Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. Je ne retire aucun profit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, sont à moi.

Genre : Univers Alternatif Heroic Fantasy Médiéval Fantastic.

Aventure/Romance/Surnaturel. Certains couples sont très inhabituels. Het, Yaoi et lemon bien sûr.

Rating : M ou NC-18

Les Royaumes du Sanctuaire et d'Asgard, alliés indéfectibles, mènent une guerre contre le Royaume des Océans depuis plus de cent cinquante ans. Au moment où débute cette histoire, les raisons de cette guerre ont été oubliées. Non loin, le Royaume des Ténèbres se relève doucement d'une guerre de succession qui l'a laissé exsangue. Après avoir été ennemis, ils finiront par unir leurs forces pour faire face à une menace bien plus grande encore. De l'action, de la romance, du complot politique, de la magie et des créatures surnaturelles sont au rendez-vous avec de nombreuses références aux mythologies grecque et celtique ainsi qu'au manga original de Masami Kurumada.

N'hésitez pas à donner votre avis et s'il vous plait, ne mettez pas l'histoire en suivi ou en favori sans expliquer pourquoi vous le faites. C'est important pour les auteurs de connaitre les raisons de votre choix. Merci.


Chapitre 25

Année 10219 de la Licorne, fin mai, Royaume d'Asgard et du Sanctuaire…

Aïolia ne put s'empêcher d'éclater de rire en voyant l'air en colère d'Angelo. Le Maitre de Chasse venait de lui apporter des peaux et des fourrures et il trouva son ami debout devant un panier plein de morceaux de cuir tombés de ses travaux qu'il gardait là pour éventuellement les réutiliser. Sauf qu'une chatte avait trouvé l'endroit particulièrement confortable et suffisamment chaud pour mettre bas.

- Tu trouves ça drôle ? râla-t-il en jetant un regard noir à son visiteur.

- Franchement oui ! Ce n'est quand même pas si grave. Et ils sont adorables ces chatons !

- Eh bien puisque tu les trouves si mignons, prends-les chez toi !

- Tu es sérieux ? Tu me les donnes ? s'étonna Aïolia qui ne riait plus.

- Tout à fait.

- D'accord. Quand ils seront plus grands, ils feront de très bons chasseurs de souris. Mais pour l'instant, il vaudrait mieux les laisser ici tant que leur mère les allaite.

- Ne commence à te chercher des excuses ! Dès qu'ils seront sevrés, je les mène chez toi !

- Très bien. Alors, ces peaux ?

- Elles sont très bien. Dommage pour le faon.

- Le cerf que je visais a bougé et j'ai tué sa mère. Il n'aurait pas survécu, il était bien trop jeune. Crois-moi j'ai eu du mal à l'achever.

- Je m'en doute.

- Angelo ! Ils sont là !

- J'arrive !

- Qui donc ? s'enquit Aïolia qui avait sursauté à l'entrée de Saga.

- Ma fille, ma femme, le petit-fils de Tegwen, son intendant et sa mère.

- Ta fille et ta femme ? Ça fait combien de temps que tu ne les as pas vues ?

- Trois ans. La petite a presque sept ans. J'y vais. À plus tard.

C'est en courant qu'Angelo rejoignit Saga qu'il vit aux côtés de Tegwen. Sur la place, un chariot s'était arrêté. Deux enfants en descendirent suivit d'une jeune femme qui se précipita dans les bras du vieil homme.

Quelques années plus tôt, l'Armée des Marinas avait fait une incursion très loin dans les terres du Sanctuaire. Nombreux furent les hommes qui éloignèrent leurs familles d'Égide pour les mettre en sécurité. Saga avait proposé à Tegwen d'envoyer sa bru et son petit-fils dans la famille de la femme d'Angelo qui comptait faire la même chose. Et maintenant que tout semblait se calmer, les familles dispersées se retrouvaient. Du chariot suivant descendit une jeune femme aux cheveux d'un bleu sombre comme ses yeux et vêtue d'une jupe prune et d'un corset lilas. La petite fille rejoignit sa mère qui semblait chercher quelqu'un des yeux.

- Geist !

Elle se tourna pour voir Angelo se précipiter vers elle. Son visage se ferma. Et alors que le Maitre Tanneur allait la prendre dans ses bras, elle lui assena une gifle magistrale. Autour, les gens les observèrent, certains surpris, d'autres amusés. Angelo se figea et massa sa joue.

- Moi qui croyais que tu serais contente de me revoir…

- Espèce de mufle ! Ça fait six mois que tu n'as donné aucune nouvelle ! cria la jeune femme. C'est vrai que je suis très contente de te revoir ! Mais je rêvais de cette gifle à un point que tu n'imagines pas ! J'étais morte d'inquiétude.

- Ça y est ? Tu as fini ? Je peux vous prendre dans mes bras maintenant ?

Geist regarda son mari et ses yeux s'emplirent brusquement de larmes. Angelo prit sa fille d'un bras et de l'autre il serra sa femme.

- Bon retour parmi nous, Geist !

- Merci Saga…, fit-elle en serrant la main qu'il avait posée sur son épaule.

- Comment ça s'est passé entre les deux petits ?

- Très bien. Ils se disputent de temps en temps comme tous les gamins de cet âge mais Govran (1) considère Ewena (2) comme sa petite sœur alors il ne faut surtout pas y toucher. Mared (3) aussi avait hâte de revenir.

- C'est la belle-fille de Tegwen dont je t'ai déjà parlé, précisa Saga à l'adresse d'Angelo.

- Elle aussi est tisseuse et nous travaillerons ensemble, déclara Geist en ôtant une mèche de cheveux collée sur la bouche de sa fille.

- Vous allez travailler pour Maitre Arachnée ?

- Lui ou un autre, aucune importance. Tant qu'on travaille, c'est ce qui compte.

- Maman, je vais plus voir Govran ? demanda la petite fille, les yeux tristes.

- Bien sûr que tu le verras, la rassura son père. Ils vont vivre un peu plus loin avec sa mère, mais tu le verras.

- Vous irez à l'école ensemble, vous vous verrez tous les jours, rajouta Saga. Bon, je vous laisse, je vais les aider à s'installer.

- Merci, à plus tard, lui lança Angelo alors qu'il emmenait sa famille chez lui.

Il retourna chercher les bagages de Geist et Ewena et remercia l'homme qui avait conduit le chariot. Lorsqu'il rentra, il les trouva toutes les deux en admiration devant la chatte et ses petits. Il eut un sourire tendre et s'approcha.

- Ils sont adorables, lui dit sa femme. Tu vas les garder ?

- Aïolia a dit qu'il allait les prendre. En plus elle m'a gâté les morceaux de cuirs que je gardais ici.

- Papa, on peut en garder un s'il te plait ? fit sa fille en le regardant, les yeux brillants.

- C'est toi qui devras t'en occuper alors, fit-il en s'accroupissant devant la petite fille.

- Promis, déclara-t-elle, un sourire lumineux aux lèvres.

Elle se détourna pour continuer à regarder les chatons. Angelo se redressa et essuya une larme. Il était tellement heureux de les retrouver toutes les deux qu'il en aurait hurlé de joie.

- Qu'est-ce que tu as ? demanda Geist alors qu'ils s'étaient éloignés de leur fille.

- J'avais tellement peur qu'elle ne me reconnaisse pas… qu'elle m'ait oublié…, avoua-t-il en enlaçant son épouse.

- Aucun risque, le rassura-t-elle. Je lui parlais de toi tous les jours, en lui disant comment tu étais… Tes cheveux en bataille… tes yeux si bleus qu'on pouvait s'y noyer… tes mains si fortes pour la protéger…

Geist avait enroulé ses bras autour du cou de son mari et chaque énumération était ponctuée d'un baiser d'une folle tendresse. Angelo ne résista pas bien longtemps et la serra contre lui. Et tout en caressant son dos, il enfouit son visage dans son cou qu'il embrassa. Il gronda de frustration lorsqu'elle s'éloigna de lui, un sourire taquin aux lèvres.

- Il faut qu'on range nos affaires et que je nettoie sa chambre, objecta-t-elle devant son air renfrogné. Je suppose que tu ne l'as pas ouverte depuis qu'on est parti ?

- Pas souvent, c'est vrai.

- Alors va t'occuper de tes peaux pendant je nous réinstalle ici. Et ce soir, quand elle dormira, je te montrerai à quel point tu m'as manqué, promit-elle, une lueur aguicheuse dans le regard.

Angelo sourit de toutes ses dents et s'en retourna dans sa boutique tandis que Geist appelait sa fille pour qu'elle vienne l'aider.

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Saga chevauchait aux côtés du chariot de Tegwen qui contenait les affaires de Mared et Govran et ils avaient pris la direction du domaine Gemini. Il les entendait parler sans vraiment saisir leurs paroles. Il était heureux de voir une autre famille réunie. Il pensa alors à son frère dont il avait la certitude qu'il était encore en vie et songea qu'un jour, eux aussi auraient peut-être la chance de se retrouver.

Ils arrivèrent devant la maison de l'intendant et le chariot fut rapidement déchargé. Saga ne se souvenait plus qu'elle ne comportait que deux chambres. Celle de Tegwen et de feu son épouse et celle de leur fils. À l'évidence, il allait falloir agrandir la demeure. Govran ne voudrait certainement pas dormir avec son grand-père ou sa mère.

- Tegwen ! l'appela Saga. Govran va avoir besoin de sa chambre. Tu devrais commencer à faire une liste de ce dont tu auras besoin pour la construire.

- Mais… Seigneur Saga !

- Quoi ? N'ai-je pas raison ? sourit-il en voyant la mine stupéfaite de son intendant.

- Eh bien… je ne sais pas… peut-être…

- Tu peux la faire au-dessus et nous élèverons le toit. Réfléchis et dis-moi ce que tu en penses. Je demanderai à Aliandro de te fournir le bois nécessaire à la charpente. C'est pendant la belle saison qu'il faut faire ce genre de travaux.

Il s'éloigna, laissant là le pauvre homme, complètement hébété. Puis Tegwen rentra et vit avec plaisir que sa belle-fille faisait chauffer de l'eau pour préparer une infusion. Il la regarda un moment et songea à son fils. Comme il aurait aimé qu'ils soient tous réunis…

- Je suis désolé pour ta mère, Mared, dit-il se rendant compte qu'il ne savait pas quoi dire, maintenant qu'ils étaient seuls tous les deux.

- Merci père, mais c'est mieux pour elle. Ses souffrances étaient terribles les derniers temps. Il valait mieux que ça s'arrête.

- Je suppose que tu as raison. Si tu le souhaites, nous irons nous recueillir sur la tombe de ton époux et de ma femme et nous aurons une pensée pour ta mère.

- Pourquoi pas… Je… je vais probablement travailler chez Maitre Arachnée et Govran ira à l'école. À moins que vous n'ayez besoin de moi à la maison.

- C'est parfait ma fille. Tu sais, je n'ai plus de femme à la maison depuis bien longtemps et je me débrouille bien. Et je sais que tu aimes ton métier, finit-il en souriant.

Sourire que lui rendit bien volontiers sa bru. Ils finirent leurs infusions en silence quand Govran entra dans la pièce. Tegwen regarda son petit-fils et ses yeux s'emplir de larmes.

- Qu'y a-t-il grand-père ? demanda le jeune garçon en s'approchant.

- Tu ressembles beaucoup à ton père au même âge. Ça fait remonter tout un tas de souvenirs à ma mémoire et surtout, ça me rappelle qu'il n'est plus là et qu'il me manque terriblement.

- Moi aussi, il me manque, répondit Govran en passant un bras autour des épaules du vieil homme qui le serra contre lui. Et à maman. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de lui mais ils sont tous très agréables.

- Alors tu dois les préserver précieusement, tu ne dois jamais les oublier, lui dit sa mère d'une voix douce.

- Je vous ai entendu parler de sa tombe… On peut y aller maintenant ?

Les deux adultes se regardèrent un peu surpris mais surtout très fiers de cet enfant qui bientôt n'en serait plus un. Mared prit un châle et s'enroula dedans. Ils sortirent et prirent la direction d'une colline où l'on distinguait une clôture de pierres. En s'approchant, ils virent les pierres tombales qui s'élevaient du sol herbeux. Le cimetière d'Égide. Tegwen les devança pour les guider jusqu'à la tombe de son fils et son épouse. Ils s'y arrêtèrent, silencieux. Mared déposa les fleurs qu'elle avait cueillies en route et essuya ses larmes d'un revers de main. Son beau-père entoura ses épaules de son bras et Govran se recula contre eux. Ils formaient une famille, ils étaient tout ce qui restait aux deux autres. Mared avait perdu son père à la guerre alors qu'elle n'était encore qu'un bébé et Tegwen l'avait un peu remplacé. Sa mère était aide-soignante et il arrivait qu'elle laisse sa fille seule. Alors Tegwen lui avait proposé de la faire dormir chez lui. C'est comme ça que les deux enfants s'étaient rencontrés et que plus tard, ils s'étaient mariés. La mère de Mared ne la rejoignit dans la famille d'Angelo que bien trop tard. Shion, avait dû la menacer des pires maux pour qu'elle accepte de s'en aller pour se reposer. Elle était déjà bien malade et le Médecin Royal savait qu'il ne pouvait plus rien pour elle. Peut-être que la vie paisible qu'elle aurait auprès de sa famille rallongerait le temps qui lui restait. Et l'an dernier son calvaire avait pris fin. Sans le soutien de Geist, Mared aurait dépéri. Heureusement qu'elle avait Govran. Puis l'annonce du mariage de la Princesse était arrivée et tous avaient compris qu'ils allaient rentrer chez eux.

Maintenant, ils étaient là, tous les trois, et la vie continuait, comme elle le fait toujours, inexorablement. Ils repartirent vers la petite maison et en la voyant de loin, Tegwen sourit en l'imaginant avec un petit étage.

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Chaque jour avait son lot de joyeuses retrouvailles entre les membres d'une famille. Les soldats étaient de plus en plus nombreux à revenir du sud et les cris, les pleurs, les effusions de joie étaient bien agréables pour le moral. Parfois, il arrivait qu'un chariot ramène un corps sans vie et là le chagrin et la tristesse prenait le pas sur la gaité. Les réparations des routes et des rues avançaient bien et chacun mettait tout son cœur à l'ouvrage. Une grande place avait été aménagée et le sol recouvert d'une couche de paille pour les commerçants. Le marché voyait arriver des marchands tous les jours plus nombreux. Les échanges marchaient de mieux en mieux.

Derrière les murs de la Cité, les soldats avaient retrouvé leur caserne depuis l'ouverture du dispensaire. Les entrainements continuaient toujours aussi intenses, mais ils se faisaient dans une ambiance beaucoup moins tendue. Et la perspective de la Fête de l'Été mettait tout le monde en émoi. Enfin, presque tout le monde. La Princesse Saori était de plus en plus sombre à mesure que les jours passaient et qu'ils la rapprochaient de son départ pour Atlantis. Son trousseau était presque terminé et elle n'avait plus aucune excuse pour repousser encore ce jour fatidique. Elle sentait l'étau de son destin se resserrer un peu plus chaque jour. Cette année encore, elle serait choisie pour mener le culte de la fertilité qui annoncerait le début de la Fête. Elle se demandait quel intérêt que ce soit elle puisqu'elle ne participerait pas aux élans de luxure et de débauche qui aurait lieu pendant trois nuits. Mais hormis cela, elle pouvait profiter des festivités. Encore fallait-il qu'elle le veuille. Et c'est ce dont ses deux Dames de Compagnie essayaient de la convaincre.

- J'adore les cracheurs de feu, disait Shunrei. C'est quand même dangereux ce qu'ils font mais c'est si beau.

- Moi je suis impressionnée par ceux qui présentent les serpents, fit Seika à son tour. Je ne sais pas comment ils font pour toucher ces bestioles. C'est répugnant !

- Et vous Altesse, qu'aimez-vous ?

- Je ne sais pas, Shunrei, répondit la Princesse d'un ton contrarié, preuve de son désintéressement des évènements cette année.

Les deux jeunes femmes faisaient tout ce qu'elles pouvaient pour tirer un sourire, même triste, à leur Princesse. Mais leurs efforts étaient bien mal récompensés.

- Comment allez-vous profiter des festivités Ikki et toi ? demanda malicieusement Shunrei d'une voix basse pour ne pas attrister davantage Saori qui n'en profiterait que d'une partie seulement.

- Eh bien… Nous allons essayer de voir le plus de choses possible et le soir venu, nous…, répondit Seika sur le même ton, laissant volontairement sa phrase en suspend, ce qui fit sourire son amie.

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Depuis que le Roi avait annoncé le mariage de sa fille et ordonné que de gros travaux de réfection de la Cité soient entrepris, Égide n'avait plus le même visage. Elle qui, quelques semaines plus tôt, ressemblait à une ville décrépite, voyait désormais les façades de ses maisons fleuries, tout ce qui était cassé était réparé ou remplacé, les ornières des routes avaient été bouchées et le ruisseau qui s'écoulait au milieu de la rue principale en provenance du trop-plein de la vasque de la fontaine du Gorgonéion avait été drainé afin qu'il ne déborde plus. Sur le marché, les cris des vendeurs qui vantaient leurs produits s'élevaient comme une clameur joyeuse que, parfois, le vent portait jusqu'au Palais de Marbre.

Dans son bureau, le Roi écoutait le rapport du Seigneur Dégel. De ce qu'il avait pu en découvrir, il y avait des espions à Égide. Ceux qui avaient été capturés et interrogés n'avaient, à première vue, aucune mission de sabotage. Ils n'étaient là que pour recueillir des renseignements. Il y avait également des Amazones et Mitsumasa se doutait bien qu'Antiope était déjà avertie du mariage de Saori. Mais le Sanctuaire était en paix avec Amazia. Même si les relations diplomatiques étaient rompues entre les deux états, il n'y avait aucune animosité entre eux qui aurait pu justifier des actions dans l'ombre. Le Ministre des Renseignements avoua son échec à capturer les espions des Ténèbres. Ceux-ci avaient réussi à glisser entre les doigts de ses hommes. Bien sûr, tous les hommes et femmes arrêtés étaient pour l'instant emprisonnés. Peut-être pourraient-ils faire plus tard, l'objet d'un échange. Le Ministre Dégel était réaliste. Ses propres espions pouvaient très bien eux aussi avoir été découverts.

Le Roi reçut ensuite le Seigneur Cardia qui lui fit un rapport plus qu'encourageant sur le nettoyage de la ville et de la bonne marche du dispensaire sous la direction de Shion qui ne quittait quasiment pas le lieu. Le Médecin lui avait confié qu'il espérait guérir un maximum de patients pour leur permettre d'assister aux festivités. Le Roi sourit, reconnaissant bien là son Conseiller. Puis le Ministre du Commerce lui confirma que tous les lieux retenus pour les spectacles et les joutes étaient prêts. Les places de marché avaient été aménagées pour être mieux organisées. Depuis longtemps le placement des étals était anarchique mais là le Seigneur Régulus avait ordonné que de larges allées soient créées pour permettre aux gens de circuler plus facilement. Et les commerçants qui vendaient le même genre de produits étaient regroupés. On ne trouvait plus de poissonnier à côté d'un marchand de tissus.

Seiya traversait le marché en saluant les vendeurs qui le reconnaissaient. L'un d'eux lui lança une pomme dans laquelle il mordit à belles dents en remerciant l'homme avec un grand sourire. Mais si toute cette atmosphère légère le rendait heureux, il ne pouvait s'empêcher de penser à son ami Hyoga. C'était d'ailleurs chez lui qu'il se rendait pour prendre de ses nouvelles. Depuis son retour, le descendant de la Maison du Cygne n'était pas sorti de chez lui. Il avait eu un entretien avec le Roi à son arrivée et depuis, il s'était claquemuré dans son appartement.

Arrivé devant la porte, le jeune Lieutenant hésita un instant. Il s'était répété tout le long de son trajet les arguments qu'il allait présenter à Hyoga mais maintenant, il n'était plus tout à fait convaincu de leur légitimité. Et puis surtout, il ignorait ce qui pouvait mettre son ami dans un tel état. Pour qu'il ne prévienne personne de son retour, même sachant que cela finirait par se savoir, c'est qu'il y avait autre chose derrière. Il toqua à la porte.

- Entrez, fit une voix qu'il ne reconnut pas sur le moment.

- C'est moi, Seiya, fit-il en cherchant des yeux l'occupant des lieux.

La pièce était sombre, les tentures n'avaient pas été tirées. Il y avait une odeur de vin aigre et de nourriture avariée qui flottait dans l'air. Sur le sol, des vêtements trainaient.

- Hyoga ?

- Ici…

La voix provenait de la chambre. Il entra et trouva son ami avachi sur un fauteuil devant la cheminée, une coupe à la main.

- Seiya… viens… assieds-toi… Sers-toi à boire…

Mais au lieu de ça, il alla ouvrir la fenêtre. Une lumière vive entre dans la pièce et Hyoga eut un gémissement de contrariété en détournant la tête.

- Je suis venu voir mon ami Hyoga, commença Seiya en se plantant devant le jeune homme. Vous ne l'auriez pas vu pas hasard ?

Hyoga leva les yeux vers lui, un rictus aviné aux lèvres. Un petit rire lui échappa et il porta la coupe à ses lèvres pour la vider d'une traite avant de la poser sur la petite table à sa portée.

- L'ironie ne te va pas, rétorqua l'Ambassadeur, tu n'as aucun talent pour ça.

- Je peux savoir ce qui t'arrive ? demanda Seiya sans relever la pique. On était content de savoir que tu rentrais, mais tu n'as même pas daigné nous saluer. Estimes-tu que ta fonction te place au-dessus des autres ? Tu es un diplomate et nous ne sommes que de simples soldats idiots incapables de comprendre les subtilités de la politique ? C'est ça ?

- Mais non… Et tu le sais… Ça n'a rien à voir avec vous…

- Hyoga, que t'arrive-t-il ? demanda Seiya d'une voix douce en s'asseyant dans le fauteuil face à celui de son ami.

L'Ambassadeur garda les yeux sur les flammes de l'âtre un long moment, et lorsqu'il regarda son ami, une larme glissa sur sa joue.

- Hyoga…

- Elle est morte…

- Qui donc ?

- La femme dont j'étais amoureux et que je comptais demander en mariage…

- Par tous les Dieux… Hyoga, je suis désolé…

- Je n'ai plus goût à rien… J'ai juste envie de la rejoindre…

- Tu n'as pas le droit de dire ça ! s'écria le jeune Lieutenant. Tu n'es pas seul, tu sais que tu peux compter sur nous.

- Et comment ? L'un de vous va-t-il la remplacer ? répondit le jeune homme d'un ton amer.

- Partageait-elle tes sentiments ?

- Je ne sais pas, mais parfois, il me semblait que je ne lui étais pas indifférent…

- Elle était dans l'entourage de la Reine Hilda ?

- Oui, Freya était la sœur de l'Ambassadeur d'Asgard, Albéric de Megrez.

- Je crois que je comprends ce que tu peux éprouver…

- Et comment le pourrais-tu, Seiya ? Tu n'as pas perdu la femme que tu aimes ! s'emporta Hyoga.

- Si… quelque part… je l'ai perdue…

- Quoi ?

- Tu étais déjà à Asgard quand… quand Saori et moi avons commencé à nous voir en secret, avoua le représentant de la Maison de Pégase.

- Toi et Saori ? Tu plaisantes ! s'écria Hyoga en se redressant vivement sur son siège dans lequel il était vautré.

- Non, pas du tout. Et maintenant, elle va partir pour épouser le Prince Julian. Alors même si elle est toujours en vie, je l'ai perdue.

- Je ne sais pas quoi te dire…

- Il n'y a rien à dire. C'est comme ça… La vie continue…

- La vie continue, oui… sans se soucier des malheureux qu'elle oublie derrière elle…

- Hyoga, viens nous voir, reprit Seiya sans relever la dernière phrase remplie d'amertume de son ami. Viens t'entrainer avec nous. Ça te changera les idées. Tu ne peux pas rester comme ça et je suis certain que Freya ne voudrait pas te voir ainsi.

- Tu as sans doute raison, répondit le jeune homme. Comment vont les autres ?

- Ikki a épousé Seika, Shun a été promu Lieutenant et Shiryu ne va sûrement pas tarder à demander la main de Shunrei. Ça leur fera plaisir de te voir. Et toi ça te fera du bien.

- J'ai l'impression d'avoir été absent pendant une éternité…

- Il faut que je te laisse, je dois aller entrainer les dernières recrues, mais demain je veux te voir à la caserne. D'accord ?

- D'accord, répondit Hyoga en raccompagnant son ami jusqu'à la porte. Seiya ?

- Qu'y a-t-il ?

- Merci.

Celui-ci sourit et disparut à l'angle du couloir. Il se hâta de rejoindre ses amis à qui il relata sa visite à Hyoga.

- C'est triste, fit Shun en faisant des moulinets avec son épée. Mais il s'en remettra. Il lui faut juste du temps.

- S'il vient demain, nous verrons comment il se porte, rétorqua Shiryu. Allons voir les recrues.

- Maitre Dohko est en train de les terroriser, sourit Ikki. Montrons-leur qu'il y a des soldats qui n'ont pas peur de lui.

- Fais attention à ce que tu dis, Ikki, le reprit Seiya en souriant. Dohko est redoutable. Rappelle-toi du combat contre Albior et nous sommes loin d'avoir le niveau du Colonel.

Les quatre jeunes gens prirent la direction de l'aire d'entrainement et observèrent le Maitre d'Armes jouer les tyrans. Un rôle qu'il adorait.

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Marine tira sur les rennes de son cheval qui s'arrêta. Aïolia se retourna et la regarda en souriant.

- Vas-tu enfin me dire ce que nous faisons ici ? l'apostropha-t-elle, amusée.

Le représentant de la Maison de Léo sourit et revint vers elle. Un peu plus tôt, il avait été la voir en lui amenant son cheval et lui avait proposé une promenade. Elle avait accepté. Le Maitre de Chasse était en permanence ou presque avec ses hommes en forêt pour rapporter du gibier et il avait peu de temps libre. Aussi la jeune femme avait-elle saisi l'occasion de passer un moment avec lui. L'un et l'autre connaissaient leurs sentiments, mais ils étaient maladroits pour les montrer. Aïolia avait fini par se jeter à l'eau.

- Le lac n'est pas loin, on pourrait se baigner, déclara-t-il de but en blanc.

Marine ouvrit des yeux ronds de surprise. Prendre un bain pourquoi pas, vu la chaleur qu'il faisait, mais cela impliquait qu'il fallait se déshabiller et être… nu ? Face à l'autre. Ce qui semblait être moins gênant pour lui que pour elle. Elle vit l'éclat de défi qui passa dans les yeux du Maitre de Chasse et cela piqua sa fierté.

- Bonne idée, répondit-elle.

Elle talonna sa monture qui partit au galop suivit de près par son compagnon. Ils arrivèrent sur les berges du lac Tirynthe dans un tonnerre de sabots et démontèrent. Après avoir attaché leurs chevaux, la jeune femme se dirigea vers l'eau où elle trempa la main.

- Elle est fraiche, mais ce sera un régal, dit-elle en commençant à se débarrasser de sa brigandine sous les yeux surpris d'Aïolia.

- Je voulais effectivement te demander quelque chose, fit-il en l'aidant à défaire une attache.

- Et quoi donc ?

- Voudrais-tu m'accompagner à la Fête de l'Été ?

- Tu n'avais pas besoin de m'amener ici pour me le demander, répondit-elle en se retournant pour planter ses yeux dans les siens.

- L'endroit ne te plait pas ?

- Si, beaucoup.

- Alors ? Tu m'accompagnes ?

- Oui, je t'accompagne.

Elle alla derrière son cheval pour finir de se dévêtir et quand Aïolia la vit sortir, il se tourna pour ne pas la mettre mal à l'aise. Il connaissait sa pudeur et il était plutôt décontenancé de la voir agir de la sorte. Il se retourna lorsqu'il entendit les premières éclaboussures.

- Alors ? cria-t-il.

- Ça fait un bien fou ! Viens !

Le jeune homme ne se fit pas prier. Il se déshabilla à son tour et Marine ne put s'empêcher de jeter un œil discret au corps qui entrait dans l'eau pour la rejoindre. Elle sentit son cœur accélérer sa cadence et un frisson délicieux lui dévala l'échine. Elle nagea lentement et se laissa porter par l'eau.

- C'est vrai qu'elle est bonne, fit la voix de son compagnon, tout près d'elle.

- Je vais certainement faire partie de l'escorte de la Princesse lorsqu'elle ira à Atlantis, lui confia-t-elle en se rapprochant de lui.

- Tu seras absente pendant au moins un mois, alors.

- Au bas mot. Même si nous voyagerons plus vite au retour, un mois semble une bonne estimation mais je tablerais plutôt sur cinq semaines.

- Cinq semaines sans te voir, ça va me paraitre très long…

- À moi aussi…

D'un même mouvement, ils se rapprochèrent pour s'enlacer et échanger un baiser très tendre. Mais le manque de stabilité força Marine à s'agripper davantage aux larges épaules de son compagnon. Elle ne tarda à percevoir son désir contre son ventre et s'écarta pour le regarder en souriant doucement.

- Je ne suis pas de marbre, dit-il en répondant à son sourire.

- J'espère bien, rétorqua-t-elle en recommençant à l'embrasser.

Aïolia la serra contre lui et approfondit leur baiser. La jeune femme y répondit avec ardeur et enroula ses jambes autour des hanches du Chasseur. Cette fois-ci, les choses iraient plus loin. Beaucoup plus loin. Jusqu'au bout. Elle voulait cet homme, elle le désirait. Elle avait souvent rêvé de ce moment. Et il n'était pas question qu'il lui échappe. Elle d'ordinaire réservée, se découvrait entreprenante.

- Marine, souffla Aïolia en s'écartant de son visage.

- Oui ?

- Épouse-moi. Pendant la Fête de l'Été. Inutile d'attendre plus longtemps. On s'aime.

- La Fête a lieu dans deux jours… Si j'accepte de t'épouser, tu comptes attendre notre nuit de noces pour me faire l'amour ?

- Les mariages célébrés pendant ces trois jours sont bénis des Dieux et promis au bonheur et à la prospérité.

- Ce n'est pas ce que je te demande, fit-elle, taquine en se collant encore plus contre le corps puissant qui la soutenait.

- Mmh… Marine… Je…

- Moi je n'attendrai pas deux jours de plus…

Vaincu dans son cœur et dans son corps, Aïolia l'embrassa à lui faire perdre la tête. Lentement, il s'était rapproché de la berge et sortit de l'eau. Leur nudité ne semblait plus les gêner et après avoir étalé leurs vêtements sur le sol, ils s'allongèrent, enlacés. Là, à l'ombre bienfaisante d'un immense saule pleureur dont les branches atteignaient presque le sol, ils se donnèrent l'un à l'autre avec tendresse et passion. Aïolia se reput d'elle comme un fauve affamé. Il couvrit sa peau de baisers brulants et de caresses incendiaires. Parfois, entre deux soupirs, un gémissement leur échappait. Il avait l'impression d'évoluer dans un rêve. Un de ceux qu'il faisait souvent et où Marine tenait la première place. Il reproduisait les mêmes gestes, prononçait les mêmes mots sauf qu'à cet instant précis, ce n'était plus un rêve.

- J'accepte d'être ta femme, entendit-il à son oreille avant de sentir des dents la mordiller tendrement.

- Alors sois-le… Maintenant…

Et d'un mouvement lent et précautionneux, il la posséda. Une légère grimace passa sur les traits de la jeune femme mais dans le même temps, elle se cambra entre ses bras et un long râle sortit de sa gorge. Lui-même crut défaillir en se sentant happé dans les profondeurs chaudes de son ventre. Il appuya son front entre les seins gonflés de désir et attendit jusqu'à que cette vague de volupté s'apaise pour lui permette de se mouvoir enfin en elle et lui faire découvrir l'extase des corps.

Un léger souffle d'air rafraichissait de temps à autre leurs corps luisants de sueur. La mélodie de leurs gémissements s'accordait avec les trilles des oiseaux. Un cri de plaisir les fit taire un bref instant puis ils chantèrent de plus belle. Aïolia sentit qu'il atteignait le point de non-retour. Dans un violent effort de volonté, il délaissa le corps de la jeune femme pour lui faire découvrir d'autres sensations. Il dévora jusqu'à plus faim la poitrine, le ventre et les cuisses qui s'ouvrirent naturellement sous ses attentions. Marine n'avait jamais eu d'amant mais elle n'était pas ignorante de ces choses-là. Elle ne put retenir un violent sursaut de surprise lorsqu'elle sentit la langue du Chasseur se frayer un chemin dans les replis les plus secrets de son corps. Ce fut comme si celui-ci échappait à tout contrôle. Son excitation atteint son paroxysme et le plaisir qui la foudroya lui fit perdre la notion de tout ce qui l'entourait.

Elle sentit Aïolia prendre à nouveau possession d'elle et sans vraiment savoir ce qu'elle faisait, elle agrippa ses fesses pour le pousser plus loin. Toujours plus loin. Il était au bord de la rupture. Sentir la femme qu'il aimait répondre si bien à ses attentions, la voir se tendre de plaisir entre ses bras, l'entendre gémir son émoi, tout cela eut bientôt raison de sa résistance. Dans un dernier mouvement de hanches, il s'abima dans son corps. Les muscles tétanisés par la violence de sa jouissance, son cri lui resta bloqué dans la gorge et ce n'est qu'un grondement rauque et convulsif qu'il laissa échapper avant de s'effondrer sur elle.

Le soleil déclinait lorsqu'ils s'éveillèrent encore enlacés. Le sommeil les avait fauchés sournoisement après cette première étreinte. Ils rentrèrent à Égide et retournèrent à leurs devoirs après quelques derniers baisers. Aïolia regarda la jeune femme s'éloigner et songea qu'il allait devoir lui mentir. Il décida d'aller voir son cousin. Il le savait avec Shaina depuis un certain temps et il voulait savoir comment celui-ci faisait pour ne pas lui avoir révélé son secret. Leur secret.

Marine, quant à elle, n'arrivait pas à se départir de cette étrange impression. Elle sentait de manière instinctive que, celui qu'elle pouvait désormais appeler son fiancé, lui cachait quelque chose. C'était flou. Elle n'aurait pu l'exprimer clairement avec des mots, mais elle en était de plus en plus persuadée. Elle devrait s'en ouvrir à Shaina. Après tout, son amie fréquentait Aïoros et il arrivait de voir les deux hommes parler à voix basse. Ou bien alors elle imaginait des choses et elle ne parvenait pas à maitriser le côté méfiant et suspicieux de son caractère. Sa mission auprès de la Princesse la préoccupait peut-être trop et troublait son jugement.

Aïolia trouva son cousin sur l'aire d'entrainement des archers, comme de bien entendu. Aïoros était un bourreau de travail et n'était jamais satisfait de ce qu'il était capable d'accomplir avec un arc à la main. Le Maitre Archer le vit de loin et alla vers lui.

- Tu viens t'entrainer ?

- Non, il faut que je te demande quelque chose. Je t'offre une bière ?

- Pourquoi pas ? Je vais ranger le matériel.

- Je m'occupe de ton cheval.

Les deux hommes se retrouvèrent devant l'écurie puis ils allèrent s'asseoir dans une taverne. Ils demandèrent un pichet de bière qu'une jeune serveuse leur apporta avec un sourire sympathique.

- Alors ? Que veux-tu me demander ? commença Aïoros en avalant une gorge de son breuvage.

- Marine va certainement faire partie de l'escorte de la Princesse.

- Ça ne me surprend pas. C'est un excellent soldat.

- Elle a aussi accepté de m'épouser pendant la Fête de l'Été.

Aïoros manqua de s'étrangler avec sa boisson. Il toussa, se frappa la poitrine et regarda son cousin d'un air ébahi.

- Mais c'est merveilleux ! Bravo cousin ! s'écria le Maitre Archer. Eh ! Écoutez tous ! lança-t-il aux personnes présentent dans la taverne. Mon petit cousin va se marier ! C'est ma tournée !

Des cris de félicitations fusèrent et certains osèrent même une claque amicale sur l'épaule d'Aïolia qui se sentit brusquement gêné d'être le centre d'attention.

- 'Ros, ça suffit, protesta-t-il en plongeant le nez dans sa coupe.

- Vous allez vous installer chez toi en ville ? demanda l'ainé, redevenant plus pragmatique tandis que les effusions se calmaient.

- Certainement… Au début en tout cas, le temps que je fasse remettre en état mon appartement au Palais.

- Remettre en état ?

- Il y a si longtemps que je n'y vis pas qu'il doit être poussiéreux et sentir le renfermé.

- Mmh… Tu voulais me demander quelque chose ?

- Oui… À propos de… de qui nous sommes…, murmura le descendant de la Maison de Léo.

- Tu vas être obligé de lui mentir, déclara Aïoros sur le même ton, comprenant immédiatement où son cousin voulait en venir. Je sais, poursuivit-il en voyant que son cousin allait protester. Je mens à Shaina et ça ne me plait pas non plus. Ce n'est pas la meilleure façon d'entamer une vie de couple.

- Ce n'est pas vraiment un mensonge, plutôt… une omission.

- Ça revient au même. Nous n'avons pas le choix. Et si elles venaient à l'apprendre, nous gèrerons le problème le moment venu. Mais ça ne devrait pas arriver.

- Ce n'est guère agréable. Connaissant le caractère de Shaina, je ne donne pas cher de ta peau, tenta de plaisanter Aïolia en terminant sa bière.

- Chaque chose en son temps…

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L'entrainement tirait à sa fin et les soldats commençaient à se rendre à l'armurerie pour ranger le matériel qu'ils avaient utilisé. C'est là que Marine intercepta Shaina pour l'inviter à diner avec elle.

- Mes parents vont se coucher tôt, lui confia-t-elle en débarrassant la table. Nous pourrons parler tranquillement.

- Ils sont adorables, observa son amie. La mort de ton frère les a beaucoup peinés, mais ils font face avec courage.

- Ils ont eu du mal à avoir des enfants. La naissance de Toma (4) relevait du miracle pour eux, sourit Marine en faisant la vaisselle.

- Et la tienne alors ! rit Shaina qui essuyait les couverts.

- Sûrement aussi… Toma était très protecteur avec moi quand on était petit. On avait trois ans d'écart. J'avoue qu'il me manque beaucoup. Je me dis que si cette guerre avait pris fin plus tôt, il serait encore là.

- Tu te fais du mal en pensant comme ça. Les choses arrivent quand elles doivent arriver.

- Ils sont couchés, chuchota Marine en se penchant pour voir la porte de la chambre fermée.

- Alors, de quoi veux-tu me parler ? demanda Shaina de but en blanc, en s'asseyant à la table de la cuisine.

- D'abord, je vais me marier dans deux jours, sourit la représentante de la Maison de l'Aigle. Je n'ai encore rien dit à mes parents. Et voudrais-tu être mon témoin ?

- Aïolia s'est enfin décidé ! s'écria la jeune femme. Il était temps ! Félicitations. Tous mes vœux de bonheur. Et oui, j'accepte avec plaisir d'être ton témoin.

- Merci, sourit Marine. Mais ce n'est pas de ça que je veux te parler.

La jeune femme but une gorgée de l'infusion qu'elle leur avait préparée et lui expliqua ce qu'elle éprouvait. Par moment, elle cherchait ses mots parce qu'elle avait du mal à comprendre elle-même ce qu'elle ressentait.

- Tu apportes de l'eau à mon moulin, lui répondit Shaina. J'ai aussi cette sensation avec Aïoros. On dirait qu'ils cachent quelque chose tous les deux.

- J'ai même cru que j'étais trop anxieuse à propos de notre mission et que j'imaginais des trucs, mais si toi aussi tu penses ça…

- Je me suis dit qu'ils étaient peut-être au service du Seigneur Dégel et qu'ils étaient sur une affaire d'espionnage ou quelque chose comme ça.

- Ça expliquerait pourquoi ils ont parfois l'air de conspirateurs, plaisanta Marine. Ils doivent échanger des informations.

- Mmh… C'est un raisonnement qui se tient. Tu pourras toujours demander à Aïolia ce qu'il en est quand vous serez mariés. Il n'irait pas jusqu'à mentir à sa femme, quand même.

- Et toi et Aïoros ? Tu vas l'épouser ?

- Encore faut-il qu'il me le demande, répondit la représentante de la Maison du Serpent d'une voix désabusée.

- Tu crois qu'il ne fera pas ?

- Je ne sais pas… Il n'a pas l'air pressé, en tout cas…

- Et toi tu es folle de lui.

- On ne peut rien te cacher. Je sais que c'est l'homme de ma vie. Je n'ai aucun doute là-dessus. Mais peut-être ne suis-je pas la femme de la sienne.

- Si tu l'aimes à ce point, alors bats-toi. Ne baisse pas les bras et fais en sorte qu'il réalise que tu es celle qu'il lui faut.

- Qui a dit que j'abandonnais ? fit malicieusement la jeune femme. Je pense qu'il est juste un peu long à comprendre, c'est tout, se moqua-t-elle gentiment. Et peut-être que votre mariage lui ouvrira les yeux…

Elles se séparèrent en se souhaitant une bonne nuit et Shaina regagna son appartement. Contrairement à Marine qui vivait avec ses parents, elle était seule. Après la mort de son beau-père, sa mère était repartie vivre dans sa famille à l'ouest du Royaume. Comme Shaina était déjà dans l'armée, elle resta à Égide. De toute façon qu'avait-elle à faire d'une mère qui ne l'avait pas cru quand elle lui avait dit que son beau-père abusait d'elle ? Elles entretenaient une certaine correspondance dans laquelle sa mère faisait semblant de s'enquérir de la santé de sa fille et Shaina de celle de sa mère. Mais ni l'une ni l'autre n'était dupe. Aucune des deux n'était vraiment intéressée par la situation de l'autre. Le Lieutenant se demandait même à quoi rimaient leurs lettres. Elle se rafraichit rapidement et se coucha. Demain serait un autre jour…

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Shaka referma le livre qu'il venait de parcourir et s'appuya sur le dossier de son siège. Depuis trois jours, il avait délaissé son officine d'Écrivain Public en la confiant à son assistant pour se plonger dans les recherches que Shion lui avait demandé de faire avec l'aide de Dohko qui venait de partir. Cela ne représentait pas un travail difficile mais il était fastidieux. Et encore, ce n'était pas le pire. Non. Le pire, il venait d'en avoir un aperçu. Les bras posés sur les accoudoirs, il joignit ses mains et posa sa bouche sur ses doigts. Il finit par pousser un long soupir et quitta la bibliothèque. Après le calme du lieu, il fut un peu surpris de retrouver l'agitation des rues. Les gens s'activaient pour mettre la touche finale aux décorations pour les festivités. La Fête de l'Été. Pour la première fois depuis de nombreuses années, elle allait se dérouler avec une véritable joie. Un vrai bonheur permis par la paix enfin là. Avait-il le droit d'assombrir l'humeur de ses amis ? Devait-il leur dévoiler au plus tôt ce qu'il avait découvert ou bien pouvait-il se permettre d'attendre encore quelques jours ? Cette attente ne risquait-elle pas de les mettre tous en danger ? Si véritablement leur ennemi, quel qu'il soit, utilisait cette Magie ? Tout le monde attendait depuis si longtemps cette ère nouvelle sans totalement y croire. Combien de générations avaient espéré cette paix qui n'était qu'un concept abstrait ? Et maintenant que cela allait devenir une chose concrète, il allait encore falloir se battre. Et cette fois, l'adversaire pourrait bien être le plus redoutable jamais affronté. La Magie elle-même. Certes, le Royaume n'était pas démuni dans ce domaine. Shaka soupçonnait Shion d'être bien plus puissant qu'il l'avait toujours laissé paraitre. Mais en face… En face…

Plongé dans ses pensées, il n'avait pas fait attention que ses pas l'avaient mené jusqu'au dispensaire. C'était la première fois qu'il y mettait les pieds depuis sa mise en fonction. Il trouva l'endroit particulièrement bien agencé et spacieux. Il repéra le Médecin Royal auprès d'un patient. Il avisa une aide-soignante qui lui indiqua où se trouvait le cabinet de consultation. Voyant qu'il n'y avait personne, il entra et s'assit. La femme allait certainement prévenir Shion que quelqu'un l'attendait. Quelques instants plus tard, le Médecin entrait et fermait la porte derrière lui. Il savait parfaitement pourquoi l'Écrivain Public était là.

- À voir ta tête, je sais déjà que je ne vais pas aimer ce que tu vas me dire, fit celui-ci en s'asseyant à son tour derrière son bureau.

- J'ai hésité avant de venir. Je ne voulais pas gâcher ces quelques jours de fête qui arrivent, répondit Shaka, en buvant une gorgée d'l'infusion que lui avait servie son compagnon.

- Dis toujours, ensuite nous verrons si nous attendons ou pas pour en parler aux autres.

- J'ai commencé par Asgard, un allié. Le Royaume semble être sous la protection de Dragons et de Loups. Peut-être de Tigres aussi mais je n'ai pas pu trouver plus de détails. D'ailleurs, c'est là le problème. Les textes parlent de Créatures Magiques mais il n'y a pas beaucoup de précisions. En ce qui nous concerne, ce sont les Minotaures et les Centaures, aucune autre n'est mentionnée. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, peut-être n'ont-elles tout simplement pas été invoquées.

- Si c'était quelqu'un d'autre qui m'avait dit ça, je l'aurais pris pour un fou, sourit tristement le Médecin.

- Ce n'est pas tout, reprit le représentant de la Maison de Virgo. Passons aux Ténèbres. Il est fait mention de Griffons, de Harpies, de Chien ou de Loups énormes et de Vouivres. Amazia serait protégé par des Géants et des Golems de pierres. Je n'ai pas fait de recherche sur Éleusis.

Au dernier énoncé, Shion avait blêmi. Autant de Créatures pour les Ténèbres ? C'était tout simplement terrifiant. Si elles étaient toutes invoquées, les combattre serait pratiquement impossible. Mais il restait l'espoir que ce Royaume ne soit pas leur ennemi. Un bien mince espoir.

- C'est toi qui fais une drôle de tête, maintenant, fit Shaka. J'ai presque des regrets de te l'avoir dit.

- Non, tu as bien fait. Aïolia et Marine doivent se marier dans deux jours, pendant la fête. Je ne veux pas gâcher leur bonheur. Ni celui des autres. Gardons ça pour nous, tu veux bien ?

- Je suis d'accord. Et tâchons de faire bonne figure pour qu'ils ne se doutent de rien.

- Je ne crois pas que Dohko sera dupe. Il me connait trop bien, ajouta le Médecin avec un petit rire. Et les Océans ?

- Dragons des Mers, Elfes des Mers, rien de plus.

- C'est du très bon travail, Shaka. Merci. Si les autres te demandent quelque chose, dis-leur que tu n'as encore rien trouvé. Je nous réunirai tout de suite à la fin des festivités.

- Très bien. Je vais retourner à mon bureau et voir si Shiva ne s'est pas arraché les cheveux, plaisanta Shaka en se levant.

- Je suis certain qu'il s'en est très bien tiré.

- Il est effectivement très efficace, mais il manque encore de confiance en lui. Se retrouver seul à l'office a dû beaucoup lui peser. À plus tard.

- À bientôt.

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Ce fut comme une clameur qui s'éleva progressivement en provenance des faubourgs d'Égide. Un bruit qui mit tous les gardes sur le qui-vive, prêts à toutes éventualités. Mais bientôt ils reconnurent des cris de joie. Le lieutenant Orphée dépêcha quatre hommes qui lui rapportèrent quelques instants plus tard que la Reine Hilda et son escorte venaient de passer au pied de la colline de Star Hill. Immédiatement il envoya un messager au Palais de Marbre pour prévenir le Roi. Celui-ci donna rapidement des ordres pour accueillir son alliée de toujours sachant parfaitement que celle-ci ne se formaliserait pas si le protocole n'était pas observé à la lettre.

À mesure que le convoi s'approchait de la ville, les gens étaient de plus en plus nombreux à le suivre. Un escadron d'une vingtaine de soldats avec les Lieutenants Seiya et Shun à sa tête sortit de la ville pour aller à la rencontre de cette délégation d'Asgard afin de renforcer la protection de la Souveraine. Hilda franchit enfin les murs de la ville et poursuivit sa route jusqu'au Château. En haut des marches de l'entrée principale, Mitsumasa l'attendait avec sa fille. Angus aida sa Reine à descendre de cheval tandis que le Roi s'approchait d'elle.

- Ma chère Hilda ! Quel plaisir de vous revoir ! s'exclama le Souverain en serrant la jeune femme dans ses bras.

- Le plaisir est partagé mon ami, répondit-elle en rendant son étreinte au Roi.

-Venez ! Mes serviteurs vont s'occuper de votre suite.

- Merci. J'avoue que je meurs d'envie de me rafraichir. Saori ? Comme tu as grandi. Tu es resplendissante !

- Soyez la bienvenue, votre Majesté, dit la Princesse en accomplissant une rapide révérence.

Hilda observa la jeune fille et son regard se voila de tristesse. Elle savait que la Princesse était directement concernée par les raisons de son voyage et la voir ainsi insouciante du rôle qu'elle allait tenir dans le destin du monde, bien qu'il soit encore inconnu, lui serra le cœur.

- J'ai voyagé aussi vite que possible, déclara-t-elle à mi-voix au Roi.

Il s'arrêta alors qu'ils traversaient la grande salle de réception et regarda la Reine.

- Pourquoi vous êtes-vous tant hâtée ?

- J'ai de mauvaises nouvelles, mon ami. Aussi aimerais-je rencontrer le Seigneur Shion au plus vite.

- Il s'agit donc de Magie…

- Malheureusement…

Le Roi baissa la tête et reprit sa marche plus lentement.

- Il m'a déjà parlé d'une configuration dans les étoiles qui est en train de se mettre en place et qui ne semble pas être de bon augure.

- S'il n'y avait que ça, je ne me serais pas déplacée. Nous aurons besoin l'un de l'autre pour tenter d'éclaircir un peu ce mystère et nous préparer à ce que nous allons devoir affronter. Si tant est que ce soit possible.

- Je vais le faire prévenir. Nous dinerons ensemble avec vos Chevaliers. Il y a bien longtemps que je n'ai eu d'invités à ma table.

- Ce sera avec joie.

- Voici vos appartements. Une servante vous sera attachée tout le temps de votre séjour.

- Merci. Angus, mon secrétaire, sera ravi d'avoir un peu d'aide. Nous nous voyons au diner.

- Je vous ferai prévenir. Reposez-vous.

Quelques instants plus tard, une femme d'un certain âge rejoignit Angus pour l'aider à préparer un bain pour la Reine. De même que plusieurs serviteurs apportèrent des malles qui avaient été transportées par des chariots qui étaient arrivés après l'escorte royale. Hilda put enfin se détendre dans l'eau chaude tandis que son secrétaire faisait également un brin de toilette dans la chambre attenante à celle de sa Souveraine. Il n'en revenait pas qu'elle lui ait demandé de l'accompagner. Il était vrai également qu'Hilda se déplaçait rarement pour de longs voyages mais qu'elle puisse penser à lui remplissait son cœur de joie.

Pendant ce temps, Shion, qui avait été prévenu que sa présence au diner était requise faisait de même. Il était parti en courant du dispensaire, prenant tout juste le temps de s'arrêter chez Dohko pour lui annoncer la nouvelle et était rentré chez lui pour se préparer. Il se rendit dans la petite salle de réception qui servait à des repas intimes. Le Roi et sa fille étaient là. Et à l'évidence, le Souverain n'avait convié aucun de ses ministres. Hilda fit son entrée en compagnie de Bud d'Alcor et de Mime de Bénétnash suivi de l'Ambassadeur de Mégrez qui affichait une mine fatiguée. Immédiatement Shion ressentit la puissante aura Magique que dégageait la Reine. À tel point qu'il eut, un bref instant, le souffle coupé. Les présentations furent rapides et Hilda insista pour avoir le Magicien à ses côtés.

Les plats qui furent servis n'avaient rien d'exceptionnel mais ils n'en étaient pas moins délicieux. Le Chef Price avait démontré tout son talent de cuisinier. Durant le repas, il ne fut question que de la fin de la guerre, de la Fête de l'Été et du prochain mariage de la Princesse. Hilda ne manqua de remarquer que cette dernière était fort peu enthousiaste au demeurant. Elle n'avait pratiquement pas ouvert la bouche si ce n'est pour manger. Le Seigneur Mime, lui semblait fébrile, comme impatient depuis qu'il avait vu Orphée avec un groupe de soldat qui formaient une haie d'honneur. Il espérait que son amant pourrait se libérer de ses obligations pour le rejoindre. Le Seigneur Bud s'entretenait avec l'Ambassadeur et les deux Souverains suivaient les conversations en intervenant parfois.

À la fin du diner, Hilda, Mitsumasa et Shion se retirèrent dans un petit boudoir. Il fallait aborder des sujets sérieux et pour l'instant personne ne devait savoir de quoi il s'agissait. Ils s'assirent dans de confortables fauteuils recouverts de fourrures d'ours devant la cheminée. Shion servit trois coupes de vin doux.

- Ma chère, commença le Roi, si votre présence m'enchante, elle m'inquiète également au plus haut point.

- Je m'en doute. Le Seigneur Shion a déjà dû vous dire que les étoiles ont tendance à être très bavardes ces temps-ci.

- Tout à fait, et je perçois ses craintes dans les rapports qu'il me fait.

- Sire, je ne saurais minimiser le danger qui nous menace, intervint le Magicien, et connaissant les pouvoirs de la Reine qui sont bien supérieurs aux miens, je dois être loin de la vérité.

- Ne vous sous-estimez pas, mon cher. Je sens une très grande puissance en vous. Mais elle vous fait peur et de ce fait, vous vous bridez. Et c'est bien compréhensible, ajouta-t-elle à mi-voix.

- Hilda, je vous en prie, fit Mitsumasa en se penchant en avant, les coudes sur ses genoux, que va-t-il se passer ?

La Reine tourna son regard vers les flammes de l'âtre et but une gorgée de vin. Elle ne savait par où commencer. Sans cesse, elle revoyait les images de sa transe, le souvenir de cette terreur qu'elle avait éprouvée la faisait toujours frissonner de peur.

- Le message qui dit que le Roi Hadès sera vaincu mais pas perdant se confirme depuis des mois. Mais il y a autre chose derrière cela. Quelque chose de bien plus terrible. Des Créatures Magiques se sont éveillées.

- Des Créatures Magiques ? répéta le Souverain, incrédule.

Devant cette réaction, Hilda comprit que Mitsumasa, s'il connaissait leur existence, ne s'attendait pas du tout à entendre parler. Par contre, lorsqu'elle croisa le regard de Shion, elle comprit que lui savait. Ce qui lui échappait encore, c'était pourquoi il n'en avait pas parlé à son Roi. Peut-être qu'au Sanctuaire, elles n'avaient pas encore fait leur apparition.

- J'avais fini par croire que ces Êtres étaient des histoires pour les enfants, poursuivit le Souverain. Qu'elles faisaient partie des légendes populaires.

- Pas le moins du monde. Elles ont donné naissance à leur propre mythe. Asgard est protégé par des Dragons de Glace et des Loups Ailés. J'ignore si votre Royaume bénéficie d'une telle protection, mentit-elle en croisant les yeux du Magicien par-dessus sa coupe.

- Comment interprétez-vous ces messages, s'enquit Shion, d'une voix neutre.

- Le Royaume des Ténèbres va être confronté à des évènements graves mais derrière cela s'en profilent d'autres, bien plus terribles encore qui n'épargneront aucun d'entre nous.

- Vous voulez dire que nos deux Royaumes, les Océans, les Ténèbres, Amazia et Éleusis seront entrainés dans une nouvelle guerre ? s'effraya Mitsumasa en se renfonçant dans son fauteuil.

- Ce n'est pas impossible, répondit la Reine. Et ce sera un conflit comme personne n'en a encore jamais vu. Mais ce n'est pas tout et c'est ce qui me terrifie le plus.

- Quoi donc ?

- Saori… Elle est en danger. Elle doit partir pour les Océans et épouser Julian au plus vite.

- Ma fille ? Mais comment cela ?

- Je l'ignore. J'ai failli perdre la vie pour le découvrir…

- Hilda !

- C'est ce qui m'a poussée à venir vous voir en personne. Vous en savez autant que moi, mon ami, je suis désolée.

- Non, ce n'est pas votre faute.

- Le voyage m'a fatiguée et je vais me retirer.

- Comment pourrai-je trouver le sommeil en sachant tout ceci… murmura le Roi en se levant.

- Je vais vous préparer une potion qui vous aidera à dormir, dit Shion alors qu'il ouvrait la porte de la pièce devant les deux Souverains.

- Angus va me raccompagner, dit la Reine. Dormez bien Sire.

- Bonne nuit Madame.

- Rastal me in ria arosan maith schriss srel feidar (Rejoignez-moi dans mes appartements aussi vite que possible.)

- Qu'avez-vous dit ? demanda le Souverain en souriant.

- C'est une formule de politesse entre deux Magiciens, mentit Shion à son tour. Cela veut dire "Que votre sommeil vous apporte le repos et la lumière d'un jour nouveau" Et je dois répondre "Oa srel jo ginmelth aigne im soril" (Dès que j'en ai fini avec le Roi) qui signifie "Que cette lumière soit toujours notre guide"

- De bien belles phrases en vérité. Bonne nuit ma chère.

- Bonne nuit mon ami.

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Le Roi avait rapidement sombré dans un sommeil paisible après avoir bu la potion de Shion. Et celui-ci se hâta vers les appartements de la Reine. Angus lui ouvrit et le fit entrer dans le salon. Il lui proposa une infusion que le Magicien accepta avec plaisir.

- Enfin ! fit la voix d'Hilda derrière lui. Restez assis, ajouta-t-elle alors qu'il se levait pour la saluer. Trêve de formalités et de protocole entre nous. Ici, maintenant, il n'y a que deux Magiciens qui parlent la même langue.

- La plus obscure qui soit, sourit Shion.

- Je suis bien d'accord. Je ne vais pas tourner autour du pot. Je sais que vous avez menti pour les Créatures Magiques. Pourquoi ?

- Dans ce Royaume, les Souverains préfèrent ignorer ce qu'ils ne voient pas. Pas comme à Asgard où vous êtes au fait de ces choses.

- Je le sais parce que je suis Magicienne. Mon père l'ignorait également puisque c'est son Magicien qui me l'a révélé. Il fut aussi mon mentor dans ce domaine.

- Rassurez-vous, le Sanctuaire est protégé lui aussi par de telles Créatures.

- Lesquelles ?

- Les Centaures et les Minotaures.

- Par tous les Dieux ! Des Créatures aussi puissantes ? Leurs Seigneurs les ont invoqués ?

- Non, la Magie les a réveillés.

- Comme à Asgard.

- Vous avez dit avoir failli mourir pour tenter de savoir ce qui menaçait la Princesse. Avez-vous fait une transe ?

- Oui, mais jamais je n'avais ressenti cela. C'était terrifiant et d'une force incommensurable. J'avais l'impression d'être au cœur de la Magie elle-même et qu'elle me parlait. Elle m'a mise à l'épreuve.

- Vous en êtes sortie vainqueur, grâce aux Dieux.

- Oui, mais ce que j'ai vu… j'ai vu… une armée immense, des Géants, et au milieu de tout ça, Saori qui était engloutie par la terre qui s'ouvrait sous ses pieds et qui crachait les flammes de l'enfer… Shion… j'ai vu la fin du monde, j'en suis certaine…

Le Magicien baissa la tête. Il n'avait même pas touché à son infusion. Que répondre à cela ? Ce que lui avait vu lors de sa transe n'était pas aussi précis. Il n'avait vu que cette terrible armée. Bien qu'il ait perçu aussi que sa Princesse était concernée, il n'en avait pas la certitude. Et malheureusement, Hilda venait de le lui confirmer.

- Et si nous tentions une transe ensemble ? proposa-t-il à la Souveraine.

- Non ! Jamais plus ! s'écria celle-ci. Pardonnez-moi, reprit-elle plus calmement. Ne m'en veuillez pas, mais j'ai eu si peur, j'ai bien cru que j'allais tuer Angus…

- Votre point d'ancrage ?

- Oui. Comprenez que je ne veux pas revivre ça à moins que cela ne soit d'une nécessité absolue. Vitale.

- Je comprends bien. L'ami qui m'accompagnait lors de la mienne m'a dit qu'il avait eu l'impression que son esprit s'arrachait de son corps.

- C'est dangereux pour nous et pour ceux à qui nous nous raccrochons.

- Qu'il en soit ainsi alors. Je vais vous laisser aller dormir. Si vous avez besoin de moi, vous me trouverez au dispensaire ou bien chez le Maitre d'Armes. Bonne nuit, Majesté.

- Bonne nuit Shion. Au fait, vous avez de la suite dans les idées, sourit malicieusement la Souveraine.

- Plait-il ?

- Votre traduction des phrases en Langue Ancienne que nous avons échangées…

- Ah… J'avoue que je ne sais pas où j'ai été chercher ça…

- Peu importe. C'était bien vu…

Ils échangèrent un dernier sourire et Shion sortit. Chez lui, Dohko l'attendait…

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Le déjeuner du lendemain fut plus officiel. Tous les ministres du Roi y étaient conviés ainsi que le Seigneur Hyoga. La Reine avait insisté pour qu'il soit présent afin de s'assurer qu'il allait bien. Ou mieux. Elle n'avait pas imaginé que ses sentiments pour Freya étaient si profonds. Il était assis aux côtés d'Albéric de Mégrez à qui il avait confié qu'il était sur le point de lui demander la main de sa sœur lorsque celle-ci avait disparu. Ce dernier eut un sourire triste en lui disant qu'il n'aurait pu espérer un époux plus digne pour Freya. Les Seigneurs Mime et Bud étaient également présents ainsi que Shion.

Il fut surtout question de la Fête de l'Été qui approchait à grands pas et la Reine confirma qu'elle resterait pour y participer. Elle complimenta les membres du gouvernement pour avoir réussi à rendre à Égide le visage que se doit d'avoir une capitale en si peu de temps. Elle avoua aussi avoir senti dans la population un nouveau souffle d'espoir ne serait-ce que par l'accueil qui lui avait été fait la veille.

De son côté Bud raconta comment un réseau de contrebande avec les Viks avait été démantelé grâce à la police du Seigneur Hagen. Et il enjoignit les Seigneurs Deutéros et Régulus, respectivement Ministres de l'Intérieur et du Commerce à être très vigilants. Ils avouèrent avoir eu quelques soucis aussi avec ces pirates venus des contrées glacées au-delà d'Asgard, mais rien de comparable. Et Saori, comme la veille, était silencieuse, ne répondant que lorsque quelqu'un lui adressait la parole.

L'après-midi était bien avancé lorsque les convives quittèrent la table. Hilda souhaita faire une promenade à cheval avec la Princesse qui accepta à contrecœur pour ne pas froisser la Souveraine. En compagnie d'une escorte réduite, elles prirent la direction du Lac Tirynthe. Sur une berge recouverte d'herbe et de trèfle, l'un des soldats déploya une couverture où il posa deux coussins et un panier en osier avant de s'éloigner. Les deux femmes s'assirent et Saori s'occupa de leur servir des fruits et de l'eau fraiche.

- Je vous trouve bien morose, ma chère. Vous allez mener la procession de la Fête de l'Été, cela devrait vous réjouir, dit la Reine d'une voix douce.

- Et après je vais partir pour me marier, répondit la Princesse, la tête basse.

- C'est donc cela qui vous inquiète.

- Ça ne m'inquiète pas, ça me contrarie. Je ne connais pas mon futur époux et je n'ai pas la moindre envie de quitter Égide.

- C'est le destin de toute Princesse et son devoir.

- Vous êtes Reine et sans époux. Et cela ne gêne personne !

- Les coutumes d'Asgard diffèrent de celles du Sanctuaire. Vous avez tort de vous braquer ainsi. Le Prince Julian doit lui aussi se poser des questions à votre égard.

- C'est ce que Shion m'a dit et je veux bien vous croire tous les deux, mais ça ne me rassure pas pour autant. Qui sait quand je reverrai Égide, mon père, mon peuple ?

- Votre mariage va unir vos deux Royaumes et n'en faire qu'un. Chaque habitant sera votre sujet. La puissance politique, économique et militaire que représentera ce nouvel état sera immense et permettra de préserver le peuple des guerres.

- Mais il n'y a pas d'amour dans cette union, hoqueta Saori en plantant son regard violet rempli de tristesse et de colère.

- C'est donc cela… l'amour… Je devine que votre cœur bat déjà pour quelqu'un…

Saori détourna son regard vers le Lac. La surface de l'eau éblouissait la vue sous les rayons du soleil. Au bord de la rive, des roseaux s'agitaient doucement sous la brise légère et quelques libellules multicolores virevoltaient avec grâce. Plus loin, dans les arbres les oiseaux pépiaient. Tout était calme, presque enchanteur.

- Effectivement, finit par répondre la Princesse.

- Le lui avez-vous dit ?

- Oui, avant que mon père ne fasse l'annonce officielle. Je ne voulais pas qu'il l'apprenne ainsi.

- Et quelle a été sa réaction ? demanda encore Hilda qui regardait le papillon qui venait de se poser sur son doigt.

- J'ai senti qu'il était en colère et très triste. Il se reproche de n'avoir pas demandé ma main au Roi.

- Votre père n'aurait jamais accepté, rétorqua-t-elle en suivant des yeux le papillon qui s'était envolé.

- Je sais… Puis il ajouté que nous faisions tous les deux notre devoir envers le peuple à notre manière. Lui en le protégeant et moi en assurant la paix par ce mariage.

- C'est un jeune homme plein de bon sens.

- Je sais bien qu'il a raison, que vous avez tous raison et je ferai mon devoir. Mais m'en réjouir est au-dessus de mes forces.

- Voulez-vous que je lise les lignes de votre main ? sourit la Souveraine en mordant dans une pomme.

- Vous savez le faire ? s'étonna Saori.

- Ma chère, je suis une Magicienne, répondit la Reine avec un air espiègle qui dessina un léger sourire sur le visage de la jeune fille qui lui tendit la main.

- Alors… Ici, c'est votre ligne de vie. Elle est nette, fine, signe d'épanouissement et de vitalité. Là, celle de la tête qui part de la ligne de vie, fine et profonde indique un esprit vif et une très grande sensibilité. Et là, celle du cœur. Je dirais que votre mariage ne sera pas aussi déplaisant que vous l'imaginez.

- Que voulez-vous dire ?

- Il se peut que vous tombiez amoureuse du Prince Julian et que vous finissiez par l'aimer.

- J'en doute fort…

- Laissez-lui une chance.

- Une chance ? Mon cœur est déjà pris et s'il est laid, jamais je ne pourrai le laisser me…

- Avez-vous pensé qu'il pourrait être au contraire très séduisant ?

- Ça n'existe que dans les contes pour les enfants.

- Ne partez pas avec des préjugés. Qui sait ce que votre destin vous réserve…

- Justement, j'aimerais bien le savoir… murmura la Princesse comme pour elle-même.

- Il se fait tard. Je crois que nous devrions rentrer.

Comme elles reprenaient la route qui menait à l'entrée principale de la ville, elles croisèrent une patrouille menée par le Chevalier Seiya. Saori le regarda, mais lui ne détourna pas les yeux vers elle. La Reine s'en aperçut et un étrange sentiment l'envahit à la vue de ce jeune homme.

- Ils partent si tard ? demanda-t-elle à la Princesse.

- C'est une patrouille de nuit. Ils ne rentreront que demain matin.

- Je vois… Savez-vous si toute l'armée est revenue du front ? s'enquit-elle pour changer de sujet.

- Pratiquement. Il n'y a plus que très peu de soldats qui arrivent ces derniers jours.

- Il va y avoir beaucoup de monde pour la Fête de l'Été. Le peuple va se réjouir et vous acclamer lors de la procession pour les offrandes.

- Probablement…

- Saori, il va falloir que vous cachiez votre désarroi. Ces réjouissances revêtent une signification particulière. Les premières en temps de paix depuis de bien trop nombreuses années. C'est important et tellement symbolique

- Je le sais bien et je ferai bonne figure.

Au ton légèrement excédé de la Princesse, la Reine comprit qu'il ne fallait pas insister. Elles arrivèrent aux écuries et laissèrent leurs chevaux aux soins des palefreniers. Elles rejoignirent le Château de Marbre et après un bref salut, Saori s'enferma dans sa chambre. Hilda poussa un long soupir et prit le chemin de ses appartements. Elle avait besoin d'un bon bain avant de diner avec le Roi.

Seiya avait bien vu Saori et Hilda et il eut toutes les peines du monde à ne pas regarder la Princesse. Son cœur lui faisait si mal. Il remercia mentalement Aïoros de lui donner de nombreuses missions de patrouille et d'entrainement. Ainsi, il n'avait pas trop le temps de penser à elle. Dans deux jours, les festivités commenceraient. Saori mènerait la procession des offrandes à la Terre Nourricière pour qu'elle continue à leur offrir ses bienfaits et ensuite, elle partirait pour le Royaume des Océans. Pour Atlantis. Loin de son pays, de son peuple, de son père. Loin de lui…

À suivre…


(1) Govran : prénom d'origine Bretonne qui signifie "sérieux"

(2) Ewena : prénom d'origine Galloise qui signifie "bien née"

(3) Mared : prénom d'origine Grecque qui signifie "perle"

(4) Toma est le frère de Marine qu'elle retrouve dans le cinquième film "Artémis" (Tenkai-Hen)