Sous la pluie
Chifuyu Matsuno se tenait devant la tombe de son ancien camarade, Baji. Cela faisait des années que celui-ci avait perdu la vie, mais il prenait toujours le temps de venir se recueillir sur sa tombe. Cela l'apaisait et lui permettait de réfléchir avec l'esprit clair. Et par les temps qui courraient, il se devait de prendre les meilleures décisions.
Alors il se tenait là malgré la pluie qui tombait et le gelait jusqu'aux os. Il ne savait plus quoi faire. Baji savait toujours, lui. Que serait-il devenu s'il n'était pas entré dans sa vie ? Il régnait alors par la violence et ne retenait jamais ses coups. Il se sentait alors invincible.
Baji l'avait changé. Il avait fait disparaître le monstre de colère qui courrait dans ses veines. Il s'était alors relevé plus doux. Il n'employait la violence que quand nécessaire- toujours trop souvent. Il n'avait pas choisit la voie la plus calme, mais il ne voulait pas laisser s'effondrer le rêve de Baji. Alors, il continuait coûte que coûte, envers et contre tous.
Baji était-il fier de lui ?
Il se posait toujours cette question quand il se tenait là. Mais, il n'avait, évidemment, jamais de réponse.
Il passa une main fatigué sur son visage. Il sentait ses vêtements le coller, c'était loin d'être agréable. Il était transit de froid, mais ses jambes refusaient de le relever alors il restait assis. Pourquoi tout était si compliqué… Il en savait bien trop pour son propre bien et n'avait personne à qui en parler.
Il sentit une larme couler le long de sa joue et se mêler à la pluie qui ruisselait sur son visage. Il soupira. A quoi bon bouger, personne ne l'attendait. Après tout, pourquoi ne pas rester une éternité ici, personne ne s'en soucierait. Il n'était pas si mal près de Baji. Comme toujours.
Depuis le jour où il était devenu son ombre.
La pluie qui martelait son corps cessa soudain. Il rouvrit brusquement les yeux. Il ne se souvenait pas les avoirs fermés.
La toile d'un parapluie bleu le protégeait des précipitations. Une main fine et délicate le maintenait au-dessus de lui. Il sombre dans les abysses d'un regard hypnotisant. Il reste un instant figé avant de se reprendre. Une jeune femme se tient devant lui. De magnifiques yeux bruns perdu au milieu d'un visage pâle dont les pommettes sont rougis par le froid, le tout encadré d'une cascade de cheveux ailes de corbeaux.
Son souffle se coupe.
— Tu vas attraper froid à resté ainsi. Cela fait un moment que tu ne bougeais plus…
Sa douce voix atteignit son cœur en son centre lui faisant louper plusieurs battements. Elle l'avait vu. Elle était venue vers lui.
— Viens avec moi, l'orage risque d'empirer.
Il regarda, perdu, la main qu'elle lui tendait. Personne ne lui avait tendu la main depuis une éternité.
Il la saisit et se redressa. Il profita de la douceur de sa peau, refusant de lâcher cette main qu'on venait de lui tendre. Il sentait son pouls, ou était-ce le sien ? Peu importe. Il se sentait hypnotisé, emprisonné par se regard emplit de douceur et d'inquiétude. Depuis combien de temps ne s'était-on pas inquiété pour lui ?
— Merci, croassa-t-il d'une voix faible.
Elle lui sourit et lui sembla que l'orage s'était envolé, que le soleil et la chaleur étaient revenu. Son cœur rata un nouveau battement.
Sans lâcher sa main, elle l'entraîna à sa suite. Ils quittèrent le cimetière. Une fois dans la rue, il se rendit compte qu'il n'avait pas dit au revoir à Baji. Lui en voudrait-il ? Il espérait que non. Il ne pouvait retourner le faire. Il y avait cette main qui l'emmenait loin de son chagrin, loin de sa colère, loin de sa peur.
Rue après rue, il sentit son esprit s'alléger.
Peut-être que ça irait finalement.
— C'est dans cet immeuble que je vis, finit-il par indiquer en reconnaissant la façade.
La jeune femme acquiesça, un sourire illuminant son visage. Elle était magnifique. Il aurait sûrement dû se taire et continuer de la suivre. Peu importe ou elle l'emmenait. Il aurait tout abandonné.
Elle l'accompagna jusque dans le hall. Elle entreprit ensuite de farfouiller dans son sac jusqu'à en sortir, victorieuse, un stylo et un morceau de papier. Elle nota rapidement quelque chose et le lui donna avant de s'évaporer dans un « salut » sonore.
Il ne l'avait même pas retenu. Quel idiot !
Il aurait voulu passer un peu plus de temps auprès d'elle. Il s'était sentit tellement mieux à ses côtés. Il ne pouvait jamais l'ouvrir quand il le fallait ! Evidemment. Il soupira. Il regarda dehors, mais la rue était déserte.
Il déplia, finalement, le morceau de papier. Il était curieux de savoir ce qu'elle lui avait laissé.
« Appelle-moi si tu as besoin d'un parapluie, je ne suis pas loin. Atsu Tori »
Un sourire apparu sur ses lèvres.
Il la rappellerait, ça ne faisait aucun doute.
