. L'impatience le rongeait. Il comprenait bien la démarche d'Hadès. Faute de ne pouvoir obtenir des informations sûres en utilisant des espions qui auraient du mal à entrer au Palais et encore plus à s'approcher des dirigeants, il avait opté pour la fourberie. Déjà, Albéric songeait à la façon dont il allait lui répondre. Devra-t-il lui donner son titre ? Ou simplement ne pas le nommer, ce qui serait une insulte déguisée que le Souverain saurait parfaitement interpréter.
Pour l'instant, et comme un fait exprès, il venait d'apprendre une chose qui intéresserait sûrement le Souverain des Ténèbres. Mais il devait encore attendre d'avoir plus de précisions. La vie de sa petite sœur en dépendait. Sa douce Freya, songea-t-il. Cette jeune fille si sensible, à la gentillesse innée. Elle était toujours prête à aider son prochain. Elle avait même sacrifié sa jeunesse pour s'occuper de leur père afin que lui puisse poursuivre son ascension dans les hautes sphères de la politique. Il y était déjà prédestiné de par son titre et son appartenance à la garde rapprochée de la Reine, mais il était ambitieux. Il voulait faire encore plus pour son pays. Le poste d'Ambassadeur était le fleuron de sa jeune carrière. Et voilà qu'il allait maintenant devoir payer le prix fort pour avoir trop voulu, trop vite. Son statut exposait ses proches et lui-même à des tentatives d'intimidation. Il remplit une autre coupe de vin…
Milo avait reçu la visite de ses amis. A part Shion qui venait depuis quatre jours changer son pansement, Saga, Mikael, Aliandro et Shaka étaient passés prendre de ses nouvelles. Il marchait beaucoup mieux, mais sa blessure n'était pas encore guérie. La veille, le Médecin l'avait autorisé et aidé à prendre un bain pour se défaire de cette horrible odeur tout en prenant garde de ne pas mettre sa jambe dans l'eau. Assis devant la fenêtre de sa chambre, le pied posé sur un tabouret, il écoutait avec un plaisir non dissimulé les mélodies qu'Orphée tirait de sa lyre. C'était une façon comme une autre de passer le temps. Et à chaque fois que le musicien s'en allait, Milo n'en finissait pas de le remercier et de le complimenter sur son talent.
Enfin seul, le traqueur se laissa aller à la mélancolie qu'il éprouvait de devoir rester inactif et enfermé. Il détestait cela. On frappa à la porte et il soupira. Il avait envie de rester un peu seul. C'était somme toute assez contradictoire, mais Milo était ainsi. Il avait soif mais l'eau du ruisseau était trop froide. Il avait chaud mais préférait garder sa veste ou sa cape parce que s'il l'enlevait il lui faudrait la porter et cela lui encombrerait les mains.
- Entrez ! gronda-t-il sans même se retourner pour voir qui était son visiteur.
- Eh bien ! Un ours m'accueillerait plus aimablement ! s'exclama l'homme qui se planta devant lui avec un sourire radieux sur les lèvres.
- Albior ? Mais qu'est-ce que tu fais ici ? s'étonna Milo en se redressant sur son fauteuil.
- Je viens voir le garnement qui m'avait cassé mes soldats de bois sous prétexte que je ne leur faisais pas faire la guerre comme il fallait ! sourit le jeune homme en s'asseyant sur le lit sans attendre d'invitation pour ça.
- Tu as la rancune tenace, grommela Milo en se renfrognant.
- Mais non ! Je plaisante ! J'ai appris pour ton accident. Comment vas-tu ?
- Ça va… Sauf que je vais devenir fou à rester ici. Je ne supporte pas d'être enfermer comme ça !
- Je sais bien que tu aimes les grands espaces ! Tu ne serais pas un bon chasseur sinon…
- Traqueur, Albior, je suis un traqueur, précisa le convalescent avec une pointe de fierté dans la voix.
- Et le meilleur qui plus est. Te reste-t-il du vin ?
- Vas-y, sers-toi ! Tu n'aurais pas croisé quelques servantes ou serviteurs dans le coin ?
- Ceux que j'ai vus vaquaient à leurs occupations. Pourquoi ?
- Disons que les soirées et les nuits sont longues quand on est seul, sourit Milo en lançant une œillade égrillarde à son visiteur.
- Sacré Milo ! Toujours prêt à sauter sur tout ce qui bouge !
- Alors ne bouge pas trop ! rétorqua celui-ci avec un sourire goguenard. Comment se passent les entraînements ?
- Certains d'entre vous ne viennent plus depuis plusieurs semaines, mais le moral est bon. Les instructeurs arrivent à motiver les troupes. Un petit nouveau vient d'intégrer le groupe.
- Ah ? Et comment est-il ? s'enquit Milo l'œil soudainement brillant d'intérêt.
- Tout à fait comestible, si c'est ce que tu veux dire ! Un jouvenceau au regard d'émeraude, une peau claire sentant encore la jeunesse et la fougue.
- Pourquoi ? Tu trouves que nous sentons l'écurie et que nous sommes de vieilles carnes ? s'offusqua le traqueur en souriant.
- Je ne sais pas… Faut voir…
- Albior ? Ne serais-tu pas en train de me provoquer ?
- Quand bien même… Je croyais que tu te sentais seul…
- Ne me dis pas que tu es venu me voir seulement pour profiter de ma faiblesse et abuser de mon corps !
- Non, je voulais vraiment savoir comment tu allais. Mais tu sais aussi que je n'ai jamais pu te résister…
Tout en parlant, Albior s'était agenouillé et massait les cuisses de son ami.
- C'est moi qui t'ai présenté la première fille avec qui tu as couché, murmura-t-il en plantant son regard céruléen dans les saphirs qui le fixait intensément.
- Je m'en souviens, répondit le traqueur sur le même ton. Et tu as été mon premier amant…
- Entendrais-je des regrets dans ta voix ?
- Non, je n'ai jamais regretté notre… aventure. Je ne savais pas que tu éprouvais encore de l'attirance pour moi…
- Tu es quelqu'un de fascinant, Milo et ça fait bien longtemps que nous ne nous sommes pas retrouvés dans une situation propice à… à raviver de vieux souvenirs.
- C'est vrai… c'est très tentant…
- Et tu es sevré depuis trop longtemps…
- Quelques jours seulement…
- C'est beaucoup trop pour quelqu'un comme toi qui ne peux se passer de… chaleur humaine plus de deux jours et encore faut-il que tu y sois contraint et forcé !
- C'est l'opinion que tu as de moi ? demanda-t-il en dénouant le lien de cuir qui retenait les cheveux blonds d'Albior.
- Tu es fougueux et brulant. Il te faut toujours un exutoire pour calmer tes ardeurs…
- Et c'est ce que tu te proposes d'être ?
- En souvenir du bon vieux temps…
- Alors tu devrais aller fermer la porte…
Albior alla tourner la clé dans la serrure. Il revint vers Milo et se mit devant lui. Avec une lenteur toute calculée, il ôta d'abord ses bottes et sa cape qu'il posa sur le fauteuil à ses côtés. Le baudrier prit le même chemin suivit du pourpoint et de la chemise. Milo regardait de tous ses yeux et la brulure du désir commençait à lui tenailler les reins. Machinalement, il posa ses mains à plat sur ses cuisses dans un geste vain pour se maîtriser encore un peu. Albior eut un sourire vainqueur. Il avait envie de s'amuser. Il tendit la main à Milo pour l'aider à se mettre debout. Celui-ci frissonna violemment en sentant le corps musclé contre le sien et il se laissa docilement mener jusqu'au lit.
- Que de prévenance ! Je devrais me faire blesser plus souvent ! plaisanta-t-il en laissant Albior caler deux coussins dans son dos avant de s'installer à califourchon sur ses cuisses.
- Ose dire que tes conquêtes ne prennent pas soin de toi ! Tu sais si bien les amener à faire tout ce que tu veux…
- Je n'ai fait que suivre tes conseils…
- Je ne te fais pas mal à la jambe ?
- Non…
Leurs regards rivés l'un à l'autre, les deux hommes, conscients du désir qui montait en eux, ne se précipitaient pas pour autant. Le Chevalier de Céphée défit le lacet qui fermait encore la chemise. Il dénuda les épaules et la descendit sur les bras, les bloquant un peu.
- Tu veux m'attacher ? chuchota Milo qui avait bien du mal à se maîtriser encore.
- Je rêve de t'enchaîner, de t'amener tout doucement au frontière de la folie, pour ensuite te libérer et te laisser assouvir ta bestialité…
Entre chaque mot, il avait déposé un baiser sur la peau brulante du torse qui se soulevait de manière erratique sous la respiration haletante du blessé.
- Tu me trouves bestial ?
- Tu l'es juste ce qu'il faut… pour combler tes maîtresses … et tes amants…
- Je tâcherai de faire honneur à ma réputation alors…
- J'y compte bien, mais il est hors de question que tu bouges ! Laisse-moi faire…
- Si tu y tiens…
Le baiser qu'ils échangèrent leur donna le vertige. Une escrime humide s'engagea alors. Sur la poitrine de Milo, des boucles bleues et blondes se mêlaient. Il réussit à libérer ses bras pour enfin parcourir la peau d'Albior de ses mains affamées. Il le sentit frémir contre sa bouche et se cambrer contre lui. Il le laissa faire lorsqu'il commença à l'embrasser dans le cou. De temps en temps, il sentait ses lèvres qui pinçaient sa peau ou sa langue qui la goûtait. Il poursuivit ce petit jeu insupportable jusqu'à la ceinture de son pantalon. Albior leva les yeux et vit une expression fugitive de folie dans le regard de son amant. Il lui ôta le vêtement en prenant bien garde de ne pas abimer le pansement du mollet puis se débarrassa du sien.
Il se plaça tête-bêche sur le traqueur et prit le sexe dressé dans sa bouche jusqu'à la garde. Un gémissement rauque de plaisir et de surprise mêlés sortit de la gorge de Milo dont le corps se tendit comme un arc. Puis il reprit son souffle et caressa lentement la paire de fesses rondes et musclées qu'il avait devant les yeux. Il prépara longuement son amant avec douceur et patience. Le Chevalier de Céphée n'en finissait plus de gémir et d'haleter son plaisir. Il se dégagea et chevaucha son ami. Milo se perdit dans la chaleur moite de ce corps alors qu'Albior suffoquait de plaisir et d'inconfort. Les mains en appui sur le ventre dur, il s'empala avec une lenteur délectable.
Enfin, il se pencha sur Milo pour l'embrasser encore et amorça un premier mouvement. Ils ouvrirent la bouche et exhalèrent un feulement d'extase. Ce furent ensuite de légers gémissements, de petites plaintes adorables entrecoupées parfois d'un râle plus rauque. Mais Milo était à l'agonie. Ce corps si chaud, si serré autour de lui, si désirable, le mettait à la torture. Il referma ses bras sur lui pour bloquer Albior et augmenta la cadence de ses coups de reins.
- Je savais que tu ne… aaanh… ne te contrôlerais pas longtemps… aaanh c'est booon…
- C'est ce que tu voulais, non ?
- Hmm… ouiiiii… j'ai toujours aimé… nnh… encore… comme çaaaahhh…
- Aimé quoi ?
- Ta sensualité brutale… Oooh ouiiiii… t'arrête pas… Aaanh !
Brusquement, faisant fi de la douleur lancinante de sa blessure, Milo roula sur le lit et cloua Albior sous son poids. Le désir qui leur embrasait les reins se transforma en torrents de lave dans leurs veines. Aucun ne s'appartenait plus ! L'un encourageait son amant à plus de rudesse, l'autre faisait de son mieux pour le satisfaire avec une ardeur effrayante. Leurs corps en sueur brillaient d'une couleur ambrée à la lueur du feu de la cheminée. La pièce était envahie d'une odeur de stupre et de musc. Albior cria son plaisir et ses spasmes brisèrent la résistance de Milo.
A bout de souffle, ils restèrent quelques instants dans les bras l'un de l'autre, savourant les dernières ondes de ce plaisir foudroyant. La somnolence les gagna et le Chevalier de Céphée dut se faire violence pour ne pas se laisser aller au sommeil.
- Tu peux passer la nuit ici, lui proposa Milo, nu et alangui au milieu des fourrures en désordre de son lit.
- Je me lève tôt demain matin et j'ai dit à mon écuyer de me réveiller, répondit Albior en se rhabillant.
- Tu as quelque chose de particulier à faire ?
- Hmm… oui. Je vais voir comment s'en sort cette nouvelle recrue dont je t'ai parlé. C'est moi qui l'ai promu lieutenant et je suis certain de ne pas me tromper. Mais je veux constater par moi-même comment il va imposer son autorité aux hommes et sa présence aux autres instructeurs.
- Quel est son nom ?
- Shun. Il appartient à la Caste de Bronze et il est le représentant de la Maison d'Andromède.
- Prestigieuse lignée ! J'espère qu'il n'aura pas le même destin que ses prédécesseurs.
- Le sacrifice semble être une vertu dans sa famille. Combien de vies ses ancêtres ont-ils sauvé en offrant la leur sur le champ de bataille ?
- Il se bat bien ?
- Il est excellent. Je l'ai vu combattre deux fois contre les Marinas. Mais il a une attitude étrange, il essaie toujours de convaincre son ennemi que le combat n'est pas la seule solution.
- Alors c'est un pleutre ! sanctionna Milo.
- Loin de là. Il n'aime pas ôter une vie s'il peut l'éviter. Mais s'il n'arrive pas à faire entendre raison à son adversaire, il attendra d'être attaqué et alors il se défendra. Et s'il doit tuer, il le fait.
- Etrange soldat, effectivement. Je demanderai à Shion si je peux sortir pour prendre un peu l'air demain. Peut-être viendrai-je voir ce petit lieutenant !
Avant de se quitter, ils échangèrent un dernier baiser. Très tendre, mais chacun savait qu'il n'y avait rien de plus entre eux que du respect et de l'affection. Milo se retourna sur sa couche et sombra rapidement dans un profond sommeil…
Ce matin-là, le soleil semblait avoir envie de passer à l'offensive. Dans la nuit, un glacial vent de nord-ouest s'était mis à souffler modérément, chassant les nuages de pluie et de neige qui obstruaient le ciel depuis plusieurs jours. Il faisait très froid et où que se porte le regard, le givre régnait en maître. La moindre trace d'humidité était transformée en glace. Sur les routes, les hommes et les bêtes pataugeaient dans la boue jusqu'aux chevilles. Mais malgré tout, le soleil rendait le sourire à tout le monde.
Dans l'aile Sud du Château de Marbre, la princesse Saori passait le temps en faisant de la tapisserie avec ses dames de compagnie. Ses longs cheveux mauves tombaient gracieusement sur son dos et ses immenses yeux bleus étaient d'une douceur sans pareil. Toutes les trois écoutaient les mélodies du ménestrel, Orphée. Le jeune homme n'avait pas son équivalent dans tout le royaume pour jouer de la lyre ou de la harpe. Il tirait, de son instrument, des musiques qui auraient enchantées les Dieux eux-mêmes. Assis sur le rebord de la fenêtre, une jambe relevée et l'autre allongée devant lui, il caressait les cordes de son instrument. Il était vieux. Le bois était usé et patiné par endroit suite aux frottements incessants des doigts fins du musicien. Il regardait l'horizon, au loin, et la mélopée devint mélancolique, presque triste. Ses magnifiques yeux bleus comme le ciel de cette belle journée semblaient voir des choses que personne d'autre ne pouvait distinguer. Sa voix claire et profonde s'éleva. Elle contenait une pointe de nostalgie et la princesse leva la tête de son ouvrage. Sa chanson parlait d'un homme éperdument amoureux d'une femme que la mort lui avait enlevé. Elle se terminait avec l'espoir que cet homme avait de la retrouver dans l'Autre Monde. Saori sourit. Même si la chanson était triste, elle était très belle.
- Orphée, tu vas finir par me faire déprimer ! le taquina-t-elle.
- Pardon, Altesse. Ce n'était pas mon intention.
- Je le sais bien. Je pense à tous ces réfugiés. Il ne cesse d'en arriver tous les jours !
- Je me demande où nous allons bien pouvoir loger ces pauvres gens ! se lamenta Shunrei, sincèrement émue par toute cette détresse.
- Et comment allons-nous les nourrir ?
- Ne t'inquiète pas Seika ! Mon père protègera son peuple. Nous trouverons de quoi le nourrir.
Les chasseurs et les pêcheurs partaient du matin au soir par n'importe quel temps et ne ménageaient pas leur peine. Les terres autour du château étaient cultivées et un grand nombre de femmes et d'enfants arpentaient les bois à la recherche de baies sauvages, de glands, de racines et de champignons. Personne ne restait sans rien faire, attendant juste d'être secouru. Tout le monde se battait.
- Oui, Altesse, c'est vrai ! reconnut la jeune fille aux jolies boucles châtain. Allons les voir et leur apporter un peu de réconfort !
- Orphée, veux-tu venir avec nous ? s'enquit Saori avec un ravissant sourire.
- Veuillez m'excuser mais j'ai promis au Comte de Benetnash d'Asgard, en visite chez l'ambassadeur, d'aller le voir. Il est harpiste, comme moi.
- Oh ! Je vois ! Eh bien, soit ! Va rendre visite à ton ami. Viendras-tu encore demain ? Ta musique est si reposante…
- Je serais là, Altesse, dès que j'aurai terminé mon service !
Il s'inclina devant les trois jeunes femmes et quitta l'appartement de la Princesse. Elles le suivirent de près et gagnèrent la porte qui donnait sur une grande place et plus loin, sur des ruelles bordées d'échoppes. Bien qu'ils n'aient plus beaucoup de choses à vendre, les marchands étaient là, tentant de satisfaire les quelques clients qui flânaient devant leur étal, les yeux affamés. La grande salle de garde avait été réquisitionnée pour servir d'abri aux femmes, aux enfants en bas âge et aux vieillards. Les hommes et les adolescents dormaient dans les écuries, les étables ou encore dans la cour, d'ordinaire réservée aux seuls soldats, sous des abris de fortune, faits de toiles et de planches de bois. Les rues du marché se trouvaient plus bas. Mais la guerre avait contraint les paysans des campagnes du sud et de l'ouest à venir chercher refuge ici. Leurs maisons, leurs terres, leurs biens, tout avait été détruit dans ce conflit presque deux fois centenaire contre le royaume des Océans.
Les trois jeunes femmes, vêtues de chauds manteaux(2) sur leurs robes, gagnèrent donc la première cour où les soldats s'entraînaient sous les ordres des Chevaliers des Castes de Bronze et d'Argent. Tous mirent un genou à terre au passage de la Princesse. Elle s'arrêta auprès des plus jeunes officiers.
- Bonjour, Chevaliers !
- Bonjour, Altesse ! répondirent-ils en cœur.
- Comment vont les choses ? demanda rapidement Saori, pour obliger les autres à parler et donc, pour être polies, les jeunes femmes se devaient de les écouter.
Quelle bonne occasion pour passer un peu de temps avec ces jeunes gens qui faisaient battre leurs cœurs.
- Les hommes sont fatigués mais leur ardeur ne faiblit pas, Altesse ! répondit le Chevalier Seiya avec un sourire éblouissant.
- Avec des instructeurs tels que vous, mes Seigneurs, ils ne peuvent qu'être motivés.
- Dame Shunrei, vous êtes une flatteuse ! répondit Shiryu en rivant son regard gris à celui plus doux de la jeune femme, qui rougit jusqu'aux oreilles. Mais cette idée est réconfortante.
- Vous vous rendez à la salle de garde ? demanda Ikki en remettant son épée au fourreau.
- Oui. Nous allons aider les réfugiés. Ils sont tellement nombreux…
- Je rends hommage à votre compassion, Dame Seika. Par votre simple présence, vous les aidez déjà beaucoup.
- Seigneur Ikki, je crains que vous ne me surestimiez.
- Où est le Chevalier Shun ? demanda la Princesse en regardant de tous les côtés. J'ai su qu'il venait d'être promu lieutenant ?
- Le Colonel Albior s'est enfin décidé à reconnaître son mérite. Shun est allé chercher trois chevaux que le Maître Palefrenier Shura vient de débourrer, expliqua Seiya.
- Allons-y maintenant, reprit Saori. Courage Chevaliers, notre peuple compte sur vous pour le protéger !
Les trois hommes s'inclinèrent et suivirent des yeux les jeunes femmes qui s'éloignaient. Ils s'entreregardèrent et se sourirent, puis rirent franchement.
- Si elles ne comprennent pas, elles ne comprendront plus ! plaisanta Seiya en retournant vers les soldats qui l'attendaient.
- J'ai demandé à Shaka d'écrire au roi, leur confia Ikki. Je lui demande la permission d'épouser Seika.
- Quoi ? sursauta Shiryu. Tu veux épouser Seika ?
- Exactement ! Je sais que je ne lui suis pas indifférent et je crois bien être amoureux. Elle est si belle et si douce…
- Et qui te dis qu'elle voudra d'un rustre et d'un bon à rien comme toi ? le railla Seiya en s'éloignant prudemment de son ami.
Celui-ci se retourna, et lui lança un regard noir. Un sourire carnassier étira ses lèvres. Puis il s'élança en courant derrière le plaisantin, le menaçant des pires maux s'il le rattrapait. Tous les hommes présents rirent de bon cœur, jusqu'à ce que Shiryu les rappelle gentiment à l'ordre, sous le regard bienveillant mais sévère du Chevalier Albior de Céphée de la Caste d'Argent, qui supervisait tous les entraînements.
Le Chevalier Shun marchait d'un pas rapide vers les écuries royales. Beaucoup de personnes le regardaient passer. Son statut et son jeune âge en impressionnaient plus d'un. En particulier les jeunes filles en âge de se marier. En temps normal, il aurait peut-être soutenu un regard de velours typiquement féminin mais là, il était pressé. Il franchit les remparts de la ville et se retrouva bien vite en pleine campagne. Non loin de là, il vit l'enclos des chevaux. Il s'approcha et s'accouda à la barrière en bois.
- Bonjour Shun ! s'écria le Maître Palefrenier en dirigeant sa monture vers le jeune homme.
- Bonjour Maître Shura !
- Tu viens chercher les chevaux ?
- On ne peut rien vous cacher ! Nous en avons besoin pour l'entraînement !
- Suis-moi !
Le Chevalier suivit l'homme de haute stature. Ses cheveux d'un noir de geai avaient des reflets verts et brillants sous le soleil. Ses yeux aussi sombres que sa chevelure semblaient toujours agressifs, mais Shun qui le connaissait un peu, savait qu'il n'y avait pas plus gentil que lui. Et surtout plus compétent en matière de chevaux. Ils entrèrent dans l'écurie et marchèrent jusqu'à trois stalles, complètement au fond.
- Les voilà ! fit le Maître Palefrenier en lui désignant trois chevaux de la main. Ils sont parfaitement domptés. Mais attention, ils sont encore un peu… nerveux, on va dire ! Les selles sont neuves et les rênes viennent d'être terminées par Angelo.
- Elles doivent manquer de souplesse, alors !
- Oui, mais elles se feront vite ! Angelo est le meilleur tanneur du royaume. Et puis il suffira de mettre des gants pendant quelques jours pour éviter les cloques.
- Vous voulez bien m'aidez à les emmener ? S'ils prennent peur au milieu de la foule, je crains de ne pouvoir les contrôler tous les trois. Avec ce soleil, les rues sont pleines de monde !
- Bien sûr ! Je verrai comme ça à qui vous les destinez !
- Oh ! C'est simple ! Moi je prends celui-ci ! fit le jeune homme en s'approchant d'un étalon d'un blanc pur à la crinière ondulée.
L'animal s'approcha prudemment de la main tendue vers lui avec un morceau de carotte. Aussitôt, ses lèvres et sa langue agile s'emparèrent de la friandise. Shun sourit à Shura.
- On dirait qu'il t'aime bien ! Et les deux autres ?
- Il y en a un pour Ikki et le troisième est pour Shiryu. La jument d'Ikki va bientôt pouliner et celui de Shiryu est âgé. Il ne pourra pas soutenir un nouveau combat si nous devons livrer encore bataille.
- Et le tien ?
- Il s'est cassé l'antérieur gauche pendant un entraînement. Il a fallu l'abattre…
Shun avait baissé la tête en disant cela. Il s'était beaucoup attaché à son cheval. Il le montait depuis plus de trois ans.
- Ce sont des choses qui peuvent arriver, Shun, fit le Palefrenier d'une voix douce, bien conscient de la tristesse du Chevalier. Je sais comment les choses se passent… Dis-toi que sa mort a certainement permis à pas mal de personnes d'avoir de la viande à manger. Comment vas-tu l'appeler celui-ci ? demanda-t-il pour changer de sujet.
- Nébula !
- Nébula ? C'est un nom bien étrange ! D'où vient-il ?
- Je l'ignore ! Je viens d'l'inventer !
Shura ébouriffa affectueusement les longs cheveux verts du Chevalier et ils entreprirent tous les deux d'harnacher les bêtes. C'était le moment de vérité. Si le Maître Palefrenier enfourcha et maîtrisa sans mal le second étalon noir comme la nuit, Shun eut un peu plus de mal avec le sien. Celui-ci rua, cabra, hennit manquant de désarçonner son cavalier à plusieurs reprises. Mais Shun eut le dernier mot. Il parvint à le calmer à force de caresses sur l'encolure et de mots murmurés à son oreille. L'animal enfin tranquille, le jeune homme regarda Shura. Celui-ci lui souriait, fier. Nul doute que ce gamin avait des affinités avec les animaux. Il attrapa la bride du troisième étalon, un alezan et suivit le Chevalier.
Shun ne s'était pas trompé. A peine avaient-ils franchi les portes de la forteresse, que les chevaux s'affolèrent devant la foule qui remplissait les rues de bruits et d'odeurs qu'ils ne connaissaient pas. Il fallut toute l'expérience de Shura pour réussir à calmer les trois bêtes. Il parlait à sa monture, au cheval qu'il tirait et même à celui de Shun. Les trois étalons qui connaissaient sa voix finirent par retrouver leur calme et tout doucement, les deux cavaliers les conduisirent jusqu'à la grande cour où s'entraînaient les soldats.
Les trois Chevaliers, les voyant arriver, se dirigèrent vers eux.
- Celui-ci est à moi ! fit Ikki en voyant l'étalon noir.
Shura en descendit et lui donna les rênes. Shiryu prit celles de l'alezan.
- Tu t'appelleras Koryu, s'exclama-t-il en caressant son chanfrein. L'animal ne renâcla pas et se laissa faire. Quel est le nom du tien ?
- Nébula !
- Et toi Ikki ? demanda Seiya. Quel nom vas-tu lui donner ?
- Mekai ! Ça veut dire "Enfer" dans la langue ancienne.
- C'est pas un peu étrange comme nom ? se moqua gentiment Shun.
- Pas plus que Nébula ! rétorqua Ikki. Et moi, au moins, ça veut dire quelque chose !
- Eh bien ! Je vois que vous êtes inspirés ! fit Shura en souriant et sachant parfaitement que ses chevaux là auraient des cavaliers exceptionnels. Comment va Ryusei ?
- Il est en pleine forme comme vous pouvez le voir ! répondit Seiya en tapotant les flancs de sa monture.
- Bien ! Je dois vous laisser ! J'ai beaucoup de travail !
- Je vous ramène ! fit ce dernier en enfourchant son cheval et en tendant la main au Maître Palefrenier qui sauta en croupe.
Les deux hommes s'éloignèrent tandis que les trois Chevaliers faisaient connaissance avec leurs nouveaux destriers…
Les trois jeunes femmes entrèrent dans la salle de garde. L'odeur y était écœurante et la saleté omniprésente, sans parler de la vermine. Les poux, les puces et les morpions proliféraient. La proximité, le manque d'hygiène, les déjections corporelles étaient autant de facteurs propices au développement des maladies et à leur propagation. Malgré toute la bonne volonté de certaines personnes qui passaient leur journée à faire chauffer des litres et des litres d'eau pour la toilette quotidienne des réfugiés, ceux-ci étaient bien trop nombreux.
Saori avisa un homme d'une trentaine d'années, avec de longs cheveux verts clair attachés sur la nuque. Elle s'approcha de lui d'un pas décidé.
- Shion, mon ami !
- Oh ! Princesse ! Mes Dames ! fit-il en s'inclinant légèrement. Vous êtes de vrais rayons de soleil en ce lieu toutes les trois ! leur sourit-il, faisant rougir les deux dames de compagnie, intimidées par ce bel homme.
- Comment vont les choses ? demanda-t-elle, sincèrement inquiète et regardant de toute part cette misère qui lui broyait le cœur.
- Je fais mon possible pour soulager les maux, mais je me sens impuissant !
- Ne dis pas ça ! Sans toi, ce serait pire ! Dis-moi ce que nous pouvons faire pour t'aider ?
- Retournez chez vous ! Je n'aime pas vous voir ici ! Vous pourriez attraper des puces ou des poux ou je ne sais quoi !
- Et toi ? Tu ne risques rien peut-être ?
- Moi, je ne suis pas une princesse héritière ! Si vous tombez malade et mourrez, qui succèdera à votre père ?
- Oui, je sais ! Tu as raison, mais je ne supporte pas de rester tranquillement chez moi alors que mon peuple souffre et agonise !
L'homme termina le pansement qu'il avait commencé et se redressa. Il dépassait la jeune femme d'au moins deux têtes et elle dut se tordre le cou pour le regarder. Il lui sourit affectueusement.
- Très bien ! Il y a peut-être quelque chose que vous pouvez faire toutes les trois. Venez !
Elles le suivirent dans un coin reculé de la salle où des draps avaient été tendus sur des cordes. Plusieurs compartiments avaient été ainsi crées. Chacun était équipé de grands baquets en bois et des femmes portant des seaux d'eau, faisaient inlassablement la navette entre les feux pour les remplir d'eau chaude. L'eau sale était vidangée dans des rigoles et des tuyaux qui s'écoulaient à l'extérieur des remparts. Toute la journée, les gens venaient pour se laver, avoir un minimum d'hygiène et un peu d'intimité. Un coin plus vaste que les autres avaient trois baquets plus petits. C'est là que les mères venaient débarbouiller leurs bébés et enfants en bas âges. Shion montra les lieux à ses trois visiteuses. Il n'eut pas besoin d'en dire plus. Il leur fit un sourire et les laissa pour retourner à ses malades et ses blessés.
Saori aidait sa troisième maman à s'occuper de ses deux enfants quand un garde vint la chercher. Son père la demandait. Poussant un profond soupir d'ennui, elle se résigna à obéir. Shunrei et Seika la regardèrent partir, espérant bien qu'elle leur dirait de l'accompagner mais elle n'en fit rien. Les deux jeunes femmes étaient condamnées à faire acte de présence un certain temps pour ne pas paraitre impolies.
La Princesse suivait le garde en silence. Quelque chose lui disait que son père n'allait pas lui annoncer une bonne nouvelle. Dommage. En ces temps troublés, cela lui aurait bien remonté le moral. Elle fut introduite auprès du Roi après avoir était annoncée. Elle le trouva derrière son bureau, où trônait un chandelier à chaque extrémité. Le soleil était bas. Le ciel sans nuage s'était embrasé sous les derniers rayons et virait lentement de l'orange le plus flamboyant au bleu le plus profond.
- Vous m'avez fait appeler, Majesté ?
- Assieds-toi, ma fille ! fit-il, gravement.
Elle ne l'appelait jamais "père" sauf dans l'intimité de leurs appartements privés quand l'un rendait visite à l'autre.
- La guerre contre le Royaume des Océans est terminée ! laissa tomber le Roi, d'une voix où perçait le soulagement.
- Comment ? s'écria la Princesse en se levant brusquement.
Un sourire éblouissant éclaira le beau visage de la jeune femme. A cet instant le Roi cru avoir son épouse défunte devant lui, tant leur fille lui ressemblait. Il eut un sourire plein de tendresse et de tristesse aussi, en pensant à ce qu'il avait à lui annoncer, même si elle n'avait pas son mot à dire.
- Assieds-toi, lui dit-il encore. Je vais t'expliquer.
Il joua un moment avec une boite qu'il tenait entre les doigts avant de trouver enfin ses mots.
- Tu sais qu'Asgard, le Sanctuaire et les Océans sont au bord de la ruine. Encore qu'Asgard soit un peu moins touché. J'ai envoyé un message au Roi Poséidon pour lui proposer la paix et une alliance.
- Une alliance avec Poséidon ? Alors que nous avons même oublié pourquoi nos deux royaumes se font la guerre… fit la jeune femme songeuse. C'est tout simplement merveilleux, père !
La joie lui faisant oublier le protocole, elle ne l'avait pas appelé "Majesté" mais le Roi ne releva pas l'entorse à l'étiquette. Puis il vit le visage de sa fille se fermer brusquement, alors qu'elle commençait à entrevoir les conséquences de cet accord.
- Comment allons-nous… sceller cette paix ? demanda-t-elle d'une voix hésitante, redoutant la réponse.
Elle se demandait quelles concessions son père avait fait pour en arriver là.
- Tu vas épouser le prince héritier, Julian.
C'est comme si soudainement, le poids de tous les malheurs de ce monde venait de s'abattre sur ses frêles épaules. Elle bondit sur ses pieds, la tête lui tourna et se fut le trou noir…
Saori ouvrit les yeux et vit le visage de Dame Shunrei. Dans son regard d'un bleu profond, elle put lire une grande inquiétude. Assise à côté d'elle, celle-ci bassinait délicatement son front avec un linge humide et frais. Pendant un tout petit instant, elle se demanda ce qui lui était arrivé puis les souvenirs lui revinrent brutalement. Elle baissa les paupières, un pli de tristesse barra son front.
- Seika, préviens Sa Majesté. La Princesse revient à elle !
L'esprit encore troublé par son évanouissement, la jeune femme entendit la porte de sa chambre s'ouvrir puis des pas se rapprocher dans le couloir. Le Roi et son Médecin entrèrent dans son champ de vision. Aussitôt, Shion prit la place de la Dame de Compagnie.
- Eh bien, Princesse ! Vous sentez-vous mieux ? demanda-t-il d'une voix très douce, un léger sourire aux lèvres.
- Ma tête me fait horriblement mal, articula-t-elle difficilement.
- Vous ne semblez pas fiévreuse, déclara-t-il en touchant son front. Je crois que… l'émotion est la cause de votre malaise, uniquement. Je vais vous préparer une potion qui vous soulagera.
Se levant, il se dirigea vers la table et s'affaira dans son sac à médecines. Le Roi s'avança de l'autre côté du lit.
- Tu nous as fait une grande frayeur, murmura-t-il en lui prenant la main, comme pour montrer son affection à sa fille.
- Père… ai-je bien compris ? Vous voulez me marier ?
- Nous en discuterons lorsque tu te sentiras mieux, en tête à tête.
- Tenez, Princesse, dit Shion en lui tendant une coupe en étain pleine d'un liquide blanchâtre. Buvez cela ! Le goût est un peu amer, mais c'est très efficace.
- Qu'est-ce donc ? demanda-t-elle en portant le remède à ses lèvres.
- Une infusion de tilleul et de fleurs d'oranger, entre autre…
Elle grimaça mais but le liquide d'une traite. Maintenant assise sur son lit, elle tentait de chasser la légère nausée qui persistait encore au creux de son estomac. Elle entendit son père congédier les Dames Shunrei et Seika ainsi que le médecin.
- Je sais que tu aurais voulu faire un mariage d'amour, ma fille et j'aurais été heureux d'accueillir dans notre famille l'homme que ton cœur aurait choisi. Mais la raison d'état surpasse tout le reste. Je sais que tu le comprends.
- Bien sûr que je le comprends… répondit-elle d'une voix éteinte. C'est juste que… je ne m'y attendais pas…
- Je sais aussi que tu feras ton devoir et que tu rendras notre peuple fier de sa Princesse !
- Oui, père… je ferai mon devoir… et vous serez fier de moi…
- J'en suis heureux ! Il est tard, il te faut dormir. Demain tu commenceras les préparatifs pour ton départ.
- Mon départ ? Quand ? Où ? sursauta-t-elle, l'esprit à nouveau clair.
- Tu pars pour le Royaume des Océans où aura lieu ton mariage. Ensuite, ton époux et toi viendrez ici. J'ai quand même le droit de connaître mon gendre et le peuple, son nouveau Prince ! sourit le roi en laissant la Princesse seule et complètement désemparée.
- Oui… bien sûr…, murmura-t-elle pour elle-même.
Elle retomba dans un état apathique dès que son père eut quitté les lieux. Aussitôt, Seika et Shunrei la rejoignirent. Elle leur expliqua brièvement la situation. Elles furent aussi effondrées que leur Princesse.
Saori se demanda ensuite, comment elle allait annoncer ça à une personne très chère à son cœur ?
Le Roi avait ordonné à Shion de le suivre dans ses appartements. Une fois à l'intérieur, le souverain s'assit sur un lourd fauteuil recouvert de fourrures et invita le médecin à prendre place sur un siège à ses côtés.
- Quelque chose vous préoccupe, Majesté ?
- Je me demande si j'ai fait le bon choix…
- Le bon choix ? répéta Shion, surpris de voir douter son Roi.
- Je vends ma fille pour une possibilité de paix. Je n'ai même pas de certitude concernant les engagements de Poséidon.
- Le Royaume des Océans est en aussi mauvais état que nous. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'intime conviction que si vous ne l'aviez pas devancé, le Roi Poséidon vous aurez fait la même proposition.
- Pourquoi ne l'ai-je pas fait plus tôt ? Cela aurait évité bien des morts et des souffrances…
- Je ne m'y entends pas trop en politique, mais je crois que nous avons tous des choix à faire à certains moments de notre vie. Et cette décision devait être prise à cet instant. Ni plus tôt, ni plus tard.
Le Roi se leva et se posta devant la fenêtre. La nuit était totale et le ciel avait revêtu sa parure d'étoiles.
- Crois-tu que nous soyons maîtres de nos destins ? demanda-t-il au médecin, d'une voix lointaine.
- Je suis persuadé que nous l'influençons par nos choix. Et lorsqu'il s'agit de vouloir la paix, je suis convaincu que nous faisons toujours le bon.
- Tu es un sage, mon ami. Malgré ton jeune âge, tu as beaucoup de maturité et de clairvoyance. Tu penses donc que ce mariage est un bon choix ?
- Vous voulez la paix. Nous voulons tous la paix. Je crois qu'il faut se donner les moyens pour l'établir, faute de quoi, nous ne serions plus dignes d'être des hommes. Nous serions encore moins que des bêtes pour qui ne compte que la loi du plus fort.
- J'ai peur que mes sujets pensent que je redoute la défaite et que je vais jusqu'à sacrifier ma propre fille pour l'éviter. Proposer la paix, n'est-ce pas là la décision d'un faible ?
- Majesté ! Vous n'êtes ni un faible, ni un couard ! s'indigna Shion. Et votre peuple le sait ! Il faut au contraire beaucoup de courage pour offrir son unique enfant à un avenir incertain dans l'infime espoir qu'il soit meilleur pour tous !
- Tu crois tellement en moi… C'est rassurant… et effrayant à la fois.
- Pourquoi effrayant ?
- Plus les gens croient en quelque chose ou quelqu'un, et plus leur déception est grande lorsque la chose ou la personne ne se montre pas à la hauteur de leurs espérances. J'ai peur de décevoir mon peuple !
- Jamais vous ne m'avez donné de raisons pour me détourner de vous. Vous êtes mon Roi, et vous êtes un grand Roi. Et ma Princesse fera un jour une grande reine. Vous êtes en train de donner un espoir à votre peuple. Un espoir de retourner dans nos campagnes pour cultiver la terre, élever du bétail, construire des maisons et des villages, recevoir une éducation. Même si vous échouez, ce que vos sujets retiendront, c'est que vous aurez tout fait pour leur offrir un avenir meilleur !
Shion avait parlé avec tant de conviction dans la voix que le Roi sourit. Oui, ça lui réchauffait le cœur d'inspirer tant de ferveur, même si ça le terrifiait. Pourtant, il n'arrivait pas à se convaincre lui-même qu'il avait bien agi. Dans l'intérêt de son peuple.
- Vous aurez été jusqu'à offrir votre fille, votre unique enfant en mariage pour garantir cette paix et cet avenir, sans être certain que le roi Poséidon acceptera de déposer les armes pour faire le second pas vers vous. Vers nous…
- J'ai tellement envie de me laisser convaincre…
- Majesté, arrêtez de vous torturer ! Je sais que c'est difficile, il est question de Saori. Seules les prochaines semaines nous donneront des réponses. Jusque là, il est inutile de vous mettre martel en tête. De plus, c'est mauvais pour la santé !
Le Roi se retourna et plongea son regard sombre dans les prunelles roses et rieuses du médecin. Il ne peut retenir un sourire à son tour.
- Merci de m'avoir écouté. J'avais besoin de discuter de tout ceci. J'ai pris cette décision sans en parler à personne et ce fut lourd à porter durant l'attente de cette réponse.
- Je suis votre dévoué serviteur, Sire.
- Tu dois avoir encore beaucoup de travail. Je ne te retiens pas plus longtemps.
- Il faut que j'aille dans la grande salle de garde, effectivement. Je crains une épidémie d'impétigo. La malnutrition et l'hygiène précaire favorisent ce genre de maux. C'est bénin, mais je vais tout faire pour l'éviter.
- Je te fais entièrement confiance. Merci Shion.
- Majesté…
Le roi retourna à la fenêtre pour repenser à cette conversation et tenter de se convaincre qu'il avait pris la bonne décision.
Le Médecin parcourut les couloirs d'un pas rapide pour rejoindre les réfugiés qui attendaient des soins d'urgence. S'il était certain que le roi avait fait ce qu'il fallait, il n'arrivait pas à se départir d'une étrange sensation d'oppression. Pour lui, cela signifiait qu'un danger menaçait. Il aurait été bien incapable de dire de quelle nature il était ni quelle serait la ou les victimes, mais il aurait mis sa main à couper qu'il allait bientôt se passer quelque chose de grave… De très grave… Les étoiles lui avaient bien dévoilé une partie des évènements, mais c'était encore trop flou. Et la Reine Hilda, avait confirmé un grand danger, mais sans en découvrir la nature. Une chose était cependant étrange. Le mariage de Saori n'était inscrit nulle part. C'était quand même un évènement important. Alors pourquoi les étoiles ne le mentionnaient-elles pas ?
Il passa une grande partie de la soirée à soulager encore quelques maux, mais il n'arrivait pas à se concentrer. Alors, avant de commettre une erreur, il préféra rentrer chez lui. Sa servante lui prépara rapidement un bain dans lequel il se glissa avec un plaisir non feint.
- Tu permets que je fasse trempette avec toi ? fit la voix de son amant qui venait d'entrer discrètement.
- Dohko ? Oui, bien sûr. Viens…
Face à face, les deux hommes se détendaient langoureusement, se touchant, se caressant, discutant parfois. Shion informa Dohko du prochain mariage de la Princesse et sa réaction fut celle qu'attendait le Médecin. Le Maître d'Armes lui sauta dessus pour l'embrasser, faisant une grosse vague qui se déversa sur le sol, vidant le baquet d'une bonne moitié de son eau. Ils en sortirent en riant, se séchèrent et se glissèrent sous les fourrures du lit. Longtemps, ils s'aimèrent avec lenteur, se possédèrent avec force, se menant à tour de rôle vers l'ultime plaisir, vers la jouissance suprême. Celle qui vous vide de toute énergie et vous remplit d'une plénitude béate, d'une langueur bienheureuse et vous rend cette énergie sous forme de force intérieure. Cette extase des corps, des cœurs et des âmes, unis dans une osmose parfaite, vous fait entrevoir le pouvoir infini de l'Amour, vous donnant l'exquise et fugace sensation de tenir l'univers entre vos mains…
A suivre…
J'espère que vous avez aimé. Le prochain chapitre se déroule au Royaume d'Asgard.
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