« On a joué à Mario Kart, raconta Lily à sa meilleure amie en haussant les épaules. »

Mary, allongée à côté d'elle sur son lit alors qu'elles regardaient une série sur son ordinateur portable, tourna complètement la tête vers elle, incrédule.

« Vous avez joué à Mario Kart ? répéta t-elle avant de poursuivre sur un ton encore plus perplexe. Toute la soirée ?

- Pourquoi est-ce que tu dis ça comme si on avait commis un crime contre l'humanité ? s'indigna Lily en lui donna une petite tape sur la cuisse. C'était vraiment cool.

- Geek.

- Il est temps de s'en rendre compte. »

Elle aurait pu être honnête avec sa colocataire sur la véritable tournure qu'avait pris cette soirée avec Thé à la rose, mais ce n'était pas comme si elle lui avait vraiment menti. Ils avaient joué à Mario Kart. Entre autres choses. Elle ne voulait juste pas qu'elle se fasse des idées sur leur relation quand elle-même n'était sûre de rien. Combien de fois Frank, Mary, ou elle même s'étaient montés la tête à propos d'une personne, seulement pour s'apercevoir au bout du compte qu'ils s'étaient bercés d'illusions ? Elle ne voulait pas ça. Pas cette fois. Pas avec Thé à la rose. Elle préférait ne s'attendre à rien plutôt que de tout s'imaginer.

Elle attrapa son portable et jeta un coup d'oeil à leurs derniers messages pour ce qui lui sembla être la quinzième fois de la journée, perdue quelque part entre un sentiment d'allégresse total, et des doutes tenaces qui la rendaient un peu nerveuse.

Thé à la rose : J'ai bien aimé la soirée d'hier.

Lily : Moi aussi.

Thé à la rose : Je parlais de mes victoires à Mario Kart.

Elle avait éclaté de rire parce qu'elle n'avait pas besoin d'être en face de lui pour entendre le sarcasme dans sa voix et pour voir le sourire mesquin sur son visage, et elle avait juste renvoyé un doigt d'honneur.


Il était aux alentours de vingt-et-une heure lorsqu'ils pénétrèrent de nouveau dans l'appartement de James après avoir passé une bonne partie du dîner à faire des signes de mains à Frank et Mary qui avaient eu l'air de refuser de croire qu'ils avaient été découverts.

« Je déteste ces escaliers, pesta Lily. La prochaine fois, on va chez moi.

- La prochaine fois ? releva t-il avec un sourire espiègle, et elle avala sa salive de travers tout en se débarrassant de sa veste qu'elle posa sur le bras du canapé.

- Est-ce qu'on joue à Mario Kart ou est-ce que tu as peur que je t'humilie ? l'interrogea t-elle pour détourner son attention. »

Il se contenta de la contourner et de se pencher vers le meuble télé avant de lui tendre une manette, de se saisir de l'autre, et de remettre la console sur son socle. Puis il s'assit à côté d'elle, assez près pour qu'elle puisse sentir son parfum, aussi discret soit-il, mais pas assez pour que leurs épaules ne se touchent, et il s'esclaffa quand elle sélectionna Mario.

« Mario, vraiment ?

- Qu'est-ce que tu as à dire là dessus ? Il a littéralement donné son nom au jeu, lui fit-elle remarquer.

- C'est juste le choix le plus classique que qui que ce soit puisse faire.

- J'avais oublié que tu étais si arrogant, pointa t-elle en levant les yeux au ciel. Alors qui est-ce que tu choisis, Monsieur Je-suis-original ? »

Elle laissa échapper un rire ironique quand il s'arrêta sur Yoshi et lui lança un regard espiègle.

« Tu sais que c'est juste un canasson avec un design un peu fun, n'est-ce pas ? se moqua t-elle.

- Je sais, répondit-il en haussant les épaules avant de visser une nouvelle fois ses yeux bruns sur l'écran sans toutefois laisser faner son sourire en coin, mais ça ne me dérange pas d'être en dessous. »

Elle voulait vraiment refuser de rire à ça, mais au point où elle en était, elle avait le choix entre pouffer, et s'étouffer, alors elle choisit la première option.

« Avec combien de filles est-ce que cette technique a marché ? lui demanda t-elle après s'être massée les tempes comme si elle ne cautionnait pas ce genre d'humour alors que c'était exactement l'inverse.

- Tu es la seule à prendre Mario, Ylil, répondit-il en choisissant les circuits, si flegmatique qu'elle aurait pu penser qu'elle avait rêvé le sous-entendu.

- Alors quoi ? Tu t'adaptes en fonction du personnage ? Qu'est-ce que tu aurais fait si j'avais pris Bowser ?

- J'aurais pris Peach, et je t'aurais dit que je suis fasciné par le syndrome de Stockholm, un truc dans ce style là.

- 'Pas du tout tordu, ironisa t-elle avant de suivre son regard. Tu sais que peu importe la course que tu choisis, le résultat sera le même, n'est-ce pas ? »

Elle ne réalisa à quel point elle avait raison que lorsqu'il termina premier pour la sixième fois de suite. Elle était meilleure que lui aux jeux de stratégies, et il allait de soi qu'il prenne l'avantage autre part, mais elle était de mauvaise foi et par dessus tout, elle détestait perdre.

« Je n'ai jamais vu quelqu'un avoir autant de chance ! s'exclama t-elle alors qu'elle finissait juste derrière lui après qu'il l'ait doublée in extremis, à deux doigts d'essayer de voir si une manette pouvait faire des ricochets contre des murs.

- Ça s'appelle du talent, ricana t-il avant de poursuivre en voyant sa mine défaite. Ne sois pas si dure avec toi-même, c'est mon métier.

- C'est ton métier ? répéta t-elle, perplexe. »

Elle ne lui avait jamais demandé ce qu'il faisait, et elle se trouva stupide de ne pas s'être posée la question avant. Ce n'était pas si important en soi. Elle avait appris plus sur sa personnalité en jouant en ligne avec lui que si elle l'avait interrogé sur ses faits et geste, mais elle se surprit à vouloir subitement tout savoir de lui.

« On n'en a jamais parlé avant ? s'étonna t-il de la même manière avant de poursuivre. Je suis graphiste dans les jeux vidéos.

- Je n'en avais aucune idée.

- Ma boîte a ouvert des bureaux au Canada, et l'équipe sur place avait besoin de moi pour un nouveau projet, c'est pour ça que je suis parti, expliqua t-il en s'appuyant contre le dossier du canapé, manette toujours en main.

- Est-ce qu'il va falloir que tu y retournes ?

- Pas dans l'immédiat, et pas aussi longtemps. Pourquoi ? Tu as peur de me voir partir encore ? se moqua t-il en lui adressant un sourire narquois.

- Au contraire, j'ai peur de te voir rester, répliqua t-elle en lui rendant son sourire. Allez, lance une nouvelle course. »

S'ils avaient commencé la première partie à une distance raisonnable, ils étaient à présent collés l'un à l'autre sans qu'elle ne puisse savoir qui d'elle ou de lui s'était rapproché. Elle supposait toutefois que c'était un peu les deux parce qu'ils n'arrêtaient pas de bouger, de se faire des coups bas en balançant un coussin devant l'autre, ou de se pousser mutuellement dès que l'un d'eux arrivait près de la ligne d'arrivée.

« NE ME LANCE PAS CETTE CARAPACE BLEUE ! le prévint-elle alors qu'elle était en tête de peloton.

- … Oups.

- Je te déteste, affirma t-elle quand il la doubla après que le projectile en question ait atteint sa cible. »

Elle reprit le dessus un peu plus loin dans la course, luttant pour ne pas le laisser repasser devant, et quand elle vit Yoshi pointer le bout de son nez à côté d'elle, elle lâcha sa manette pour pousser James des deux mains.

« Changement de plan. Si je ne peux pas gagner, tu ne peux pas gagner ! déclara t-elle alors qu'il basculait sur le côté en pouffant. »

Elle lutta pendant plusieurs secondes pour réussir à lui prendre sa manette, et quand elle y parvint enfin, elle se pencha juste assez pour la faire glisser sous le canapé, ignorant ses protestations mêlées à leurs deux rires.

« Alors, qu'est-ce que tu vas faire maintenant que tu es littéralement en dessous ? »

Elle parlait de sa manette, mais elle réalisa à ce moment là qu'il était presque totalement allongé, et qu'elle s'était à moitié avachie sur lui. Elle entama un mouvement pour se redresser, ses yeux vissés aux siens, et elle sentit ses doigts s'agripper à sa taille dans un silencieux et électrique « Reste ».

Elle s'immobilisa aussitôt, incapable de détourner le regard quand sa main remonta jusqu'à sa nuque et qu'il exerça une subtile pression, juste assez perceptible pour qu'elle comprenne exactement ce qu'il voulait, mais pas assez pour l'obliger à quoi que ce soit. Le jeu avait subitement été relégué au second plan, et Dunkey Kong les avait probablement doublé tous les deux maintenant, mais elle s'en fichait pas mal.

Elle se pencha de nouveau sur lui, et il la rejoignit à mi-chemin, l'embrassant avec une hardiesse qui lui donna l'impression qu'il y avait pensé autant qu'elle. Elle aimait qu'il ne se batte même pas pour intervertir leurs positions, et elle en savait assez sur lui pour en conclure qu'il voulait lui laisser la main sur la situation, une porte de sortie qu'elle n'avait pas envie de prendre.

Elle préféra amplement se débarrasser de son haut, et en un rien de temps, elle se retrouva à demie nue au dessus de lui, un peu étourdie par la façon dont ses mains se crispaient sur chaque partie de son corps qu'il pouvait atteindre comme s'il avait peur de ne pas avoir assez d'elle.

« Est-ce que tu veux...

- Oui, le coupa t-elle entre deux baisers. Et toi ?

- Tellement que je vais probablement durer une minute montre en main, répondit-il, l'obligeant à lâcher sa bouche juste pour éclater de rire.

- Il faut toujours que tu finisses en premier, hein ? se moqua t-elle, et le parallèle avec leur partie le fit pouffer.

- Je crois que je vais te laisser gagner cette fois-ci.

- Un peu présomptueux de ta part, mais je veux bien te voir essayer.

- Ne fais pas semblant pour me faire plaisir, ce serait contre productif, et je n'ai pas besoin que tu flattes mon ego si tu ne prends pas ton pied.

- Sans blague ? Contre-productif ? ricana t-elle. Est-ce qu'on s'apprête à se choper ou à dresser le bilan d'une... »

Elle ravala sa moquerie lorsqu'elle sentit ses doigts remonter vers l'intérieur de ses cuisses et qu'il lui jeta un regard interrogateur auquel elle répondit par un simple hochement de tête avant de suivre des yeux la trajectoire de sa main. Elle laissa son front retomber doucement contre le sien, répondant par des murmures décousus dans son oreille à chaque fois qu'il lui demandait comment elle aimait qu'on la touche, cherchant sa main avec la sienne pour lui montrer de quelle façon il pouvait l'amener exactement là où il voulait la mener, et lâchant un juron contre sa bouche quand l'élève dépassa le maître. Il n'y avait définitivement rien de contre-productif là dedans.


« Rah, je déteste ce type ! s'exclama Mary. »

Lily retomba brutalement sur terre, ses yeux directement vissés sur le seul personnage de la série qu'elles regardaient qu'elles ne pouvaient pas supporter. Elle se racla la gorge et hocha la tête, essayant vainement d'arrêter de penser aux doigts de Thé à la rose sur elle, ou à toute autre partie de son corps, spécialement quand sa meilleure amie était allongée à côté d'elle.

Elle voulait recommencer, elle voulait lui écrire, mais elle ne voulait pas avoir l'air de lui courir après, même si elle avait définitivement envie de lui courir après. Ils n'avaient pas parlé de ce qu'ils feraient ensuite, il l'avait juste raccompagnée, les mains dans les poches, en discutant de tout et de rien, comme s'il avait déjà oublié la sensation de sa peau contre la sienne alors qu'elle commençait à peine à réaliser.

« Au fait, est-ce que tu lui as proposé, pour le mariage ? reprit Mary.

- Hmm ?

- Thé à la rose. Pétunia. Mariage.

- J'ai peur que ça le fasse repartir au Canada, plaisanta t-elle avant d'ajouter. Je n'en sais rien, je ne veux pas rendre les choses bizarres entre lui et moi.

- Je suis presque sûre que le fait de jouer à Mario Kart toute la soirée a déjà rendu les choses bizarres entre lui et toi, pointa moqueusement Mary, et Lily lui donna une claque sur la cuisse qui résonna dans toute la pièce. »


Elle était en train de débarrasser une table lorsqu'il pénétra dans le salon de thé. Il ne lui avait pas écrit ces trois derniers jours, et elle avait commencé à penser qu'il ne voulait peut-être rien de plus que ce qu'ils ne s'étaient déjà donnés, alors elle fut agréablement surprise de le voir s'asseoir à sa place habituelle.

Il lui adressa un sourire qu'elle lui rendit discrètement, sentant le lourd regard de Marlène sur elle, et elle s'empressa de donner un dernier coup de torchon et de larguer toute la vaisselle en cuisine avant de s'arrêter devant le bar où il se trouvait, et où Alastor s'était étalé de tout son long quelques minutes plus tôt. Il appréciait les rayon du soleil, et il sembla à Lily que James appréciait Alastor parce qu'il le grattouillait sous la mâchoire avec plaisir, souriant quand le gros chat poussa sa tête contre sa main comme pour lui en demander plus.

« Il est très exigent sur les caresses, déclara Lily.

- Ça me va. J'ai un chat chez mes parents, mais je ne le vois plus aussi souvent depuis que j'ai déménagé, ça me manque un peu.

- C'est pareil pour moi, c'est en partie pour ça que j'aime autant travailler ici. Le patron est sympa, et en plus on a le droit de garder notre mascotte, expliqua t-elle en souriant avant de poursuivre sur un ton formel qui sembla l'amuser. Qu'est-ce qui vous fait envie aujourd'hui ?

- Vous voulez dire, à part la serveuse ?

- Oh sérieusement ? ricana t-elle en levant les yeux au ciel tout en tapotant son carnet avec son crayon.

- Marlène a déjà quelqu'un ? demanda t-il en prenant un air déçu, pivotant pour lui faire face. Qu'est-ce que tu notes ? »

Elle tourna son carnet vers lui dès qu'elle eut terminé d'écrire, et il s'esclaffa en lisant « Un thé à la rose, supplément arsenic et crumble d'aconit. »

« C'est mérité, admit-il en passant une main dans ses cheveux. Ça va ? »

Elle fut décontenancée par l'intérêt réel qu'il avait l'air de porter pour la réponse qu'elle allait donner à une question posée d'habitude si machinalement qu'elle ne prenait jamais une seconde pour y réfléchir. Elle hocha la tête, profitant du peu de clients pour s'appuyer légèrement sur le bar avant de reprendre la parole, sa main frôlant brièvement la sienne lorsqu'elle la glissa machinalement dans la fourrure du chat.

« Et toi ?

- Ça va, confirma t-il en s'accoudant au bar, ses jolis yeux déviant vers le comptoir. Ton boss est en train de nous regarder, est-ce que je dois faire semblant de lire la carte ? »

Elle se retourna et vit Benjy, les sourcils haussés et les bras croisés contre son torse. Il n'avait même pas besoin d'ouvrir la bouche, elle pouvait entendre son agacement de là où elle se tenait.

« Il est énervé parce que Marlène et moi avons fait une bataille de mousse dans l'arrière cuisine après la fermeture hier soir. Le sol est toujours glissant, on ne peut pas mettre les pieds là bas sans finir par terre, expliqua t-elle à James qui lâcha un rire. Je ferai mieux d'y aller. Un thé à la rose ?

- S'il te plaît, répondit-il avant de pivoter de nouveau vers la vitre. »

Elle passa devant Benjy, l'ignorant délibérément alors qu'elle commençait à préparer la commande de James. Elle était un peu vexée parce qu'il n'allait pas au mariage de Pétunia malgré le fait qu'il y ait été invité, ses parents étant des amis de la famille. Il avait décrété qu'il partirait à la mer ce week-end précis avec sa petite-amie avec laquelle il essayait toujours de se rabibocher, et elle enviait son excuse. Elle aurait aimé avoir un soutien moral autre que celui de ses parents, mais elle n'avait pas insisté, le pauvre avait ses propres problèmes à régler.

Elle croisa le regard amusé de Marlène qui était en train de servir Mme Bibine et Mme Prince, installées deux tables plus loin, qui semblaient parler d'un homme avec qui la première était sortie, et elle écouta la conversation, un demi-sourire flottant sur son visage.

« … Je me suis ennuyée pendant toute la soirée, entendit-elle Mme Bibine raconter. Il était complètement imbu de sa personne, et même le sexe était pénible.

- Pourquoi est-ce qu'il faut toujours qu'elles parlent de ça aussi fort ? grimaça Benjy derrière Lily qui pouffa.

- Pénible ? releva Marlène en calant son plateau contre son ventre. À ce point là ?

- Laborieux, même, insista la cliente, faisant glousser la jeune femme ainsi que son amie.

- Vous savez qui d'autre a eu un rencard ? »

Lily jeta un coup d'œil mauvais vers sa collègue lorsqu'elle agita son index dans sa direction, attirant les regards curieux de Mme Prince et de Mme Bibine. Elle était certaine que James pouvait les entendre, mais il était sur son portable et elle espérait vraiment qu'il n'écoutait pas, parce qu'elle savait qu'elle n'allait pas s'en sortir sans lâcher un minimum d'informations.

« Ce n'était pas vraiment un rencard, réfuta t-elle en secouant la tête après s'être saisie d'une tasse qu'elle avait posé sur son plateau. C'était juste une soirée entre amis.

- Avec un seul ami, et il lui plaît, précisa Marlène, mais elle ne veut pas me dire qui c'est, même si j'ai ma petite idée.

- Comment est-ce que ça s'est passé ? s'enquit Mme Prince.

- Très bien répondit Lily en haussant une épaule. On apprend juste à se connaître.

- Ça fait trois jours que je la travaille au corps et qu'elle ne lâche aucune information, déclara la jeune femme blonde en esquissant une moue de dépit. »

Lily passa devant elle avec son plateau avant de le déposer sur le bar et de servir James, le suspectant de rester docilement concentré sur son portable parce qu'il sentait qu'elle n'avait aucune envie que ses trois interlocutrices sachent qu'il était celui avec lequel elle avait passé la soirée. Alastor se redressa légèrement, vaguement intéressé, avant de se rendormir aussitôt. Elle ne s'attarda pas, et retourna directement réorganiser les pâtisseries derrière le comptoir, bien consciente que sa collègue et les deux clientes d'un certain âge étaient en train de parler d'elle.

« Je vous entends, vous savez, leur fit-elle remarquer avec un sourire amusé.

- On se demandait juste si tu avais conclu, l'informa Marlène qui avait profité du fait que Benjy soit reparti en cuisine pour s'asseoir avec Mme Bibine et Mme Prince. »

Elle n'était pas gênée par la discussion en elle-même, et elle aurait aisément pu la mener dans n'importe quelle direction si James n'avait pas été dans la boutique, mais il était là, et il était absolument hors de question qu'elle se lance dans des confessions maintenant, même si Marlène avait l'air d'espérer le contraire.

« C'était juste une soirée entre amis, répéta t-elle sans même leur accorder un regard, concentrée sur sa tâche, et je ne voudrais pas vous voler la vedette pour ça, Rolanda. On attendait toutes que vous nous racontiez la suite de votre rendez-vous. »

Et juste comme cela, elle désamorça la bombe qui menaçait de lui éclater à la figure. Marlène, bien consciente de sa pirouette, lui lança un coup d'œil espiègle qui signifiait qu'elle l'aurait un jour ou l'autre, et elle n'en doutait pas.

La fin d'après-midi fut calme, et dès que Mme Prince et Mme Bibine s'en allèrent, Lily attrapa le tabouret à côté de James et s'assit, ignorant le regard moqueur de sa collègue qui était en train de nettoyer l'évier.

« J'aime beaucoup ta conception de l'amitié, déclara James. »

Il fit glisser son index le long de sa tasse pour récupérer une goutte de thé, puis le porta à sa bouche et elle eut un flashback immédiat de la dernière fois qu'elle l'avait vu effectuer ce geste précis, dans un tout autre contexte. Elle resta interdite pendant une seconde, essayant de chasser de son esprit toute pensée qui l'incluait lui, elle, et l'allée discrète d'à côté, puis elle attrapa un pétale de rose qui traînait dans sa soucoupe et le lui lança à la figure, le faisant éclater de rire.

« Est-ce que tu essaies de m'allumer ? l'interrogea t-elle à voix basse.

- Est-ce que ça marche ?

- Qu'est-ce que tu crois ? demanda t-elle en haussant un sourcil avant de poursuivre. Tu en as oublié une. »

Elle rattrapa in extremis une goutte qui menaçait de rouler le long de sa tasse, et de la même façon que lui quelques secondes plus tôt, elle porta son doigt à sa bouche. Le geste dura une seconde, et elle entendit Marlène maquiller un rire en toux avant de disparaître dans la cuisine, mais elle vit la façon dont James la regarda, et elle était presque sûre qu'il pensait aussi à cette petite allée dans laquelle absolument personne ne passait.

« Tu disais quelque chose à propos de ma conception de l'amitié ? reprit-elle l'air de rien.

- Juste que peu de gens se mettent à genoux devant leurs amis comme tu le fais, répondit-il de la même façon. »

Elle avala sa salive de travers et il lui tapota doucement le dos lorsqu'elle toussota, se remémorant la façon dont il l'avait fait se sentir, et l'envie irrépressible qu'elle avait eu de lui montrer qu'il n'était pas le seul à savoir s'y prendre. Elle ne pensait pas que son esprit de compétition la suivrait jusque dans ces moments là, et ils en avaient ri ensemble après. Elle n'était toutefois pas certaine qu'il s'agissait de sa seule motivation ce soir là.

Il lui avait donné l'impression de ne rien attendre d'elle en retour, et c'était la première fois qu'un homme, dans une relation intime, ne cherchait pas à la contrôler d'une manière ou d'une autre, inconsciemment ou pas, et elle ne s'en était jamais rendue compte avant de passer cette soirée avec lui. C'était la chose la plus attirante qu'elle ait vue.

Elle pouvait presque encore sentir le parquet de son appartement contre ses tibias, imprimant en quelques minutes des formes pourpres tirant maintenant sur plusieurs nuances de bleu, vert, et jaune sur ses genoux. Elle avait repensé à ce moment ces trois derniers jours, à sa chaleur contre elle, la façon dont ses mains s'étaient perdues dans ses cheveux roux, et sa manière de l'embrasser juste après. Il avait changé quelque chose en elle, et elle se fichait de savoir quoi, elle voulait juste qu'il continue.

« Qu'est-ce que j'y peux ? J'ai toujours eu un certain sens du partage, répliqua t-elle en haussant une épaule et en esquissant un sourire en coin. »

Il pouffa et reporta son regard sur le dehors. Sa jambe bougeait nerveusement sous le bar et elle le connaissait peu, mais assez pour savoir que ce n'était pas par stress. Elle détesta entendre le carillon de la porte derrière elle, marquant la fin de leur conversation alors que deux clientes pénétraient dans le salon de thé, et il reprit la parole lorsqu'elle bondit de son tabouret.

« Je devrais y aller.

- Ne paye pas cette fois, c'est sur ma note. »

C'était l'ultime test que très peu de ses précédents petits-amis avaient passé haut la main. Il avait payé l'addition du restaurant dans lequel ils étaient allés, et elle voulait juste savoir s'il était capable d'accepter qu'elle puisse en faire autant. Elle avait toujours été fatiguée des codes de la bienséances en général, et elle avait en particulier du mal avec ceux concernant l'argent.

C'était toujours la même chose. Les parents devaient payer pour leurs enfants, la personne la plus âgée devait payer pour la plus jeune, le patron devait payer pour son employé, et le point commun entre toutes ces relations était la domination sociale. Laisser systématiquement un homme payer pour elle la renvoyait perpétuellement à un rapport dominant/dominée qui la révulsait profondément.

Et le problème allait plus loin que cela. Elle n'aimait pas qu'un homme insiste pour régler l'addition quand elle voulait le faire elle-même, mais elle savait comment la société fonctionnait. Les seules fois où l'un de ses exs l'avait laissée payer pour lui, il était passé pour un radin, et elle n'avait cessé de se demander à quel moment hommes et femmes seraient libres de dépenser leur argent comme ils l'entendaient sans tomber sous le joug des injonctions à la virilité.

« Merci Ylil, lui dit-il en lui adressant un sourire. »

Banco. C'était tout ce qu'elle voulait entendre, et elle pivota une dernière fois vers lui avant d'aller s'occuper de ses deux nouvelles clientes.

« Qu'est-ce que tu fais le 14 août ? »


« J'y vais ! s'exclama Frank lorsque l'on frappa à la porte de l'appartement. »

Lily, assise devant un bol de céréales dans une robe qui n'était clairement pas faite pour se trouver à moins de cinq mètres de toute nourriture susceptible de se renverser, le regarda sprinter de sa chambre jusqu'à l'entrée, Mary sur ses talons. Elle secoua lentement la tête, à la fois amusée et ennuyée, lorsqu'ils se bousculèrent afin d'être le premier à actionner la poignée.

« Tu as cinq minutes de retard, déclara la jeune femme brune en faisant entrer James dans leur appartement.

- Ça fait plaisir de te revoir Mary, commenta t-il avec un sourire amusé avant de se tourner vers Frank. Toi aussi. Tu as fait quelque chose à tes cheveux ? Ça te va bien.

- Tu es le seul ici à l'avoir remarqué. J'aurais vraiment dû m'enfuir au Canada avec toi, répondit le jeune homme en lançant des regards mauvais vers ses colocataires qui grimacèrent.

- Je t'ai attendu, répondit James en haussant les épaules.

- Salut ! lança Lily avec légèreté en esquissant un sourire dans sa direction. Je finis mes céréales et on y va.

- Fais en sorte qu'elle ait toujours de la nourriture à proximité, sinon ça va être un bain de sang, entendit-elle Mary conseiller plus ou moins discrètement à James qui s'esclaffa.

- Jolie robe.

- Joli... Tout, répliqua t-elle, ignorant la façon dont sa meilleure amie éclata de rire. »

Elle était nerveuse, et elle avait passé la nuit à se détester de lui avoir proposé de l'accompagner au mariage de sa sœur. La tête enfoncée dans l'oreiller, alors qu'elle s'insultait à voix haute, elle avait plusieurs fois songé à lui envoyer un message pour lui dire que finalement, sa meilleure amie l'accompagnerait. Elle ne voulait pas gâcher ce qu'il y avait entre eux, même si elle ne savait pas exactement ce que c'était. Il lui plaisait. Elle lui plaisait aussi. Et quand elle était avec lui, elle avait la sensation que tout coulait de source. C'était comme rencontrer Mary de nouveau, mais une Mary qu'elle avait vraiment envie de...

« Alors, à quoi est-ce que je dois m'attendre ? demanda t-il lorsqu'ils l'invitèrent à s'asseoir, coupant court à ses pensées.

- Premièrement, les deux familles se détestent, commença Frank en plongeant sa main dans le paquet de céréales qui se trouvaient au milieu de la table, mais les parents de Lily sont des gens beaucoup trop polis pour rentrer dans le conflit.

- Se détester est un bien grand mot, intervint la jeune femme rousse, la cuillère suspendue au dessus de son bol. Disons qu'on a du mal avec les Dursley.

- Et avec Pétunia, ajouta Mary, qui, soit dit-en passant, n'a même pas proposé à sa propre sœur d'être demoiselle d'honneur parce qu'elle avait peur qu'elle lui fasse de l'ombre.

- Elle a dit que c'était parce que Vernon tenait à ce que ce soit Marge, argua Lily en haussant les épaules.

- Et on sait tous que c'est faux, pointa Frank, mais peu importe, ça lui a évité de participer à l'organisation.

- Je crois que je me serais défenestrée avant d'atteindre la date fatidique.

- Donc on va passer une bonne journée, ironisa James avec un sourire espiègle.

- Oh ce n'est pas terminé, j'ai juste dit « premièrement », lui fit remarquer le colocataire de Lily en haussant les sourcils.

- Deuxièmement, enchaîna Mary, il faut que tu saches que pendant une période, Lily avait une obsession pour les amis de sa sœur, et elle est sortie avec un paquet d'entre eux quand on était au lycée, alors...

- Sérieusement ? la coupa la jeune femme rousse en attrapant une céréale abandonnée sur la table pour la lui lancer en plein visage avant de se tourner vers James. Deux, seulement deux.

- Et à la surprise générale, l'un d'entre eux était plutôt correct.

- Quand on connaît Pétunia, on s'attend à tout sur ses fréquentations, expliqua Frank en proposant des céréales à James qui refusa d'un signe de tête.

- Enfin bref, tout ça pour que tu saches à quel point ça pourrait devenir gênant, parce qu'ils seront là.

- C'est déjà gênant pour moi, pointa Lily. »

Mary balaya sa remarque d'un revers de la main et continua à énumérer les problématiques autour du mariage de Pétunia pendant que la jeune femme rousse finissait ses céréales, ne levant la tête que pour rouler les yeux ou esquisser une grimace désolée vers James qui ne semblait pas être très affecté par le stress.

« Neuvièmement, elle va avoir ses règles la semaine prochaine, et elle a toujours cette phase d'anxiété quelques jours avant, une espèce de syndrome prémenstruel si tu vois ce que c'est, poursuivit Mary, et Frank acquiesça à côté d'elle alors que James était plus attentif qu'elle ne l'avait jamais vu. Alors n'hésite pas à être extrêmemeeent tactile, et...

- Parfois je déteste vivre avec vous, la coupa Lily, ignorant délibérément la dernière remarque prononcée sur un ton espiègle, et le demi-sourire qui s'était étalé sur le visage de James.

- Elle n'en pense pas un mot, déclara Frank en s'accoudant à la table alors qu'elle se levait pour aller nettoyer son bol vide.

- J'en pense chaque mot, réfuta Lily, dos à eux.

- Est-ce que je dois commencer à être extrêmement tactile maintenant ? demanda James, et les trois autres s'esclaffèrent en même temps.

- Ah, ça me fait penser, reprit Mary avant d'arborer un sourire en coin qui ne lui disait rien qui vaille. On sort ce soir, donc si vous voulez être tactiles ici en toute tranquillité, on ne devrait pas rentrer avant trois heures du matin ou quelque chose comme ça.

- … On a un peu de route, il vaudrait mieux qu'on parte maintenant.

- Pas sur le canapé, ni sur la table, ajouta Frank avec le même air satisfait que Mary alors que Lily se dirigeait vers la porte en faisant signe à James de la suivre.

- Pas la table ? s'indigna t-elle d'un air faussement déçu.

- Tu ruines tout le fun, Frank, termina James de la même façon, et son cœur fit un bond dans sa poitrine lorsqu'elle ferma la porte derrière eux et qu'il lui prit la main, son rire se mêlant au sien. »


« Mes parents, ma sœur, et Vernon, dit Lily en désignant d'un signe de tête le groupe de quatre personnes qui était en train de se faire prendre en photo devant l'église. »

James se laissa guider jusqu'à eux, et elle fut un peu surprise de constater qu'il était tout aussi détaché que lorsqu'ils étaient à l'appartement, comme si la perspective de se retrouver si tôt devant toute sa famille lui était parfaitement égal. Ironiquement, elle était celle qui redoutait ce moment.

« Quelle beauté ! s'exclama son père lorsqu'il la vit arriver, ouvrant ses bras pour l'étreindre.

- Vous vous rappelez que je vous avais dit que je viendrai avec un ami ? s'enquit -elle après les avoir salué tour à tour, un peu tendue quand l'accolade de sa sœur se termina très vite. Je vous présente James.

- Elle ne nous avait pas dit que tu étais aussi beau, reprit son père en lui serrant la main avec un large sourire sur le visage.

- Elle ne m'avait pas prévenu pour vous non plus, renchérit James, les faisant pouffer. C'est un plaisir de vous rencontrer en tout cas, et félicitations, termina t-il en se tournant vers Pétunia et Vernon.

- Merci, répondit celle-ci en esquissant un léger sourire, mais Lily sut immédiatement que quelque chose ne lui convenait pas.

- Lily, mets-toi en place, le photographe veut toute la famille, la pressa Vernon qui venait de ramener ses parents et sa sœur. »

James fit un mouvement pour s'écarter et leur laisser de l'espace, mais Lily referma aussitôt ses doigts sur son poignet et le ramena près d'elle. Elle savait que la situation était bizarre, mais le laisser poireauter à côté ne lui paraissait pas bien, et elle savait que le photographe aurait des tonnes d'autres occasions pendant la cérémonie de prendre des photos de famille.

« Quand tu disais que tu ramènerais un ami, je pensais que tu parlais de Frank, lui reprocha discrètement Pétunia après lui avoir demandé de l'aider à replacer correctement une mèche de son chignon.

- Si j'avais parlé de Frank, je t'aurais dit que je ramenais Frank.

- D'où est-ce que tu connais ce garçon ?

- Je l'ai rencontré au salon de thé l'année dernière, répondit-elle avant de reprendre aussitôt. Et je sais ce que tu vas dire, mais je l'aime vraiment bien.

- Est-ce que tu sors avec lui ?

- Pas vraiment, c'est juste...

- Pas vraiment ?

- Pétu, je te promets que je ne l'aurais pas invité s'il était seulement un garçon de passage, c'est juste qu'on n'a pas encore parlé de tout ça, mais il me plaît vraiment.

- Je peux voir pourquoi, commenta Pétunia en jetant un coup d'oeil à James qui était en train de discuter avec leurs parents, et Lily éclata de rire et lui donna une tape sur l'épaule.

- Est-ce que je dois te rappeler que nous sommes à ton mariage ? »

Pétunia secoua la tête de droite à gauche et elles échangèrent un coup d'oeil complice. Lily ne se souvenait plus de la dernière fois où elle s'était sentie aussi proche d'elle. Elles ne s'entendaient pas si mal quand Vernon n'était pas dans les parages, mais elle avait songé que ce mariage n'arrangerait rien entre elles. Peut-être qu'elle s'était trompée, peut-être que tout se déroulerait à merveille, ou du moins, pas de façon aussi chaotique qu'elle ne l'avait pressenti.

« Si on buvait des shots à chaque fois que Vernon me regarde de travers, on serait déjà en train de faire un coma éthylique sur le parquet, lui chuchota James à l'oreille alors qu'ils étaient assis à la table des mariés pour le repas.

- Pourquoi est-ce que je suis soudainement attirée par l'idée ? répondit-elle de la même façon avant d'échanger un sourire avec lui. »

Vernon l'avait prise à part avant le déjeuner pour lui dire qu'il n'aimait pas qu'elle ait apporté un garçon qu'elle connaissait à peine et qui serait sur toutes ses photos de mariage, et Lily comprenait globalement ses craintes, mais elle pensait que si son beau-frère était si profondément contre le fait qu'elle ramène quelqu'un à son mariage, il aurait peut-être dû se refréner sur tous les commentaires désobligeants qu'il avait fait ces derniers mois concernant son célibat.

« J'ai entendu votre conversation quand vous étiez à l'extérieur, lui avoua t-il discrètement. Je ne voulais pas, mais j'étais en train de me laver les mains dans les toilettes et la fenêtre était ouverte juste à côté et...

- Je suis vraiment désolée pour ça, le coupa t-elle. Il aurait fait les mêmes réflexions si j'avais amené Mary, ce n'est pas contre toi.

- Est-ce que ça arrangerait les choses si je partais ? »

Son estomac se noua. C'était exactement ce qu'elle avait redouté toute la nuit, et la raison même pour laquelle elle n'avait dormi que quelques heures. L'idée qu'il veuille s'en aller n'était pas complètement invraisemblable, elle en avait elle-même envie, mais la crainte de ne plus avoir de ses nouvelles après ce fiasco était toute aussi plausible et la dérangeait considérablement.

« Est-ce que tu veux partir ? »

Elle se maudit en entendant l'inquiétude dans le ton de sa voix. Elle avait essayé, pourtant, de paraître totalement détachée, mais elle ne pouvait nier que la perspective de se retrouver seule au milieu des Dursley et de toute une partie de sa propre famille qu'elle connaissait à peine, avec ses parents pour seule bouée de sauvetage, ne la réjouissait pas des masses.

« Oui, répondit-il, et elle eut aussitôt l'impression qu'un torrent d'acide était en train de dissoudre ses organes jusqu'à ce qu'il ne reprenne la parole. Mais pas pour les raisons que tu crois. Frank m'a mis cette image en tête de toi, nue sur la table. J'y pense depuis qu'on a quitté l'appartement, et je me demande si ce serait si mal d'enfreindre cette règle. »

Elle déglutit, sentant son visage tout entier devenir écarlate alors qu'il s'était penché vers elle pour que personne d'autre ne l'entende. Elle aurait aimé ne pas avoir les yeux rivés en face d'elle, droit sur ses parents, en pleine discussion avec un grand-oncle qu'elle connaissait à peine, et elle était mortifiée de ne pas pouvoir enlever de son esprit l'image que James venait de lui décrire. Elle comprenait qu'il ait envie de partir. Soudainement, elle aussi.

« Quand tu le tournes de cette façon... commenta t-elle, et il esquissa un sourire en coin.

- J'aime bien être avec toi, Ylil. Je n'ai juste pas envie de te mettre dans une mauvaise posture vis à vis de ta soeur.

- Vernon ne s'est juste pas encore rendu compte que tu relevais le niveau de toutes les photos, mais crois-moi, ça se verra quand elles seront imprimées, répondit-elle en lui rendant son sourire avant de se mordiller la lèvre lorsque ses yeux tombèrent sur sa bouche. Est-ce que tu veux aller dehors après ? »

Il acquiesça et une petite demie-heure plus tard, alors qu'ils profitaient d'une pause dans le repas pour se faufiler entre les convives, elle tomba sur Buckley Cooper, l'un des meilleurs amis de sa sœur lorsqu'elle était au lycée, et accessoirement, le premier garçon dont elle était vraiment tombée amoureuse. Grand, brun, des cheveux qui n'obéissaient pas à la doctrine du peigne... Elle pouvait clamer haut et fort qu'elle n'avait pas de type d'homme, elle ne trompait personne.

Ils se saluèrent poliment en se croisant, s'arrêtant tous les deux au niveau de la porte, et elle trouva profondément étrange de voir sa main enveloppée autour d'une autre que la sienne. Il lui avait manqué quelques fois, mais elle n'avait plus pensé à lui depuis un ou deux ans, et elle avait cru qu'elle détesterait le voir avec quelqu'un d'autre parce qu'à l'époque, leur relation avait été la plus belle chose qui avait pu lui arriver, mais elle se trouva seulement confuse, prise au dépourvu, de le trouver aussi subitement en face d'elle.

Comment saluait-on l'ex que l'on avait espéré voir refaire surface pendant des années quand l'on venait de rencontrer une personne qui tenait déjà notre cœur entre ses mains ? Il avait l'air de se poser la même question, et alors qu'il lui présentait sa petite-amie, elle avait du mal à ne pas repenser à l'après-midi de printemps où il l'avait quittée.

Il ne ressentait plus la même chose qu'au début de leur relation, et il le lui avait dit directement, avec une honnêteté qui avait profondément blessée la Lily de dix-sept ans qui s'était jetée corps et âme dans cette relation avec toute la candeur de l'adolescence. Elle avait mis du temps à comprendre sa décision, mais quelques expériences plus tard, elle s'était rendue compte que rien ne valait la vérité, aussi dure soit-elle à entendre.

« Comment ça va ? Qu'est-ce que tu deviens ? demanda t-il après avoir serré la main de James en lui adressant un sourire poli.

- Bien, bien, répondit-elle avec un entrain à peine feint. Je suis à la fac, et je travaille dans un salon de thé, c'est là que j'ai rencontré James, d'ailleurs, termina t-elle en faisant un bref signe de main vers le jeune homme planté à côté d'elle, les mains enfoncées dans les poches. »

Elle vit clairement son regard jongler entre eux pendant une seconde, et se visser finalement sur elle alors qu'un sourire en coin se dessinait sur son visage. Elle n'avait aucun doute sur le fait qu'il avait compris ce qu'il se passait, et qu'il allait se faire un malin plaisir d'évoquer cette rencontre fortuite quand ils seraient seuls.

« Et toi ? Vous habitez dans le coin ou vous êtes revenus exprès pour le mariage ? poursuivit-elle en essayant d'ignorer la gêne qui rendait ses mains moites.

- Je suis prof d'histoire à Bristol maintenant, on vient d'acheter une maison et Agatha est enceinte de quatre mois, donc on est vraiment en plein changement, expliqua t-il, et elle vit ses doigts serrer un peu plus ceux de sa compagne qui lui adressa un large sourire.

- Oh génial ! Félicitations ! Tes parents sont toujours par là ?

- Ils n'ont pas bougé, confirma t-il en acquiesçant. Et Mary ? Vous êtes toujours en contact ?

- On habite ensemble. Elle n'a pas changé, elle avale dix paquets de céréales dans la semaine et fait la fête dès qu'elle en a l'occasion.

- Et elle n'est même pas venue ? s'offusqua t-il faussement.

- Ah, tu sais, Pétunia et elle, ça n'a jamais été une grande histoire d'amour, répondit Lily en haussant les épaules. »

Il hocha la tête, et vint ce moment où tous les sujets de conversation les plus banals avaient été abordés et où personne ne savait comment clore la discussion. Il y eut des « hum », des « heu », des phrases décousues, et des signes de main vers l'extérieur, puis chacun reprit son chemin l'air de rien.

« Tu n'as même pas pensé à lui parler de la météo, pointa moqueusement James quand ils furent seuls sur le chemin en gravillons qui serpentait dans le parc entourant la salle de réception. »

Elle lui donna un petit coup de poing sur l'épaule, mais laissa échapper un rire, réalisant à ce moment là qu'elle retenait sa respiration depuis un certain temps. Elle ne savait pas à quel moment elle avait arrêté de ressentir quoi que ce soit pour Buckley. Elle avait eu l'impression que les sentiments l'avaient suivie une bonne partie de sa vie, mais elle était sûre qu'ils n'étaient plus là maintenant. Ils avaient fini par disparaître petit à petit, comme une peinture qui s'écaille.

« Est-ce que ça va ? lui demanda t-il lorsqu'ils furent si éloignés de la salle que les oiseaux dans les arbres de la forêt environnante couvraient presque le bruit des allées et venues sur le parking, et elle réalisa qu'elle s'était tant perdue dans ses pensées qu'elle n'avait pas prononcé un seul mot depuis qu'ils avaient commencé à marcher.

- Désolée, lui dit-elle après avoir rapidement acquiescé. C'était le premier garçon avec qui j'ai eu une histoire sérieuse. C'est un peu bizarre de le revoir.

- J'avais saisi cette partie là, pointa t-il avec un demi-sourire, les yeux figés droit devant eux. Ça s'est mal terminé ?

- Avec le recul, pas si mal, mais à l'époque, j'avais l'impression que je n'allais jamais m'en remettre, expliqua t-elle en lâchant un léger rire. Je suis sûre que tu sais ce que ça fait, tu as dû en avoir, toi aussi, des relations qui...

- Tututu, n'essaie pas de faire dévier la conversation sur moi. »

Son bras ne cessa de frôler le sien au rythme de leurs pas que lorsqu'ils s'avachirent dans l'herbe, à l'ombre d'un pommier, et là seulement, elle lui raconta l'histoire, et il lui parla des siennes, et l'échange la captiva parce qu'il ne censura aucune de ses émotions. C'était simple d'être elle-même avec lui quand elle voyait qu'il n'avait pas peur d'être lui-même avec elle.

« Elle est partie, juste comme ça ? s'étonna t-elle alors qu'il venait de terminer de relater son plus gros déboire amoureux.

- Jusqu'en Australie, ricana t-il avec ironie après avoir acquiescé.

- Et elle ne t'a rien dit ?!

- Elle m'a envoyé un message une fois là bas pour s'excuser et me dire qu'elle ne s'était pas sentie capable de m'avouer en face qu'elle partait étudier à l'étranger.

- Mais... Qui fait ça ?!

- Elle, visiblement.

- Ça a dû être horrible à vivre pour toi.

- C'était horrible à vivre pour mes parents, corrigea t-il. J'ai passé tout mon été à pleurer dans le canapé cette année là, ils n'avaient plus de place pour regarder la télé.

- Quelle horreur, commenta t-elle sarcastiquement en portant la main à son cœur. Même pendant les programmes du soir ?

- Même pendant les programmes du soir, confirma t-il avec un sourire amusé. »

Ils étaient tous les deux appuyés sur leurs mains, à quelques centimètres l'un de l'autre, et ils échangèrent un long regard à ce moment là, le genre de ceux qui précède un baiser, mais à la place, elle reprit la parole.

« Est-ce que c'était ton plan depuis le début, de faire tourner la tête d'une autre fille et de t'enfuir au Canada juste après ? Comme une vengeance sur toute la gente féminine ? s'amusa t-elle en détournant les yeux pour les poser sur une pâquerette qu'elle arracha sans aucune pitié pour la faire tourner entre ses doigts.

- Alors c'est officiel, je t'ai fait tourner la tête ? releva t-il sur un ton suffisant qui lui fit lever les yeux au ciel. L'année dernière, j'avais plutôt l'impression que c'était seulement l'inverse. »

Elle reporta son regard sur lui, un peu interloquée, et la façon dont il la fixait la désarçonna pendant une seconde. Il n'y avait rien de purement indécent comme lorsqu'ils étaient encore à table, mais juste un réel intérêt qui la troubla, et elle avança son visage vers le sien pour l'embrasser. Elle y pensait depuis trois jours, et cette espèce de douceur dans ce baiser n'avait rien à voir avec ceux qu'ils avaient échangé chez lui, comme un aveu silencieux que cette soirée avait été plus qu'un élan impulsif.

Ses mains n'étaient pas sur elle, les siennes n'étaient pas sur lui, la position n'était pas la plus confortable, et l'angle était bizarre, mais il embrassait tellement bien qu'elle aurait pu passer l'après-midi entier là, à se demander comment il était possible de partir en Australie lorsque l'on savait ce que l'on perdait, et que ce que l'on perdait était lui.

« Je suis vraiment contente que ton ex t'ait largué, bredouilla t-elle après s'être légèrement écartée de lui, les joues roses et le regard vissé sur la petite fleur blanche qu'elle faisait toujours tourner entre ses doigts. »

Il éclata de rire, et son portable tomba de sa poche au même moment. Elle l'attrapa et l'agita devant lui avec un large sourire.

« Tu veux que je remplisse tes réserves d'or ?

- Fais toi plaisir, répondit-il avant de le reprendre juste le temps de le déverrouiller. Ne fais pas attention à ce que Sirius pourrait envoyer s'il te plaît, il est beaucoup trop content que tu m'aies invité aujourd'hui, et je sens mon portable vibrer sans arrêt depuis ce matin, la prévint-il. »

Il se redressa, arracha une touffe d'herbe entre eux, et noua ses mains autour de ses genoux. Elle le vit passablement gêné pour la première fois, et elle eut du mal à se concentrer sur le jeu. Elle avait juste envie de sentir ses lèvres sur les siennes encore.

« Il a prévenu mes parents, et je suis presque sûr qu'ils sont déjà en train de choisir la couleur des nappes pour notre mariage, ajouta t-il, et elle manqua de s'étouffer en riant.

- Mary et Frank m'ont fait une standing ovation quand je leur ai dit que tu avais accepté de venir. Ils ont applaudi pendant dix minutes. Est-ce que tu te rends compte à quel point c'est long ?

- Peut-être qu'on devrait ne jamais les présenter, pointa t-il, et elle trouva que c'était l'une des propositions les plus cohérentes qu'elle avait entendues de toute sa vie.

- Je crois aussi, s'esclaffa t-elle alors que le jeu venait de s'ouvrir sur le portable de James. »

Il ne répondit pas, mais elle le vit sourire avant de reporter son attention sur le jeu. Ils restèrent assis dans l'herbe pendant une bonne demie-heure, et Lily pouffa quand un message de Sirius s'afficha alors qu'elle s'apprêtait à fermer le jeu.

Sirius : Tu as pris la boîte de préservatifs que je t'avais préparée ?

« Qu'est-ce que je lui réponds ? demanda t-elle avec un sourire en coin après avoir tourné le portable vers James qui se laissa tomber en arrière en poussant un long soupir embarrassé.

- Non, et dis lui de me laisser tranquille. »

Elle envoya une réponse, et rendit son portable à James qui fixa son message d'un air perplexe avant de laisser échapper un rire.

James : James l'a vraisemblablement oubliée, mais moi j'en ai. Ce n'est pas cette année que tu deviendras parrain.

« Tu sais que tu l'encourages là ? lui fit-il remarquer.

- C'est ton problème, déclara t-elle sur un ton sarcastique en se redressant et en lui tendant la main. Ils ne devraient pas tarder à amener le dessert, et il vaudrait mieux qu'on soit là quand ils le feront, sinon je vais en entendre parler pendant les dix prochaines années. »

Il l'attrapa et se leva à son tour, mais ses doigts se resserrèrent juste assez autour des siens pour l'attirer vers lui. Il lui vola un rapide baiser et elle sentit son pouce passer brièvement sur sa joue. Le geste lui donna un peu le vertige, et elle dû trottiner derrière lui pour le rattraper lorsqu'il commença à marcher vers la salle de réception.

« Allez, dépêche toi Ylil, je ne supporterai pas d'être privé des regards langoureux de Vernon une minute de plus, la pressa t-il, et le rire de Lily les suivit jusqu'à leur table. »

Et effectivement, les coups d'oeil mauvais se poursuivirent. Ce ne fut qu'en soirée, au moment où les lumières s'éteignirent et où tout le monde se mit à danser, que le mari de Pétunia ne parvint plus à les localiser assez souvent pour que son regard assassin ne reste vissé sur eux.

Le bon côté à tout cela était qu'il y eut aussi quelques conversations intéressantes avec ses parents dans le hall, alors qu'ils essayaient tous les quatre de fuir les Dursley, et que Rose et Ned avaient vraisemblablement autant envie d'en apprendre plus sur James que James avait envie d'en apprendre plus sur eux.

Les parents de Vernon étaient aussi désagréable que lui, sinon plus, et James, Lily, Ned, et Rose avaient tous les quatre eu un peu de mal à les écouter déblatérer sur le rôle d'une femme dans un ménage, mais s'étaient félicités mutuellement d'avoir su montrer leur désaccord sans que le repas ne se termine sur du lancer de couteaux.

Lorsqu'ils s'étaient retrouvés à l'écart, la mère de Lily avait toutefois souligné que catapulter un morceau de pièce montée dans leur direction n'aurait toutefois pas blessé qui que ce soit, et Ned avait répondu que, si cela pouvait la consoler, il avait déjà déposé délicatement une crevette dans la poche de la veste du père de Vernon pendant l'entrée. A cela, James avait ajouté, qu'il avait peut-être, ou peut-être pas, renversé une partie de la poivrière dans le thé de Marge avant qu'ils n'aillent faire un tour, ce qui avait fait beaucoup rire les parents de Lily qui l'avaient vue toussoter et manquer de vomir sur la table juste après qu'elle leur ait dit qu'elle trouvait cela horrifiant que Pétunia veuille continuer à travailler alors que Vernon était l'homme de la maison.

Après toutes ces confessions, ils avaient dansé pendant un moment, s'extirpant un peu de ces divergences d'opinion avec les Dursleys pour passer une bonne soirée entre eux. Lily avait fortement remercié James lorsqu'il avait proposé de conduire pour qu'elle puisse boire, et même si elle était restée raisonnable, elle avait eu l'impression que les quelques verres de champagne qu'elle avait avalés l'avaient aidée à se détacher assez du mariage pour ne plus être obsédée par l'idée que sa sœur venait d'épouser un horrible bonhomme.

Elle avait mal aux pieds, quand ils regagnèrent la voiture au milieu de la nuit après avoir salué Pétunia et Vernon qui essayaient tant bien que mal de chasser tout le monde pour pouvoir aller dormir.

Elle apprécia le silence lorsqu'elle se retrouva assise sur le siège passager, exténuée, alors que James était en train d'éclairer le tableau de bord pour essayer de repérer la molette pour mettre les phares. Elle se pencha vers lui et tendit la main pour tapoter l'endroit en question, tapant dans la sienne et faisant tomber son portable sous son siège. Elle poussa un juron et s'extirpa du sien, se contorsionnant pour essayer de le ramasser, et elle remercia Lily du passé de s'être garée aussi loin parce que si quelqu'un avait le malheur de s'arrêter au niveau de leur vitre, elle était certaine que sa position porterait à confusion.

Il devait penser la même chose qu'elle, parce qu'ils se mirent à glousser en même temps, et une chose en entraînant une autre, elle se retrouva sur ses genoux, à l'embrasser comme si sa vie en dépendait, et cette fois, il n'y avait aucune confusion à avoir sur la situation. La table du salon devrait attendre.


La sonnerie de son réveil valut à son portable une ou deux insultes le matin suivant, alors qu'elle essayait de le localiser à tâtons pour l'éteindre, bien décidée à poursuivre sa nuit. Elle ne le trouva pas, mais la musique s'arrêta quand même, et elle nicha un peu plus sa tête dans son oreiller dans l'espoir de retrouver le sommeil.

Pile à ce moment là, elle sentit le matelas bouger derrière elle, et elle se rappela douloureusement que James partageait son lit lorsqu'un coussin lui atterrit en pleine figure. Il y avait certainement une multitude de meilleures façons de réveiller quelqu'un, mais lorsqu'elle l'attrapa en marmonnant une insulte avant de le renvoyer dans sa direction et qu'elle entendit son rire, elle songea qu'elle préférait celle-ci à toutes les autres.

« Est-ce qu'on ne doit pas y retourner aujourd'hui pour aider à ranger ? demanda t-il, et elle se retourna sur le dos, puis fixa le plafond en grimaçant.

- Je dois y retourner, corrigea t-elle. Je ne vais pas t'infliger ça une deuxième fois.

- Ça ne me dérange pas. »

Elle tourna la tête vers lui et l'observa en plissant les yeux. Les siens étaient aussi vissés sur elle. Il était à moitié assis, et la couette ne recouvrait que la partie basse de son corps. Elle apprécia la vision matinale. Il y avait certainement pire. Elle doutait toutefois qu'il y ait mieux.

« Tu mens extrêmement bien, remarqua t-elle, et il esquissa un sourire en coin.

- Ou peut-être que je sais que je suis obligé de t'accompagner si je veux que mon rapport amour-haine avec Vernon se transforme en quelque chose de durable et de beau.

- Ce qui voudrait dire que je te rendrais service en t'amenant avec moi, et qu'en plus, tu pourrais potentiellement voler le mari de ma sœur, et donc l'extirper de cet horrible mariage ?

- Tu comprends vite, Ylil.

- Et tu me dis tout ça en étant nu dans mon lit ?

- Est-ce que c'est maladroit ? »

La candeur feinte dans sa voix et son regard innocent, additionnés à la question la firent éclater de rire alors qu'elle se levait, un peu à contrecœur. Elle l'entendit faire de même derrière elle, et elle s'autorisa à le détailler des yeux dès qu'elle eut enfilé un short et un tee-shirt. Est-ce qu'il était trop tôt pour lui confier qu'elle voulait voir sa tête à côté de la sienne sur les photos de son propre mariage ?

Elle aurait cent fois préféré passer sa journée à la regarder se contorsionner dans tous les sens pour trouver sa chemise que de retrouver la compagnie de Vernon, mais le fait de l'avoir avec elle apaisait un peu son amertume liée au mariage de sa sœur.

Elle ne savait pas où elle allait avec James, mais c'était la première fois que tout lui paraissait bon, naturel, et presque logique sans qu'elle ne puisse vraiment s'expliquer pourquoi. Il y avait une harmonie entre eux qu'elle n'avait jamais trouvé qu'avec Mary, et qui, couplée avec l'attirance qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, faisait plus sens que n'importe quelle autre relation qu'elle avait connue avant.

« Qu'est-ce que tu manges le matin ? lui demanda t-elle en se dirigeant vers la porte de sa chambre.

- N'importe quoi, répondit-il en haussant les épaules et en la suivant dans le salon avant de reprendre sur le même ton égal. Est-ce qu'on peut passer chez moi pour que je me change ? »

Elle ricana puis acquiesça, s'apprêtant à ajouter un commentaire caustique sur le fait qu'il n'était pas prêt à affronter le regard de ses parents lorsqu'ils le verraient arriver avec la même tenue que la veille, mais elle remarqua ses deux colocataires sur le canapé, tournés vers eux, un large sourire aux lèvres, et il lui sembla tout à coup qu'il y avait une situation plus pressante à gérer.

Elle inspira profondément quand ils se mirent à applaudir avec entrain, puis leva les yeux au ciel avant de lancer un regard d'excuse à James qui était toutefois en train de rire.

« Je t'avais dit qu'on rentrait vers trois heures du matin, rappela Mary à Lily avec un sourire en coin avant de reprendre. On vous a mis un honorable 8/10 pour la performance vocale.

- On n'a pas osé vous déranger pour avoir une idée de la note artistique, intervint Frank sur un ton faussement sérieux.

- Est-ce qu'il y a des critères spécifiques ? pouffa James en passant sa main dans ses cheveux.

- Ne les laisse pas t'entraîner là dedans, c'est comme ça qu'ils soutirent des informations, bougonna Lily en lui donnant une petite tape sur l'épaule.

- Comment oses-tu nous faire passer pour des colocataires indignes et intrusifs ? s'indigna Mary.

- Alors qu'on vous a préparé un superbe petit déjeuner, continua Frank en pointant son index en direction de la cuisine. »

Lily se retourna en même temps que James, et les deux paires d'yeux se posèrent directement sur la table sur laquelle étaient posés une pile de pancakes, du sirop d'érable, et quelques fruits. Elle mit une dizaine de secondes à repérer le clou du spectacle, ce détail qui la fit sourire autant que James, sinon plus.

De chaque côté de la table se trouvait une tasse entourée de quelques pétales fleurs qui ne laissaient aucun doute quant à la nature du liquide qui se trouvait à l'intérieur. Il y avait peut-être des moments où elle avait envie d'étouffer ses colocataires en leur faisant manger ses chaussettes sales, mais il y avait les autres, ceux où elle les aimait tellement qu'elle ne se voyait jamais vivre sans eux. Peut-être que leurs blagues salaces étaient un maigre prix à payer, lorsque l'on se réveillait avec un thé à la rose.

The End

Merci beaucoup pour tout votre soutien sur cette fic 3 Vos reviews m'aident tellement à me motiver à chaque fois, c'est énorme pour moi :)

A bientôt :)