Disclaimer : Tout l'univers de Saint Seiya que vous reconnaîtrez aisément appartient à Masami Kurumada. Je ne retire aucun profit de son utilisation si ce n'est le plaisir d'écrire et d'être lue. Les personnages de la mythologie appartiennent à tout le monde et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, sont à moi.

Genre : Univers Alternatif Heroic Fantasy Médiéval Fantastic.

Aventure/Romance/Surnaturel. Certains couples sont très inhabituels. Het, Yaoi et lemon bien sûr.

Rating : M ou NC-18

Les Royaumes du Sanctuaire et d'Asgard, alliés indéfectibles, mènent une guerre contre le Royaume des Océans depuis plus de cent cinquante ans. Au moment où débute cette histoire, les raisons de cette guerre ont été oubliées. Non loin, le Royaume des Ténèbres se relève doucement d'une guerre de succession qui l'a laissé exsangue. Après avoir été ennemis, ils finiront par unir leurs forces pour faire face à une menace bien plus grande encore. De l'action, de la romance, du complot politique, de la magie et des créatures surnaturelles sont au rendez-vous avec de nombreuses références aux mythologies grecque et celtique ainsi qu'au manga original de Masami Kurumada.

N'hésitez pas à donner votre avis et s'il vous plait, ne mettez pas l'histoire en suivi ou en favori sans expliquer pourquoi vous le faites. C'est important pour les auteurs de connaitre les raisons de votre choix. Même un message privé sera le bienvenu. Merci.


Chapitre 27

Année 10219 de la Licorne, début du mois de juin, Royaume des Ténèbres…

Eaque et Queen chevauchaient en tête de la colonne. Ils allaient devoir traverser les terres de la Marquise d'Œchalie devenue récemment Duchesse de Wyvern puisqu'elle avait épousé Rhadamanthe. Ensuite, ils contourneraient la pointe est du Massif des Lamentations avant de remonter vers le nord.

Les travaux de pavement des routes ordonnés par Hadès facilitaient leur progression. Ils avançaient vite et ça convenait parfaitement au Magicien qui avait imposé un petit trot. Il préférait attendre trois jours sur place plutôt que de rater l'embuscade à laquelle il avait tant réfléchi. Et surtout il ne voulait pas décevoir son Roi. Queen n'avait pas souvent l'occasion de quitter Giudecca et le Palais d'Ébène et il ne boudait pas son plaisir. Il connaissait son pays, certes, mais cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de le sillonner, qu'il avait l'impression de le redécouvrir. Et les changements apportés par les travaux le ravissaient. Où qu'il regarde, il voyait des maisons reconstruites, des champs entretenus, des marchés plutôt bien fournis et la discrète police de Minos. Si la plupart des gens ne se doutaient pas que tel ou tel homme était un policier, Queen les reconnaissait au premier coup d'œil.

- Que cherches-tu ? demanda Eaque à ses côtés en voyant son compagnon scruter le ciel.

- Un faucon ou une buse.

- Pour quoi faire ?

- Un éclaireur. J'en trouverai sûrement lorsque nous serons plus près du Massif.

- Un éclaireur ?

- Je prendrais momentanément le contrôle de l'animal et je verrai où se trouve notre cible pour évaluer la distance.

- Oh…

Eaque n'insista pas, devinant par là que Queen allait faire montre de ses pouvoirs de Magicien. Mais de là à contrôler l'esprit d'un animal, il n'avait même pas imaginé que cela fût possible. Il était bien content que le Marquis soit l'un des leurs. Il lui suggéra de faire une halte à la mi-journée, mais celui-ci refusa. Les hommes grignotèrent à cheval et ce n'est qu'à la nuit tombée que la colonne s'installa pour le bivouac.

- Tu veux un cataplasme d'argile ? proposa le Duc de Garuda à son ami.

- Oh oui ! Merci. Il y a bien longtemps que je n'ai pas chevauché toute une journée.

Comme il l'avait fait pour Endéis son épouse, Eaque enveloppa les reins de Queen d'un linge rempli d'argile chaude. La nuit était douce, il fut inutile de monter les tentes et les hommes dormirent à la belle étoile. Mais au matin, tous ou presque s'étaient enveloppés dans leurs fourrures à cause de l'humidité fraiche de fin de nuit.

Le réveil sembla désorganisé, pourtant chacun savait parfaitement ce qu'il avait à faire. Les braises des derniers feux furent noyées, les peaux roulées et attachées sur les chevaux, chacun se rhabilla et grignota un morceau de viande ou de poisson séché. La troupe s'ébranla et reprit la direction du nord.

La silhouette du Massif des Lamentations grandissait lentement. La route pavée avait laissé la place à un chemin de terre et de rocaille et soulevait, sous les sabots des chevaux, une poussière fine qui irritait la gorge et les yeux, obligeant les hommes à couvrir leur nez et leur bouche avec un foulard. Chaque soir, Queen avait fort à faire pour calmer les rougeurs oculaires avec des onguents. Mais il était consciencieux. Heureusement que le retour serait différent.

- Comment vont tes yeux ? demanda le Médecin au Duc qui se frottait les paupières.

- Ah… Comme les autres… un peu irrités…

- Tiens, mets ça.

- Merci.

- Dans deux jours, nous aurons contourné la pointe du Massif. Le ciel sera moins sombre et la route plus herbeuse.

- Tu as trouvé un oiseau ?

- J'en ai vu plusieurs, mais j'attendrai que l'on soit presque arrivé. Prendre le contrôle d'un animal est très fatigant. Tes hommes sont très disciplinés.

- C'est la base pour une bonne efficacité.

- Tout devrait bien se passer. Après tout, ce convoi ne s'attend pas à être attaqué. Surtout en pleine nuit.

- Tu as vraiment pensé à tout, sourit Eaque.

- Je l'espère.

Deux jours plus tard, de l'herbe rase remplaça la terre et la poussière soulevée par la colonne de cavaliers avait presque totalement disparu. À mesure que l'on montait vers le nord, la végétation changeait. Ou plutôt, elle devenait plus abondante. Queen regardait une carte et le ciel. Il réalisa qu'il avait une vision faussée de la distance qui séparait Giudecca de la frontière nord. Il lui faudrait attendre d'être proche de la Chaine des Piliers pour envisager de trouver un rapace. Mais surtout, il espérait de tout son cœur ne pas s'être trompé dans ses calculs et qu'ils arriveraient sur place avant leur cible.

Il repassait sans cesse dans sa tête les détails du plan et son inquiétude ne faisait qu'empirer. Avait-il vraiment pensé à tout ? Une stratégie n'était jamais parfaite et comportait toujours des risques. Le tout était de les minimiser autant que possible. Les jours se suivaient et se ressemblaient. Ils chevauchaient toute la journée pour ne s'arrêter qu'aux dernières lueurs du soleil et repartaient à l'aube. Ils avaient aperçu quelques temples en ruines, vestiges d'une époque révolue où les Dieux avaient peut-être marché sur la Terre aux côtés des hommes pour leur apporter sagesse et paix aux dires des plus optimistes. De toute évidence, le temps était passé et les hommes semblaient avoir oublié cet enseignement. Le Sanctuaire et les Océans étaient en guerre depuis des décennies. Et ces temples décrépits rappelaient bien que la mémoire des hommes était courte. Ou sélective.

Ils arrivèrent enfin dans les environs du petit village de Lindos. D'après leur espion, le convoi devait faire une halte au sud de la bourgade, à la frontière des Océans avant de la franchir. Un éclaireur vint les avertir qu'une poignée de soldats étaient là certainement pour vérifier les lieux, ce qui était normal, et Queen y avait pensé.

- Nous allons rester dans ce bois, dit-il à Eaque. Rappelle à tes hommes que je veux le silence total.

- D'accord, mais ce ne sera pas le silence absolu. Tu te doutes bien que ce n'est pas possible.

- Je sais bien… Je veux dire qu'ils doivent éviter de trop boire et de faire du raffut devant les feux en chantant ou en se bagarrant. Tant que les bruits restent les plus naturels possible, ça devrait aller.

- Très bien. Et toi, que vas-tu faire ?

- Localiser le convoi.

Eaque eut un instant d'hésitation. Cela voulait dire que Queen allait chercher un oiseau pour être ses yeux. Il ne voulait pas rater ça, aussi s'empressa-t-il de donner ses ordres pour revenir auprès du Magicien.

La troupe avait installé son campement dans un bois à flanc de colline. Le Général trouva le Marquis à l'orée de la forêt. Celui-ci scrutait le ciel. Soudain il leva le bras et pointa une ombre dans le ciel. Il s'assit à même le sol et ferma les yeux.

- Tu peux rester, mais ne fais aucun bruit, dit-il à Eaque.

- Très bien…

Queen baissa la tête et écarta les bras. Le Général sentit un picotement désagréable sur sa peau et vit l'air vibrer comme un mirage autour du Magicien.

- Te srol trasslish im calum ri spectis im terrum mun isil, Thaispa me ti srel to feagh, Srel sia suhil biler im ria (Toi qui traverse le ciel et regarde le monde du bas, Montre-moi ce que tu vois, Que tes yeux deviennent les miens.), prononça-t-il d'une voix étrangement caverneuse.

Queen fut secoué par un violent soubresaut et son corps de tétanisa. L'inquiétude d'Eaque monta en flèche mais le Médecin lui avait dit de ne rien faire. Lorsqu'il ouvrit les yeux, ses pupilles étaient entièrement noires cerclées d'or. Le Duc prit peur. Il allait s'approcher du Magicien, quand soudain, comme tombé du ciel, un faucon se posa sur une branche du tronc d'un arbre mort écroulé sur le sol. L'oiseau avait les yeux parme de Queen. Il fixa le Général un court instant en penchant la tête puis s'envola en rasant le sol avant de prendre de la hauteur. Eaque le suivit du regard aussi longtemps qu'il put. Et quand le rapace disparut, il reporta son attention sur le Médecin. Il devait veiller sur lui. Il l'avait promis au Roi.

Si l'exercice n'était pas si épuisant, Queen le ferait plus souvent. Le monde vu du ciel était une pure merveille. Il voyait les routes et les forêts denses qui paraissaient moins étendues que lorsqu'on devait les traverser, les rivières qui courraient sur la terre, les lacs scintillants et d'un bleu profond, les vallées encaissées et les collines aux sommets doux et arrondis. Vers l'ouest, il aperçut les pics acérés de la Cordillère du Zodiaque et derrière, vers le sud-est ceux de la Chaine des Piliers. Cette sensation de liberté était quelque chose d'indescriptible. Il avait l'impression que le monde lui appartenait. Il remonta vers le nord et finit par découvrir leur cible. Il vit également la dizaine de soldats venus en éclaireurs. À première vue, il faudrait encore plus d'une journée pour que le convoi atteigne Lindos. Le temps suffisant de tout mettre en place correctement et de bien faire comprendre aux soldats d'Eaque que le silence était la clé de la réussite de la mission. Il sentit brusquement une grande lassitude l'envahir. Il allait devoir rendre au faucon sa place et lui, reprendre la sienne.

Eaque ne savait plus quoi faire. Il tournait autour de Queen se demandant quand tout ceci allait prendre fin. L'immobilité du Magicien et ce regard effrayant qu'il avait étaient véritablement inquiétants. Soudain il entendit un soupir puissant et réceptionna le Médecin de justesse avant qu'il ne s'effondre au sol.

- Queen… Queen !

Le Marquis ouvrit lentement les yeux. C'était les siens et le Général lui sourit.

- Comment te sens-tu ?

- Sans force… J'ai soif…

- Bien sûr…

Eaque adossa son compagnon contre le tronc de l'arbre et alla prendre sa gourde accrochée à la selle de son cheval. Le Médecin but à petites gorgées et semblait se remettre.

- J'ai eu très peur quand j'ai vu tes yeux, lui confia le Duc, accroupi à ses côtés.

- Je m'en doute. C'est très impressionnant. La première fois que mon maitre l'a fait devant moi, j'ai été terrifié.

- Et… tu as vu ce que tu voulais ?

- Oui. Nous avons un peu plus d'une journée devant nous pour bien nous préparer.

- Alors ça ira, sourit Eaque, confiant. On ne peut pas échouer.

- Je ne pense pas, répondit Queen en se levant lentement. Rentrons au campement, nous devons être sur place au plus tard demain à la mi-journée.

Ils se dirigèrent vers les chevaux mais Queen prit la longe du sien et se mit à marcher.

- Tu ne montes pas ? Ça ira plus vite.

- Non, j'ai encore des vertiges et je ne tiens pas à tomber.

- Oh… bien sûr.

Eaque démonta et marcha à ses côtés. En regardant bien, Queen était encore très pâle et même marcher semblait lui être difficile. Heureusement que leur bivouac n'était pas très loin. Une fois arrivé, le Médecin mangea un peu et but une infusion revigorante. Eaque ordonna les tours de garde et lorsqu'il revint près du feu, Queen dormait d'un sommeil profond.

Aux premières lueurs du jour, les hommes qui étaient de garde de fin de nuit commencèrent à réveiller le campement. Tout fut rangé, plié et attaché sur les chevaux avec une redoutable efficacité. Les feux furent noyés et à moins d'être un pisteur ou un traqueur, rien ou presque n'indiquait qu'une centaine d'hommes avaient passé la nuit sur les lieux. La colonne fut formée et repartit vers le nord.

Eaque observait Queen qui ne semblait pas au mieux de sa forme. Il buvait beaucoup et quand lui posa la question, il lui expliqua que c'était le contrecoup du sortilège qu'il avait exécuté la veille. Il lui avoua également que le prochain qu'il utiliserait le mettrait dans le même état. Peut-être même pire.

- J'ignorais que la Magie pouvait être si dangereuse, le confia le Duc.

- La plupart des Magiciens utilisent des formules simples. Je le fais moi-même. Cela consiste à accorder la Magie qui circule dans le monde avec celle naturellement présente en nous. Un sort de base ne draine quasiment pas de force. Mais pour les plus puissants, c'est très éprouvant. C'est comme si je mêlais mon énergie à celle de la Terre pour en prendre le contrôle afin de la soumettre à ma volonté.

- Comme si elle te résistait et que tu la contraignais par la force ?

- C'est un peu ça. Et donc je dois faire preuve d'une volonté inébranlable pour qu'elle m'obéisse. La Magie met souvent ses utilisateurs à l'épreuve.

- Pourquoi ?

- Eh bien… je ne sais pas vraiment… Peut-être pour s'assurer que nous sommes aptes à l'utiliser…

- Et un apprentissage est nécessaire pour augmenter vos pouvoirs.

- Oui. Pour comprendre comment cela fonctionne, décupler nos capacités et enfin la plier à notre volonté. Mais cela a un prix. Et l'extrême fatigue n'est pas le plus élevé.

- Tu veux dire que…

- Des Magiciens sont morts pour avoir cru qu'ils étaient assez puissants pour utiliser certaines formules.

- Le Roi sait-il tout ça ?

- Non… enfin, il doit se douter que ça peut être risqué, répondit Queen après quelques instants de silence. Et j'apprécierais que tu ne lui dises rien.

- Tu ne peux pas lui cacher une chose pareille. Tu ne dois pas ! s'écria Eaque.

- Ne m'oblige à te forcer la main pour garder le silence. J'en suis parfaitement capable.

Eaque ouvrit des yeux ronds puis poussa un grognement d'exaspération.

- De toute façon, reprit Queen avec un petit sourire, je ne pense pas que j'utiliserai des formules aussi puissantes désormais. Et je connais mes limites. Tu peux donc être tranquille.

- Qu'en sais-tu ? L'avenir n'est pas écrit.

- Si… Dans les étoiles… Il suffit de savoir le lire…

Eaque enrageait. Queen avait réponse à tout et ça le mettait en colère de voir que le Magicien ne semblait pas réaliser à quel point il était indispensable au Royaume. Et au Roi.

- Et si cela arrivait ? Si tu étais contraint d'utiliser un sort si puissant que tu… que tu en meurs ? Que ferions-nous sans toi ? Et Hadès ? Y as-tu pensé ?

- Tout ce que je fais, c'est pour le Royaume et le Roi. Et Hadès le sait parfaitement. Il est d'accord avec moi.

- D'accord avec toi ? Permets-moi d'en douter. Qu'il agisse pour le bien du pays, j'en suis persuadé. Mais qu'il soit d'accord pour que tu risques ta vie, crois bien qu'il n'est pas du tout d'accord.

- Crois-tu que je l'ignore ? Il a tenté jusqu'au dernier moment de me dissuader d'accomplir cette mission. Je sais aussi qu'il t'a demandé de veiller sur moi. Mais il a bien compris que je suis le seul à pouvoir la mener à bien et que l'intérêt du Royaume est plus grand que nos sentiments personnels.

Eaque renonça à cette escrime verbale. De toute évidence, il n'aurait pas le dernier mot. Alors il ferait en sorte que rien n'arrive au Magicien et il le ramènerait sain et sauf auprès du Roi. Mais cette discussion l'amena à se poser des questions sur ses propres engagements. Si l'avenir du Royaume dépendait de la mort de Minos, serait-il capable de l'abandonner ? Pourrait-il laisser Minos mourir si le devenir des Ténèbres était en jeu ? Il ne put se résoudre à répondre à ces questions même dans l'intimité de ses pensées. C'est alors qu'il comprit la force des sentiments de Queen et d'Hadès pour le Royaume. L'un et l'autre étaient capables de se sacrifier pour lui, de donner leur vie tout en sachant que leur disparition plongerait l'autre dans un enfer inimaginable. C'est à ce point qu'ils aimaient les Ténèbres. Et qu'ils s'aimaient.

Il fit demi-tour pour remonter la colonne et s'enquérir de la forme de ses hommes. Tous allaient bien et la mission s'annonçait sous les meilleurs auspices. En fin de journée, ils arrivèrent à la périphérie du village de Lindos. Queen savait qu'il y avait des éclaireurs, aussi décida-t-il de former quatre groupes qui se positionneraient aux points cardinaux bien cachés dans la forêt qui environnait les lieux. Les chevaux furent laissés bien plus loin et les hommes se placèrent à leur poste. Si le Magicien avait bien évalué la distance du convoi, ils devraient attendre une journée. Il fut agréablement surpris de voir que les soldats respectaient parfaitement la consigne du silence.

Eaque ne dormit pas beaucoup cette nuit-là. Il se déplaçait d'un groupe à l'autre, insistant bien sur les ordres. Leur application à la lettre était la clé de la réussite. Il revint près de Queen et se reposa. Le Magicien déclencherait l'embuscade au milieu de nuit. Il valait mieux être en forme et c'est ce qu'il avait répété à ses hommes. Des sentinelles avaient été placées près du village pour surveiller les éclaireurs d'abord et ensuite pour avertir de l'arrivée du convoi. Il n'y avait plus qu'attendre…

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Royaume du Sanctuaire…

Pour la Princesse Saori, tous les jours se ressemblaient. Bringuebalée dans son chariot, elle avait l'impression que son voyage ne finirait jamais et qu'il durait depuis déjà une éternité. Bien que Dame Shunrei soit d'une compagnie très agréable, elle ne parvenait pas à faire sourire la jeune fille. Alors elle tentait de s'occuper avec sa broderie pour penser à autre chose. Elle avait fait une robe blanche pour un bébé et l'avait brodé d'un liseré d'or en forme de lierre et sur le bas, elle voulait faire les armoiries des deux Royaumes. Elle en ferait cadeau à sa Princesse lorsque celle-ci attendrait son premier enfant. De temps à autre, elle servait deux tasses d'infusion ou en refaisait lorsqu'il n'y en avait plus.

Quant à Saori, elle fixait le paysage qu'elle pouvait apercevoir par un pan de bâche ouvert. Son regard n'exprimait que la résignation. Ni révolte ni mélancolie. Elle ne sortait du véhicule que pour se dégourdir les jambes et satisfaire des besoins naturels ainsi qu'à sa toilette avec l'aide de Shunrei. En fait, les deux jeunes femmes s'aidaient mutuellement. Au début de leur voyage, sa Dame de Compagnie en avait été surprise et mal à l'aise. Mais Saori réussit à la convaincre qu'elles n'avaient pas le choix. Shunrei était très gênée de voir sa Princesse accomplir les gestes d'une servante mais elle se rendit à l'évidence.

Certains soirs, elles se joignaient aux officiers de leur escorte pour manger. Mais ça n'effaçait pas la morosité de Saori qui s'efforçait de faire bonne figure. Elle ne restait que peu de temps et rentrait bien vite dans son chariot suivi de Shunrei. Cela était pourtant suffisant pour renforcer le moral des hommes qui étaient fiers d'escorter leur Princesse à son mariage, gage d'une paix tant désirée.

Elle n'arrivait pas à trouver le sommeil. Aussi préféra-t-elle sortir faire quelques pas dans la nuit douce. Il n'y avait pas de lune mais les feux de camp jetaient une lueur suffisante pour ne pas se perdre dans le noir. Elle leva les yeux vers le ciel et la multitude d'étoiles la fit sourire. C'était si beau qu'elle en aurait presque oublié pourquoi elle était là, à les regarder.

À quelques pas de là, sa jument, Niké, était solidement attachée. Elle était en chaleur et les étalons la sentaient de loin. Ce n'était pas le moment pour une saillie. La princesse avait bien conscience que c'était parfaitement naturel, mais elle préférait être arrivée à destination pour laisser Niké gambader librement. Elle passa ses doigts dans la crinière grise et caressa l'encolure. L'animal ne bougeait pas et semblait relativement calme malgré l'appel de la nature. Elle dressa les oreilles bien avant que Saori n'entende le bruissement d'étoffe.

- Tu ne devrais pas être dehors, murmura Seiya derrière elle. Il fait humide…

- Je suis bien couverte ! Et puis… je ne supporte plus d'être enfermée là-dedans. J'ai besoin de respirer.

- Mais tu risques de tomber malade. Quel piètre Chevalier vais-je faire si j'amène une fiancée fébrile à son futur époux !

Il y avait tant de tristesse et de résignation dans la voix du jeune homme que Saori en eut les larmes aux yeux.

- Tu m'en veux ? demanda-t-elle, timidement.

- Non… tu n'y es pour rien. À la place du roi, j'aurais très certainement agi de la même façon. L'intérêt du royaume passe avant toutes autres considérations. C'est à moi que j'en veux de ne pas avoir demandé ta main plus tôt.

- Mon père te l'aurait peut-être refusée… C'est même fort probable.

- C'est possible, mais au moins je ne vivrais pas avec le regret permanent de ne pas l'avoir fait.

Elle s'approcha de lui et se glissa dans ses bras. Ils restèrent ainsi un long moment, savourant la chaleur de l'autre. Puis Seiya s'écarta doucement d'elle. Ce qu'il éprouvait était si intense qu'il craignait de commettre l'impensable.

- Ta bague de fiançailles est vraiment très belle.

- Tu trouves ?

- Oui, je suis sincère. Elle te va très bien.

Ils se rapprochèrent de la torche qui brulait, enfoncée dans son support sur un côté du chariot, et regardèrent le bijou à la lueur des flammes. C'était un anneau en or surmonté de petits pétales de nacre rose entourant une perle de corail blanc poli et qui recouvrait entièrement la phalange fine. Un objet typique du royaume des Océans. Le messager l'avait ramenée avec lui et l'avait confiée au roi.

- Tu devrais aller te coucher, reprit-il. Demain nous partons de bonne heure et tu as besoin de sommeil.

- Je sais… Seiya… tu sais tout ce que je t'ai dit… l'autre fois…

- Je sais que tu ne le pensais pas. Tu étais encore choquée par la nouvelle. Et en colère.

- C'est vrai. Pardonne-moi.

- Il n'y a rien à pardonner. Chacun de nous doit faire son devoir.

- Je suppose… Pour cela, nous devons faire taire nos sentiments personnels. Penser aux bien-être des gens avant de penser au nôtre.

- C'est ce que doit faire un souverain digne de ce nom. C'est ce qui a poussé ton père à proposer ce mariage à Poséidon et lui, à l'accepter. Ils font passer l'intérêt de leur peuple avant vos sentiments à toi et au Prince Julian.

- C'est quand même difficile de l'accepter.

- Mais cela fera de toi une grande Reine, soucieuse de ses sujets.

- Je l'espère… Bonne nuit Seiya….

- Bonne nuit…

Elle disparut sous la bâche et Seiya s'éloigna vers l'enclos des chevaux. Lui aussi aurait dû dormir. Il n'était pas encore de garde, mais il savait qu'il ne pourrait pas fermer l'œil. Il leva la tête vers le ciel et observa les mêmes étoiles que Saori, quelques instants plus tôt. Derrière un bouquet d'arbres, il reconnut la silhouette de deux hommes très proches l'un de l'autre. Deux soldats qui semblaient prendre un peu de bon temps s'il en jugeait par les sons qui lui parvenaient. S'ils étaient de garde, Albior n'allait pas tarder à leur tomber dessus et il n'aimerait pas être à leur place. Et si ce n'était pas le cas, eh bien… ils avaient tout à fait le droit d'occuper leur temps de repos comme ils l'entendaient.

Dans le bosquet, appuyés contre le tronc noueux d'un vieux chêne, les deux hommes reprirent leurs respirations. Ils avaient reconnu la silhouette de Seiya. Ils se regardèrent et échangèrent un baiser fougueux. Le plus jeune, collé à son compagnon, avait glissé sa main dans son pantalon de cuir et caressait d'une main experte le membre raide et chaud.

- Shun…, souffla l'homme, retenant à grand-peine le gémissement qui lui brulait la gorge.

Il plongea son visage dans le cou chaud pour étouffer ses halètements. Il prodiguait la même caresse à son compagnon.

- Quoi ? murmura le jeune homme en accélérant ses mouvements.

- Shun… tu m'rends fou…

- Mmouiii… continue…

- Aanh… c'est bon…

- Ouiii… c'est bon… Albior, t'arrête pas…aaaah…

Ils étouffèrent le cri de leur jouissance en un baiser brutal. Le vent frais qui soufflait dans la plaine où ils bivouaquaient avec l'escorte fit frissonner leurs peaux surchauffées. Ils se rhabillèrent rapidement.

- C'est mon tour de garde, chuchota Shun en glissant une main vagabonde dans les longs cheveux blonds du Colonel.

- Je sais… Dépêche-toi d'y aller sinon, les autres vont croire que tu bénéficies d'un régime de faveur.

- Mais c'est exactement ça. Avec le plaisir que tu me donnes, comment en serait-il autrement ?

- On se retrouve demain soir ?

- D'accord…

Ils échangèrent un baiser passionné qui ralluma le brasier de leur corps, mais ils se séparèrent bien vite avant de succomber à la tentation.

Aïoros n'était pas dupe. Il avait vu les deux hommes s'éloigner et avait souri. Son arc à la main encoché d'une flèche, il se plaça de manière à couvrir au mieux le périmètre, jusqu'à ce que Shun et Albior reviennent. Ça n'allait pas non plus durer toute la nuit.

La journée du lendemain fut identique à la précédente et en début de soirée, le convoi arriva au village de Lindos. Les éclaireurs n'avaient rapporté aucune présence. La région avait été désertée depuis fort longtemps à cause des combats frontaliers. Bien sûr, il y avait des traces de toutes sortes mais les lieux avaient vu la fuite des habitants, des combats et le passage de groupes de chasseurs et de déserteurs. Certaines empreintes ne remontaient qu'à quelques jours seulement mais pour l'instant, le coin semblait désert. Le bivouac fut dressé au sud du village, presque à la lisière du territoire des Océans. Les chevaux furent enfermés dans un enclos improvisé délimité par des cordes et les hommes s'occupèrent d'eux pendant que d'autres allumaient les feux pour le repas du soir. L'étendue du camp avait été restreinte pour une meilleure surveillance. Tous savaient que des bandes de déserteurs et de pillards parcouraient la région, aussi valait-il mieux être proche les uns des autres pour une meilleure défense. Tout se passait comme d'habitude et bientôt le sommeil enveloppa le campement. Seules les sentinelles veillaient. Le dernier quart fut assuré par Dohko, Marine, Shiryu et Shun, chacun en compagnie d'un soldat et postés aux points cardinaux. Exactement là où se trouvaient les hommes d'Eaque soumis au silence le plus absolu.

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Le moment était venu. Queen se rapprocha autant qu'il le put du bivouac sans être vu. Enveloppé dans sa cape de laine noire, il commença à se concentrer sous les yeux du Duc de Garuda visiblement inquiet. Il savait que le Magicien allait lancer un sort très puissant qui devait plonger dans un sommeil profond tous les membres du convoi. Un léger vent se fit sentir et sembla envelopper Queen. L'inquiétude d'Eaque ne cessait de grandir.

- Srel im otan marwel im cymtolh ifynohy nhesaf antergh (Que la petite mort les prenne jusqu'au prochain zénith.)

Une sorte de brouillard se créa et alla se poser sur le campement.

- Allez-y, fit le Magicien d'une voix atone. Je pose la Pierre de Boji et j'ouvrirai le passage lorsque tout le monde sera prêt.

L'hululement répétitif d'une chouette se fit entendre et les hommes des quatre groupes s'approchèrent du bivouac. Ils détachèrent les chevaux pour les faire fuir et Eaque se dirigea vers le chariot où il savait que la Princesse se trouvait. Il souleva le rabat en cuir et s'arrêta. Deux femmes ? Laquelle était-ce ? Tant pis. Il appela un de ses hommes et chacun prit un corps inerte et profondément endormi. Tout ceci fut exécuté avec rapidité et les hommes d'Eaque se retrouvèrent au point de rendez-vous.

- J'ignore laquelle est la princesse, dit le Duc en voyant la contrariété dans les yeux du Magicien.

- Tu as bien fait. Attends… ce doit être elle, poursuivit-il en s'approchant de celle qui avait une chevelure parme.

- Comment le sais-tu ?

- Je sens la protection d'un talisman, dit-il tout en survolant de sa main le corps inerte sans le toucher.

Il observa la jeune femme qu'Eaque avait posée au sol en appui sur son genou. Il regarda son cou, ses oreilles, ses chevilles et c'est sur sa main qu'il trouva la bague offerte par Hilda. Il la lui ôta et la jeta très loin.

- Le sortilège est très puissant. Il aurait permis de la retrouver. Ramène l'autre où elle était. Inutile de nous encombrer.

Le soldat obéit et remit Shunrei dans le chariot. Queen se plaça devant la Pierre de Boji et prononça l'incantation qui allait ouvrir le passage.

- Othen im levuna Petrech im timil Ulurgh im arpelon (Aboli l'espace, Fige le temps, Protège le voyageur)

Immédiatement l'air se mit à fluctuer et un cercle de courants mobiles et multicolores se forma. Hommes et bêtes s'engagèrent à l'intérieur et le passage se referma. Tout s'était passé très vite. À peine le temps d'un soupir…

Royaume des Ténèbres…

Dans la cour du Manoir d'Elysion, le passage s'ouvrit. Les soldats à cheval en sortirent et quittèrent rapidement les lieux puis vint Eaque qui portait une femme en travers de sa selle. Hadès vit enfin Queen qui arrivait le dernier. Celui-ci lui sourit et le Roi eut tout juste le temps de se précipiter pour le rattraper alors que le Magicien tombait de son cheval, épuisé.

Après que la prisonnière ait été installée dans le Manoir, Hadès revint auprès de Queen, toujours inconscient.

- Que s'est-il passé ? demanda le Roi d'une voix sourde à son Général.

- Il a d'abord pris le contrôle d'un faucon qui lui a servi d'éclaireur et il a lancé un sort pour endormir l'escorte de la Princesse. Il m'a expliqué que cela pouvait drainer beaucoup de sa force mais qu'il ne fallait pas s'inquiéter. Il a juste besoin de dormir pour récupérer.

- Je vois… Avez-vous rencontré des difficultés ?

- Aucune. Son plan était parfait. Il a découvert un talisman sur la Princesse qui aurait pu permettre de la localiser mais il s'en est débarrassé. Et d'après ce qu'il m'a dit, les hommes de l'escorte ne devraient pas se réveiller avant demain midi. De plus nous avons dispersé les chevaux. Il va leur falloir du temps pour retourner à Égide.

- Très bien. Je vais rester jusqu'à ce que Queen se réveille.

Quand Eaque fut sorti, Hadès s'assit sur le bord du lit où était allongé le Médecin. Il écarta délicatement quelques mèches bordeaux et laissa ses doigts frôler le visage dont les joues s'ombraient d'une barbe de plusieurs jours. Il sourit. Il était rare de voir Queen négligé de la sorte. Il détestait ça. Ça lui donnait des démangeaisons. Le Roi se pencha et déposa un baiser sur les lèvres pâles.

- Je savais que tu ferais des folies… murmura-t-il en prenant sa main dans la sienne. Il finit par s'allonger à ses côtés et s'endormit, le front contre son épaule, et ses doigts enlacés à ceux de son amant.

Pendant presque deux jours, Queen ne se réveilla que pour satisfaire des besoins naturels. Et encore le faisait-il dans un état de semi-conscience avant de se recoucher pour se rendormir. Hadès le surveillait de près et malgré ses tentatives, il ne put rien lui faire avaler hormis de l'eau. Mais son inquiétude s'atténuait en voyant que le Magicien reprenait des couleurs malgré son était de faiblesse. Il ne le quitta pas un instant sachant pertinemment que la Princesse devait s'être réveillée et qu'elle devait se demander où elle se trouvait. Qu'elle attende ! Lui n'était pas pressé et pour l'instant, Queen occupait pleinement son esprit.

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Royaume du Sanctuaire…

À Lindos, le réveil fut plus qu'étrange. Quand les hommes ouvrirent les yeux, le soleil était au plus haut. Ils regardaient autour d'eux, l'air hébété et pour certains, inquiet. Soudain, ils réalisèrent que les chevaux s'étaient échappés et qu'une partie était revenue au campement. Albior donna des ordres pour les rassembler et préparer le départ.

- Colonel ! cria Shunrei en courant vers lui.

- Qu'y a-t-il, Madame ? s'enquit-il en remarquant l'air affolé de la jeune femme.

- La Princesse !

- Qu'a-t-elle ? demanda Seiya qui se trouvait tout près.

- Je ne la trouve pas ! J'ai cherché partout autour du chariot mais… elle n'est nulle part !

- Comment ça ? cria le jeune homme.

- Je… je ne sais pas…, gémit Shunrei en baissant les yeux. Nous devons la chercher ! s'écria-t-elle en fixant soudainement les hommes d'un regard dur.

- Dohko ! appela Albior.

- Colonel ?

- Organise des groupes pour fouiller le coin. Elle ne doit pas être loin !

- Très bien. Shun ! Prends ton groupe de chasseurs et allez vers le sud.

- Je remonte vers le nord avec quelques hommes, déclara Aïoros.

- Marine ! Shiryu ! Rassemblez le matériel ! Seiya va vers l'ouest et j'irai vers l'est ! Retour au camp à la tombée de la nuit !

- Colonel ! l'interpella le Chevalier de la Maison de Pégase. Et si… et si nous ne la retrouvons pas ?

- Nous allons la retrouver. Nous devons la retrouver…

- Et où sont les chevaux ? demanda Shiryu, fort à propos.

Les quatre groupes de soldats s'éparpillèrent et commencèrent les recherches. Mais avant cela, Aïoros et Dohko avaient échangé un regard lourd de sens. Ils pensaient tous deux à la même chose. Si Saori était en danger, alors ils allaient devoir intervenir. Tout en fouillant la campagne environnante, le Maitre d'Armes enrageait en silence de ne pouvoir contacter Shion. Ses capacités n'étaient pas assez puissantes. Pourtant, il essaya. À plusieurs reprises, il serra son médaillon dans sa main et se concentra de toutes ses forces pour atteindre son esprit. En vain. S'il avait réussi, le Magicien lui aurait répondu.

De son côté, Aïoros faisait la même chose. Peine perdue. Ils étaient trop éloignés d'Égide pour toucher l'esprit de Shion. En fin d'après-midi, les quatre groupes de recherche rentrèrent au camp, bredouilles. La colère et la rage les envahirent puis l'accablement et la peur. Assis autour d'un feu avec ses officiers, Albior regardait les flammes sans les voir.

- Demain j'écrirais un courrier pour le Roi Poséidon. J'y relaterai l'évènement. Il ne faudrait pas qu'il pense que notre Souverain a manqué à son engagement. Nous enverrons aussi un héraut à Égide prévenir Sa majesté et la Reine Hilda. Ils pourront déjà réfléchir à ce que nous allons faire.

- Colonel, intervint Marine. Nous allons annoncer à un père que sa fille a disparu. Il sera submergé de tristesse et je doute qu'il soit en état de penser clairement.

- Shion et la Reine Hilda sont à ses côtés, fit Dohko. Ils le soutiendront.

Tous finirent par aller se coucher. Seiya passa près du chariot de la Princesse et entendit les sanglots étouffés de Shunrei. Il aurait voulu la réconforter, mais il ne savait pas quoi lui dire. Il était tout aussi bouleversé qu'elle. De leur côté Dohko et Aïoros s'étaient éloignés pour discuter.

- Tu as senti ? demanda le Maitre d'Armes.

- Oui. Il y a comme une présence magique qui s'amenuise rapidement.

- J'ai peur que Saori n'ait été enlevée.

- Par qui ?

- Je n'en ai aucune idée. Je ne pense pas que Poséidon soit l'instigateur.

- Tu penses à Hadès ?

- Il ne faut exclure aucune possibilité, mais j'en doute. Nous n'avons peut-être plus de contact avec lui mais je ne crois pas qu'il ferait cela.

- Gabriel est persuadé que nos terres frontalières sont exploitées par des paysans des Ténèbres, argumenta Aïoros.

- Peut-être, oui… Mais qu'aurait-il à gagner en enlevant la Princesse ?

- Faire échouer le mariage. En étant l'allié des Océans, nous aurions une plus grande force militaire.

- Mmh… J'ai du mal à y croire. Il a bien assez à faire chez lui pour continuer à reconstruire son pays, murmura Dohko, incrédule.

- Il est peut-être plus ambitieux que nous ne le pensons.

- Comment ça ?

- Ah… Je ne sais pas, bougonna Aïoros en ébouriffant ses cheveux. Je n'arrive plus à réfléchir clairement.

- Moi non plus. Essayons de dormir un peu. Seiya est dans un sale état.

- Que veux-tu dire ? demanda Aïoros, soudainement alerté par ces paroles.

- Non seulement il doit renoncer à la femme qu'il aime mais en plus, elle vient de disparaitre.

- Tu le savais ?

- Quoi donc ? Pour Seiya et la Princesse ?

- Oui.

- Bien sûr. Shion n'ignore rien de ce qui touche Saori. Et toi aussi apparemment.

- Shaina et moi l'avons découvert par hasard, répondit le Maitre Archer, puis il lui raconta comment, avec son épouse, ils avaient surpris leur rendez-vous secret.

- Je pense que ses amis le savent ou du moins qu'ils le soupçonnent fortement, rajouta le Maitre d'Armes.

Le sommeil les fuit pendant un long moment mais ils finirent par y succomber. Le lendemain, le réveil fut difficile pour tous. Le Colonel Albior rédigea un courrier qu'il confia à l'un de ses hommes qui partit vers Atlantis avec l'étendard de héraut sur l'un des rares chevaux qu'ils avaient pu rattraper. Puis il confia à Shiryu la mission de galoper jusqu'à Égide pour prévenir le Roi. Ceci fait, il laissa une quinzaine de soldats sous le commandement de Marine de la Maison de l'Aigle pour fouiller encore le coin avec ordre de rentrer dans deux jours. Le reste du convoi s'ébranla en direction de la capitale du Sanctuaire. Le retour allait se faire dans une ambiance lugubre. Les soldats avaient le moral au plus bas. Ils avaient failli à leur mission. Et pour rajouter à leur malheur, il pleuvait.

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Royaume de Ténèbres…

Saori était éveillée depuis un bon moment mais elle n'osait pas bouger. Elle entendait parfois des bruits qui venaient de l'extérieur de la pièce où elle se trouvait. Elle finit par se lever et regarda par la fenêtre. Elle ne voyait qu'une montagne noire et des nuages de fumée qui s'échappaient de la roche. Elle fronça les sourcils et se mit à chercher dans sa mémoire. Si elle se souvenait bien de ce que son précepteur lui avait appris, ce genre de phénomène ne se produisait qu'à proximité d'un volcan. Où y avait-il un volcan ? L'arrivée d'une femme avec un plateau de victuailles l'arrêta dans ses réflexions. La servante le posa sur la table et s'inclina respectueusement.

- Attendez ! Où suis-je ?

La femme mit une main devant sa bouche et secoua la tête de gauche à droite. La Princesse comprit immédiatement ce que cela signifiait. Et même si elle avait pu parler, elle ne lui aurait probablement rien dit. Lorsqu'elle entendit la clé tourner dans la serrure, Saori eut la confirmation de ce qu'elle pressentait et redoutait. Elle était prisonnière. Mais de qui ? Que faire ? Ne pas manger et se laisser dépérir ou bien au contraire, être en forme pour s'échapper si une occasion se présentait ? Brusquement, elle ouvrit de grands yeux et mit une main devant sa bouche. Il n'y avait qu'un seul volcan actif sur ce continent. Le Mont Elysion. Elle était pratiquement certaine de se trouver au Royaume des Ténèbres. Et pour être si proche de la montagne, ce manoir ne devait pas être très loin de Giudecca. Se pourrait-il que le Roi Hadès soit le responsable de son enlèvement et de sa captivité ? Si c'était le cas qu'elles étaient ses raisons ?

Elle s'assit devant le plateau et commença à manger. Elle dut bien s'avouer que c'était très bon. Excellent, même. La tourte à la viande, les légumes et les fruits étaient délicieux. Elle avait bien songé que la nourriture était peut-être empoisonnée mais ça n'aurait aucun sens. Si Hadès avait voulu la tuer, ce serait déjà fait. Si c'était bien lui. Mais plus elle réfléchissait et plus cette idée s'imposait à elle. De toute évidence, elle était un otage. Mais à quelle fin ? Elle poussa un profond soupir d'impuissance. Elle n'avait qu'à patienter. Tôt ou tard, son ravisseur viendrait la voir. Et elle n'attendit pas longtemps. La porte s'ouvrit et un homme s'avança dans la pièce, souriant.

- Princesse Saori, dit-il. Je me présente. Je suis…

- Le Roi Hadès, le coupa-t-elle.

- Effectivement, confirma-t-il en haussant un sourcil. Je ne crois pas que nous nous soyons déjà rencontrés.

- Non, et j'aurais aimé que cela reste ainsi, rétorqua la jeune fille en redressant la tête. Pourquoi suis-je ici ?

- Eh bien, eh bien ! Quel caractère ! s'amusa le Roi en croquant dans une pomme verte. Je reconnais bien là une princesse de sang élevée dans la plus pure des traditions.

- Cela vous déplait ?

- Pas vraiment. Disons que j'ai rarement l'occasion de rencontrer des personnes de votre statut.

- Ah bon ? Les gens de votre cour ne connaissent pas les bonnes manières ?

- Vous ne savez rien des gens de ma cour. Alors, abstenez-vous de les dénigrer.

- Vous aurais-je vexé, Sire ? Peut-être auriez-vous dû, vous, vous abstenir de me séquestrer ici si je vous déplais.

- Vous avez la langue bien affutée, Princesse. Si vous pensez me vexer, m'insulter, me mettre en colère ou que sais-je encore, sachez qu'il faut bien plus qu'une petite langue perfide pour y parvenir.

- Pourrais-je connaitre les raisons de ma détention en ce lieu ?

- Vous êtes là afin que votre père, le Roi Mitsumasa, devienne mon vassal. Garantir la paix et la prospérité de mon peuple ne me suffit pas. Je veux lui donner bien plus encore. Et cela se trouve sur vos territoires.

- Votre… vassal ?

Saori éclata de rire. Hadès avait dit ça avec un tel sérieux qu'elle n'avait pu s'en empêcher. Pensait-il vraiment qu'il allait y parvenir en usant de ce stratagème ?

- Qu'y a-t-il de si drôle ? gronda le Roi, qui commençait à perdre patience.

- Pardonnez… pardonnez-moi, Sire, hoqueta la Princesse. C'est que, voyez-vous, lorsque mon enlèvement sera connu à la cour d'Égide, tout sera mis en œuvre pour venir me délivrer.

- Et vous êtes certaine que ce sera le cas, n'est-ce pas ? Ma chère, laissez-moi vous dire que personne ne viendra vous chercher ici.

- Mon père enverra toute son armée s'il le faut ! s'énerva-t-elle.

- Toute son armée ? Vous parlez de cette armée qui se bat contre celle des Océans depuis plusieurs dizaines d'années ? Vous parlez de cette armée qui se contente de rixes et d'embuscades car elle est incapable de lancer un assaut de grande envergure par manque d'hommes ? Vous parlez de ces soldats qui vous escortaient et qui n'ont pas été capables de vous protéger ? Si c'est cela, alors je n'ai aucun souci à me faire.

- Vous êtes ignoble !

- Si vous voulez. En attendant suivez-moi, je vais vous présenter deux autres de mes… invitées.

Le Roi sortit et Saori le suivit bien malgré elle. Qu'avait-elle à faire de ces autres personnes ? Elle longea des couloirs aussi vides les uns que les autres.

- Il n'y a pas de gardes ?

- Inutile. Les hommes et les femmes qui servent en ce lieu ont tous reçu une formation militaire. Nous y sommes.

Hadès déverrouilla la porte devant laquelle il s'était arrêté et s'effaça pour la laisser entrer.

- Voilà. Faites donc connaissance avec vos compagnes d'infortune. Si elles sont honnêtes, elles vous diront qu'elles sont très bien traitées. Sur ce, je vous laisse. Les serviteurs vous ramèneront à vos chambres quand vous le désirerez. Mesdames, conclut-il en s'inclinant légèrement.

Saori regarda la porte se refermer puis elle se tourna vers les deux jeunes femmes face à elle. L'une s'approcha.

- Je me nomme Freya de Mégrez. Je viens d'Asgard. Et voici Thétis de Sirène des Océans.

- Mégrez ? Êtes-vous parente avec l'Ambassadeur Albéric de Mégrez ?

- C'est mon frère. Vous le connaissez ?

- Bien sûr. Je suis la Princesse Saori de la Maison Kido.

- La Princesse Saori ? répéta Thétis qui sembla sortir de sa léthargie.

- Oui. Depuis quand êtes-vous là toutes les deux ?

- Plusieurs semaines, mais je ne saurais vous dire combien avec exactitude, expliqua Freya en invitant la Princesse à s'asseoir près d'elles, d'un geste.

- Pour quelles raisons avez-vous été enlevées ?

- Hadès compte faire du chantage auprès de nos gouvernements, raconta Thétis. Je suis la sœur du Premier Ministre du Roi Poséidon. Vous étiez en route pour Atlantis ?

- Oui. Je dois épouser le Prince Julian. Cela mettra un terme à cette guerre qui oppose nos deux Royaumes.

- Je sais… Mais de toute évidence, ça n'entre pas dans les plans d'Hadès.

- Que voulez-vous dire ? demanda Saori, de plus en plus inquiète.

- Il compte faire de nos trois Royaumes des vassaux des Ténèbres, reprit Thétis. Votre mariage aurait permis à nos deux armées de s'unir.

- Et Asgard est un allié inconditionnel du Sanctuaire, compléta Freya. Si Hadès avait dans l'idée de nous envahir, il se serait retrouvé à combattre trois armées. En nous prenant en otages, il doit penser qu'il peut faire pression sur nos Souverains respectifs.

- De plus, nos frères sont contraints de lui livrer des informations, poursuivit Thétis. C'est comme ça qu'il a dû apprendre pour votre mariage et votre voyage jusqu'à Atlantis.

- Par tous les Dieux ! jura la Princesse. Cet homme est un monstre !

- Il est pire que ça, murmura Thétis. À cause de lui, j'ai perdu mon bébé.

- Oh non… Quelle horreur…

- Nous avons beau réfléchir, nous n'avons trouvé aucun moyen de nous échapper, lui confia encore Freya.

- Je ne pense pas que nous en soyons capables, affirma Saori. Mais il y a une chose dont je suis certaine. On viendra nous délivrer. Gardons espoir.

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Royaume des Océans…

Après huit jours à chevaucher à bride abattue, le héraut du Sanctuaire arriva à Atlantis. Il se présenta au poste de garde du Palais de Corail dans un état de fatigue extrême, couvert de boue et de poussière. Les soldats prirent soin de lui mais il refusa de manger et de se laver avant d'avoir vu le Roi. Le Lieutenant finit par envoyer un serviteur avertir Poséidon et revint avec l'ordre de faire entrer le messager dans une salle au rez-de-chaussée.

- Eh bien mon brave, commença le Roi en entrant dans la pièce, qu'y a-t-il de si urgent que tu ne veuilles te restaurer avant de m'avoir délivré ton message.

- Sire, la Princesse Saori a été enlevée.

- Quoi ? s'écrièrent le Roi et Kanon qui l'accompagnait.

Celui-ci ouvrit la porte et appela une servante qui passait et lui ordonna d'aller chercher le Prince et le Premier Ministre de toute urgence. Et à une autre il lui demanda de préparer un plateau de nourriture et de l'apporter dans la salle.

- Attendons Sorrento, fit le Roi. Inutile que ce pauvre homme épuisé répète plusieurs fois son histoire.

Un serviteur entra avec un repas sur lequel le messager se jeta. Il dévora tout et faillit s'étrangler avec le vin.

- Doucement mon ami, fit Kanon. Tu n'as pas mangé depuis longtemps, on dirait.

- Je n'ai emporté que de la viande et du poisson séché. Je ne voulais pas perdre de temps à chasser. J'ai galopé du lever au coucher du soleil ne m'arrêtant que pour remplir ma gourde et dormir un peu.

- Père ? Que se passe-t-il ? demanda Julian en surgissant dans la salle avec le Premier Ministre.

- Tu peux tout nous raconter maintenant, messager, l'encouragea le Roi.

Et l'homme relata ce qu'il nomma un drame. Ce fut relativement rapide vu qu'il n'y avait pas grand-chose à dire. Il expliqua qu'un autre messager était parti pour Égide, prévenir le Roi Mitsumasa.

- Le Colonel Albior a jugé qu'il valait mieux que vous soyez informé au plus vite pour que vous ne pensiez pas que notre Souverain s'était dérobé à cet accord de paix, termina l'homme.

- Et ce Colonel a bien jugé. Mais jamais je n'aurais cru que Mitsumasa soit capable d'une telle chose, fit Poséidon en se levant pour faire les cent pas. Bien. Tu vas rester ici, te laver et te reposer. Tu repartiras pour Égide avec une lettre pour ton Roi. Et je te ferai accompagner par le Marquis de SeaHorse. Il sera mon Ambassadeur. Nous devons renouer des liens diplomatiques avec le Sanctuaire le plus rapidement possible. Messieurs, venez avec moi, termina Poséidon en s'adressant à son fils, Kanon et Sorrento.

Le Roi marchait d'un pas rapide et nerveux. Derrière lui, les trois hommes voyaient bien la colère qu'il tentait d'étouffer. Une fois dans le bureau royal, Poséidon la laissa exploser en envoyant voler une chaise à l'autre bout de la pièce d'un violent coup de pied. Geste qui surprit les trois hommes.

- À qui profiterait l'échec de ce mariage ? gronda le Roi en s'asseyant sur un fauteuil.

- Hadès, Dionysos ou Antiope, hasarda Julian.

- Je dirais Hadès, fit Kanon en acceptant le verre de vin que lui tendait Sorrento.

- Pourquoi lui en particulier ? demanda le Premier Ministre.

- Pour ce que j'en sais, commença le Général, Dionysos est en excellent terme avec Antiope et inversement. Ils nous ignorent complètement. Par contre, les Ténèbres sont enclavées au nord par le Sanctuaire, à l'est par les Océans. Au sud et à l'ouest par la mer. Hadès pourrait se sentir menacé par une alliance entre le Sanctuaire et nous. Notre force militaire et commerciale serait multipliée par deux et il doit se dire que rien ne nous empêcherait de l'envahir pour nous approprier les gisements de minerai dont les Ténèbres regorgent.

- Ça me parait un peu surréaliste, dit Julian. Il se pourrait que ce soit là l'œuvre d'une bande de pillards.

- Je ne crois pas, intervint Sorrento qui n'avait rien dit jusqu'à présent, bien conscient qu'il était en partie responsable de cette tragédie. Qu'a dit le messager ? Ils se sont tous réveillés à midi. Les sentinelles qui montaient la garde dormaient aussi. Il n'y a eu aucun mort. Je crois qu'il s'agit là d'un plan murement réfléchi. Libérer les chevaux et endormir tout le monde jusqu'au lendemain, laissait tout le temps nécessaire aux ravisseurs pour mettre le plus de distance possible entre eux et l'escorte.

- Ce qui nous laisse donc Hadès comme suspect principal, résuma Julian.

- Mais sans preuve, nous ne pouvons intervenir, fit le Roi.

- Sire, il a peut-être enlevé la Princesse Saori pour les mêmes raisons que ma sœur.

- Faire pression sur nos gouvernements, murmura Kanon. Mais pourquoi ? Que veut-il ? Il n'a rien demandé.

- Peut-être attendait-il de mettre la main sur la Princesse pour nous faire part de ses revendications, rajouta le Général.

- Messieurs, gardons notre calme et la tête froide. Il ne s'agit là que d'hypothèses et nous n'avons rien pour les étayer, déclara Poséidon lorsqu'on frappa à la porte. Entrez !

- Sire, vous m'avez fait appeler, dit le Marquis de SeaHorse en pénétrant dans le bureau.

- Oui, asseyez-vous avec nous, je vais tout vous expliquer.

Le Roi relata toute l'affaire au Ministre du Commerce sans toutefois parler de l'enlèvement de Thétis, ce dont Sorrento lui fut reconnaissant.

- Je m'acquitterai de cette mission, Sire. Vous pouvez compter sur moi. Si vous n'avez pas d'autres informations, je vais aller me préparer et faire la connaissance de ce héraut.

- Allez-y, mon ami. Je vous ferai porter le courrier pour le Roi Mitsumasa.

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Royaume du Sanctuaire…

Deux jours après leur départ de Lindos, Shiryu était sur le point de partir pour Égide quand Dohko l'interpella.

- J'y vais à ta place, lui dit-il. Le Colonel est d'accord.

- Mais pourquoi ? Je peux parfaitement m'acquitter de cette mission ! protesta le jeune Chevalier.

- Sans aucun doute, mais mon cheval est plus rapide que le tien.

- C'est juste. Très bien. Voici la lettre, capitula le jeune homme en lui tendant le document.

Dohko le glissa dans son pourpoint et sauta sur sa monture qu'il talonna. L'animal bondit et l'homme et le cheval ne furent bientôt plus qu'une ombre dans le lointain. Heureusement la pluie avait cessé mais le moral des hommes était au plus bas. Seiya était particulièrement sombre.

Le convoi était presque arrivé à Égide. Il ne devait rester que deux jours de voyage lorsqu'il fut rejoint par une troupe de cavaliers arborant les bannières des Océans. Les soldats du Sanctuaire furent immédiatement sur leurs gardes.

- Colonel Albior ! cria le héraut qu'il avait lui-même envoyé.

- Ptolemy (1) ?

- Je suis avec l'Ambassadeur du Roi Poséidon. Le Marquis de SeaHorse.

- Monseigneur…

- Colonel, je suis content que nous ayons pu vous rattraper. Le Roi Poséidon m'envoie auprès de votre Souverain pour lui faire part de son soutien et lui dire qu'à aucun moment il n'a pensé à une quelconque fourberie de sa part.

- Vous m'en voyez soulagé. J'ai également envoyé un messager à Égide qui a déjà dû arriver pour informer Sa Majesté de ce drame qui nous frappe tous.

- Vous êtes un homme avisé, Colonel.

- Aïoros ! Prends le commandement des troupes. Je vais accompagner l'Ambassadeur à Égide. Nous voyagerons plus vite.

Dohko avait attendu la nuit pour entrer dans la Cité d'Égide. Il voulait voir Shion avant d'informer le Roi. Il s'était rendu directement dans sa boutique pour ne pas risquer d'être reconnu dans la Palais. Dans sa chambre, il se débarrassa de ses vêtements de voyage et se rafraichit avec l'eau d'une aiguière qu'il venait de remplir. Soudain, il sentit la fatigue du voyage et l'inquiétude peser lourdement sur ses épaules. Il poussa un long soupir et s'assit sur le lit. Les coudes sur les genoux et les poings serrés devant sa bouche, il repensa aux évènements. Puis il passa ses mains sur son visage comme si par ce geste, les problèmes allaient s'évanouir.

- Shion anin me. Rastal me in ria siop. Schriss ! (Shion, c'est moi. Rejoins-moi dans ma boutique. Vite !)

- Dohko ? Sima… (Dohko ? Mais…)

- Dim ne exita ! Schriss ! (Pas de question ! Vite !)

Le Médecin qui se trouvait encore au dispensaire ne discuta pas davantage. Il donna quelques instructions aux aides-soignants pour la nuit et fila aussi vite que possible jusqu'à la boutique du Maitre d'Armes. Arrivé devant, il entra lentement, tous ses sens en alerte. Dohko n'était pas censé être là. Soudain, la tenture qui cachait la partie privée se leva.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ? s'écria le Magicien en refermant ses bras sur son amant qui s'était précipité sur lui.

- Viens, je vais tout t'expliquer.

Assis face à face de chaque côté de la table, les deux hommes étaient silencieux. Dohko avait raconté les évènements sans omettre aucun détail. Du moins pour ceux qu'ils connaissaient.

- C'est… c'est une catastrophe, bredouilla Shion, le visage ravager par la détresse.

- Nous allons devoir nous dévoiler.

- Je pense qu'il faut informer Hilda. Elle lira les astres pour nous.

- Et le Roi ? Nous devons le lui dire. Réunissons-les tous les deux.

Ainsi fut-il fait. Dohko passa des vêtements propres et les deux hommes se rendirent au Palais. Le serviteur de nuit les introduisit dans les appartements du Roi où la Reine Hilda les rejoignit, prévenue par une servante. À la vue de leurs mines sombres, les deux Souverains sentirent l'inquiétude les gagner.

- Nous t'écoutons, Dohko, l'encouragea Shion.

- Sire, j'ai une bien mauvaise nouvelle, commença le Maitre d'Armes.

Là encore, son récit fut court mais précis. Il ne put donner de réponses supplémentaires aux questions que lui posèrent Hilda et Mitsumasa. Le Roi accusa le choc. Il resta un long moment silencieux comme s'il luttait pour se persuader qu'il ne faisait pas un horrible cauchemar. Puis il se reprit et loua la rapidité de réaction du Colonel Albior et son bon sens.

- Majesté, commença Shion, peut-être que la Reine pourrait tenter de lire dans les étoiles.

- J'ai mieux mon cher, répondit Hilda. J'ai donné à la Princesse un talisman sous la forme d'une bague. Je lui ai dit que c'était un cadeau. Elle devrait nous permettre de savoir où elle se trouve.

- S'agit-il d'une bague en or ? demanda Dohko, le regard triste.

- Oui, s'étonna la Reine.

Il sortit l'objet de sa poche et le montra au creux de sa main aux trois personnes avec lui.

- Je l'ai trouvé alors que l'on fouillait les alentours du camp.

- Il pourrait s'agir d'une bague perdue appartenant à n'importe qui, tenta de se rassurer le Roi.

- Non, mon ami. C'est bien la bague que Saori portait, confirma Hilda.

- Serait-il juste de déduire que parmi ceux qui ont commis cet enlèvement, se trouvait un Magicien capable de sentir le sortilège du bijou ? demanda Shion, même s'il connaissait la réponse.

- Tout à fait juste. Et un puissant Magicien. Le sort n'était pas fait pour être découvert par n'importe qui ayant quelques connaissances magiques, expliqua la Reine.

- Donc nous pouvons logiquement conclure que cet acte odieux a été murement réfléchi, parfaitement préparé et exécuté.

- Dohko, vous avez dit que tout le campement s'est réveillé vers midi, n'est-ce pas ?

- C'est cela, Majesté.

- Il doit s'agir d'un sort de sommeil. Ce n'est pas à la portée de n'importe qui. Et de plus vous avez senti une sorte de présence magique.

- Oui, qui semblait disparaitre rapidement.

- Comment se fait-il que vous soyez sensible à Elle ? s'enquit encore Hilda soudainement suspicieuse.

La question surprit les trois hommes. Shion et Dohko échangèrent un regard qui confirma qu'ils pensaient la même chose.

- Vos Majestés, Dohko et moi sommes… sommes amis depuis de très longues années. De très bons amis.

- Et Shion m'a appris quelques… petites… choses très simples, bredouilla le Maitre d'Armes. Rien de bien difficile…

- Messieurs, sourit Hilda. Nous avons bien compris que vous êtes amants. Dans un couple, il est normal que certaines choses soient échangées, confiées. Et dans cette affaire, cela nous sert.

- Cela nous permet de savoir à quel genre de personnage nous risquons d'avoir à faire, commenta le Roi. Ma petite fille…, soupira-t-il en essuyant une larme au coin de sa paupière. J'espère qu'elle n'a rien.

- Sire, dit Shion, je suis sûr qu'elle va bien. Ceux qui l'ont enlevée savaient très bien ce qu'ils faisaient. Ils vont certainement demander une rançon et ils ont tout intérêt à la garder en vie.

- Nous devons faire appel aux Chevaliers de la Caste d'Or, laissa tomber le Roi dans le silence qui s'était installé.

- La Caste d'Or ? sursauta la Reine. Je croyais qu'ils étaient une légende.

- Peut-être… Peut-être pas, reprit le Souverain d'un air énigmatique. L'histoire dit qu'ils sont les protecteurs de la Famille Royale et que lorsque celle-ci est en danger, ils interviennent. Mais ça n'a pas était le cas depuis bien des décennies… Des siècles peut-être… Ils ont été si peu appelés que leur existence et le récit de leurs exploits se sont transformés en mythe. Il n'y a aucune preuve qu'ils sont réels.

- Supposons qu'ils existent, intervint Shion, comment les prévenir ?

- Je l'ignore, avoua le Roi.

- Peut-être sont-ils déjà informés de la situation, avança Dohko sur un ton hypothétique.

- Et comment le seraient-ils ? demanda Hilda, plus que sceptique.

- Je ne sais pas… Ils ont peut-être un lien particulier avec la Famille Royale qui leur permet de savoir si elle ou l'un de ses membres est en danger, proposa Shion comme explication.

- Il y a beaucoup d'incertitude dans toutes ces spéculations, coupa le Souverain. Nous allons attendre que le convoi revienne et alors nous aviserons.

- Sire, je vais prévenir mes Chevaliers, dit Hilda. Nous serons à vos côtés. Seigneur Shion, voudriez-vous m'aider à lire les étoiles ?

- Ce sera un honneur, Majesté. Dohko, tu devrais rentrer et te reposer. Demain viendra bien assez vite.

Les astres ne révélèrent rien de plus. Le même schéma était toujours là et semblait se confirmer plus que jamais. Un malheur devait frapper le Sanctuaire. C'est ce qui était écrit et c'est ce qui venait de s'accomplir. Mais quelque chose de plus terrible encore se mettait toujours en place. Une configuration gigantesque.

- Quelque chose ne va pas, Hilda ? demanda Shion en voyant le visage pâle et inquiet de la Reine.

- Je ressens un malaise… Comme s'il y avait une accélération dans la succession des évènements, quelle que soit leur importance.

- Un peu comme si le temps passait plus vite ?

- Non… juste les choses qui se précipitent, qui arrivent les unes derrière les autres comme si elles devaient se produire avant un instant précis, une sorte de date butoir.

- Ce n'est pas rassurant, murmura Shion.

- Non, pas rassurant du tout. Sans vouloir minimiser l'enlèvement de Saori qui est un véritable drame en soi, je crois que le pire reste à venir…

Les deux Magiciens se séparèrent et Shion rentra chez lui où l'attendait Dohko.

- Je pensais te trouver endormi, dit-il en se déshabillant pour se rafraichir.

- Je suis trop inquiet et énervé malgré la fatigue.

- Il va falloir que je prévienne tout le monde, poursuivit le Magicien en se glissant sous les fourrures auprès de son amant.

- La Caste d'Or… murmura Dohko. Je ne pensais pas que ça tomberait sur notre génération…

- Et moi j'espérais que nous n'aurions plus jamais besoin d'elle.

- C'est Saga qui va être surpris, sourit tristement le Maitre d'Armes.

- Pourquoi ?

- C'est lui qui disait que nous étions encore une génération qui n'aurait servi à rien.

- Nous devons nous préparer. Mais je ne sais pas par où commencer.

- Attendons de voir ce que décidera le Roi. Tenons-nous prêts, c'est tout.

Les deux hommes finirent par s'endormir. La Reine Hilda jugea qu'il était inutile de prévenir ses Chevaliers avant le matin quant au Roi Mitsumasa, il pleura en silence jusqu'à ce que la fatigue le terrasse.

Deux jours plus tard, l'Ambassadeur des Océans, le Marquis Bian de SeaHorse arriva à Égide avec son escorte et le Colonel Albior en début d'après-midi. Il s'attendait à recevoir un accueil plutôt froid, mais à la vue des bannières de Poséidon, les gens lui sourirent et même, le saluèrent de la main. Il leur renvoya leur salut timidement mais soulagé. Il fut reçu par Tatsumi, le Chambellan du Roi qui se hâta de l'introduire auprès du Roi.

- Ambassadeur, soyez le bienvenu au Palais de Marbre, déclara solennellement le Souverain. Voici Hilda de la Maison de Polaris, Reine du Royaume d'Asgard, notre amie.

- Vos Majestés, les salua Bian en s'inclinant respectueusement devant les deux têtes couronnées. Étant donné les évènements, j'ai voyagé aussi vite que possible et j'ai eu la chance de rencontrer le Colonel Albior qui m'a accompagné jusqu'ici. Voici un courrier du Roi Poséidon.

Un serviteur s'avança pour prendre la missive et la remettre au Roi.

Pour le Roi Mitsumasa, Souverain du Royaume du Sanctuaire.

J'aurais aimé que la reprise des relations diplomatiques entre nos deux Royaumes se fasse dans de meilleures circonstances. Je tiens à vous rassurer. Pas un seul instant je n'ai pensé que vous ayez pu vous soustraire à notre accord sur le mariage de nos enfants.

C'est la raison pour laquelle je veux vous assurer de tout mon soutien pour retrouver votre fille, la Princesse Saori et que ses noces avec mon fils Julian soient célébrées. Elles sont l'assurance d'un avenir radieux pour nos deux peuples.

Je suis moi aussi un père et croyez bien que je n'ai aucun mal à imaginer ce que vous devez éprouver en cet instant. Ce mariage entre nos enfants est ce qui pouvait nous arriver de mieux. Cette guerre a suffisamment duré. Soyez assuré de tout mon soutien dans ce malheur qui vous frappe ainsi que pour vous aider dans cette mission de sauvetage que vous allez sans aucun doute entreprendre.

Le Marquis de SeaHorse, que j'ai nommé Ambassadeur à votre cour, a mon entière et absolue confiance. Il sera un excellent conseiller.

Poséidon, Souverain du Royaume des Océans.

Le silence était de plomb durant tout le temps où le Roi lut la lettre. Il releva la tête et sourit à l'Ambassadeur avant de tendre le parchemin à la Reine Hilda qui le parcourut à son tour avant de le remettre à Shion.

- Seigneur Bian, cette lettre me réchauffe le cœur, déclara Mitsumasa. Je vois la sincérité dans chacun des mots écrits. Je vais répondre à votre Roi aussi vite que possible. Malheureusement, il faudra au moins deux semaines avant qu'il ne reçoive ma lettre.

- Si vous permettez, mon ami, intervint en posant une main sur l'avant-bras du Roi, nous la ferons parvenir par pigeon pour plus de rapidité, murmura-t-elle.

- Fort bien, fit le Roi. Nous devons agir au plus vite. Vous assisterez à toutes les réunions qui concerneront cette affaire. Et ce soir, je vous convie à notre table pour un diner informel. Mais pour l'instant, allez vous rafraichir et vous reposer. Une chambre a été préparée à votre intention. Votre escorte sera logée à la caserne dans le quartier des officiers. Tatsumi ?

- Ambassadeur, si vous voulez bien me suivre, fit le Chambellan en s'approchant.

- Je vous remercie pour toutes ces attentions, Majesté, répondit Bian en s'inclinant avant de suivre le serviteur du Roi.

Le Marquis de SeaHorse apprécia la chambre qu'on lui avait destinée. Elle était spacieuse, la lumière entrait à grands flots par les hautes fenêtres, le sol était jonché de tapis épais et de fourrures. Le mobilier était d'une facture remarquable et les murs de marbre qui renvoyaient l'éclat du jour contribuaient à éclaircir encore la pièce. Il regardait le paysage qui s'étendait par-delà les remparts lorsqu'on frappa à sa porte.

- Entrez.

- Monseigneur, s'inclina le Chambellan, je vais vous conduire à la salle à manger. Si vous voulez bien me suivre.

- Allons-y, sourit l'Ambassadeur.

En fait de salle à manger, il s'agissait plutôt d'un salon privé. Le Marquis reconnut ses hôtes et on lui présenta Dohko de la Maison de Libra et Maitre d'Armes qui lui expliqua qu'il était le messager envoyé par le Colonel pour prévenir le Roi.

Après avoir bu à la délivrance de la Princesse et à l'espoir que ce mariage portait en lui, les convives passèrent à table. Mais chose surprenante, c'était Shion et Dohko qui faisaient le service après que les serviteurs aient déposé les plats sur une desserte.

- Est-ce une coutume de votre Royaume que de se servir soi-même ? demanda innocemment le Marquis.

- Non, Ambassadeur, répondit le Roi en mangeant un morceau de viande rôtie. Je pense tout simplement que votre Roi vous a confié certaines choses qu'il ne pouvait mettre par écrit dans l'éventualité où vous auriez pu être… comment dire… intercepté.

- Vous êtes perspicace, Majesté, sourit Bian.

- Je me mets aisément à sa place. J'aurais fait de même. Et comme je soupçonne les murs d'avoir des oreilles, je préfère que nous nous passions de serviteurs. J'espère que vous ne vous en formaliserez pas.

- Bien au contraire. Votre méfiance rejoint celle de mon Souverain.

- Eh bien, Seigneur Bian, sourit Hilda, quels sont donc les secrets que vous a confiés le Roi Poséidon ?

- Vous pouvez parler sans crainte, l'encouragea Mitsumasa. Je remettrais ma vie, celle de ma fille et tout mon Royaume entre les mains des personnes qui sont là.

- Eh bien… Puisque vous leur faites confiance, je ferai de même. Le Roi Poséidon propose que vous vous rencontriez dans la plus grande discrétion dans les ruines d'un domaine situé dans la plaine qui s'étend au pied du Pic du Main Bread Winner pour mettre en commun les informations que nous avons sur cette affaire. Même si malheureusement, elles sont bien maigres. Et ensuite nous pourrons réfléchir à un plan, un moyen de retrouver votre fille et de la délivrer. Si une rançon vous est demandée et que vous envisagez de la payer, mon Roi souhaite prendre à sa charge la moitié de la somme.

- Holà ! Nous allons un peu vite en besogne ! s'écria le Roi, amusé. Nous n'en sommes pas encore là. Nous règlerons les choses à mesure qu'elles se présenteront. Pour l'instant, une rencontre avec le Roi Poséidon me parait tout à fait indiquée. Et pour ce qui est du secret, eh bien je quitterai la ville sans me faire voir et je confierai le Royaume à mon Premier Ministre et à la Reine Hilda pendant mon absence.

- Vous me voyez très heureux de votre décision, Majesté. Il va de soi que votre escorte devra être réduite.

- Je me porte volontaire, intervint Shion qui n'avait encore rien dit.

- Mon ami, le dispensaire ne peut se passer de toi, argumenta fort logiquement Mitsumasa.

- Il le faudra bien. Il n'est pas question que votre Magicien ne vous accompagne pas.

- Ainsi que votre Maitre d'Armes, ajouta Dohko.

- Nous en reparlerons le moment venu, tempéra le Roi.

- Nous enverrons donc un faucon contrairement à ce que j'ai dit plus tôt par crainte d'oreilles indiscrètes. Sous l'emprise de la Magie, il filera comme le vent et portera notre courrier en quelques jours seulement. Et je suis persuadée que le Roi Poséidon a un Magicien à ses côtés qui comprendra pourquoi nous agissons de la sorte.

- Il va sans dire que le Seigneur Antée est un Magicien très puissant. Et très intelligent. Faisons donc ainsi.

- Vous êtes bien joyeux, Ambassadeur, remarqua Dohko.

- Eh bien… malgré les circonstances, j'avoue que je suis satisfait, Seigneur Dohko. Pour ma première mission diplomatique, aussi importante soit-elle, tout semble se dérouler au mieux. Je ne vous cache pas que j'étais anxieux de mes capacités à la mener à bien. Tout du moins, jusqu'ici. Et qu'en est-il de vos Ministres ? Avez-vous toute confiance en eux ?

- Absolument. Je convoquerai demain un Conseil extraordinaire. Buvons au succès de notre entreprise ! s'exclama le Roi en levant sa coupe de vin, imité par ses invités.

Le repas se termina un peu tard dans la soirée et les convives se séparèrent. Mitsumasa donna rendez-vous à l'Ambassadeur en milieu de matinée pour lui lire la lettre qu'il enverrait à Poséidon. Quant à Shion et Dohko, ils se faufilèrent dans la caverne sous le Palais où les attendaient leurs compagnons. Après les avoir informés de la situation, un lourd silence s'abattit sous la voute de pierre. Seul le bruit des gouttes d'eau qui tombaient des stalactites troublait ce calme.

- Nous allons donc escorter le Roi pour sa rencontre avec Poséidon, déclara Saga.

- Non, pas encore. Nous ne nous dévoilerons que lorsque le moment d'agir sera venu, fit Shion en s'avançant au milieu du cercle formé par ses amis. Pour l'instant seuls Dohko, Aïoros et moi l'accompagnerons avec peut-être quelques soldats.

- Pourquoi vous ? demanda Milo visiblement mécontent de ce choix.

- Le Magicien, le meilleur bretteur et le meilleur archer du Royaume, énuméra le Médecin, conscient que sa réponse allait en vexer beaucoup.

- Ça veut dire que nous ne servons à rien ? s'offusqua Mû d'ordinaire nettement plus modéré.

- Vous savez très bien que non, intervint Dohko. Le Roi va confier le Royaume à Asmita et Hilda sera là en tant que… que conseillère. Même si certains de ses Chevaliers sont là, qui sait si les ravisseurs de Saori ne vont pas tenter quelque chose ? Vous protègerez la Cité.

- Tenter quelque chose ? demanda Aliandro à son tour. Mais quoi donc ?

- L'enlèvement de Saori n'est peut-être qu'une diversion pour une opération de plus vaste envergure comme un coup d'État, laissa tomber Gabriel dont l'esprit d'analyse avait déjà envisagé de nombreuses possibilités

- Une éventualité parmi d'autres, reprit Shion. Pour l'instant nous en sommes là. Demain le Roi enverra son courrier. De plus le convoi devrait bientôt arriver. Nous en saurons peut-être davantage avec de nouveaux témoignages. Ne nous précipitons pas. Nous n'avons pas tous les éléments en mains.

- Tu dis que demain, Sa Majesté informera les Ministres ? demanda encore Gabriel.

- Oui, pourquoi ?

- Je crains que Dégel ne devine plus de choses que ce que le Roi révèlera. Tu sais à quel point il est perspicace. Il soupçonnera qu'on ne lui dit pas tout. C'est dans sa nature.

- Eh bien qu'il soupçonne tout son soûl si ça lui fait plaisir. Et puis son aide sera la bienvenue si on le contrôle.

- Contrôler Dégel ? fit le chevalier d'Aquarius avec un petit rire. Shion, depuis le temps que tu le côtoies, ne sais-tu pas encore de quoi il est capable ?

- Je sais qu'il est redoutable.

- Le mot est faible. À partir de rien, il peut arriver à une conclusion juste. Si tu veux avoir un coup d'avance sur lui, il faut le mettre dans la confidence. Crois-moi. C'est lui qui m'a tout appris.

- J'ai confiance en ton jugement, Gabriel, approuva Shion. Faisons ainsi, mais nous ne lui dévoilerons que le strict nécessaire. En tout cas, une chose est sûre.

- Laquelle ? demanda Shura, se faisant le porte-parole de tous.

- Les Chevaliers de la Caste d'Or vont devoir intervenir et dévoiler leur identité. Je vous suggère de reprendre quelques techniques de concentration pour maitriser vos pouvoirs Magiques. Nous avons un peu délaissé ce côté de notre entrainement ces derniers temps.

Sur ces paroles, Shion quitta la grotte, suivi de Dohko puis de tous les autres. Après plus de quatre cents ans à œuvrer dans l'anonymat le plus absolu, les Chevaliers de la Caste d'Or allaient agir au grand jour.

Les Chevaliers de la Caste d'Or… et leurs alliés.

Les Centaures et les Minotaures...

À suivre…

Le prochain chapitre vous emmènera dans tous les Royaumes.


(1) Ptolemy de la Flèche : c'est le Chevalier d'Argent qui perce la poitrine de Saori d'une flèche d'or et déclenche la Bataille du Sanctuaire.

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