CHAPITRE 8
La vie a un drôle d'humour. Surtout ces dernières semaines.
J'ai décidé dernièrement de m'en remettre au destin, vous vous souvenez ?
Foutue connerie ! Qu'elle était donc cette idée ? Aurai-je pu penser une seule seconde que le destin me ferait ce coup là ?
A nouveau, je jette un regard autour de moi, ayant encore du mal à y croire.
Alice est la sœur d'Edward.
Edward.
Le Edward.
Sa famille. Ses parents. La maison dans laquelle il a grandit.
Comment est-ce possible ?
Je pourrais en rire si son regard ne croisait pas le mien aussi souvent.
Chaque fois, mon cœur sursaute. J'ai d'ailleurs cru que ce dernier allait s'arrêter quand je suis tombée sur lui à la superette. Je l'ai aussi cru quand il m'a dit chercher lui aussi du caviar d'aubergine et quand je me suis souvenue que son frère s'appelait Emmett... exactement comme... le Emmett. Ca a été presque pire quand il a compris ce que cela signifiait à son tour.
Nous allions passer le réveillon de Noël ensemble, dans sa famille... moi, sous le toit dans lequel il a grandit.
Moi, avec lui.
Comment un hasard pareil peut-il encore arrivé ? Peut-il encore m'arrivé ?
Jasper, mon Jasper sort avec sa sœur. Sa sœur bordel ! Cela veut-il dire que je l'aurai rencontré, quoi qu'il en soit ? Tout me ramène donc à lui ? Il y a-t-il une raison précise pour me torturer de la sorte ? Vraiment, j'aimerais comprendre ce qui me lie à lui aussi étroitement... nos chemins sont-ils liés ?
- Du champagne Bella ? propose Carlisle qui s'est levé pour resservir tout le monde.
- Merci, je crois que j'ai assez abusé pour ce soir.
Son rire me répond avant qu'il ne demande la même chose à Emmett qui, lui, accepte volontiers. Je n'ai bu que deux coupes de ce fabuleux champagne mais mon cerveau est déjà ralenti et mon corps déjà dans du coton.
Le regard d'Edward assis en face de moi semble me bruler la peau. J'ai eu beau tourner cette situation mille fois dans mon cerveau malmené, je n'arrive toujours à pas comprendre pourquoi le destin a décidé de me torturer ainsi : il me met sans cesse sur la route de quelqu'un qui ne désire rien de moi. Pourquoi ?
Le repas a été parfait. Sa famille est adorable, ses parents sont attentifs, doux et aimants... Seule Rosalie semble un peu plus méfiante malgré son sourire et sa politesse. Je finis par penser que cela vient du fait que je sois journaliste, et qu'elle le sache. Apparemment, Jasper les avait briefer sur qui je suis... seule Edward semblait ignorer le léger détail de ma personne, de ma présence.
Tout a été parfait malgré ma torture mentale et ce sentiment qui n'a de cesse de gonfler dans ma poitrine : Edward m'attire, certainement plus que ce que je n'avouerai jamais.
Chacun de ses regards me broie de l'intérieur.
Chacun de ses sourires à l'air de m'envoyer de l'électricité directement de la poitrine au bout des doigts.
Que m'a-t-il fait ?
Malgré la surprise dans la supérette de notre soirée commune et le fait que nous n'ayons pas réellement prit le temps pour en parler, pour ne serait-ce qu'un instant seul tous les deux une fois de retour dans la maison, Edward s'est montré gentleman toute la soirée. Il est... il est parfait, malgré cette lueur de colère qui flotte dans son regard par moment, malgré les quintes de toux qu'il tente d'étouffer et la douleur qui se reflète fréquemment en lui.
Brièvement, alors que mon regard croise le sien de l'autre coté de la magnifique table parsemée de fleurs rouges et de lanternes doré, je repense à Jessica et à ce qu'elle m'avait dit de lui, sur lui... Je commence sérieusement à douter de ce qui est arrivé... Dois-je lui en parler ? Dois-je oublier ça, faire comme si ça n'avait pas exister ?
J'étouffe mes pensées quand sa bouche s'étire en un lent sourire qui fait s'accélérer mon cœur sans que je ne le veuille... A-t-il conscience de ce qu'il provoque ? De ce qu'il me fait sans même me toucher ?
Ma pensée me fait presque rougir, me ramenant presque brutalement à la réalité. Cette chose là, entre nous... c'est étrange et je ferais bien de la mettre de côté un moment.
Après un instant, je tente de reprendre pieds avec la réalité bien qu'étrange mais agréable d'être ici ce soir et de participer aux conversations autour de la table.
Pendant un moment, je suis dans une sorte de bulle douce et apaisante, une parenthèse entre deux mondes... le mien, le sien. C'est d'ailleurs assez étrange... bien que je ne connaisse les Cullen que depuis quelques heures, je me sens... bien. Presque très bizarrement à ma place. Jasper avait raison. Dans cette famille, tous son adorable.
Un instant, j'écoute ses parents échanger des anecdotes sur leurs enfants et leurs souvenirs du passé.
La tension s'intensifie légèrement en Edward quand sa mère raconte les spectacles qu'il organisait avec sa fratrie. Je le sens de partout, comme si chaque onde de cette colère qui semble l'habiter venait jusqu'à moi pour m'enserrer le cœur.
- Tu t'en souviens ? sourit Esmée avec douceur en portant son attention sur son fils.
Edward hausse les épaules en finissant son verre de champagne d'une traite.
- Tu ne peux pas avoir oublier ça ! Vous étiez si adorables... oh ! Je dois certainement avoir des photos quelque part !
- Maman ! proteste Emmett en jetant un regard à Edward qui est physiquement plus tendu.
- Je pense qu'on va pouvoir s'en passer chérie, intervient Carlisle en posant une main affectueuse sur l'avant bras de sa femme avant qu'elle ne puisse partir chercher les photos et autres souvenirs de ces trésors du passé.
Edward ne semble pas prêt à affronter ça... est-ce à cause de la musique ? Ne joue-t-il plus du tout ? Ne chante-t-il plus jamais ?
Mes questions se figent quand je l'entends se gratter la gorge avant de le voir reculer sa chaise dans un grincement qui me fait frissonner désagréablement. Il s'excuse d'une voix étranglée tandis que l'ambiance s'assombrie alors que je retiens ma respiration.
Je ne peux défaire mes yeux de lui quand il s'éloigne pour gagner la terrasse où la nuit est tombée depuis longtemps.
Il y a un instant de flottement où chacun de semble plus savoir comment agir normalement, comment réagir -ou ne pas réagir.
A la première toux qui résonne jusqu'à moi par la porte qu'il a pourtant tirée derrière lui, Esmée se lève nerveusement pour débarrasser la table en se mettant à parler avec rapidité.
La famille s'agite en quelques secondes et chacun se lève pour aider Esmée.
Maladroitement et ignorant mal les émotions que cette scène dégage et provoque en moi, je me lève pour les aider à mon tour.
- Laisse ça chérie, m'ordonne gentiment Esmée en me prenant l'assiette à dessert vide des mains. Je m'en charge. Va profiter d'un moment de calme, conseille-t-elle en jetant un coup d'oeil à la porte vitrée par laquelle Edward a disparu un instant plus tôt.
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouve seule dans la salle à manger avec mes pensées embrouillées pour seule compagnie.
Vient-elle de me demander sans le dire d'aller voir comment va Edward ?
Je me pince les lèvres en dirigeant mon regard vers la terrasse dont je ne vois rien.
Edward a-t-il besoin que j'aille le voir ? Veut-il que j'aille le voir ?
Edward
Kiss from a rose - Seal
Je l'observe de l'autre coté de la baie. Seule dans la salle à manger de mes parents, elle a l'air un instant totalement perdue. J'inspire lentement en serrant les dents, étouffant la douleur que cette nouvelle quinte de toux a réveillée et prie presque pour ne pas qu'elle me rejoigne sur cette terrasse.
Quelles étaient les possibilités que la meilleure amie de Jasper ne soit autre que celle qui me hante ?
There used to be a greying tower alone on the sea.
(Il y avait d'habitude une tour grise sur l'eau)
You became the light on the dark side of me.
(Tu es devenue la lumière de ma face sombre)
Je n'ai jamais cru au destin mais, depuis qu'Isabella Swan est entré dans ma vie de manière déroutante, je me demande à quoi ce dernier veut jouer... pourquoi remet-il cette femme sous mes yeux alors que je ne suis pas certain de m'en sortir vivant ? Alors que je n'ai pas le droit de m'autoriser à la toucher, à même la désirer ou apprendre à la connaitre ?
Ma gorge me brule affreusement ce soir.
La fatigue, la nervosité rendent mon corps plus douloureux que jamais.
J'aimerais regagner ma maison et dormir pendant des jours entiers pour oublier tout ça et l'effet dévastateur qu'avoir cette femme dans la même pièce depuis des heures me fait.
Le pire, est certainement de jouer les étrangers alors que nous avons passé la journée ensemble. Je ne sais pas trop bien comment cela est arrivé mais nous sommes tombés d'accord : ma famille ne doit pas savoir que nous nous connaissons et que entretenons cette relation qui est... nouvelle et étrange.
Je ne sais pas comment la définir et je ne veux pas le faire.
Cela reviendrait à parler de ce que je ressens, et je ne suis pas prête à l'affronter.
Cela reviendrait à devoir expliquer à tout le monde nos rencontres fortuites, nos disputes et nos incompréhensions... Cela reviendrait à parler de son métier et, même si tout le monde semble au courant que la meilleure amie de Jasper est journaliste, ils s'étaient tous bien gardé de me le dire... honnêtement, avant elle, je n'aurai certainement jamais accepté qu'un journaliste pénètre dans ma famille, surtout un soir comme celui-ci et encore moins avec les évènements des dernières semaines.
Mais elle... elle est particulière. Elle est différente de tout ce à quoi je m'attendais, de tout ce que j'avais pu imaginer d'elle. J'en viens à faire totalement abstraction du fait que je ne supporte que très mal les personnes de sa profession. Je ne me méfie même pas d'elle... chose qui me dépasse totalement. D'heure en heure, elle me touche et me bouleverse plus que je ne le voudrais.
C'est comme si mon être entier me criait de la laisser entrer, dans ma vie, dans mon chair... tout en me battant de toutes mes forces pour ne pas le faire.
Elle mérite mieux que ça.
Mieux que moi.
Le regard de Bella se perd dans la baie qui donne pile sur ma personne. Plongé dans l'obscurité, appuyé contre la table en bois de la terrasse, je retiens presque mon souffle en la voyant se torturer quelques secondes. Je suis sûr qu'elle ne peut pas me voir, ainsi dans le noir. La baie intérieure reflète les nombreuses lumières qu'Esmée à installer partout.
Elle ne peut pas me voir, pourtant, moi je ne vois qu'elle.
Je serre les dents en refoulant les pensées que sa vision provoque.
Une partie de moi veut qu'elle me rejoigne, qu'elle vienne sur cette terrasse et que mon âme se réveille de la savoir près de moi.
L'autre partie de moi me donne l'impression que je vais crever si elle le fait.
Mon souffle se coupe quand je la vois faire un premier pas dans ma direction sans même me voir.
Alors qu'elle avance vers la terrasse dans une démarche presque féline sans même en avoir conscience, j'ai presque envie de m'enfuir. Être près d'elle me terrifie. Être loin d'elle me donne l'impression d'être absent à ma vie... que m'a-t-elle fait ? Comment des sensations aussi intenses peuvent-elles naitre en si peu de temps ? Comment puis-je les laisser faire ? Comment puis-je les empêcher d'exister ?
Lorsqu'elle passe la baie, son regard s'accroche à moi en une fraction de seconde.
La paix revient brutalement, même les douleurs de mon corps fatigué me semblent moins intenses.
Être encore un peu seul avec elle... dans notre bulle comme le reste de la journée... brutalement, je ne veux que ça. Je ne veux plus que ça. Elle m'apporte un soulagement presque un oubli. Une lumière dans le brouillard dans lequel la maladie m'a plongé depuis des semaines.
Je prends violemment conscience de tout ce qui est : j'ai besoin d'elle, de la voir, la sentir et la toucher... C'est en train de devenir une obsession et j'ai maintenant le sentiment que ça va me faire crever si je ne peux plus le faire.
You remain,
(Tu es toujours)
My power, my pleasure, my pain, baby
(Ma force, mon plaisir, ma douleur, bébé)
- Tout va bien ? demande-t-elle doucement, s'approchant lentement de moi.
Je hoche la tête pour réponse, incapable de parler tant l'effet qu'elle me fait est surdimensionné. Incertaine, presque perdue, elle s'approche encore avant de serrer ses bras autour d'elle comme si elle devait se protéger. Son parfum m'effleure et apaise tout en moi.
- Tes parents... ta famille... ils sont... c'est une belle soirée, bafouille-t-elle nerveusement alors que je reste silencieux, incapable d'articuler un mot.
J'ai presque peur de ce que je pourrais lui dire... reste.
Reste.
J'étouffe mes pensées en inspirant lentement.
- J'ai de la chance, effectivement.
Elle hoche la tête à son tour avant de regarder nerveusement autour de nous puis de revenir à mon visage. A peine éclairée par la lune au dessus de nos têtes, j'observe chacun de ses traits avec délectation, comme si c'était la dernière fois... elle est belle. Ce soir, elle est certainement plus belle que jamais.
- Combien de chance on avait que ça soit... toi, la meilleure amie de Jasper ? finis-je par demander après une minute d'un silence pesant, faisant écho à mes pensées de plus tôt.
Elle réprime un léger sourire malgré ses yeux brillants.
- Je ne cesse de me poser la question, avoue-t-elle en accrochant mon regard.
Elle laisse passer un léger silence avant qu'un doux sourire n'étire ses lèvres.
- Je crois que le destin à envie de nous réunir.
Aussi bizarrement que cela puisse paraitre... je sais qu'elle a raison.
Et je ne peux pas l'accepter.
- Bien que tu ne sois pas d'accord, ajoute-t-elle d'un ton qu'elle veut léger mais qui fait tomber une enclume dans mon estomac.
- Je ne t'apporterai rien de bon.
Elle lève les yeux au ciel délibérément avant de s'approcher d'un pas. Son parfum vient à moi par vague, faisant accélérer mon coeur. La façon dont elle me regarde... je ne peux l'ignorer. Cette tension entre nous, son regard sur moi et les tremblements de son corps quand je suis près d'elle... je sais qu'elle ressent la même chose que moi. Je le sais. Pourtant...
- Tu devrais rentrer.
Son regard perds brièvement de son éclat alors que son visage se ferme légèrement.
- Je déteste quand tu dis ça, avoue-t-elle sans filtre.
Un sourire étire ma bouche sans que je ne le retienne. L'alcool qui délie sa langue me donne du fil à retordre. Si elle n'avait pas bu les deux coupes de champagne que mes parents lui ont presque imposées, elle ne serait pas si... si libre. Pas si elle.
- Je ne peux pas t'autoriser à perdre autant ton temps.
- Avec toi ? Je ne crois pas...
- Bella...
Elle se pince les lèvres avant de jeter un regard nerveux au jardin derrière moi. La tension entre nous s'intensifie alors que sa respiration s'accélère légèrement.
Elle va me broyer l'âme entière, j'en suis brutalement convaincu.
- Ca serait si horrible ? demande-t-elle d'une petite voix en reportant son attention sur mon visage.
- De...
- Etre... être avec moi, murmure-t-elle, soudain émue. Accepter que... que je suis là et que je veux que tu me laisses prendre soin de toi.
Je serre les dents face à la soudaine tristesse qui flotte dans son regard sombre.
- Je serais le pire des égoïstes... je...
- Peut-être que j'en ai envie, insiste-t-elle avec plus de force.
- Ca n'est pas...
- Tu ne vas pas mourir Edward, lâche-t-elle brutalement, les yeux brulants.
J'ai la sensation qu'elle vient de me mettre une gifle. La chute et brutale, douloureuse. Elle n'en sait rien. Je n'en sais rien. Ses mots me font un effet dévastateur.
- Rentre Bella.
L'entendre me dire qu'elle veut que je la laisse entrer... non. Je ne peux pas l'accepter.
Mon rejet fait briller ses yeux plus intensément alors que sa respiration se fait plus lourde. Mon corps entier me brule d'aller à contre sens de tout ce qu'il veut, de tout ce qu'il désire.
Elle reste immobile un instant, comme si je venais de l'insulter et qu'elle n'était plus capable de réagir.
Quand elle fait demi-tour pour regagner l'intérieur en tremblant, je me déteste encore plus qu'avant.
La blesser est bien la dernière chose que je veux... et c'est ce que je fais, ce que je ne cesse de faire depuis le premier instant, depuis notre premier échange.
Pendant un moment encore, je reste sur la terrasse, laissant mon cœur redevenir lent et fade. Tout est... tout est plus fade, sans elle ici désormais. Je la regarde à travers la baie aider ma famille à finir de tout ranger, perdue dans ses pensées. Le visage fermé, presque triste, elle échange pendant un instant avec Jasper avant de discuter avec mes parents. Ils ont l'air... ils ont l'air conquis. Qui ne le serait pas ? Qui pourrait passer à côté d'elle ? De tout ce qu'elle est ?
Je réprime un frisson douloureux en la regardant regagner l'entrée pour récupérer sa veste et son sac à main.
Soudain, alors que je l'observe depuis de longues minutes en tentant de lutter contre tout ce qu'elle fait naitre, je comprends qu'elle va s'en aller.
Ca n'est pas seulement qu'elle va partir de chez mes parents c'est... c'est plutôt ce sentiment qu'elle est en train de quitter ma vie, littéralement.
Je suis à l'intérieur avant même de l'avoir totalement décidé.
- Tu es sûre de ne pas vouloir dormir ici ? insiste ma mère tout en ouvrant la porte d'entrée pour laisser Bella partir.
- Certaine, merci encore pour tout, sourit-elle poliment avant de se figer quand elle m'aperçoit.
- Chéri, tu pars toi aussi ? demande ma mère en s'apercevant à son tour de ma présence dans l'entrée.
- Oui je...
Ma voix déraille, provoquant un léger silence dans l'entrée où tout le monde est désormais réunis. Je me racle la gorge, conscient que tous ont les yeux braqués sur moi.
- Je suis crevé, avoué-je tandis que Bella sort sur le perron en me jetant un regard nerveux.
L'ensemble de ma famille admet qu'elle comprends ce que je ressens, comment je me sens. Je ne crois pourtant pas qu'ils soient en mesure de le faire mais serre les dents en enfilant ma veste pour sortir à mon tour.
- Appelle moi demain, m'ordonne ma mère en venant m'embrasser.
- Merci pour ce soir, c'était parfait comme toujours, la complimenté-je en l'embrassant à mon tour.
Je salue tout le monde brièvement en n'ayant qu'une hâte : retenir Bella avant qu'elle disparaisse à jamais. Pourquoi cette pensée m'oppresse-t-elle le torse de la sorte ?
Lorsque la porte d'entrée se referme derrière moi, je descends les marches du perron rapidement, mon cœur s'apaisant lorsque mes yeux se posent sur Bella. Me tournant le dos, elle pianote rapidement sur son téléphone.
J'avance jusqu'à elle, ne trouvant rien d'autre à lui dire que :
- Je te ramène ?
Elle sursaute puis se fige avant de relever lentement les yeux vers moi.
Ses sourcils se froncent d'incompréhension, presque de colère.
- J'ai... je peux te ramener, répétè-je soudain moins certain de moi face à ce que je lis dans son regard.
- Me ramener ? répète-t-elle lentement, comme si elle avait besoin de le dire pour y croire. Non, je vais prendre un taxi.
- Laisse moi te ramener, insisté-je en tentant d'ignorer cette distance entre nous que j'ai moi-même instaurer.
Pourquoi ai-je besoin d'être aussi con, aussi buté ?
- Ecoute sur la terrasse... Je ne veux pas... Je sais que je me comporte comme un...
- Tu n'as pas besoin de me ramener pour cesser de culpabiliser, marmonne-t-elle en reportant son attention sur l'écran de son portable, m'ignorant superbement.
- Bella, je... je sais que je me comporte comme un con, ok ? Laisse moi... laisse moi juste te ramener chez toi.
Son profile s'assombri légèrement alors qu'elle serre les dents, continuant de m'ignorer pendant un instant. Je l'agace, je l'énerve même, je le sens d'ici. Je ne peux même pas le lui reprocher, je ne suis qu'un imbécile.
Les secondes qui passent me paraissent une éternité avant qu'elle ne soupire.
- Tu as intérêt à conduire prudemment, lâche-t-elle en balançant son téléphone dans son sac.
J'étouffe mal la satisfaction que sa réaction provoque.
Je ne cesse de la repousser depuis le premier instant et je ne cesse de me dire que j'ai tord mais... tout en elle me donne envie de faire confiance au destin, en tout ça... Est-ce normal ?
Le silence entre nous est pesant alors que je quitte le quartier de mes parents, descendant lentement le long de l'avenue éclairée par les lampadaire à la lumière orangé.
Bella n'a pas dit un mot depuis notre départ.
Elle est tellement silencieuse que si son regard ne me brulait pas sans cesse, je pourrais presque douter de sa présence dans ma voiture. Seul son parfum discret m'entoure, rendant mes pensées incohérentes au possible.
- J'ai une question à te poser, dit-elle brutalement quand nous quittons les collines de Los Angeles.
Sa question en provoque une centaine en moi. Je tente de me concentrer sur la route sous mes yeux, ignorant tout ce qui hurle dans ma tête et tout ce que j'aimerais lui demander et lui dire.
- Je t'écoute.
Son regard glisse sur moi alors qu'elle hésite de manière flagrante. Je lui jette un coup d'œil, sa nervosité soudaine me rendant perplexe.
- C'est très... personnel, explique-t-elle en tentant d'avoir une explication quant à son comportement.
- Vas-y Bella.
Elle soupire puis reporte son attention sur la route en se tordant presque les mains. Bordel, qu'a-t-elle à me demander qui soit si horrible ?
- Ok j'ai... il y a quelqu'un que je connais qui m'a dit te connaitre... personnellement.
- Personnellement ? répété-je, incertain de comprendre.
Elle se gratte la gorge, visiblement mal à l'aise en se tortillant légèrement sur son siège. J'inspire en m'arrêtant à un feu rouge, la regardant de biais.
- Intimement, précise-t-elle avant de rire légèrement et de se reprendre. Bordel, on dirait que j'ai 15 ans !
Sa réaction me fait sourire.
- Je... Je ne suis pas arrivé à mon âge sans...
Je n'achève pas ma phrase, refoulant presque un rire. C'est dont ça, qui la perturbe autant ? Savoir que j'ai pu coucher avec une de ses connaissances ?
Elle ne fait rien d'autre que triturer ses mains nerveusement pendant un instant alors que son regard fouille le mien. Cela semble bientôt plus grave que simplement ce qu'elle vient de me dire... Depuis quand suis-je aussi nerveux, moi aussi ?
- Mais la coïncidence serait... curieuse.
Il se passe un court silence avant que le feu passe au vert et que la voiture redémarre. Sa nervosité à l'air d'emplir l'habitacle entier et semble grandir de seconde en seconde. J'ai même l'impression qu'elle s'en veut d'avoir aborder le sujet. Qu'a-t-elle d'aussi pénible à me dire ?
- Qui est-ce ? Ça a l'air de te... perturber pas mal, demandé-je gentiment, espérant qu'elle parle à nouveau.
- Jessica Stanley... marmonne-t-elle.
Je prends le temps de réfléchir pendant un instant... mais rien. Ce nom ne m'évoque rien. Quelque part, savoir que je n'ai pas couché avec une de ses copines me soulage... je repousse cette pensée avant de secouer la tête négativement.
- Je ne crois pas connaitre de Jessica Stanley.
Elle hausse un sourcil en se tournant légèrement vers moi pour m'observer un peu mieux, comme pour jauger mes réactions. Je suis pourtant sincère quand je dis ne pas la connaitre.
- Une blonde aux yeux très bleus, la vingtaine, très jolie. Elle a un papillon tatoué sur l'épaule gauche et une cicatrice dans le cou. Elle vit pas loin de Dowtown.
Le sens des détails... toujours. Cela pourrait me faire sourire si elle n'avait pas l'air aussi perturbée par cette histoire.
- Ça ne me rappelle toujours rien... Désolé de te dire ça Bella, mais soit ta copine t'a menti, soit elle fait erreur sur la personne... ce qui me parait presque impossible.
Elle soupire discrètement et son corps parait se détendre légèrement. Est-elle... soulagée par ma réponse ? Pourtant, alors que le silence revient, je sens que les questions continuent de tourner en elle tandis qu'elle s'empêche de parler. Je reste silencieux un court moment tout en traversant Dayton Avenue, lui laissant le temps de rassembler ses pensées.
- Je m'en doutais un peu, avoue-t-elle après plusieurs minutes.
- Qu'est ce qu'elle t'a dit ? repris-je, quelque peu curieux de savoir ce que tout ça cache.
- Elle...
Elle mords sa lèvre, ne finissant pas sa phrase. Son attitude ne me dit rien qui vaille.
- C'est si grave que ça ? m'inquiété-je.
Elle soupire en nouant ses doigts sur ses cuisses, comme pour les canaliser.
- Elle a dit que vous vous étiez rencontré un soir dans un bar et que vous... tu vois...
Elle me lance un regard tandis que ses joues se colorent légèrement. Je tente de garder ma concentration sur la rue devant moi, et non sur l'effet que ce qu'elle me dit me fait. Tout ça me parait tellement, tellement loin...
- Elle serait tombée enceinte et tu l'aurais laissé se débrouiller... lâche-t-elle rapidement, sans oser me regarder.
Mes sourcils se froncent d'eux même alors que ce qu'elle dit résonne en moi.
Quoi ?
J'ai beau me creuser la cervelle, je n'ai jamais eu vent de cette fille et encore moins qu'une de mes conquêtes qui serait tombée enceinte ! Et quand bien même cela aurait été le cas, je ne l'aurai certainement pas laissée se débrouiller comme ça. Qui fait ça ?
Bella est silencieuse alors que je sens l'agacement, presque la colère monter en moi. Comment peut-elle croire une chose pareille ?
- Et tu l'as cru ? demandé-je faisant écho à mes pensées qui s'emballent.
Ma question sonne plus sèchement que je ne l'aurai voulu mais l'incompréhension me donne du mal à rester calme. Qui dit ce genre de chose ? Qui se permet de lancer ce genre de rumeur ?
- Tu... je ne te connaissais pas, se défend-elle maladroitement en sentant mon malaise s'intensifier.
Je serre les dents, refoulant ce que sa phrase me fait ressentir alors que mes doigts serrent le volant pour garder le contrôle de mon comportement. Pourquoi pense-t-elle ça de moi ? Pourquoi me le dit-elle aujourd'hui ?
Je m'arrête à un nouveau feu, retenant mal ma colère, ma déception présente désormais. Je ne sais pas réellement ce qui est le pire. Qu'une inconnue raconte des horreurs pareilles sur moi ou que Bella la croit sans même douter un instant de son honnêteté.
- Tu crois que j'abandonnerai une fille qui porte un enfant de moi ? questionné-je en trouvant son regard. Tu crois que je suis ce genre de connard ?
- Jessica est ma collègue et je, je connais ton milieu... avec tout ce qu'on entends je... bredouille-t-elle en me regardant, semblant s'excuser, ses grands yeux d'une profondeur déroutante.
Elle ne finit pas sa phrase, confuse. Elle connait mon milieu ? Cela veut-il dire que nous sommes tous des salopards ?
Je déglutis douloureusement, repoussant la brulure dans ma gorge qui se réveille à nouveau tandis qu'elle fouille mon regard. Mon agacement retombe presque immédiatement devant la sincérité de ses iris.
Je ne peux même pas vraiment lui en vouloir... Vaguement, je me demande : qu'a-t-elle pu vivre pour penser que les gens comme moi sont des connards à ce point ?
- Je ne te connaissais pas, répète-t-elle au bout de quelques secondes où je reste silencieux, incapable de contrôler ce que tout ça me fait ressentir.
- Cette fille n'avait pas à inventer une chose pareille.
- Je suis désolée... Quand elle me l'a dit...
Elle soupire puis baisse les yeux sur ses cuisses.
- Je ne connaissais pas, répète-t-elle comme si cela pouvait tout expliquer.
Le feu passe au vert, déviant mon attention alors que j'accélère, évacuant mon agacement face à tout ça...
Tout ça. Tout avec elle est... tout est différent. Tout est fort, compliqué, intense et épuisant. Son regard brûle mon visage un instant avant que je ne soupire, fatigué, presque vaincu.
- Tout semble s'accumuler pour qu'on ne s'entende jamais, finis-je par lâcher au bout de quelques longues secondes d'un silence étouffant.
Ma remarque semble la blesser alors qu'elle détourne les yeux sur les rues encore pleines de vies malgré l'heure tardive. Je serre les mains autour du volant pour rester concentrer et inspire lentement pour calmer le feux dans ma gorge qui s'étends maintenant jusque dans mon torse. Est-ce elle ? Est-ce le cancer ?
Pendant un moment, seul la voix du GPS m'indiquant son adresse résonne dans la voiture. Sa réaction me semble douloureuse et me soulage en même temps. Abandonne-t-elle ? Comprend-elle enfin que tout ça, tout ce qu'on vit ne lui fera que du mal ?
Quand je me gare devant chez elle, j'ai encore la sensation amère que c'est la dernière fois que je la vois. Son parfum, son profil, le mouvement de ses cheveux longs quand elle se détache... tout me donne le sentiment qu'il faut que je savoure ça... une dernière fois.
Je déglutis quand elle récupère son sac à ses pieds et pose les doigts sur la portière avant d'inspirer lentement.
- J'aurai aimé que les choses soient différentes, murmure-t-elle sans me regarder pour autant.
Sa voix tremblante me fait frissonner. Si elle savait...
- J'aurai préféré que ça le soit aussi.
Son regard brillant accroche le mien quand elle se tourne vers moi. J'essaie d'imprimer chacun de ses traits, de la forme parfaite de sa bouche à la courbure de ses cils.
- Tu ne pourras pas toujours repousser ceux qui te veulent du bien, finit-elle par lâcher avec un calme détonnant.
- Bella...
- Je ne te demande rien. Mais je ne crois pas que tout ce qui nous arrive soit le fruit du hasard.
Je sais qu'elle a raison... qu'elle a parfaitement raison.
- Je ne peux pas te dire que tu as tord, soupiré-je, presque résigné face à la vive émotion brulant dans son regard.
Ma réaction semble la surprendre un peu.
- Tu ne me contraries pas, fait-elle remarquer, un sourire triste sur les lèvres.
- Je suis trop fatigué ce soir pour me battre contre toi.
Son sourire devient légèrement coupable, comme si elle s'en voulait.
- Ta fatigue a peut-être des avantages, finalement... si ça peut te faire cesser de toujours me donner tord.
On échange un sourire. Comme sur la terrasse, plus tôt, cette conversation me donne l'impression que c'est un adieu, que jamais rien ne pourra marcher entre nous, pour nous.
- Tu devrais rentrer, murmuré-je alors que le silence lourd revient.
- J'ai déjà entendu ça... soupire-t-elle. Quand comprendras-tu que je ne suis pas du genre à laisser tomber ?
- Tu devrais, pourtant.
- Edward...
- Que pourrait donc t'apporter ce type avec un cancer de stade deux qui te donne tellement envie Bella ? Tu n'as pas l'air de comprendre ce que ça veut dire ! m'agacé-je face à son manque de réalisme.
- Tu vas donc t'empêcher de tout vivre parce que tu es malade ? s'énerve-t-elle à son tour, semblant perdre définitivement patience. Je ne te demande pas la lune, simplement de cesser d'ignorer volontairement ce qu'il se passe alors que...
- Tu crois que je n'y ai pas pensé ? m'emporté-je à mon tour. Que je ne me suis pas dit que, peut-être, je devais profiter de cette paix que je ressens près de toi ?
- Alors cesse d'être aussi buté !
- Je le fais pour toi, m'exaspéré-je, ma voix déraillant sous ma soudaine colère. Ca n'est que pour toi que je refuse de te faire entrer dans ma putain de vie !
Figée, presque sonnée, elle cligne des yeux avant de secouer la tête.
- C'est toi, qui m'a demandé de ne pas partir au bar hier, c'est toi qui m'a demandé de rester ce midi, me rappelle-t-elle froidement. C'est toi qui a voulu me ramener ce soir !
Ses mots sonnent comme le plus grand reproche qu'elle ait pu me faire. Je n'ai pas le temps de respirer convenablement qu'une toux me fait me tordre derrière le volant de mon SUV.
Pendant que je m'étrangle, la douleur se rappelle à moi en même temps que mon désespoir. Comment puis-je accepter ce qui est en train de naitre entre nous, ce qui est en train d'arriver ?
Quand mon souffle redevient normal, je me redresse pour me caler dans le fond de mon siège en fermant les yeux pour respirer calmement quelques instants, espérant apaiser mon corps douloureux.
Lorsque je relève les yeux vers elle, elle semble au bord des larmes. Le tremblement de ses doigts ne m'échappe pas non plus.
- Je ne te demande rien, soupire-t-elle, maintenant triste face à la réalité qui semble l'atteindre plus à chaque seconde. J'ai... j'ai juste le sentiment de ne plus avoir envie de rester loin de toi, même si tu ne veux pas de moi...
- Ca n'a rien à voir. Je ne peux pas me le permettre, soufflé d'une voix plus rauque que d'habitude. Pour toi, pour te protéger et..
- Je n'ai pas besoin que tu me protèges, me coupe-t-elle avec force.
Elle laisse passer un silence alors que la colère entre nous semble avoir disparue.
- Tu peux te battre contre le cancer ou te battre contre moi Edward, mais moi je reste là.
- Ma voiture est confortable mais je ne compte pas passer la nuit dedans si...
- Je suis sérieuse, me coupe-t-elle les yeux brillants. Je n'ai aucune envie d'abandonner. Ca n'a jamais été mon genre.
Je fouille son regard, incapable de ne pas frissonner face à ce que j'y lis... elle a l'air tellement persuadée que c'est ce qu'il faut faire, qu'être avec moi est la seule option qu'elle a que le doute me secoue.
Et si elle avait raison ? A-t-elle conscience de tout ce que ses mots provoquent en moi ?
Je reste de longues secondes, incapable de la quitter des yeux, incapable d'émettre le moindre son... Elle veut rester. Elle le veut, réellement.
J'ai violemment le sentiment de ne plus avoir la force de repousser ce que je ressens. Ce n'est certainement pas la chose à faire et certainement pas la solution, le mieux pour elle, mais mon corps entier me brule de connaître encore cette force qui apparait en moi lorsque je suis avec elle, lorsque je la touche, lorsqu'elle me sourit.
Est-ce si mal ?
Je ne sais pas si elle le sent ou si mon être entier trahit mon hésitation sur tout ça mais elle semble cesser brutalement d'avoir peur, de se battre contre moi... comme si elle avait brutalement compris que je changeai d'avis. Elle n'a pas l'air d'être quelqu'un qui abandonne... au contraire, elle a l'air d'avoir déjà gagné.
- Quelle tête de mule, soufflé-je, voyant lèvres s'étirer en un sourire.
Ma réaction la soulage, ce qui provoque un apaisement presque immédiat dans la voiture. Pourquoi la voir sourire me réchauffe-t-il à ce point ? Cette conversation presque irréelle fait naitre un sentiment nouveau en moi quand elle finit par jeter un coup d'oeil à sa maison avant de revenir à moi : Le sentiment que tout sera désormais différent m'effleure alors qu'elle semble hésiter pendant quelques secondes à parler.
- Est-ce que... est-ce que tu voudrais rester, un peu ? demande-t-elle calmement, comme si elle cherchait à jauger ma réaction.
Je prends un instant pour l'observer, essayant de trouver le moindre doute en elle... mais elle n'en a pas. Rien ne semble lui paraitre mal, ou mauvais dans tout ce que nous vivons.
Je comprends alors quelque chose que n'avais encore jamais pu m'autoriser à comprendre jusque là... peut-être que la vie me donne une chance de trouver en elle une nouvelle raison de me battre...
Peut-être qu'elle a profondément raison. Peut-être que je devrais cesser de lutter contre elle, contre ce qu'elle provoque, contre ce que je ressens.
Peut-être que je devrais rester.
Coucou vous !
Je publie ce midi et c'est presque un miracle !
On avance par ici, doucement mais surement... dites moi ce que vous ressentez, ce que vous pensez et racontez moi vos théories pour la suite !
J'ai hâte de vous lire. Merci pour tout vos mots et pour votre soutien toujours incroyable :')
Vous savez ce qu'il vous reste à faire pour lire la suite ?
J'vous embrasse
Tied
