« Tu sais ce que je viens faire ici, déclara Mary avec un sourire espiègle après avoir passé la tête par l'embrasure de la porte de la chambre de Lily.

- Rentre, qu'on en finisse. »

Sa meilleure amie s'esclaffa et se laissa tomber sur son lit à côté d'elle avant de se saisir du portable qu'elle lui tendait. Au moins, de là, Lily pouvait voir ce que Mary écrivait, et elle pouffa en lisant le message.

Lily : Objectivement, qu'est-ce que tu penses des Mon chéri ?

Le mois entier était passé sans que ses colocataires ne mentionnent la question de Mary, qui n'avait toujours pas été utilisée, mais Lily savait qu'elle lui tomberait dessus à un moment ou à un autre, et elle fut profondément soulagée qu'elle n'ait rien à voir avec celle de Frank, même si Thé à la rose avait particulièrement bien rebondit dessus.

Elle n'avait pas changé son nom dans son répertoire parce qu'il était toujours Thé à la rose dans sa tête, et quelque chose dans le fait de le modifier lui donnait l'impression qu'elle effacerait un morceau de leur rencontre.

Thé à la rose : Objectivement...

Thé à la rose : Je suis désolé... Mais j'aime bien.

Lily esquissa une grimace, mais à sa grande surprise, Mary affichait un sourire réjoui. Elle lui lança un regard interrogateur, et la jeune femme brune lui rendit aussitôt son téléphone sans pour autant quitter son lit.

« Tu sais que ma tante m'en envoie tous les ans à Noël et que je ne sais jamais quoi en faire, se justifia t-elle. C'est le destin. Thé à la rose est fait pour nous.

- Thé à la rose est au Canada, et on est juste amis.

- Je n'ai rien contre le fait que tu continues à te dire ça si ça te rassure, mais juste au cas où, tu devrais lui demander s'il est libre le 14 août.

- Tu dis ça parce que tu ne veux pas m'accompagner.

- Hé, on parle du mariage de Pétunia. Personne ne veut vraiment y aller, lui fit remarquer sa meilleure amie, et Lily esquissa une grimace en songeant qu'elle n'avait pas tort. »

Mary trouvait rarement ses arguments recevables ces derniers temps, et spécialement lorsqu'elles discutaient de Thé à la rose. Frank et elle étaient convaincus qu'elle devait lui proposer de l'accompagner au mariage de sa sœur, et Lily était convaincue du contraire. C'était trop bizarre. Ils n'en étaient pas à ce niveau d'amitié, et puis l'amener au mariage de sa sœur et de la pire personne qu'elle connaissait revenait presque à lui demander directement de rompre tout contact avec elle. Frank, lui, considérait plutôt que c'était le test ultime. S'il ne l'effaçait pas immédiatement de son répertoire après ça, c'était véritablement un type bien.

Pétunia avait lâché la bombe le dimanche qui avait suivi sa dernière rencontre avec Thé à la rose, et Lily n'avait jamais vu ses parents feindre à ce point d'être enchantés par une nouvelle. Ils en avaient discuté ensemble après, et avaient convenu tous les trois que pour le bien de Pétunia, ils feraient bonne figure.

Lily soupira de dépit. Elle ne savait pas comment elle allait pouvoir avoir l'air de s'amuser en sachant que Vernon Dursley allait faire partie de sa famille. Elle nicha sa tête contre l'épaule de Mary qui venait d'attraper un livre qui trônait sur la table de chevet et qui s'était mise à bouquiner, puis elle répondit aux derniers messages de James.

Lily : C'était Mary. Mon autre colocataire.

Lily : J'estime que ta réponse mérite la prison à vie, mais elle n'est pas du même avis que moi.

Thé à la rose : J'aime bien Mary.

Thé à la rose : Tu veux faire une partie de Call of ?

Lily : Pas ce soir, j'ai déjà quelque chose de prévu.

Elle avait un rendez-vous. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait accepté, elle n'avait pas tellement envie d'y aller. Elle avait rencontré le garçon à un festival de musique une semaine auparavant alors qu'ils essayaient tous les deux d'atteindre le bar prit d'assaut par une centaine de personne, et ils s'étaient mis à discuter. Il était sympa, avenant, intéressant, mais l'idée même d'aller à un rendez-vous la rebutait.

Thé à la rose : Ah, oui, tu sors avec le type du festival, c'est ça ?

Lily : Oui. Bertram.

Lily : On reporte la partie à demain ?

Thé à la rose : J'ai un truc entre collègues demain.

Thé à la rose : Peut-être que vendredi, ça peut marcher pour moi.

Lily : Vingt-trois heures, heure de Londres ?

Thé à la rose : Ça marche.

Thé à la rose : Amuse-toi bien Ylil.

Elle se rappelait vaguement avoir parlé de Bertram pendant leur dernière partie parce qu'ils avaient passé un peu plus de temps à se raconter des choses personnelles qu'à discuter stratégie. James était bon, et elle avait du mal à savoir si elle préférait l'avoir avec elle, ou contre elle. Elle aimait la façon dont ils s'accordaient lorsqu'ils jouaient ensemble, se couvrant l'un et l'autre sans avoir besoin de se le demander, mais elle aimait aussi la rivalité entre eux dès qu'ils jouaient l'un contre l'autre. Il avait l'esprit de compétition, elle aussi, et c'était lors de ces parties là qu'ils riaient le plus, incapables de passer plus de deux minutes sans se jeter des horreurs à la figure dès qu'ils se rencontraient sur la carte.

« Est-ce que tu veux poser ta question à Bertram, tant qu'on y est ? proposa Lily à Mary en agitant de nouveau son portable devant sa figure.

- Avec tout le respect que je lui dois, je suis team Thé à la rose, répondit la jeune femme brune après avoir secoué la tête avec véhémence.

- Sûre ? Je pourrais rentrer avec lui ce soir.

- Il t'intéresse vraiment ?

- Je n'en sais rien, avoua t-elle sans détour en se levant de son lit, on verra. »

Bertram et elles s'étaient écrit régulièrement, et elle avait trouvé qu'il était simple d'échanger avec lui. Elle ne ressentait pas une attirance folle envers lui bien que n'importe qui aurait pu le décrire comme étant beau garçon, mais elle mettait cela sur le compte d'un manque de proximité entre eux.

Toutefois, lorsqu'elle fut assise dans ce bar branché du centre ville et qu'elle jeta un coup d'oeil à sa montre pour la sixième fois de la soirée, elle réalisa que ce n'était pas ce soir là qu'elle allait régler ce problème d'attirance.

Lily : À partir de quelle heure est-ce qu'on peut dire qu'il m'a posé un lapin ?

Frank : À partir d'il y a une demie-heure.

Mary : Oh mon bébé.

« Si Sirius me ramène encore un mimosa, je le tue, entendit-elle au moment où elle envoyait un gif d'un personnage qui pleurait à ses colocataires. »

Elle leva aussitôt les yeux de son portable, alerte. Elle ne connaissait pas deux Sirius. Personne ne s'appelait Sirius, sauf Sirius lui même, alors elle tourna légèrement la tête vers la droite pour observer les garçons qui venaient de s'asseoir à deux tables d'elle. Elle n'avait aucune idée de ce à quoi ressemblaient Peter et Rémus, ils n'avaient fait que discuter ensemble via leur tchat de clan, mais s'il y avait la moindre chance que ce soit eux, elle préférait se faufiler hors du pub maintenant.

Ce n'était pas qu'elle ne les appréciait pas, bien au contraire, elle les trouvait vraiment, vraiment cool, mais elle ne survivrait pas à l'humiliation de devoir leur expliquer à leur première rencontre que l'on venait de lui poser un lapin.

Elle attrapa son sac et entreprit de filer en douce, mais elle manqua de percuter Sirius qui revenait avec trois verres dans les mains, dont un mimosa. Il était revenu prendre des cookies au salon de thé quelques fois et s'attardait de temps en temps. Une fois, Monsieur Black était entré alors que Sirius était au comptoir, et Lily avait appris à ce moment là qu'il s'agissait de son père. Il en avait eu l'air autant désolé qu'elle, mais il n'était pas rentré dans les détails. Elle avait toutefois compris qu'ils ne s'adressaient pas la parole parce que Monsieur Black était reparti aussitôt.

« Lily ? Qu'est-ce que tu fiches ici ? Tu n'avais pas un rendez-vous avec Bérenger ? Non... Bertrand ? Bernard ? Betterave ?

- Bertram, lâcha t-elle en grimaçant, et il avait visiblement mieux à faire. »

Sirius la fixa avec stupéfaction pendant une seconde, puis jeta un coup d'oeil vers la table qu'elle venait de quitter comme s'il ne croyait pas à ce qu'elle venait de lui dire, et elle se sentit mourir à l'intérieur lorsqu'il baissa de nouveau les yeux sur elle.

« Oh va te faire foutre, Beurktram. Viens boire avec nous, Lily. Ce soir, c'est réunion de clan !

- Est-ce qu'on est pas censé tous êtes présents pour les réunions de clan ?

- Hé, James n'avait qu'à pas partir au Canada et m'abandonner ici. »

Elle ne réalisa qu'elle avait commencé à marcher avec lui vers leur table que lorsqu'il s'assit et qu'elle se trouva debout devant deux garçons qui la regardaient avec des yeux ronds comme des soucoupes.

« C'est Lily, dit-il simplement avant de poursuivre comme si de rien n'était, poussant un cocktail devant le plus blond des deux. Pete, je t'ai pris un mimosa, je me suis dit que ça faisait longtemps. »

Ses amis ne l'écoutaient pas, profondément surpris de trouver la jeune femme en face d'eux quand ils n'avaient fait que communiquer par message sans avoir aucune idée de ce à quoi elle ressemblait. C'était étrange de les voir en vrai, mais quelque part, ils étaient fidèles à l'image qu'elle s'était fait d'eux.

« Je t'imaginais plus grande, lâcha Peter avant de pousser un cri lorsque Sirius lui donna une tape derrière la tête.

- Ne sois pas malpoli Queudver !

- C'est tellement l'hôpital qui se fout de la charité, commenta Rémus sur un ton à la fois las et amusé. Ça fait plaisir de te voir, Lily. Qu'est-ce que tu bois ?

- N'importe quel truc hyper fort qui me fera oublier le garçon qui devait me rejoindre ce soir, dit-elle, et les deux jeunes hommes lui jetèrent un regard désolé.

- Il est peut-être juste en retard ? tenta t-il.

- On avait rendez-vous à vingt-et-une heure, et il n'a répondu à aucun de mes messages, reprit-elle en haussant les épaules, mais je crois que je m'amuserai plus avec vous, de toutes façons.

- Tu veux un mimosa ? lui proposa Peter, et elle s'esclaffa en repensant à ce qu'elle l'avait entendu dire plus tôt, puis elle acquiesça.

- Si ça peut t'empêcher de tuer Sirius... »

Il s'empourpra, Rémus pouffa à son tour, et Sirius devait avoir l'habitude des menaces de mort de la part de ses amis puisqu'il n'y prêta aucune attention, occupé à se prendre en photo. Quand Lily remarqua qu'ils étaient tous dans le cadre, elle esquissa son plus beau sourire, se sentant toutefois un peu mal lorsqu'elle vit qu'il écrivait à James. Encore un à qui elle allait devoir expliquer que Bertram n'était pas venu.

« Ça fait bizarre de vous voir, reprit-elle. Je ne sais même pas ce que vous faites dans la vie, ou quel âge vous avez, ou...

- Tous vingt-deux, la coupa Sirius.

- Moi aussi !

- Je suis comportementaliste animalier, lui dit Rémus, et elle gloussa lorsqu'il poursuivit. J'ai appris en m'entraînant sur Sirius.

- Moi je bosse dans les assurances, ajouta Peter.

- Et moi je suis dans l'événementiel. »

Les deux autres s'esclaffèrent, et le regard curieux de Lily jongla entre eux jusqu'à ce que Rémus ne reprenne la parole, et qu'elle puisse rire aussi.

« Il est étudiant en art et il va à des soirées quasiment tous les jours, je ne suis pas sûr que ça fasse partie des métiers de l'événementiel.

- Ça s'appelle des révisions, au cas où je voudrais me lancer un jour, pointa Sirius, faisant pouffer Lily.

- Le raisonnement tient debout, appuya t-elle en haussant les épaules, et il avança son verre pour trinquer avec elle.

- Tu es devenue ma préférée à cette table en une seconde. »

Elle resta avec eux jusqu'à une heure du matin, à boire et à les écouter lui raconter leurs aventures qui lui rappelèrent celles toutes aussi saugrenues de Mary, et elle leur fit jurer de venir à son appartement un autre soir pour qu'elle les présente.

« Bon, allez, j'y vais maintenant pendant que je peux encore marcher à peu près droit, leur dit-elle, et elle fut surprise de voir Sirius se lever en même temps qu'elle.

- Je te raccompagne.

- Quoi ? Non, laisse tomber, reste, je n'habite pas si loin.

- James m'a dit que si je ne te raccompagnais pas, il resterait dix ans de plus à Toronto, expliqua t-il en esquissant une moue. Et il a raison, ça craint parfois dans le centre.

- On va venir aussi, décréta Rémus en enfilant sa veste alors que Peter terminait son verre cul sec.

- Sérieusement les garçons, ça va aller. J'ai des clés et un déodorant dans mon sac, je suis parée à toute éventualité, plaisanta t-elle.

- C'est effrayant que tu aies besoin d'avoir ça, pointa Peter. On vient avec toi.

- Il dit ça alors qu'il ne sera d'aucune aide si un type nous cherche des embrouilles.

- Et qu'est-ce que tu vas faire, toi ? Tu es resté bloqué une heure et demie devant la porte de ton appartement la semaine dernière parce qu'il y avait une araignée sur le mur...

- Elle était comme ça ! répliqua Sirius. »

Il écarta tant ses mains que Lily s'esclaffa. Elle doutait que des araignées de cinquante centimètres ne se promènent dans les appartements de Londres, mais elle voulait au moins faire semblant de compatir avec Sirius qui était à présent en train de marteler à son ami que la pauvre bête l'avait fixé et qu'il avait juré avoir vu des envies de meurtre dans ses yeux.

« D'habitude, il appelle James pour ce genre de problème, lui glissa Rémus avec un sourire espiègle.

- Pour le débarrasser des araignées ?

- Et de toutes autres bestioles. Si tu savais le nombre de fois où il l'a fait venir en pleine nuit...

- Sérieusement ? gloussa t-elle.

- Je te jure sur tout ce que j'ai. Maintenant, c'est moi qui dois porter le fardeau.

- Toutes mes condoléances.

_ J'apprécie. »

Ils étaient tous les deux tournés vers Peter et Sirius, visiblement en train de se prendre le bec pour des broutilles, et Lily devina que cela devait être récurrent lorsque Rémus leva les yeux au ciel et soupira lourdement.

« On vous attend, leur rappela t-il.

- C'est important, on essaie de savoir lequel de nous deux serait le plus utile s'il y avait un combat !

- Aucun, répondit Rémus sans l'once d'une hésitation. Peter fuirait le plus vite possible, et toi tu passerais ton temps à supplier que personne ne touche à ton visage parce que, je cite « je suis trop beau pour ça ».

- C'est vrai, appuya Sirius en esquissant un sourire en coin.

- Et tu te transformerais en Chuck Norris, toi, peut-être ? se moqua Peter.

- J'essayerais de négocier, au moins. Ce qu'aucun d'entre vous n'aurait pensé à faire, pointa Rémus. - - Négocier ? Négocier quoi ?

- Je donnerais Sirius en échange de notre liberté.

- Pourquoi moi ?! s'indigna le concerné.

- Parce que Peter serait déjà parti, et je ne vais pas sacrifier Lily.

- Merci, Rémus, intervint-elle.

- Avec plaisir.

- James n'aurait jamais fait ça, marmonna Sirius.

- James aurait voulu éviter de se battre, et s'il fallait te sacrifier pour ça, il l'aurait fait, conclut Rémus avant de se tourner vers Lily en ignorant les protestations de son ami. Maintenant qu'on a établi que c'est toi qui es là pour nous défendre et pas l'inverse, est-ce qu'on peut y aller ? »

Elle éclata de rire, pesta contre Sirius quand elle se rendit compte qu'il avait payé toutes ses consommations, et essaya en vain de lui fourrer un billet dans la poche de son jean alors qu'ils sortaient du bar.

Le chemin du retour fut tout aussi chaotique que lors de ses soirées avec Mary. Sirius et elle jugèrent judicieux de faire un concours de pole dance sur tous les lampadaires qu'ils croisaient, et il y en avait beaucoup. Il se termina par une brûlure sur toute la longueur de la cuisse pour l'une, et une torsion de la cheville pour l'autre. Peter, lui, rata quatre trottoirs et si pour les trois premiers, Rémus eut le bon réflexe de refermer ses doigts autour de son pull pour éviter la chute, le dernier lui fut fatal. Il passa une bonne dizaine de minutes assis, à observer sous toutes les coutures ses genoux écorchés en gémissant avant de se lever enfin.

Quand ils arrivèrent enfin devant l'appartement de Lily, ils avaient tous mal quelque part, et elle s'excusa platement auprès de Rémus de lui avoir ruiné le dos en grimpant dessus parce que ses chaussures lui mettaient les pieds en sang.

« Vous êtes sûrs que vous ne voulez pas entrer ?

- Un autre jour, répondit Peter en secouant la tête.

- Dors bien Lil' !

- Merci pour tout les gars. »

Elle leur adressa un dernier sourire avant de refermer la porte derrière elle, et elle eut les plus grandes peines du monde à monter les escaliers. Son portable avait vibré pendant une bonne partie de la soirée parce que Bertram s'était finalement souvenu qu'elle existait. Elle lui avait juste envoyé un doigt d'honneur une heure et demie plus tôt avant de faire une courbette devant les garçons qui l'avaient applaudie en riant, puis avaient payé une nouvelle tournée. Finalement, elle avait passé une très bonne soirée.

L'appartement était plongé dans la pénombre lorsqu'elle arriva. Le chemin du retour n'aurait dû leur prendre qu'un gros quart d'heure, mais ils avaient mis quarante-cinq minutes, et elle en avait adoré chaque seconde. Elle avait eu l'impression d'avoir sa propre escorte, et les garçons l'avaient fait rire plus que Bertram n'y serait jamais parvenu.

Elle se servit un grand verre d'eau puis marcha sur la pointe des pieds jusqu'à sa chambre où elle abandonna ses chaussures sans aucun regret, et elle ne s'autorisa à regarder son portable que lorsqu'elle fut allongée dans son lit. Elle leva les yeux au ciel devant tous les messages de Bertram, et n'y répondit pas. Un autre, toutefois, attira son attention.

Thé à la rose : Bien rentrée ?

Ses pouces restèrent un moment suspendus au dessus du clavier avant qu'elle ne décide tout simplement de l'appeler. Elle aurait pu juste aller réveiller Frank ou Mary pour qu'ils impriment une photo de Bertram et qu'ils la placardent sur leur cible de fléchettes, mais l'activité était peut-être un peu dangereuse lorsqu'elle avait autant d'alcool dans le sang, et elle avait juste envie d'entendre une autre voix ce soir là.

Elle ne se rendit compte qu'elle avait lancé un appel vidéo que lorsque son propre visage apparut en bas de l'écran, et qu'elle remarqua qu'elle était rouge et que ses cheveux étaient plus emmêlés que jamais. Elle s'insulta à voix haute, largement embarrassée quand elle réalisa que James avait déjà décroché, qu'il l'avait entendue, et qu'il avait ri.

Elle ne l'avait pas vu depuis la dernière fois qu'il était venu au salon de thé, quand ils ne connaissaient encore rien l'un de l'autre, et elle n'avait pas anticipé la minuscule contraction de son cœur maintenant qu'ils étaient face à face, mais que rien ne pouvait lui faire oublier que quelques cinq mille kilomètres les séparaient l'un de l'autre.

« Est-ce que tu voulais juste savoir si j'étais bien rentrée, ou si Sirius avait obéit à la consigne ? lui demanda t-elle en esquissant un sourire en coin.

- Les deux, avoua t-il en lui rendant son sourire. Est-ce que ça va ?

- Je suis saoule. Et amoureuse de tes amis.

- Les trois ? s'étonna t-il après avoir éclaté de rire.

- Ne sois pas prude, Thé à la rose, dit-elle, et elle se rendit compte à ce moment là qu'il était dans la rue. Qu'est-ce que tu fais ?

- Je rentre du travail. Longue journée. Au fait, je suis désolé pour ton rendez-vous.

- Est-ce qu'on peut ne pas en parler ? marmonna t-elle en esquissant une moue contrariée.

- Si tu veux, mais pour ce que ça vaut, je serais arrivé dès l'ouverture du bar à sa place. »

Elle s'esclaffa et pendant une seconde, elle eut la sensation qu'il venait de lui prendre le cœur et de l'étreindre doucement. Elle ne savait pas si c'était ses mots ou son visage, divinement parfait dans la lumière du soleil couchant de Toronto, mais elle avait rarement eu autant envie d'avoir quelqu'un près d'elle.

« Il faut que j'y aille. Dors bien Ylil. »

Elle aimait l'entendre prononcer son surnom. C'était comme s'ils partageait tous les deux une blague que les autres ne saisissaient pas. Enfin, à part Frank et Mary à qui elle avait tout raconté, et probablement Sirius, qui était venu au salon de thé avec lui.

Elle eut juste le temps de lui répondre un bref « Bonne nuit » avant qu'il ne raccroche, et elle le trouva un peu bizarre, mais elle mit cela sur le compte de l'alcool, et elle posa son portable à côté d'elle avant de s'endormir toute habillée.

Toutefois, au fil des jours, leurs soirées jeux commencèrent à s'espacer, et les échanges de messages aussi. Elle n'était pas sûre d'avoir dit ou fait quoi que ce soit de mal parce que les rares fois où ils se retrouvaient, c'était comme si rien n'avait changé. Ils riaient ensemble, s'insultaient lorsque l'un tuait l'autre, et se taquinaient gentiment comme ils en avaient pris l'habitude, mais ils ne rentraient plus dans le personnel. L'un comme l'autre.

Elle avait mis ça sur le compte de la distance. Elle n'avait jamais été très douée pour garder contact avec les gens lorsqu'ils n'habitaient pas dans le même coin qu'elle, et elle avait arrêté de lui écrire aussi régulièrement qu'avant. Lui aussi. Globalement, il avait l'air occupé, et elle ne l'en blâmait pas. Elle avait elle-même beaucoup à faire entre le salon et ses études, et elle supposait que c'était de cette façon que les gens s'éloignaient. Le travail, les obligations, des milliers de kilomètres...

Les mois passèrent, et s'ils se parlaient un peu lorsqu'ils traînaient sur leur clan, ce n'était que pour s'échanger des ressources, ou se dire des banalités. Elle n'avait pas envie de laisser cela la contrarier, même si elle ressentait parfois un petit pincement au cœur lorsqu'elle voyait qu'il était en ligne. C'était comme ça. C'était la vie, un ballet constant de gens qui venaient et repartaient, laissant quelques souvenirs derrière eux. Au moins, il n'en avait laissé que des bons.


Elle sortait d'un salon de thé où Mary avait insisté qu'ils s'arrêtent pour prendre des desserts pour le dîner lorsqu'elle le percuta littéralement. Elle ne le remarqua pas immédiatement, trop occupée à s'excuser, mortifiée de s'être retournée un quart de seconde pour adresser un doigt d'honneur à Frank qui clamait que les cookies étaient meilleurs ici que dans un certain autre endroit, mais quand elle le vit enfin, elle se mit à bafouiller de stupéfaction. Il était visiblement en plein jogging, et elle n'avait jamais vu un short et un tee-shirt aller aussi bien à quelqu'un.

Elle ne savait même pas qu'il était revenu, mais il lui avait dit qu'il rentrerait pendant l'été, et ils étaient fin juillet, alors elle supposait qu'elle aurait dû s'y attendre. Elle réalisa à ce moment là à quel point il ne lui était jamais vraiment sorti de la tête, même si les choses s'étaient tassées.

« Thé à la rose, dit-elle simplement, incapable de savoir quelle émotion mettre dans le ton de sa voix. »

Il retira ses écouteurs et lui lança le même sourire que la dernière fois qu'il avait quitté le salon de thé, un an plus tôt. Mary et Frank s'étaient arrêtés au milieu du trottoir, à côté d'elle, et observaient la scène sans rien dire.

« Salut, répondit-il de la même façon.

- Je n'avais aucune idée que tu étais rentré.

- La semaine dernière, lui apprit-il en passant une main dans ses cheveux, et elle fut captivée pendant un instant par une goutte de sueur qui glissa sur son front. Je suis passé par le salon de thé tout à l'heure, je ne savais pas qu'il était fermé le mardi. »

Il avait voulu la voir. C'était ridicule, mais elle se sentit aussitôt un peu mieux, un peu plus sûre d'elle, un peu rassurée. Ils n'avaient pourtant pas partagé grande chose, encore moins ces derniers temps, mais elle ne s'attendait pas à le trouver brutalement devant elle, et elle était troublée.

« Frank et Mary ? tenta t-il en pointant l'index vers ses deux colocataires.

- Désolé pour le mariage, plaisanta Frank après avoir hoché la tête.

- Tu peux. J'ai eu du mal à m'en remettre, répliqua James de la même façon.

- Tu es vraiment canon, est-ce que tu as une sœur ? lâcha Mary sans aucun filtre. »

Elle fit rire le jeune homme qui secoua la tête, et son regard dévia brièvement vers Lily. Elle s'était elle aussi esclaffée, parce que c'était toujours mieux que d'enfoncer la tête de sa colocataire dans la vitrine du salon de thé qu'ils venaient de quitter.

« Est-ce que tu t'apprêtais à tromper le salon de thé de Lily avec celui-ci ? reprit Mary sur un ton accusateur.

- Hé, lequel de nous deux a un sac à leur nom dans la main ? pointa t-il en baissant les yeux vers le tas de gâteaux que la jeune femme brune avait pris à emporter.

- Touché.

- Mais pour être honnête, je comptais y faire un tour après mon jogging, avoua t-il en enfonçant ses mains de ses poches. Ce n'est pas comme si je n'étais pas passé à celui de Lily avant. »

Elle ne se rappelait même plus de la dernière fois qu'elle l'avait entendu prononcer son prénom dans le bon sens, mais elle détesta aussitôt cela.

« Ne te justifie pas auprès d'elle, elle est pénible, reprit Lily en levant les yeux au ciel.

- Alors tu es de retour pour de bon ? demanda soudainement Frank après s'être légèrement écarté pour laisser un passant slalomer entre eux.

- Il était temps. Un jour de plus et mon meilleur ami me reniait, répondit-il après avoir acquiescé. »

Elle le regarda discuter avec ses colocataires pendant cinq bonnes minutes, ses yeux verts le détaillant discrètement de la tête aux pieds comme elle n'avait jamais vraiment eu l'occasion de le faire, et alors qu'elle écoutait d'une oreille distraite leur conversation, son cerveau lui martelait sans arrêt la même question : Pourquoi avaient-ils arrêté de se parler de façon aussi régulière ? Il était drôle, et il était si facile de se souvenir à quel point elle aimait discuter avec lui que la question qui dévala le seuil de ses lèvres à ce moment là lui parut naturelle.

« Tu fais quelque chose après ? »

Mary et Frank braquèrent aussitôt leurs yeux sur elle, et elle n'eut pas besoin de détourner les siens de ceux de James pour savoir qu'ils se retenaient de hurler de joie. Ils avaient été les plus grands supporters de Thé à la rose dès leur première rencontre.

« Est-ce que tu veux qu'on mange ensemble ? proposa t-il aussitôt, et quand elle acquiesça, il se tourna vers les deux autres. Je vous invite ?

- Une autre fois, on a un truc ce soir, répondit aussitôt Mary, et Lily savait que c'était absolument faux.

- C'était un plaisir de te rencontrer en tout cas, appuya Frank. On te la laisse, alors ? »

James jeta un regard dans sa direction avant de hocher la tête, comme s'il voulait être certain qu'elle était d'accord avec ça, et il salua chaleureusement Frank et Mary qui avaient déjà commencé à s'éloigner. Une fois qu'ils eurent fait quelques mètres, Lily les vit danser et hurler à voix basse, levant le pouce dans sa direction et faisant toutes sortes de signes qu'elle aurait préféré ne pas voir, et elle pouffa lorsque James se retourna vers eux et qu'ils percutèrent une poubelle.

« Ils ont l'air cool, pointa t-il en ricanant.

- Les meilleurs. Où est-ce que tu veux aller ?

- Hum... Ça t'ennuie si on passe chez moi d'abord ? J'ai besoin d'une douche.

- Aucun problème. Tu habites dans le coin ?

- Juste dans la rue d'à côté, répondit-il en commençant à marcher à côté d'elle. »

Il y eut un moment de flottement. La familiarité qu'ils avaient lorsqu'ils jouaient ensemble n'était plus la même maintenant, et elle ne savait pas si c'était parce qu'ils ne s'étaient pas parlés depuis longtemps, ou parce qu'ils ne connaissaient finalement pas grand chose l'un de l'autre.

« J'ai l'impression que je dois m'excuser, reprit-il au bout d'un moment, et elle lui jeta un regard curieux.

- T'excuser ?

- J'ai... Plus ou moins arrêté de prendre de tes nouvelles ces derniers mois.

- J'ai remarqué, pointa t-elle avant de hausser les épaules et de poursuivre. Je ne t'ai pas écrit non plus. C'est juste...

- La distance. »

Ils prononcèrent le dernier mot en même temps, laissèrent échapper un rire en même temps, passèrent une main dans leurs cheveux en même temps, et leur absurde synchronisation les fit de nouveau pouffer.

Pendant tout le reste du chemin, il n'y eut rien d'autre que des joues un peu rouges et des sourires beaucoup trop réservés pour deux personnes qui avaient passé autant de temps à s'insulter sur des jeux vidéos pendant plus ou moins un an, mais quelque part, elle trouva qu'il n'y avait rien de désagréable à marcher à côté de lui sans parler.

« Je suis désolé d'avance, j'habite au dernier étage, et c'est un vieux bâtiment, il n'y a pas d'ascenseur, la prévint-il en poussant l'énorme porte d'un immeuble ancien.

- Ça fait un an que je dis à Mary que je vais aller à la salle de sport avec elle, est-ce qu'on peut dire que ça compte ? »

Il laissa échapper un rire et hocha la tête, l'invitant à le suivre dans un tourbillon de marches qui n'en finissait pas, si bien que lorsqu'ils arrivèrent finalement en haut, elle dut s'appuyer au mur pour reprendre son souffle.

« Quelle espèce de masochiste tu es pour habiter ici ? articula t-elle entre deux inspirations.

- La vue est cool, répondit-il en riant, penché en avant, les mains sur ses genoux, à essayer de reprendre son souffle et elle trouva rassurant qu'il soit tout aussi épuisé qu'elle. »

Il se redressa puis enfonça sa clé dans la serrure de la première porte du couloir, et lui fit signe d'entrer. L'appartement n'était pas très grand, mais une large fenêtre donnait sur le parc d'à côté et elle comprit qu'il ait sacrifié le confort d'un ascenseur au profit d'un tel panorama. C'était vraiment joli.

« Fais-comme chez toi, j'en ai pour cinq minutes, lui dit-il en faisant un geste de la main vers le salon avant de disparaître dans la pièce d'à côté. »

Il n'avait pas encore déballé tous ses cartons, et elle fut amusée de constater qu'il avait pris soin d'installer tous ses jeux vidéos et son canapé en priorité. Pour être honnête, elle aurait fait la même chose.

Elle laissa tomber son sac à ses pieds et fit le tour de la pièce, esquissant un sourire devant les photos placardées sur son frigo qui étaient toutes, sans exception, des portraits de Sirius qu'elle le suspectait d'avoir lui même affichés là. Elle s'arrêta devant la fenêtre et observa distraitement le parc alors que le bruissement de l'eau dans la pièce d'à côté l'invitait à penser à un tout autre paysage, non moins agréable à regarder, elle n'en doutait pas une seconde.

Elle finit par s'asseoir sur le canapé, manquant d'écraser sa Nintendo Switch au passage. Elle la retourna, curieuse de voir à quoi il jouait, ricana en voyant la cartouche d'Animal Crossing, et envoya une photo à Mary.

Mary : IL EST PARFAIT !

Mary : Si tu ne sors pas avec lui, je l'adopte.

Elle s'apprêtait à répondre lorsque la porte de la salle de bain s'ouvrit et que James en sortit en s'essuyant les cheveux. Ses yeux bruns tombèrent immédiatement sur la Nintendo entre les mains de Lily, et il stoppa aussitôt son geste.

« Ok, vas-y, dis ce que tu as à dire, l'encouragea t-il après avoir poussé un long soupir résolu.

- Je n'ai rien à dire, affirma t-elle en riant.

- Je peux le supporter. Sirius s'en est déjà donné à cœur joie.

- Je n'ai vraiment rien à dire, lui assura t-elle en secouant la tête avant de poursuivre sur un ton espiègle. J'adore Animal Crossing. Est-ce que tu as d'autres sombres secrets comme ça ?

- J'imagine que tu vas devoir passer plus de temps avec moi pour le savoir. »

Quelque chose dans le ton léger de sa voix, ou dans son sourire, lui fit resserrer un peu plus ses doigts sur la console de jeux avant de finalement l'abandonner sur le coussin à côté d'elle et de se lever.

« Où est-ce que tu veux manger ? lui demanda t-il.

- On peut rester ici ? J'ai envie de te battre un peu à Mario Kart.

- J'ai un citron et de la sauce tomate. Est-ce que ça suffit ? plaisanta t-il après avoir ouvert son frigo et grimacé.

- On va aller manger à l'extérieur, conclut-elle avec un sourire amusé.

- On pourra toujours revenir après, si tu veux vraiment passer la soirée à pleurer parce que je suis trop fort pour toi, la provoqua t-il tout en prenant sa veste, posée sur le dossier d'une chaise.

- Ça avait bien commencé jusque là, mais fais attention, je pourrais te pousser dans les escaliers.

- Tu descends en première, déclara t-il dès qu'ils furent sur le palier. »

Elle pouffa et s'élança devant lui, ne s'arrêtant que lorsqu'elle eut poussé la lourde porte d'entrée. Il la percuta, s'excusa, et ils se mirent à marcher sans qu'elle ne sache exactement où ils allaient jusqu'à ce que James ne s'arrête devant un petit restaurant à tapas qu'elle fréquentait déjà régulièrement avec Frank et Mary. Elle lui jeta un coup d'oeil suspicieux auquel il répondit par un sourire en coin, et elle sut immédiatement que ce n'était pas un hasard.

« A quel moment est-ce qu'ils t'ont dit que j'adorais cet endroit ?

- Mary m'a envoyé un message il y a deux minutes, répondit-il simplement, et elle ouvrit et referma la bouche plusieurs fois de suite avant de finalement réussir à mettre de l'ordre dans ses idées.

- Je n'avais aucune idée que tu avais son numéro. Ou qu'elle avait le tien. Ou...

- Elle m'a demandé le mien quand on parlait dans la rue, la coupa t-il, mais je n'avais pas l'impression que tu écoutais beaucoup de toutes façons. »

A la façon dont il prononça la dernière phrase, elle sut qu'il n'était pas dupe sur ce qu'elle était en train de faire à ce moment là. Il y avait une certaine arrogance dans son ton qui, paradoxalement, la rassura. Il n'était pas parfait, et elle avait vraiment envie d'effacer ce sourire insolent de son visage.

« Qu'est-ce que tu prendras, mon bichon ? l'interrogea t-elle lorsqu'ils furent assis et que le serveur s'arrêta à leur table, retenant visiblement un rire en entendant le surnom ridicule. »

James leva aussitôt les yeux sur elle, à la fois profondément surpris et horrifié, et elle eut les plus grandes peines du monde à garder son sérieux, arquant un sourcil, faussement perplexe, alors qu'il avait momentanément perdu l'usage de la parole. Il lui fit signe de choisir ce qu'elle voulait, et son regard resta vissé sur elle même lorsque le serveur s'éloigna.

« Est-ce que c'est Sirius qui t'a dit de faire ça ? grommela t-il comme un enfant contrarié.

- Tu te souviens, quand on a échangé nos portables l'année dernière ? lui demanda t-elle en tapotant son téléphone qui était sur la table, et elle attendit qu'il acquiesce pour continuer. Sirius t'a envoyé un message qui s'est affiché pendant que je jouais. Je ne sais plus exactement ce que c'était, juste qu'il t'a appelé mon bichon, et ça m'a fait rire.

- Je déteste les surnoms, et Sirius et ma mère le savent, expliqua t-il en s'enfonçant dans sa chaise, mi ennuyé, mi résolu. Ils en ont fait une espèce de concours pour trouver celui qui me révulsera le plus. Elle m'a appelé « mon chéri » devant toi, d'ailleurs, ce jour là.

- J'adore le concept, chaton.

- Ne fais pas ça, la prévint-il après avoir esquissé une grimace pendant qu'elle affichait un large sourire.

- Pourquoi, mon poussin ?

- Lily...

- Ne m'appelle pas Lily, se renfrogna t-elle immédiatement.

- Alors, on trouve ça moins drôle maintenant ?

- Tu es vraiment con des fois, bredouilla t-elle, clairement de mauvaise foi.

- Quoi ? C'est ton prénom ! s'indigna t-il, mais son rire lui indiqua qu'il savait exactement pourquoi elle avait pris la mouche.

- Pas pour toi, Thé à la rose.

- Celui là, pointa t-il, c'est le seul surnom que je suis prêt à tolérer. »

Ses yeux dans les siens l'étourdirent un peu, et elle manqua de faire tomber la fourchette avec laquelle elle s'était mise à jouer sans trop s'en rendre compte. Elle reprit ses esprits quand le serveur réapparut avec plusieurs assiettes de tapas qu'il posa entre eux, mais dès qu'il eut disparu, ils échangèrent un nouveau regard et elle pria pour que rien n'interrompe celui-ci parce que ses yeux lui avaient manqué et qu'elle ne le réalisait que maintenant.

« Est-ce qu'il y a autre chose que je dois savoir, en plus du message de Sirius que tu as vu ? reprit-il.

- Heu... La première fois que tu es venu, j'avais des doutes sur la relation que tu entretenais avec ta mère. Enfin... Je ne savais pas que c'était ta mère. D'où les doutes.

- Sérieusement ? s'exclama t-il en secouant la tête de dépit.

- Et la deuxième fois, j'étais sûre que tu étais en couple avec Sirius. En partie à cause de cette histoire de surnom.

- Je suis habitué pour Sirius, mais ma mère ?! protesta t-il.

- Désolée ! bredouilla t-elle en esquissant une moue confuse. J'ai compris quand on a échangé nos portables que ce n'était peut-être pas ce que je croyais.

- Bien joué Sherlock, se moqua t-il, et elle lui donna un coup de pied sur la table.

- Ta mère n'arrêtait pas de se retourner vers moi après.

- Peut-être parce que je lui ai dit que je te trouvais jolie, avoua t-il en esquissant un demi-sourire. »

Elle se rappela instantanément du mot qu'il lui avait laissé et qu'elle n'avait jamais enlevé de la poche de sa veste, et elle esquiva son regard, espérant réussir à détourner son attention sur la nourriture plutôt que sur son manque de répartie. C'était comme si elle ne connaissait plus aucun mot, tout à coup. Ce n'était pas son genre. Elle avait réponse à tout. Elle avait d'ailleurs déjà eu réponse à ce genre de phrase dans le passé, alors pourquoi est-ce que maintenant, face à lui, elle ne trouvait rien d'intelligent à rétorquer ?

« Elle a essayé de me convaincre d'aller te parler pendant au moins une demie-heure ce jour là, continua t-il l'air de rien en piochant dans une assiette.

- Et tu as été trop impressionné pour le faire, j'imagine, ironisa t-elle, lui octroyant un rire. C'est toujours l'effet que je fais.

- Il y avait ça, et aussi le fait que le père de Sirius venait déjà de te draguer lourdement. Je me suis dit que tu en avais eu assez pour la journée.

- Hmm. Il ne vient plus depuis qu'il a croisé Sirius.

- J'imagine. Ils se détestent. J'étais soulagé que ma mère le fasse fuir du salon de thé quand nous sommes venus, parce que c'était soit ça, soit je lui envoyais la machine à café en pleine tête, et ton patron n'aurait pas été ravi.

- Je lui ai suggéré l'idée plus d'une fois, et en effet, il n'avait pas l'air particulièrement partant, lui confia t-elle en souriant légèrement. »

Ils discutèrent pendant un moment de choses et d'autres, principalement de jeux vidéos, tout en picorant dans les différentes assiettes posées entre eux, et au bout d'un moment, le regard de Lily dévia vers un coin du restaurant bondé où un couple de personnes âgées, du moins en apparence, était en train de trinquer, jetant des coups d'oeil réguliers dans sa direction.

« Je n'y crois pas, lâcha t-elle en levant les yeux au ciel.

- Quoi ? s'enquit-il en suivant son regard avant de reprendre avec hésitation. Est-ce que c'est...

- Frank et Mary, termina t-elle en hochant lentement la tête.

- Ils sont hilarants, ricana t-il avant de se retourner vers elle.

- Ce sont des psychopathes.

- Hé, ils sont probablement venus pour te donner une porte de sortie si tu te rends compte que je suis insupportable, c'est plutôt sympa, les défendit-il avant de leur adresser un petit signe de la main en souriant, s'esclaffant lorsqu'ils pivotèrent aussitôt pour se cacher de sa vue.

- Je suis désolée que les garçons ne se soient pas pointés pour toi. Comment tu vas faire, coincé ici avec moi ?

- J'imagine que je vais juste devoir prendre mon mal en patience, répondit-il en haussant les épaules tout en prenant un air ennuyé, et elle esquissa un sourire en coin.

- Ça a l'air d'être une horrible idée.

- La pire. »

Elle attrapa son verre pour se donner une contenance alors que ses yeux tombaient une nouvelle fois dans les siens, et elle jura qu'elle pouvait sentir des étincelles jusque dans le bout de ses doigts.

Le quatrième chapitre sera le dernier :)

Merci beaucoup pour vos reviews trop trop mignonnes à chaque fois, ça me donne toujours la pêche 3