Après deux semaines, il avait pris une décision, dont il n'était pas vraiment sûr, mais qu'il était résolu à exécuter jusqu'au bout. Ramenant deux verres de vin dans le salon et les posant sur la table basse, Harry s'installa sur le canapé face à Marie. La jeune femme lui fit un sourire.

- Ton ex-mari refuse toujours que tu gardes tes enfants en ma présence ? Demanda-t-elle.

Harry soupira et se passa une main dans les cheveux.

- Tu n'as pas à te sentir mal pour ça. Ça m'embête aussi, mais je le comprends, il n'est pas prêt, ça viendra.

- Je ne sais pas s'il le sera un jour.

Voyant qu'elle allait répliquer, Harry la stoppa d'un geste de la main, sourcils froncés et yeux clos.

- Écoute, je ne t'ai pas demandé de venir pour qu'on parle de ça.

- D'accord.

Marie pensait que c'était une conversation à avoir, surtout s'ils voulaient continuer sur une bonne voie, mais elle n'oserait pas insister. La vie d'Harry était compliquée et sa relation avec son ex-mari chaotique, le problème étant qu'ils étaient toujours obligés de se côtoyer un minimum à cause de leurs enfants.

- Je voulais te dire quelque chose, annonça Harry.

- J'ai quelque chose à te dire moi aussi. Commence.

Quand Harry vit qu'elle l'encourageait d'un joli sourire empreint de gentillesse, il n'arriva plus à trouver les mots. Être arrivé jusqu'ici et devoir prononcer ces mots étaient plus compliqué que ce qu'il avait cru.

- Quelque chose te gêne ? Demanda Marie.

- C'est que… Je ne sais pas trop comment dire ça.

- Moi aussi je suis un petit peu stressée. On pourrait le dire en même temps, qu'est-ce que tu en penses ?

- D'accord, acquiesça Harry. Faisons ça.

Lançant un lent décompte à partir de trois, Harry fit abstraction de la voix de la jeune femme pour rassembler tout son courage.

- On devrait rompre.

- Je t'aime.

Se dévisageant, ils n'avaient pas une seconde imaginé ce qui sortirait de la bouche de l'autre. L'information percutant son cerveau, Harry se sentit encore plus mal de mettre un terme à cette relation après une telle révélation.

- Tu voudrais rompre, donc, souffla Marie d'une petite voix.

- Je suis désolé, je ne pensais que tu avais ce genre de…

- Ce n'est rien, le coupa-t-elle. Tu ne pouvais pas le savoir.

- Je veux que tu saches que je n'ai pas pris cette décision à cause de toi. Tu es une fille extraordinaire. Gentille, patiente et très compréhensive, mais en ce moment, je suis dans une période vraiment compliquée.

- Avec tes enfants et ton ex-mari, comprit-elle.

Harry hocha la tête.

- Je suis en guerre avec Draco, James ne m'adresse plus la parole. Je marche vraiment sur des œufs. Laisser du temps à mon fils ne changera probablement pas la donne. Pas avant des années et je n'ai pas envie de prendre le risque de le perdre.

- C'est normal, c'est ton fils.

- Même si je t'apprécie beaucoup, et que tu n'y es pour rien, le simple fait que tu aies une place dans ma vie envenime la situation. J'y ai longuement réfléchi et la meilleure solution pour moi, autant que pour toi, c'est qu'on mette fin à tout ça. Tu ne mérites pas de passer des années à attendre d'avoir une vie sereine en supportant critiques, agressivité et indifférence.

- C'est gentil.

Bien qu'elle se sentait triste d'être larguée comme ça, le jour où elle décidait de se déclarer, Harry avait pris le temps de tout lui expliquer et elle le comprenait parfaitement. Elle pensait même sincèrement ce qu'elle lui avait dit, elle le trouvait gentil de se préoccuper également d'elle, dans cette histoire. Il aurait été un bon compagnon, mais il n'était finalement pas prêt à tourner la page, même s'il pensait le contraire ou en était persuadé.

- Peut-être que dans d'autres circonstances…

- Non, je préférerais ne pas entendre ce genre de phrases, s'il te plaît, le coupa Marie. Je ne doute pas que tu le penses, mais ça ne me facilitera pas la tâche.

- Je comprends. Excuse-moi.

Attrapant son sac derrière elle, Marie se leva doucement. Elle fit face à Harry et lui adressa un petit sourire.

- Je crois que je ferais mieux de m'en aller. Bonne chance avec tes enfants, j'espère que ça s'arrangera.

- Merci, sourit Harry. Je vais te raccompagner.

- Ce n'est pas la peine, je connais la sortie. On se croisera peut-être un de ces jours.

Harry savait bien qu'il ne s'agissait que d'une formule de politesse, mais acquiesça avec un autre sourire gêné. Laissant Marie repartir seule, comme elle l'avait souhaité, il l'écouta quitter la maison et attrapa le premier verre de vin qu'il but cul sec. Il ne regrettait pas son choix, mais il se sentait quand même mal d'avoir fait de la peine à une aussi gentille fille. Elle ne méritait pas d'être traitée ainsi après avoir fait tellement d'efforts mais Draco ne méritait pas non plus ce qu'Harry lui faisait subir depuis le début de toute cette histoire. Chaque fois qu'il repensait au fait que Draco l'aimait encore, il ne pouvait pas s'empêcher de l'imaginer en larmes et le cœur brisé.

Posant son verre pour s'emparer de l'autre, il le but plus lentement mais ça ne changeait rien. Il avait besoin de prendre l'air. Se levant et se dirigeant droit vers la porte d'entrée, il attrapa sa veste qu'il enfila rapidement et sortit. Il commença par une promenade sans but, marchant au gré de ses envies. Rompre avec Marie, même si leur relation avait plus été de l'ordre de la fréquentation que du couple, était la première chose à faire sur sa liste. S'il espérait y voir plus clair et savoir ce qu'il voulait pour la suite, il avait plusieurs étapes à franchir.

Sur un coup de tête, il transplana au manoir Malfoy et toqua à la porte. Un elfe de maison lui ouvrit et lui lança un regard mauvais.

- Est-ce qu'ils sont là ? Demanda Harry en ignorant son expression.

L'elfe referma la porte sans répondre. Ne sachant pas s'il devait attendre ou si c'était une invitation à s'en aller, Harry hésita juste assez longtemps pour que la porte se rouvre. L'elfe le laissa entrer, le suivant du regard comme l'avait fait Kreattur la première fois qu'il l'avait rencontré. Comme il s'y attendait, il n'était pas vraiment le bienvenu.

- Les maîtres vous attendent dans le petit salon, informa l'elfe sans une once de gentillesse.

Harry voulut se tourner pour le remercier, mais il avait déjà disparu.

- Super, souffla-t-il.

Pourquoi est-ce qu'il s'infligeait ça ? Il n'avait plus vu ou parler à Narcissa et Lucius Malfoy depuis le divorce. Connaissant suffisamment la demeure pour se repérer, il franchit couloir après couloir et se présenta à la porte ouverte du petit salon. Quand il l'aperçu, Lucius lui adressa un regard froid qui le transperça de part en part. Narcissa se tourna vers lui et se pinça les lèvres avant de parler.

- Harry. Qu'est-ce qui t'amène ? Demanda-t-elle.

Harry se sentit triste d'entendre son ton. Elle avait fini par lui montrer de l'affection avec les années et l'avait traité en mère, comme Molly Weasley avant elle. Alors qu'elle fasse à nouveau preuve de retenue et d'indifférence lui faisait mal au cœur.

- Je pense que tu sais que tu n'as rien à faire ici, ajouta Lucius.

- Je suis navré, dit-il. À vrai dire, je ne sais pas vraiment pourquoi je suis venu. Les choses deviennent de plus en plus compliquées avec Draco et j'ai des soucis avec James.

- Draco nous en a parlés.

- Je ne vois pas ce qu'il y a d'étonnant à ce que les choses se passent mal.

- Lucius ! Réprimanda Narcissa entre ses dents.

L'homme l'ignora superbement et partit s'installer sur l'un des canapés.

- Vous m'en voulez, je comprends.

- Tu es loin du compte, Potter, lâcha Lucius en le fusillant du regard.

Mais il n'en dit pas plus. Il ne lui révéla pas qu'il ne supportait pas de voir son fils avoir le cœur brisé, qu'il avait voulu le tuer chaque fois que Draco s'était réfugié chez eux en larmes, ou encore qu'il ne digérait pas qu'Harry ait si facilement accepté le divorce, sans même chercher d'explications.

- Disons plutôt que nous sommes du côté de Draco, corrigea Narcissa.

- C'est normal, acquiesça Harry. Je veux que vous sachiez que, même si Draco et moi nous avons divorcé, il garde une place dans ma vie.

- Il n'en aurait aucune si vous n'aviez pas eu d'enfants.

Harry regarda Lucius, qui s'était détourné de lui, et se pinça les lèvres. S'il n'y avait pas James et Aiden, alors oui, Draco n'aurait probablement plus de place et Harry se sentit mal. Même s'ils n'avaient pas eu les garçons, après dix ans de mariage, Draco aurait probablement été dans le même état qu'aujourd'hui, déplorant son amour perdu.

- J'aimerais te poser une question, déclara Narcissa en s'approchant.

- Allez-y.

Peut-être que Narcissa le sortirait de cette situation gênante.

- C'est quelque chose qui me préoccupe depuis le début. Pourquoi as-tu si facilement accepté de divorcer ?

N'osant pas se laisser tomber sur un fauteuil, Harry soupira doucement et fixa ses pieds, ne supportant pas le regard de son ancienne belle-mère.

- Je… C'est juste que, je n'avais pas envie de faire vivre un enfer à tout le monde en passant des journées entières à me disputer avec Draco.

- Pourquoi ne pas avoir discuté la garde des enfants ? Insista-t-elle.

- Ne croyez pas que je ne voulais pas des garçons, mais ils ont toujours passé leurs journées auprès de Draco. Je savais qu'ils seraient mieux avec lui.

Se replongeant dans ces souvenirs, Harry se rappela de tout ce qu'il avait ressenti. Quand il avait dû dire au revoir à ses enfants, quand il avait regardé Draco quitter la maison en lui tournant le dos pour ne jamais revenir.

- Les choses étaient déjà assez compliquées. Je me suis simplement laissé faire.

- Sans regrets ?

- Bien sûr que non ! S'exclama Harry en relevant le nez vers Narcissa.

Lucius, qui écoutait d'une oreille distraite, avait envie de rire à ça. Les belles paroles d'Harry ne le touchaient nullement, il ne voyait que le fait qu'il n'ait pas agi comme il aurait dû le faire. À sa place, et dans les mêmes conditions, il aurait mené une guerre de front pour avoir la garde de Draco. Harry n'était même pas capable de dégager son emploi du temps pour voir ses fils plus de quelques jours par mois, quand il le voulait bien.

- Tu es et tu as toujours été un lâche, lui dit-il. Les choses ne changent pas si aisément.

- Lucius, s'il te plait, souffla Narcissa.

Elle aurait préféré qu'il les laisse seuls. Surtout parce qu'il se montrait hermétique à entendre tout argument en faveur d'Harry. D'accord, il avait mal fait les choses, il avait laissé son couple prendre l'eau jusqu'à faire fuir leur fils, mais il ne s'était pas non plus transformé en monstre. Harry était maladroit, idiot au possible, et pourtant il avait été un bon mari pendant des années, et un bon père pour ses enfants.

- Je n'ai pas l'intention de me taire, Narcissa. Il vient ici après des mois, sans même savoir pourquoi et en espérant quoi, d'ailleurs ?

Curieux de sa propre question, Lucius tourna son regard vers Harry.

- Rien, répondit-il honnêtement. Je n'espère rien. En revanche, je me rends compte que je ne vous ai jamais présenté d'excuses pour ce qui s'était passé et pour la manière dont ça s'est passé. J'aurais dû.

- Qu'est-ce que des excuses changeront, Potter ?

- Arrête, gronda Narcissa en foudroyant son mari du regard. Être en colère est une chose, je le suis aussi même si je ne me montre pas aussi virulente que toi, mais n'oublie pas que tout ça ne nous regarde pas.

Harry regarda les Malfoy se défier du regard. Une joute silencieuse se déroulait clairement, mais il était bien incapable de comprendre quoi que ce soit. Finalement, Narcissa se tourna à nouveau vers lui, toujours avec son masque d'indifférence.

- Tu veux t'excuser auprès de nous, c'est une chose que je peux comprendre et j'avoue que je t'en suis reconnaissante, mais comme je viens de le dire, tout ça ne nous concerne pas. Il s'agit de ton histoire avec Draco et s'il y a une personne à qui tes excuses doivent être destinées, c'est lui.

Plus facile à dire qu'à faire. Présenter des excuses à Draco Malfoy était un vrai parcours du combattant, surtout quand elles menaient à une dispute. Ce qui, ces derniers temps, était plus que fréquent. Las d'assister à ça, Lucius se leva et se dirigea vers une autre porte, près d'une bibliothèque.

- De toute façon, ça n'a plus d'importance. Draco va passer à autre chose. Il reçoit des présents, jour après jour, de quelqu'un qui semble s'intéresser à lui et j'espère bien que cela finira par se concrétiser.

Surpris, Harry le regarda ouvrir la porte et disparaître derrière. Une main sur les yeux, Narcissa souffla légèrement pas le nez. Ça n'était sans doute pas la chose à dire, encore moins aussi vite. Elle accorda un dernier regard à Harry qui comprit sans mal qu'il devait s'en aller à présent. Ne sachant trop comment réagir aux paroles de Lucius, il quitta le manoir avec encore plus de questions en tête.

Assis sur une chaise, Draco observait l'énorme bouquet qui ornait sa table quand quelqu'un sonna à sa porte. Se levant, il ouvrit au facteur, peu étonné de le trouver sur son palier. Il prit le nouveau bouquet, remercia l'homme et referma.

- Encore ?! S'exclama James en le rejoignant dans le couloir.

Draco lui fit un sourire et passa sa main sur son visage en se dirigeant vers la salle à manger. Il n'y avait rien d'étonnant au bouquet d'aujourd'hui. C'était le jour, après tout. Il s'empara du vase de l'autre main, pour interchanger les bouquets. L'ancien commençait à faner, de toute façon. Pendant que l'eau coulait, il trouva la carte du jour et l'ouvrit pour en parcourir les lignes. Une jolie phrase, comme toujours. La jetant avec le vieux bouquet, Draco reposa le vase à sa place avant de rejoindre ses fils dans le salon. Il ne savait toujours pas quoi penser de tout ça ni même pourquoi il avait commencé à ne plus jeter les fleurs.