Il était seize heures lorsque Lily poussa la porte du salon de thé dans lequel elle travaillait. Marlène sautilla vers elle avec un grand sourire, manquant de renverser le plateau de Benjy au passage. Il retint sa respiration et stabilisa les tasses avant de tourner la tête vers elle et de lui jeter un regard irrité.

« Merde Marly, regarde où tu vas !

- Il est de mauvaise humeur, il s'est fait larguer hier, chuchota t-elle à Lily en cachant sa bouche avec sa main avant de l'étreindre. »

Benjy Fenwick possédait le petit salon de thé depuis deux ans. Il s'était lancé tout seul après avoir terminé des études dans la restauration en France, et même s'il ne connaissait pas le succès qu'il avait espéré, il savait fidéliser sa clientèle grâce à de bonnes pâtisseries, un fournisseur de thé et de café exceptionnel, et les deux meilleures serveuses dont le monde de la gastronomie pouvait rêver.

Oui, Marlène prenait des pauses cigarettes tous les quarts d'heure. Oui, elle était beaucoup trop maladroite pour quelqu'un supposé pouvoir traverser une pièce avec une pyramide de vaisselle entassée sur un plateau. Non, il n'y avait pas une journée qui passait sans qu'elle ne laisse son numéro de téléphone sur la note d'un client. Et oui, jusque là, ils l'avaient tous rappelée. Mais elle était douée avec les chiffres, faisait les comptes comme personne, et les gens l'adoraient.

Lily, quant à elle, rechignait perpétuellement à faire le ménage, si bien qu'il n'était pas rare de voir Benjy, vaporisateur à la main, lui lançant un regard ennuyé alors qu'il nettoyait les tables ou les vitres pendant qu'elle faisait semblant d'être extrêmement occupée à plonger sous l'eau chaude une petite cuillère déjà propre.

Elle passait aussi un peu trop de temps sur son portable, mais ce n'était pas de sa faute. Mary lui envoyait toujours ces memes hilarants, et ne disait-on pas qu'une journée sans rire était une journée de perdue ? Certes, il lui arrivait également de jouer à la petite vingtaine de jeux en tout genre qu'elle avait téléchargés et dont elle était devenue légèrement accro, mais elle avait des qualités.

Par exemple, personne n'était parvenu à égaler ses cookies jusque là, pas même Benjy, si bien qu'ils étaient devenus la meilleure vente du salon de thé. Et si Marlène arrivait à fidéliser une clientèle jeune et branchée, Lily était la chouchoute de toutes les personnes âgées du quartier. Le vieux Monsieur Abbot, son client préféré, passait tous les lundis discuter littérature avec elle. Ambrosius Flume, de la boutique d'à côté, ne jurait que par ses cookies. Mme Bibine et Mme Prince, deux amies de longue date, l'invitaient toujours à leur table où elles se racontaient leurs derniers rendez-vous galants, et si Benjy détestait entendre que les deux vieilles dames avaient encore une vie sexuelle, Marlène et Lily, elles, attendaient toujours avec impatience de les voir pousser la porte de la boutique.

« C'est vrai ? s'étonna Lily en avançant derrière le comptoir, la jeune femme blonde sur ses talons.

- Oui, je crois que c'est à cause de sam...

- Tu n'étais pas censée avoir un babysitting dans vingt minutes, Marlène ? la coupa Benjy, très clairement agacé.

- Ah, si, bien vu patron, dit-elle en dénouant rapidement son tablier noir.

- On a eu du monde aujourd'hui ? »

Lily s'autorisa à scanner la pièce pour la première fois depuis qu'elle était entrée. Une étudiante américaine avec laquelle Marlène avait sympathisé un mois plus tôt était en train de siroter une citronnade sur le canapé turquoise, un gros bouquin ouvert devant elle, et un homme et une femme étaient assis au bar accolé aux vitres qui donnaient directement sur la petite rue commerçante. Une autre dame qu'elle ne connaissait pas était installée en terrasse et caressait Alastor, le gros chat gris à moitié aveugle que les filles avaient sauvé de la rue et qui était devenu la mascotte du salon. C'était visiblement un après-midi calme.

« Ce midi surtout, lui dit Marlène après avoir récupéré son sac à main dans la salle de pause qu'aucun d'eux n'utilisait jamais. Les quiches de Benjy font un tabac. Est-ce que tu pourrais glisser mon numéro à ce type, là bas, quand il partira ?

- Celui qui est accompagné ? l'interrogea Lily en haussant les sourcils d'un air perplexe.

- Trop vieille pour être sa copine, décréta Marlène.

- Peut-être que c'est son délire.

- Tu veux dire, enfin un mec qui se rend compte qu'une femme n'est pas bonne à jeter après quarante ans ? Bordel, il m'intéresse encore plus si c'est le cas, conclut-elle en esquissant un sourire en coin avant d'adresser un signe de la main à Benjy. A demain, boss !

- A l'heure cette fois-ci ! s'exclama Benjy, et peu après, le tintement du carillon fixé au dessus de la porte, couvrit le « Evidemment » peu convaincant de Marlène. Lil', tu peux arranger un peu la vitrine pendant que je nettoie la cuisine s'il te plaît ? »

Elle se mit au travail dès qu'il disparut dans la pièce d'à côté, surveillant du coin de l'oeil les clients pour vérifier qu'ils n'avaient besoin de rien, et retint une grimace lorsqu'elle vit Monsieur Black entrer. C'était le seul habitué qu'elle détestait cordialement, tant qu'elle n'arrivait même plus à afficher le sourire professionnel qu'elle réservait à tous les autres. Parfois, leur sympathie arrivait même à le rendre naturel, mais ce n'était certainement pas près d'arriver avec lui.

Il s'assit à une petite table ronde, contre le mur sur lequel une étagère en équilibre supportait un lierre dont la cascade de feuilles habillaient joliment la tapisserie vert d'eau, et il claqua des doigts pour l'appeler. Elle s'essuya les mains sur son tablier, et se jura de demander à Mary de lui donner les coordonnées de son psy parce qu'elle avait besoin de parler à un professionnel des envies de meurtre qui traversaient son esprit.

« Jolie Lily, commença t-il sur un ton qu'il voulait probablement chaleureux mais qui sonnait répugnant à ses oreilles. Votre sourire est toujours aussi charmant, ça change de votre collègue.

- Bonjour Monsieur Black, qu'est-ce que je vous sers aujourd'hui ? répondit-elle aussi poliment qu'elle le put. »

La dernière fois qu'il était venu, il avait lourdement dragué Marlène, si bien qu'elle avait fini par lui renverser son café dessus par « mégarde », et il était parti furieux. Lily se demanda brièvement s'il était possible que la même terrible maladresse ne soit une nouvelle fois commise.

« Un café corsé. Vous en prendrez bien un avec moi ?

- Je suis plus du genre cappuccino vanille, en fait, lui dit-elle avec un faux sourire, et elle retourna se positionner derrière le comptoir sans lui laisser le temps de rebondir. »

S'il y avait un jour dans sa vie où elle devait respecter la règle qui consistait à ne pas s'asseoir à la table d'un client, c'était celui-ci. Elle se hâta de préparer sa commande parce que plus elle le servirait rapidement, plus il partirait tôt, et lorsqu'elle posa sa tasse devant lui, il claqua une nouvelle fois des doigts. Dans sa tête, elle se vit en train d'attraper la table en bois et de la lui éclater sur le crâne, mais elle était une jeune femme patiente, agréable, et surtout, civilisée, alors elle pivota et lui lança un regard interrogateur, arborant toujours ce même sourire qui était probablement plus effrayant que charmant, à ce stade là.

« Asseyez-vous donc, je suis sûr que la boutique peut tourner sans vous pendant un petit quart d'heure. »

Il y avait ce côté du service qu'elle détestait. Elle n'avait jamais été à l'aise en général avec le fait de se faire draguer par qui que ce soit, mais elle l'était encore moins quand il s'agissait d'un client assez âgé pour être son père. S'il n'y avait eu que cela, ça n'aurait pas été si grave parce qu'en soit, elle n'avait rien contre le fait de sortir avec une personne plus vieille qu'elle, mais il représentait tout ce qu'elle détestait.

Montre en or au poignet, boutons de manchette avec ses initiales dessus, la cravate, le costume, le cigare dans la poche de ce dernier, et par dessus tout, l'air pompeux de quelqu'un qui se sent au dessus du monde entier. Elle le jugeait beaucoup à son apparence, et ce n'était pas son genre d'ordinaire, mais il était odieux, alors elle s'autorisait à l'être un peu aussi.

« Je peux vous payer, s'il n'y a que ça, reprit-il en voyant qu'elle était paralysée devant sa table. »

Elle ne savait pas pourquoi elle était surprise de l'entendre proposer une telle chose. Bien sûr qu'il pensait qu'il suffisait de débourser de l'argent pour tout obtenir, y compris une conversation avec une femme, et elle s'apprêtait à répondre lorsqu'une dame lui coupa l'herbe sous le pied en se laissant tomber sur la chaise qui faisait face à celle qu'occupait Monsieur Black.

« Bonjour Orion, j'ignorais que vous fréquentiez ce ravissant salon de thé. »

Lily remarqua aussitôt le changement radical d'attitude de Monsieur Black. Il se redressa immédiatement sur sa chaise et son visage se ferma. Ses doigts se crispèrent sur l'anse de sa tasse et pour la première fois, elle se rendit compte qu'il pouvait avoir l'air terrifiant, et terrifié en même temps.

« Merci, nous avons ce qu'il nous faut, déclara la femme sur un ton un peu sec en penchant légèrement la tête vers elle. »

Lily ne réalisa qu'à ce moment là qu'il s'agissait de la cliente qui était assise avec le jeune homme à qui Marlène voulait qu'elle donne son numéro, et elle s'empressa de retourner réorganiser les pâtisseries dans la vitrine, à la fois passablement énervée, et reconnaissante.

Elle ne quitta son poste que lorsque la personne qui était en terrasse s'en alla, laissant un pourboire plus que correct derrière elle. Elle nettoya rapidement la table parce que Benjy n'était pas disponible pour faire son travail à sa place, et quand elle re-rentra, elle jeta un regard en biais vers Monsieur Black et son interlocutrice et se rendit compte qu'il n'avait jamais bu son café aussi rapidement depuis qu'elle le voyait venir ici. Il ne lui en restait plus qu'un petit tiers.

Elle tourna la tête vers le jeune homme qui était à présent tout seul, accoudé au bar, le regard rivé sur son portable, et elle écarquilla les yeux. Elle ne l'avait vu que de dos jusque là, et son profil lui laissa soudainement à penser que Marlène venait de la réconcilier avec ses goûts douteux.

« Je peux vous servir autre chose ? proposa t-elle en constatant que les deux verres devant lui étaient vides.

- Vous faites du thé à la rose ? s'enquit-il, et elle le vit terminer d'écrire un message avant de poser son téléphone face contre table, et ses yeux sur elle. »

Et il avait de jolis yeux. Elle ne savait même pas s'expliquer pourquoi c'était la première réflexion qu'elle s'était faite. Ils étaient juste marrons, comme des centaines de milliers d'autres sur lesquels elle ne s'était jamais attardée avant, mais elle savait que si elle lui répondait sans prendre une seconde pour respirer, elle se mettrait à bafouiller comme si elle avait onze ans et que le garçon le plus populaire du collège lui avait adressé la parole.

Il avait l'air d'avoir été le garçon le plus populaire du collège. Ou du lycée. Des deux, probablement. C'était totalement le style de Marlène, et elle découvrit au moment précis où il cligna des yeux en attendant sa réponse, et qu'elle réalisa qu'elle avait passé les cinq dernières secondes à le fixer sans rien dire, que c'était totalement le sien aussi.

« Du thé à la rose ? répéta t-elle en sentant son visage s'enflammer. Bien sûr qu'on a du thé à la rose.

- Je vais prendre ça, alors. Et... »

Il s'interrompit et se pencha en arrière pour observer la femme qui était à côté de lui quelques minutes plus tôt comme s'il essayait de capter son regard. Finalement, il se tourna de nouveau vers Lily et haussa les épaules.

« Une autre grenadine, j'imagine, poursuivit-il.

- Bien.

- Merci... Ylil. Mais j'imagine que ton badge est à l'envers et que tu t'appelles en fait Lily, ce qui fait sens par rapport à la barre du L. »

Elle suivit son regard vers le badge sur sa poitrine, et elle laissa échapper un rire tout en le détachant pour le remettre dans le bon sens.

« Joli sens de l'observation, commenta t-elle. »

Il se contenta d'acquiescer en souriant, et elle fila derrière le comptoir au moment où Benjy émergea de la cuisine.

« Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas prévenu que Black était là ? lui reprocha t-il à voix basse.

- Qu'est-ce que ça aurait changé ?

- Je m'en serais occupé moi-même plutôt que de te laisser avoir affaire à lui.

- Je ne voulais pas te déranger pour ça, déclara t-elle en mélangeant des pétales de rose avec du thé vert.

- Fais-le, la prochaine fois, tu veux bien ? Et à partir de maintenant, c'est moi qui gère sa table.

- Avec plaisir. »

Benjy se dirigea aussitôt vers le client en question dont la tasse était maintenant vide, et Lily en profita pour sortir son portable de sa poche.

Lily : Au secours.

Lily : Je viens d'avoir un bug interne devant un client ultra canon, justement parce que j'étais en train de me dire qu'il était ultra canon.

Mary : Montre !

Lily : Il est dos au comptoir, et je ne vais pas lui dire que j'ai besoin d'un selfie avec lui pour que ma meilleure amie puisse constater à quel point il est beau.

Mary : Marlène l'aurait fait.

Lily : Marlène est sans gêne.

Lily : Tu le verras à notre mariage de toutes façons.

Elle sourit devant les émojis hilares de sa meilleure amie, et rangea son portable dans sa poche avant de verser de l'eau chaude dans une petite tasse et de parsemer le tout de pétales. Elle posa une petite bouilloire sur le plateau, et s'empressa de s'occuper de la grenadine, le carillon de la porte d'entrée attirant son attention sur Monsieur Black qui quitta le salon de thé sans même venir la gratifier d'un dernier commentaire lourdingue.

Lorsqu'elle déposa la nouvelle commande du jeune homme, la femme qui l'accompagnait venait de partir en direction des toilettes. Il la remercia, et l'écran de son portable attira son attention. Elle connaissait le jeu de stratégie auquel il jouait, elle passait elle-même beaucoup trop de temps dessus à son goût, et à en voir sa base, lui aussi.

« Je n'ai jamais eu aussi peu d'or que ça dans mes réserves, commenta t-elle avec un sourire, et il haussa les sourcils en levant les yeux sur elle. »

Elle récupéra son portable dans sa poche à ce moment là, et ouvrit le jeu devant lui. Le chargement lui parut durer des heures, et lorsqu'elle croisa le regard interrogateur de Benjy à quelques mètres de là, elle réalisa à quel point la scène devait être bizarre. Elle était juste plantée à côté d'un type qui n'avait rien demandé, et elle brandissait son téléphone devant son nez pendant beaucoup trop longtemps pour qu'ils ne ressentent pas tous les deux un léger malaise. Elle le remercia intérieurement de ne pas avoir l'air autant ennuyé que curieux, et lorsque le jeu s'ouvrit enfin, il observa sa base dans le plus grand silence pendant quelques secondes avant de pivoter complètement sur sa chaise pour se tourner vers elle.

« Tes dragons sont vraiment pas mal, la complimenta t-il.

- Pas mal ? Ils sont exceptionnels !

- Hmm. Je suis plus du genre troupes terrestres.

- Est-ce que c'est par choix, ou par manque de moyens ? se moqua t-elle, et elle vit quelque chose changer dans son regard lorsqu'un sourire amusé s'étala sur son visage.

- Le temps de construction de la caserne pour les obtenir est trop long, et je suppose que je n'ai pas l'habitude de devoir attendre trois siècles avant d'obtenir quelque chose. »

Ses yeux épinglèrent les siens, et elle se demanda si le regard était innocent jusqu'à ce qu'il ne pivote de nouveau vers son thé comme s'il considérait que la discussion était terminée. Elle était en train de poser les deux verres vides qu'elle avait oublié lors de sa dernière transe sur son plateau lorsqu'il reprit la parole.

« Il faut absolument que j'augmente le niveau de mes troupes mais ça coûte un as des conseils, pour que j'économise un peu ?

- J'imagine que tu as déjà amélioré tes mines au maximum ?

- Exact.

- Dans ce cas là, tu devrais faire plus de raids. C'est comme ça que j'arrive à me remplir les poches, expliqua t-elle en tenant son plateau contre sa hanche.

- Je déteste les raids, marmonna t-il, je préfère tout le côté gestion.

- Quoi ?! Mais c'est le plus fun ! protesta t-elle en riant, incrédule.

- Combien est-ce que tu peux en gagner si je te prête mon portable, là ?

- Maintenant ?

- Si ça peut faire pencher la balance, ton patron est retourné en cuisine, répondit-il après avoir hoché la tête. »

Ses yeux verts se posèrent à l'endroit où se tenait Benjy quelques secondes plus tôt pour constater qu'il n'y était effectivement plus, et il n'y avait aucun autre client dans le salon de thé. Elle aurait pu passer un coup de balai ou réorganiser les bouteilles de sirops, mais c'était beaucoup moins attrayant que de montrer à ce type qu'elle ne connaissait même pas qu'elle était meilleure gameuse que serveuse.

Elle adorait le monde des jeux vidéo depuis qu'elle était petite, mais elle détestait la façon que certains joueurs avaient de traiter les filles avec qui ou contre qui ils jouaient. Elle utilisait un nom à connotation masculine comme pseudonyme depuis quelques années et il n'y avait que de cette façon qu'elle avait réussi à se débarrasser des commentaires déplacés ou haineux. Elle n'échappait toutefois pas au problème lorsqu'elle jouait en ligne avec son micro, mais elle en profitait pour travailler sa répartie.

« Tu peux l'emmener là bas avec toi, si tu veux faire autre chose en même temps, lui dit-il lorsqu'il vit son regard s'attarder sur l'étagère de bouteilles de sirops.

- C'est la première fois que je gagne la confiance de quelqu'un en dix minutes, le taquina t-elle.

- Huit, rectifia t-il, et je comptais prendre le tien en otage en attendant, j'ai l'impression que je peux améliorer quelques trucs dans ta défense. Je suis peut-être à la ramasse en attaque, mais je sais comment rendre une base impénétrable. »

Elle ne savait plus quand ils en étaient venus à se tutoyer, mais elle le remarqua à ce moment là, probablement parce que la femme qui l'accompagnait venait de réapparaître et que Lily se sentait soudainement un peu mal à l'aise d'avoir fait irruption dans leur bulle. Toutefois, elle ne sembla pas le moins du monde agacée de la trouver là, et elle esquissa même un léger sourire en se rasseyant, ce qui était assez étrange compte tenu de la froideur avec laquelle elle s'était adressée à elle un peu plus tôt.

Le regard du garçon était toujours vissé sur Lily. Il n'y avait rien de pire, à son humble avis, que les gens qui s'emparaient de son téléphone lorsqu'elle voulait leur montrer une photo ou une vidéo. Elle leur réservait secrètement le bûcher. Mais bizarrement, la proposition d'un type dont elle ne connaissait même pas le prénom lui parut tout à fait raisonnable à ce moment là, si bien qu'elle acquiesça avant de poser le téléphone qu'il lui tendait sur son plateau, et de lui laisser le sien.

« Je t'arrête tout de suite, c'est une requête du client, pratiquement un ordre, se justifia t-elle auprès de Benjy lorsqu'il réapparut et qu'il vit l'écran du jeu de stratégie sur le plan de travail alors qu'elle se hissait sur la pointe des pieds pour se saisir des bouteilles de sirops. Et tu m'as toujours dit que le client était roi.

- Il t'a demandé de jouer sur ton portable ? s'enquit-il sur un ton particulièrement sarcastique.

- Il m'a demandé de jouer sur son portable, corrigea t-elle. Il veut que j'améliore son niveau. Comment ça s'est passé avec Black ?

- Sans problème majeur, mais il n'a évidemment pas laissé de pourboire. La dame qui est avec ton gamer avait l'air de bien le connaître, et j'ai eu l'impression qu'il n'appréciait pas beaucoup sa présence.

- Tant mieux. Personne n'appréciait tellement la sienne non plus.

- Ouais. Tu as nettoyé la table dehors ?

- Bien sûr.

- Est-ce qu'ils annoncent de la neige demain ? »

Ils étaient en plein été, alors la raillerie ne passa pas inaperçue, et Lily lui adressa un doigt d'honneur qui le fit pouffer aussitôt. C'était la première fois de la journée qu'il riait, et elle réalisa à ce moment là qu'il avait eu l'air triste tout le reste du temps.

Elle le connaissait depuis qu'elle était toute petite. Ses parents et les siens étaient amis de longue date, alors ils avaient un peu grandi ensemble, bien que Benjy soit plus âgé de quatre ans. Ils ne s'étaient pas toujours entendus à merveille parce qu'elle le trouvait absolument idiot lorsqu'il était adolescent, mais ils s'étaient rapprochés en devenant adultes. Il n'y avait toutefois jamais eu aucune ambiguïté entre eux, et c'était ce que Lily adorait dans cette relation.

« C'est vrai ce que disait Marlène tout à l'heure ? Charity et toi, c'est terminé ? s'enquit-elle en abandonnant momentanément le portable sur le plan de travail pour se tourner vers lui.

- Je n'en sais rien, bredouilla t-il en passant sa main sur son visage comme pour essuyer les émotions qui semblaient l'étouffer.

- C'est à cause de la soirée de samedi ? »

Ils s'étaient retrouvés dans un bar avec plusieurs de leurs amis pour fêter l'anniversaire de Frank, l'un des colocataires de Lily qui avait fait partie de la même équipe de hockey que Benjy au lycée, et ce dernier leur avait confié que sa petite-amie n'avait pas été ravie de savoir qu'il ne passerait pas la soirée avec elle. Il lui avait proposé de l'accompagner, mais elle avait refusé, puis ils s'étaient salement embrouillés, et il était parti quand même.

« J'ai été con, j'aurais dû rester avec elle, entre le salon de thé et ses gardes à l'hôpital, on ne se voit quasiment jamais, lui confia t-il après avoir acquiescé.

- Tu devrais lui parler. Je suis sûre que ça peut s'arranger.

- Tu ne l'as pas vue hier, lui fit-il remarquer en grimaçant. Je crois que pour elle, c'était la goutte d'eau.

- C'est la meilleure petite-amie que tu aies jamais eu, je ne peux pas croire que ça va se terminer comme ça.

- Je sais, s'empressa t-il d'approuver. Je lui fiche la paix aujourd'hui, j'essayerai de discuter avec elle demain.

- Bonne idée, dit-elle en esquissant un sourire qui se voulait encourageant et en lui tapotant l'épaule avant de se pencher de nouveau sur le jeu.

- La femme qui était avec Monsieur Black n'arrête pas de se retourner vers nous, lui confia t-il. »

Lily jeta un coup d'oeil par dessus son épaule, mais les deux seuls clients étaient en train de discuter et ni l'un, ni l'autre n'avait les yeux vissés sur elle. Elle ne croisa le regard de la personne en question qu'au moment où elle s'apprêta à reporter son attention sur le jeu, et aussitôt, elle le détourna sur le garçon à côté d'elle. Le manège dura quelques minutes, et Lily devina qu'ils étaient vraisemblablement en train de parler d'elle. Elle s'efforça de ne pas y prêter plus d'attention que cela, bien qu'elle s'en trouva légèrement gênée, et elle lâcha un « Yes ! » à voix basse lorsqu'elle remporta son premier raid. Au même moment, le portable vibra et ses yeux furent attirés par le message qui s'afficha partiellement en haut de l'écran.

Sirius : On en parlera ce soir mon bichon, tu...

Elle esquissa un sourire en coin et jeta un nouveau coup d'oeil vers le garçon qui était toujours concentré sur son portable. Mon bichon ? Ce n'était pas le surnom auquel elle aurait pensé en premier, mais elle le trouva absolument hilarant. Cela l'amusa d'autant plus que si cette femme n'était pas sa compagne, ce qui lui semblait maintenant hautement probable compte tenu du fait qu'il n'avait pas paru le moins du monde gêné lorsqu'ils avaient échangé leurs téléphones devant elle, il était certainement en couple avec ce garçon.

De sa main gauche, elle écarta une bouteille vide de sirop de banane de l'étagère, tout en remportant sa deuxième victoire de la main droite, et elle ne s'interrompit que lorsqu'une cliente régulière passa acheter un muffin à emporter, et reprit dès que celle-ci fit tinter le carillon de l'entrée en sortant. Elle venait de terminer de réorganiser l'étagère lorsqu'elle entendit des bruissements de chaise dans son dos.

Elle pivota et esquissa un sourire poli lorsque la femme aux longs cheveux un peu grisonnant s'arrêta devant le comptoir. Elle semblait beaucoup plus avenante maintenant que lorsqu'elle se trouvait en compagnie de Monsieur Black, et Lily eut la confirmation qu'elle l'avait mal jugée lorsqu'elle prit la parole.

« Je tenais à vous remercier pour le service, tout était divin, déclara t-elle en déposant un billet de cinquante livres sur le comptoir. Je vous prie de m'excuser, me suis rendue compte que je vous avais certainement parue un peu brusque tout à l'heure, j'ai pensé que M. Black se comportait peut-être de façon détestable, et j'ai maladroitement voulu intervenir.

- Oh non, non, vraiment... bafouilla Lily tout en tapant sur la caisse tactile, vous n'avez pas à vous excuser.

- Je crois que si. Je suis plus agréable, d'ordinaire, mais cet homme me hérisse les poils.

- Vous le connaissez bien ?

- Plus que je ne le voudrais, souffla t-elle avant de lui lancer un regard soucieux. Tout va bien alors ? s'enquit-elle. »

Elle lui rappela soudainement sa mère lorsqu'elle ne l'avait pas vue depuis plus de trois semaines et qu'elle s'inquiétait de savoir si elle mangeait à sa faim, et si elle survivait, simplement, à sa vie d'adulte.

« Merci d'être intervenue, j'étais un peu mal à l'aise, répondit Lily après avoir hoché la tête, voyant le garçon se lever à son tour de sa chaise du coin de l'oeil.

- C'est tout à fait normal. Gardez la monnaie.

- Un cappuccino, un thé à la rose, et deux grenadines, ce qui nous fait un total de 10,30£, compta Lily. Vous êtes sûre ? C'est un gros pourboire.

- Chaque malheureuse rencontre est suivie par une bonne, répondit-elle avec un sourire bienveillant, et Lily eut la sensation que si elle avait pu lui tapoter affectueusement la main en guise de réconfort comme le faisait son père, elle l'aurait fait.

- Sérieusement, tu as payé ? soupira le jeune homme en arrivant à sa hauteur et en voyant Lily ramasser le billet après avoir chaleureusement remercié sa cliente. Je t'avais dit que je le ferai.

- Une autre fois, mon chéri, une autre fois. Passez une bonne fin d'après-midi, Lily, trancha t-elle. »

Son regard jongla entre eux, et l'expression amusée qu'elle afficha avant de se diriger vers la porte troubla légèrement Lily qui manqua de faire tomber le téléphone du garçon en le posant entre eux sur le comptoir.

« Ouch, désolée. Une pirouette de plus et il finissait dans l'évier, s'excusa t-elle en récupérant le portable qu'il lui tendait. Ce qui aurait été dommage parce que je t'ai fait gagner plus de cinq cent mille pièces d'or.

- Sans rire ?

- Promis, jura t-elle en levant bizarrement la main droite et en se maudissant aussitôt d'être aussi gênante.

- Génial, merci. Tu verras, j'ai fait quelques modifications sur ton plan initial, tiens moi au courant s'il y a des structures que tu ne retrouves pas, ajouta t-il avant de se diriger vers la porte à son tour. A la prochaine, Ylil ! »

Elle entendit le sourire dans sa voix, et il attira automatiquement le sien. Elle eut envie de lui demander comment il pensait qu'elle allait le tenir au courant s'il avait mis sa base à feu et à sang et qu'elle pataugeait pour s'y repérer, mais il avait disparu plus vite qu'un courant d'air, la laissant seule dans la boutique alors que Benjy était retourné travailler en cuisine.

Le reste de la journée fut d'un ennui abyssal. Il n'y eut que peu de client, alors elle passa le plus clair de son temps à créer une nouvelle playlist qui, elle en était sûre, ne plairait qu'à moitié à Benjy, mais serait largement validée par Marlène qui lui envoya un message juste au moment où elle fermait la boutique.

Marlène : Le babysitting est le meilleur contraceptif du monde.

Marlène : Je n'en peux plus.

Lily : Ils se sont encore balancés entre les barreaux de l'escalier ?

Marlène : Pire.

Marlène : Ils ont décidé de peindre le clavier du nouvel ordinateur portable de leur mère pendant que je préparais le goûter.

Marlène : Je crois que je vais perdre mon travail, et le pire, c'est que ça me fait plaisir.

Lily s'esclaffa. Marlène gardait deux enfants de cinq et huit ans depuis près de deux mois, et si elle en croyait ce qu'elle lui racontait, il s'agissait des deux pires petits monstres existant sur cette planète. Sa collègue lui avait même confié, après une soirée un peu arrosée, qu'à chaque fois qu'ils se mettaient à courir dans la maison, elle se voyait en train de leur faire des croches-pieds, et que c'était probablement le signe qu'elle devait passer à plein temps au salon de thé. Cela avait beaucoup fait rire Lily.

Lily : Honnêtement...

Lily : Si ça veut dire que tu vas prendre le temps plein que Benjy te propose depuis trois semaines, ça me fait un peu plaisir aussi.
Lily : Black est venu aujourd'hui, il voulait que je m'assois avec lui.

Marlène envoya plusieurs émoji en train de vomir, et Lily grimaça en repensant à l'horrible client.

Marlène : Qu'est-ce que tu as fait ?

Lily : La dame qui était assise avec le garçon a qui j'étais censée donner ton numéro (oups, j'ai oublié) est intervenue.

Lily : Elle le connaissait, apparemment, mais il n'avait pas l'air de beaucoup l'apprécier.

Marlène : Ce qui veut dire que cette femme mérite une médaille pour service rendu à la nation.

Marlène : Alors, elle sortait avec le mec canon finalement ou pas ?

Lily : Non, je pense que tu avais raison.

Elle réajusta son sac sur son épaule, marchant rapidement vers l'arrêt de bus qui n'était qu'à quelques minutes du salon de thé pour pouvoir aller se vautrer dans son canapé le plus rapidement possible, et réévalua la situation pendant une minute avant de poursuivre.

Lily : C'était probablement sa mère.

Lily : Mais je ne suis pas sûre qu'il soit très intéressé par toi.

Lily : Non pas que tu ne sois pas absolument extraordinaire, parce que tu l'es.

Lily : Mais j'ai eu son portable entre les mains (longue histoire) et il a reçu un message d'un type qui l'appelait « mon bichon ».

Marlène : Oh.

Marlène : Merci de m'avoir sauvé d'un moment embarrassant alors.

Marlène : Je te laisse, la mère des petits est en train de se garer dans l'entrée.

Marlène : Si je ne me pointe pas demain et qu'on trouve mon corps dans plusieurs sacs poubelle différents, tu sauras qui a fait le coup.

Lily : Sois forte.

Lily : C'était un plaisir de partager mes muffins avec toi.

Elle envoya un cœur, et se mit à courir lorsqu'elle vit son bus passer devant elle. Elle parvint à monter dedans in extremis, s'assit sur le premier siège qu'elle trouva, et enfonça ses écouteurs dans ses oreilles, la tempe calée contre la vitre, les yeux rivés sur le paysage urbain.

C'était toujours à ce moment là qu'elle se mettait à avoir des pensées trop lourdes pour elle, souvent sur le côté répétitif de sa vie qui lui correspondait de moins en moins. Elle se levait, prenait sa douche, partait à la fac où elle y voyait les mêmes visages fermés tous les jours, déjeunait vite fait sur le campus, enchaînait sur le travail au salon de thé qui était un peu plus distrayant mais non moins répétitif, et rentrait chez elle en prenant ce même bus à la même heure, souvent après avoir dû courir un peu pour le rattraper, et puis elle finissait dans son canapé, à regarder une série Netlflix avec Frank ou Mary.

Elle se surprenait à aimer de moins en moins la routine qui l'avait pourtant toujours aidé à se rassurer lorsqu'elle était enfant. Elle savait que c'était parce qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'elle voulait faire de sa vie et qu'elle commençait à voir les gens autour d'elle trouver le travail de leurs rêves et construire ce qui les avait toujours attiré alors que pour elle, rien ne bougeait.

Rien ne changeait. Elle ne détestait ni ses études, ni son travail au salon de thé, mais le fait de ne pas savoir où elle allait l'angoissait profondément. Elle était attirée par l'enseignement, mais les concours lui faisaient peur. Elle n'était pas une mauvaise élève, mais elle était paralysée par sa peur de ne pas choisir la bonne voie, celle qui lui correspondait parfaitement, et de s'en rendre compte trop tard. En bref, elle avait appuyé sur le bouton « pause » depuis presque un an déjà, et elle se laissait porter en croisant les doigts pour finir par atterrir à l'endroit qui était fait pour elle.

C'était fou, de passer autant de temps à l'adolescence à vouloir grandir plus vite, et de se retrouver à l'âge adulte à se demander si quelqu'un, quelque part possédait un artefact magique, n'importe quoi, une montre dont on pourrait reculer les aiguilles, ou un sablier que l'on pourrait retourner, qui permettrait de rebrousser chemin et de retrouver l'insouciante tendresse de l'enfance.

« Hé ! Ça a été ta journée ? l'interrogea Mary lorsqu'elle arriva finalement chez elle, balançant ses chaussures dans l'entrée. »

Frank était en train de se faire cuire des pâtes pendant que la jeune femme brune était assise à la table juste derrière lui, attendant probablement qu'il ait terminé pour lui en voler une partie. Lily, qui espérait qu'il n'avait toujours pas le compas dans l'oeil sur le dosage et qu'elle pourrait se servir aussi, traversa la pièce pour se pencher au dessus de la casserole. Parfait, la moitié du paquet y était encore passé.

« Inoubliable, répondit-elle avec un sourire et une pointe d'ironie, et vous ?

- J'ai eu la pire note de la classe en informatique, et une fille m'a vomi dessus pendant le TP de bio, lui raconta Frank.

- Pas mal, complimenta Lily après avoir laissé échapper un rire. L'avantage c'est que ça ne pourra pas être pire demain.

- Attends, avec la chance que j'ai en ce moment, je n'exclue pas de me faire percuter par un bus, qu'un arbre me tombe dessus en allant à la fac, ou qu'un de ces mecs qui distribuent des flyers sur le campus ne m'alpague pour tout m'expliquer sur les mutuelles étudiantes de A à Z, plaisanta t-il.

- Je ne t'accompagne pas demain, décréta Mary avant de se tourner vers Lily d'un air intéressé. Alors, ce futur mari ?

- Marié à un autre homme, répondit-elle mécaniquement en piochant dans un paquet de cacahuètes qui traînait sur la table.

- Oooh bébé, viens me faire un câlin, lui ordonna Mary avant de l'étreindre brièvement.

- Ça paraît prometteur, commenta Frank en ricanant. »

Elle acquiesça en pouffant à son tour, et se hissa sur le plan de travail, surveillant la cuisson des pâtes en apparence alors qu'elle repensait vaguement à ce garçon. Contrairement à Marlène, elle n'avait jamais ressenti d'attirance pour qui que ce soit au travail, mais cette fois là avait été l'exception à la règle.

« Il était vraiment beau, et il a bu un thé à la rose... Aucun homme n'a jamais été assez à l'aise avec sa masculinité pour me commander du thé à la rose. Et il jouait à ce jeu que j'adore, et il m'a proposé qu'on échange nos portables pour qu'on s'avance dans nos parties respectives. Et en partant, il m'a appelée Ylil parce que mon badge était à l'envers quand je suis venue à sa table, bredouilla t-elle en esquissant une moue triste. Je croyais que j'étais en train de vivre ma propre comédie romantique, et en fait, il voulait juste que je remplisse ses coffres d'or. »

Frank et Mary gloussèrent à son dernier commentaire, et Lily croisa ses jambes, les yeux toujours rivés sur l'eau des pâtes.

« Tu lui as vraiment prêté ton téléphone ? demanda Frank en se saisissant d'une cuillère en bois.

- Tu sais que je ne recule devant rien pour ne pas travailler quand je suis au travail.

- C'est lui qui a proposé ça ?

- Évidemment, je n'aurais pas...

- Lily, la coupa t-il en lui lançant un regard à la fois incrédule et las. Il a clairement fait ça pour mettre son numéro dans ton répertoire. »

Elle fronça les sourcils et secoua aussitôt la tête de droite à gauche, lâchant un rire ironique avant de croiser le regard de Mary qui semblait attendre quelque chose d'elle.

« Est-ce que vous avez loupé la partie où je vous ai dit qu'il sortait avec un garçon ?

- Comment est-ce que tu sais ça ?

- Ce mec lui a envoyé un message pendant que j'avais son portable, il l'appelait « mon bichon ».

- Mary t'appelle « mon bébé » et accepte de dormir avec toi quand il y a de l'orage, ça ne fait pas d'elle ta mère, lui fit-il remarquer en ricanant, et elle tenta de lui donner un petit coup de pied mais il s'écarta rapidement.

- Il marque un point. Allez, vérifie, l'encouragea Mary avec un sourire espiègle.

- Vous savez que c'est mal, de donner des faux espoirs à quelqu'un ? grommela t-elle en bondissant tout de même du plan de travail pour aller chercher son téléphone dans son sac pendant que sa meilleure amie frappait frénétiquement dans ses mains. »

Elle fouilla quelques secondes avant de le trouver, et elle fit aussitôt défiler ses contacts. Elle ne savait même pas ce qu'elle cherchait, il ne lui avait pas donné son nom, et elle s'apprêtait à faire remarquer à Frank qu'il s'était trompé lorsqu'elle arriva à la lettre T. Ses yeux se braquèrent sur un nom qui n'était définitivement pas là avant. Son colocataire avait raison. « Thé à la rose » avait glissé son numéro dans son répertoire.

Bon, je sais que j'avais dit que j'écrivais la suite de SMIYP, mais j'ai eu cette idée d'AU qui m'a sauté à la tête (oui carrément) et impossible de l'enlever et de pouvoir continuer SMIYP 2 tant que je l'écrivais pas, alors je vous laisse sur ce petit 3 shots, très court donc :)

J'espère qu'il vous plaira :)