Exs and Ohs-Elle King


–Alors comme ça, Freya a une ribambelle d'oncles et tantes qui seraient en fait des divinités ?

–C'est exact.

Natasha et Madison s'étaient réveillées dès les premières lueurs de l'aube et avaient pris leur petit-déjeuner ensemble sous le porche, profitant des douces températures de cette fin de printemps. Elles avaient laissé les autres dormir, estimant qu'ils avaient bien besoin de se reposer après l'éprouvante soirée de la veille. Elles-mêmes étaient encore un peu fatiguée, mais leur horloge interne biologique était réglée telle qu'elles se réveillaient toujours à une heure bien précise. Elles avaient donc pris le temps de manger à leur aise avant de décider d'aller se promener, histoire que la brune fasse explorer les environs à sa meilleure amie, qui était tombée sous le charme de l'endroit.

–Zeus, Poséidon, Hadès… On dirait que sa famille aussi a droit à son lot de drames…

–Et encore, ce n'est rien à côté de ce qu'il se passe en ce moment avec sa mère et son frère. Hestia a une personnalité du genre rancunière, et le livre raconte qu'elle n'a jamais su accepter le fait qu'Eléa n'ait pas transmis ses pouvoirs à sa fille. Pourtant, Freya, elle, le vit très bien. Hestia a entrainé son fils dans sa folie vengeresse, c'est à se demander s'il est réellement conscient de ce qu'il fait. Tu sais, si j'avais toujours ces pouvoirs en ma possession, je crois que je les lui aurais donnés sans trop y réfléchir, parce qu'ils m'ont quand même attiré un sacré paquet d'ennuis par le passé, et je pense avoir eu ma dose de drames personnels.

–Pour qu'elle en fasse quoi ? Qu'elle cherche à dominer le monde ?

–Je crois que nous ne sommes plus à ça près, commenta Madison en haussant les épaules avant de mettre les mains dans les poches de son pantalon. Je veux dire, regarde-nous : nous sommes des agents du SHIELD qui avons parcouru la Galaxie pour assister à une réunion interplanétaire, nous avons combattu toutes sortes d'aliens, nous avons sauvé l'Univers une bonne paire de fois… Qu'est-ce que ça change qu'une énième personne cherche à s'emparer d'un pouvoir qui ne lui était pas destiné ? demanda-t-elle à moitié sérieusement à la rouquine. Tu ne vas quand même pas me faire croire que parfois tu n'en as pas marre de jouer les héroïnes…

–Bon, je te l'accorde, ça devient répétitif, à la longue, mais ça ne veut pas dire que j'ai envie que le monde parte en vrille. C'est d'ailleurs pour le sauver que toi et moi avons manqué d'y passer un nombre incalculable de fois… Pour au final mourir quand même.

–Le monde a trop besoin de nous.

–Parce que nous sommes géniales, affirma Natasha, sûre d'elle, ce qui les amusa toutes les deux. Dis-moi, ça fait plusieurs mois que tu vis dans cette espèce de paradis hors du temps, avec Arthur… Tu as bien dû faire quelques rencontres… Intéressantes ?

–Si tu cherches à savoir si je me suis trouvé quelqu'un… reprit l'autre en plissant les yeux.

–C'est exactement ça, confirma-t-elle. Oh allez, tu sais très bien que tu peux tout me dire, et que je finirai de toutes façons par le découvrir, que tu le veuilles ou non. Je te connais plus que tu ne te connais toi-même.

–Tu sais très bien que j'ai une mauvaise expérience avec les hommes, soupira Madison, tandis qu'elles empruntaient un sentier longeant un lac sur lequel se reflétaient les rayons du soleil. Je veux dire, mes deux premiers copains sont décédés et le troisième m'a laissée tomber. Trois fois, précisa-t-elle sans perdre son énergie et sa jovialité, même si penser respectivement à Alex, Leonard et Thor était douloureux. Je crois que j'ai fait le tour, avec les hommes, poursuivit-elle et lorsqu'elle regarda Natasha, elle fut comme frappée par l'illumination. Tu ne voudrais pas sortir avec moi ? lança-t-elle, après quoi elles éclatèrent de rire.

Pour être tout à fait honnêtes, l'une comme l'autre avait reconnu y avoir déjà pensé. Toutes deux étaient assez ouvertes sur la question et cela faisait des années qu'elles étaient très proches. A chaque fois que l'une avait vraiment besoin d'aide, l'autre avait toujours répondu présente. Madison n'en avait peut-être pas conscience, mais avec elle, Natasha avait l'impression qu'elle pouvait être elle-même à cent pourcents sans jamais craindre d'être jugée. Ou alors un tout petit peu lorsqu'elle dépassait les bornes, mais toujours avec bienveillance. Elles faisaient ressortir le meilleur de chacune lorsqu'elles étaient ensemble. Madison n'était jamais mal à l'aise en sa présence. Au contraire, elle se sentait toujours bien avec elle. Elle trouvait l'espionne russe authentique, honnête et fidèle. Natasha, elle, pensait que sa meilleure amie était empathique, talentueuse et plus digne de confiance que quiconque.

–Tu te souviens d'Amundsen-Scott ? demanda soudainement la brune.

–Comment oublier les plus belles vacances de ma vie ? répondit Natasha d'un air rêveur, un sourire se dessinant sur son visage détendu lorsqu'elle se souvint de la base située en Antarctique dans laquelle elles avaient travaillé durant quelques semaines. Je me souviens surtout des vapeurs de sodium qui ont failli nous tuer en s'enflammant, en décembre deux-mille dix… Quel Noël ç'a été…

–Je me rappelle de Clint qui courait dans la base avec un extincteur, mentionna Madison. A cette époque, nous ignorions encore tout du monde qui nous entourait. Nous n'avions pas la moindre idée de ce qui existait, de tous ces royaumes qui avoisinaient la Terre. J'ai l'impression que ça remonte à une éternité.

–Plus de treize ans, calcula Natasha d'un air mélancolique. Qui se serait douté qu'aujourd'hui, nous en serions là ?

–Clint, certainement. Il a toujours été moins terre à terre que nous. Cette époque ma manque, avoua-t-elle. Quelques fois, lorsque je ferme les yeux, j'imagine que je reviens en arrière pour revivre tous ces instants. Me dire que ce ne sont plus que des souvenirs est encore difficile. Je crois que c'est parce que j'ai toujours eu une peur bleue de ce que me réservait l'avenir.

–Je trouve que tu ne t'en es pas si mal sortie. Regarde-toi, regarde tout ce que tu as accompli, ces dernières années ; tu es une docteure renommée, une professeure adorée de tous ses élèves, une mère exemplaire et une amie en or. Ne laisse jamais personne prétendre le contraire. Pour ma part, j'ai commencé à me détacher du passé le jour où tu m'as ramenée de Vormir, lui avoua-t-elle. J'ai compris que ce qu'il y avait de plus important était à mes côtés et non derrière.

–Te voilà devenue toute sentimentale. Attention, Tasha, ta réputation de Veuve Noire risque d'en prendre un coup… plaisanta Madison. Quoique, peut-on encore t'appeler ainsi, puisque tu es désormais « officiellement » avec Monsieur-je-râle-vingt-quatre-heures-sur-vingt-quatre ?

–Ah-ah. Il n'est pas si bougon que ça, tu le connais. Ce n'est qu'une façade.

–Vous êtes très mignons, déclara innocemment Madison en regardant en l'air, après quoi Natasha passa un bras au-dessus de ses épaules, toujours en souriant, et elles poursuivirent leur route. Ça fait du bien de savoir qu'au moins une de nous deux a une relation stable.

Natasha vit un voile gris se déposer sur les yeux chocolat de son amie. La voir ainsi lui faisait de la peine, car même si Madison cachait très bien son jeu, l'espionne russe la connaissait par cœur et sentait que celle-ci souffrait de sa situation amoureuse actuelle, qui n'était pas simple du tout. Elle avait commencé par perdre Alex, puis Leonard et ensuite, il y avait Thor, qui avait été sa plus longue relation mais également la plus éprouvante. Elle aurait pris un peu de sa souffrance si cela avait été possible, voir même toute afin de lui épargner cela. Elle jugeait que Madison avait trop enduré et elle se demandait comment faisait cette dernière pour continuer à tenir bon. Evidemment, il y avait Arthur, pour qui sa mère était prête à afficher un visage serein chaque jour qui passait même si intérieurement, elle pleurait et criait à s'en déchirer les cordes vocales.

–Tu as remarqué que T…

–Arrête.

–Quoi ?

–Je vois où tu veux en venir, Romanoff. Tu allais dire son nom pour me parler de son comportement depuis qu'il est rentré.

–Je croyais que tu n'avais plus le pouvoir de lire dans les pensées…

–C'est le cas. C'est juste que je me doutais que tu allais tôt ou tard finir par aborder ce sujet quelque peu… Fâcheux.

–Mad, tu sais à quel point cela me frustre de savoir que tu ne vas pas bien, n'est-ce pas ? déclara Natasha. Je ne sais pas si c'est à cause de lui ou d'autre chose, mais j'ai l'impression que quelque chose a changé chez toi.

–Tu veux dire, à part le fait que la magie avec laquelle j'ai grandi ait subitement quitté mon organisme il y a quelques mois ?

–Tu vois très bien de quoi je parle.

–Oui je vois.

–Alors ?

–Alors quoi ?

–Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu peux tout me dire, tu sais bien que tu n'as pas besoin de jouer la comédie avec moi. Tu as toujours su trouver les bons mots et tu as été présente à chaque fois que j'avais besoin qu'on m'épaule alors aujourd'hui, c'est à moi d'assumer ce rôle. J'ai remarqué qu'à certains moments, tu as l'air de… Je ne sais pas, de te perdre complètement dans tes pensées, comme si tu n'étais plus vraiment parmi nous. Ne me fais pas ce regard, soupira-t-elle en la voyant froncer les sourcils. Tu sais que j'ai raison.

–C'est justement ce qui est embêtant avec toi… Tu as trop souvent raison. Il y a… Quelque chose que je devais faire, et qui est la raison de mon départ si brusque, mais je ne sais pas si je suis prête à en parler.

–Prends le temps qu'il faut, la rassura Natasha. Désolée si je me suis montrée un peu brusque, c'est juste que je m'inquiète pour toi.

–Quelle mère-poule tu fais, plaisanta Madison. Le truc, c'est que je ne sais même par où commencer, puisque je ne suis pas certaine de ce que je suis en train de faire. Tu penserais probablement que je suis devenue cinglée, ou quelque chose du genre.

–Je me suis faite à l'idée depuis longtemps.

–Touché. Mais je crois vraiment que j'ai atteint le point de non-retour, là, déclara-t-elle alors qu'elles se rapprochaient du chalet de Madison.

Elles poussèrent la porte d'entrée et pénétrèrent à l'intérieur. Le soleil avait gagné de la hauteur dans le ciel et baignait la salle de séjour d'une intense lumière chaleureuse. Assis sur l'un des hauts tabourets du buffet, Bucky buvait tranquillement son café tout en discutant avec Loki. Pepper se trouvait dans le salon, en train de surveiller les enfants. Lorsque les deux amies rentrèrent, elles saluèrent les autres et allèrent directement dans la cuisine pour se servir quelque chose à boire, elles aussi. Natasha prit donc un café tandis que la brune privilégia une bonne tasse de thé. Elles engagèrent ensuite la conversation avec le soldat et le dieu de la malice, qui étaient en train de parler des événements de la veille survenus pendant le gala de charité. Tous étaient encore très préoccupés par ce problème de taille, notamment Loki, qui regrettait de s'être senti aussi impuissant face à Hestia et Freyr.

Thor descendit quelques minutes plus tard, encore à moitié endormi, mais voir l'ancienne mutante fut comme un électrochoc qui le réveilla pour de bon. Il avait presque oublié où il se trouvait jusqu'à l'apercevoir. Elle lui adressa un petit sourire en guise de « bonjour » tout en prêtant attention aux paroles de ses amis. Le guerrier à la chevelure blonde s'étira longuement, ravi d'avoir pu bénéficier de quelques heures sommeil. Son sommeil avait néanmoins été un peu agité. Il avait rêvé d'Asgard, cette nuit. Il s'était revu au palais, observant la vue depuis l'un des balcons. Il se souvenait avoir longuement observé le Bifröst d'un air pensif, réfléchissant à tous ces mondes qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de découvrir et visiter. Il se souvenait également avoir ensuite été rejoint par son frère, avec qui ils avaient posément discuté de banalités, comme au bon vieux temps, lorsque rien ne les opposait.

Il entendit alors Loki rire. Loki. Rire. Cela faisait bien longtemps que Thor ne l'avait pas vu comme ça. Il comprit que ce devait être Madison qui venait de dire quelque chose d'amusant, car c'était elle que le Jotün regardait. Une fois encore, l'asgardien eut du mal à accepter ces regards qu'ils échangeaient. Dire qu'il était jaloux était un euphémisme. Son visage se ferma un peu, tandis qu'il alla se servir une tasse de café qu'il but dans son coin, gardant Madison et Loki à l'œil. Il savait que ces deux-là étaient amis et il ne voulait pas que cela change. Simplement, il voulait lui aussi retrouver cette proximité avec la terrienne. Il resta appuyé contre le plan de travail, sa tasse en main, le regard allant et venant à droite à gauche, ce que Natasha ne manqua pas de remarquer. Tout en écoutant d'une oreille la discussion, elle observait le moindre changement d'attitude survenant chez son ami.

Arthur se leva alors du tapis et vint apporter à sa mère un dessin qu'il venait de terminer de colorier. De loin, Thor reconnut aisément qu'il s'agissait de Madison qui semblait émerger d'une grande surface bleue qui ressemblait à de l'eau. C'aurait été quelque chose qu'elle aurait pu faire lorsqu'elle avait des pouvoirs, songea-t-il : sortir de la mer ou d'un océan, toutes griffes dehors. A ses côtés volaient deux êtres que l'homme ne put identifier. Il détermina simplement qu'il devait s'agir de robots. Un peu comme les armures que fabriquait autrefois Tony. La brune offrit un sourire radieux à son fils en lui caressant les cheveux puis alla accrocher le dessin sur la porte du frigo à côté de laquelle se trouvait justement Thor. Lorsqu'elle passa à côté de lui, il ne put s'empêcher de garder les yeux rivés sur elle. Arthur regagna le salon en trottinant et se remit à griffonner sur une feuille de papier et l'asgardien vit dans les yeux de Madison une immense fierté à l'égard du petit garçon aux cheveux blond foncé.

–Des nouvelles de Freya ? demanda alors Bucky en se levant pour se resservir du café.

–Toujours pas, répondit Loki. Il semblerait que les délibérations tardent. Nous aurons de la chance si elle arrive d'ici la fin de la semaine.

–Et qu'est-on supposé faire en attendant ? questionna Natasha. Juste… Attendre ? Je veux bien croire que cet endroit soit sécurisé et hors de portée d'Hestia et Freyr, mais imaginons qu'ils se décident à réattaquer New-York ? N'est-on pas censé faire quelque chose ?

–Pour ça, il va d'abord falloir apprendre à les connaitre, précisa Madison en allant dans la salle de séjour pour récupérer un vieil ouvrage épais rangé dans une imposante bibliothèque en bois brut, puis elle revint vers eux. Thor, je crois que tu connais ce livre.

Il acquiesça. C'était celui qu'elle avait découvert sur Arcturus IV, qui recensait notamment les aventures de trois des sorcières les plus puissantes de l'Yggdrasil -Frigga, Eléa et Mériana-, et qui lui avait été gracieusement offert par Lenrad. Il l'avait déjà lui-même feuilleté par le passé, sans jamais trop s'y attarder. Il regarda Madison ouvrir l'ouvrage et commencer à en feuilleter les pages qui semblaient se décupler par magie, pour finalement tomber sur l'arbre généalogique de la famille de l'Ambassadrice du pays des Vanes.

–Tout ce que je sais sur eux, je le tiens des livres de mythes que Logan me lisait quand j'étais petite, et de ce bouquin-là. Celui-ci est largement plus détaillé, expliqua la jeune femme.

–Vous avez pensé au fait que l'on pourrait peut-être demander de l'aide aux oncles et tantes de Freya ? proposa Pepper depuis la salle de séjour.

–Pour ça, il faudrait d'abord savoir où ils se cachent, lui dit Loki. Il y a bien longtemps qu'ils se sont évanouis dans la nature. La rumeur dit que les enfants de Mériana, ou Rhéa, se sont tous séparés aux quatre coins de l'Yggdrasil pour fonder leur propre famille. Hestia est allée sur Vanaheim, la terre de ses ancêtres. Je crois que Zeus et Héra se trouvent quelque part sur Alfheim, et Hadès doit probablement se cacher sur Hel, puisqu'il s'agit du royaume des morts. Certains disent avoir aperçu Poséidon au large des côtes rocheuses de Niflheim, mais c'est à se demander ce qu'il irait fabriquer là-bas. Quant à Demeter, la dernière fois qu'elle a été vue, c'était lors d'une réunion avec Odin sur Asgard.

–Ne seraient-ils pas forcément au courant, si Hestia s'est échappée avec son fils ? Elle était retenue prisonnière sur Niflheim, justement, se souvint Bucky.

–Super, comme prison, ironisa Natasha. D'abord Hela, puis ces deux-là…

–Jamais personne ne s'était échappé avant eux, jugea bon de préciser Thor. Hela a réussi à sortir lorsque notre père est décédé. Pour ce qui est d'Hestia et Freyr, il faudrait déjà que nous sachions ce qu'ils ont fait de si grave pour se retrouver enfermés.

–Tu veux dire, en dehors d'avoir tué Mériana ? lança Loki, ce qui choqua les quatre terriens adultes. Quoi ? Thor, tu sais comme moi que les rumeurs comme quoi elle aurait miraculeusement survécu pour ensuite aller se cacher ou ne sait où ne sont pas vraies. Tout le monde a toujours dit qu'elle avait été tuée par sa fille. Ne me regarde pas comme ça, poursuivit-il avant de soupirer. Je sais bien que tu es un fan de ces histoires, mais elles ne sont pas fondées. Quelqu'un aurait forcément revu Mériana après avoir disparu pendant quinze ans. On ne s'évanouit pas dans la nature juste en claquant des doigts.

–Moi, je l'ai fait, mentionna Madison. Mais techniquement, c'est vrai, on ne disparait jamais sans laisser la moindre trace. La preuve est que Bucky savait où me chercher, il n'avait simplement pas le code pour entrer.

–Tu sais, la technologie et moi, ça fait deux, répliqua le soldat.

–Et que pense Freya de tout ça ? interrogea l'espionne russe.

–Elle dit qu'elle a envie de s'exploser le crâne contre un rocher, déclara très calmement le géant des glaces. Elle croyait que tout cela était derrière elle et que plus jamais elle n'entendrait parler d'eux. Le fait que même elle ignore une partie des actes commis par sa famille et elle n'a pas la moindre idée des emplacements de ses oncles et tantes.

–Je hais les drames familiaux, soupira Madison en se pinçant l'arête du nez. Regardez où on en est parce qu'Eléa m'a choisie, moi, pour assurer son « héritage ». Et si l'un de vous me répète qu'elle avait une bonne raison de le faire, je préfère vous prévenir que je risque de ne plus répondre de rien dans les secondes qui vont suivre.

–Et si nous essayions simplement de leur expliquer que tu n'as plus ces pouvoirs en ta possession ? proposa Pepper en marchant vers eux, Morgan dans les bras et Arthur la suivant de près. Ils courent après quelque chose qui n'existe plus, autant gagner du temps et le leur faire comprendre.

–Ces gens-là ne marchandent pas, rétorqua Loki. Admettons que l'on sorte d'ici pour aller leur expliquer que la magie de Gaïa est éteinte. Vous pouvez être certain qu'ils auront réduit en cendres le Terre en une demi-heure. Maximum. On ne peut jamais prendre le temps de discuter avec celles et ceux qui sont désespérément en quête de pouvoir, je suis bien placé pour le savoir. Et, chose surprenante, je n'ai pas envie que cette planète disparaisse.

–T'y serais-tu attaché ?

–Disons que je ne me vois pas expliquer au peuple de Jotunheim pourquoi l'un de ses royaumes alliés a brusquement disparu, rétorqua-t-il.

–Et cette branche-là, déclara soudainement Natasha en pointant du doigt une partie à moitié effacée de l'arbre généalogique qu'ils avaient sous les yeux. A qui correspond-t-elle ? demanda-t-elle, principalement aux deux divinités qui étaient nettement mieux informées qu'eux. Je croyais que Mériana n'avait eu que six enfants.

–Il paraitrait que…

–Que rien du tout, Thor, l'interrompit son frère. Répète après moi : « RUMEURS ».

–Tu m'énerves, Loki.

–De quoi parlez-vous ? les interrogea Bucky, de plus en plus intéressé.

–Selon ce livre, reprit Madison en passant à la page suivante, il y aurait un autre descendant, mais son nom n'est inscrit nulle part.

–C'est normal, puisqu'il n'y en a pas, déclara Loki, sûr de lui. Ecoutez, tout cela est charmant, mais cela ne va absolument pas nous permettre d'avancer. C'est largement de connaitre Hestia de réputation pour savoir qu'elle ne nous laissera tranquilles qu'une fois qu'elle aurait obtenu ce qu'elle cherche, alors je ne vois que trois solutions :la première est de tenter de corrompre Freyr pour le rallier à notre cause, mais je doute qu'il la trahisse. La seconde serait de créer un leurre qui nous aiderait à la piéger, mais je ne connais aucune énergie suffisamment puissante qui puisse la berner. Et enfin, la dernière option serait que nous nous jetions dans la gueule du loup en abandonnant tout espoir de réussir à la vaincre, énuméra-t-il d'un ton dramatique. Bon, peut-être cette option-ci n'est-elle pas la meilleure qui soit. Si vous avez de meilleures idées, sachez que j'ai deux oreilles parfaitement fonctionnelles qui n'attendent que d'entendre vos nombreuses propositions…

Le silence lui répondit, ce à quoi il s'était attendu.

–La première idée n'est pas si mauvaise, fit remarquer Madison. Lorsque Freya sera là, peut-être nous aidera-t-elle à convaincre son frère qu'il a pris la mauvaise décision en rejoignant leur mère dans cette… Quête inutile.

–Donc… Si je comprends bien, nous devons quand même attendre ? dit Natasha.

–Nous pouvons bien patienter quelques jours, le temps qu'elle nous rejoigne, concéda Loki. Espérons simplement que Freyr l'écoutera…

–Vous l'avez déjà rencontré ? leur demanda Pepper, curieuse.

–Jamais, répondit Thor. Attendez, si. Il y a eu ce débat auquel nous avions assisté sur Vanaheim, tu te souviens, Loki ? Nous n'étions que de simples spectateurs et il était dans l'assemblée. En revanche, je n'ai jamais eu l'occasion d'échanger le moindre mot avec lui.

–Comment peut-on en arriver à un tel point ? lâcha soudainement Madison d'un ton grave.

Tous posèrent les yeux sur elle. Elle était en train d'observer un croquis représentant chacun des membres de la famille de Freya-en dehors de celui de Mériana, qui avait l'air d'avoir été effacé-, et son regard était rivé sur le visage serein d'Hestia. Sur ces pages, elle paraissait tellement différente, c'était une tout autre personne. La brune effleura le dessin du bout de ses doigts métalliques en laissant échapper un soupir. Elle ne comprenait pas que quelqu'un puisse avoir envie de se débarrasser de sa propre mère, tout ça pour une question de pouvoir. C'était dans des moments comme celui-ci que Madison aurait bien eu besoin d'Eléa et de ses conseils. Seulement, l'Elfe clair n'était plus. Elle avait eu droit à sa dernière chance de la voir le jour où ils avaient fait un saut dans le temps pour récupérer les pierres d'Infinité. Depuis, plus rien. Elle aurait aimé qu'aujourd'hui, cette dernière soit là pour l'éclairer.

–Pourquoi moi ? dit-elle ensuite, plus bas en plissant les yeux, concentrés sur les pages du livre. Qu'est-ce que j'avais de si spécial à seulement huit ans ? poursuivit-elle tout aussi calmement. Qu'est-ce qu'un enfant de cet âge a à voir dans une histoire pareille ?

Elle redressa la tête, puisque personne ne lui répondit, et constata que tous les regards convergeaient vers elle. Elle s'était à peine rendue compte qu'elle s'était exprimée à haute voix. Elle s'était laissée emporter par ses pensées et n'avait plus fait attention au monde qui l'entourait. C'était ce silence pesant qui l'avait sortie de ses songes. Elle ouvrit la bouche pour s'exprimer, puis se ravisa, ne sachant quoi dire. Elle n'arrêtait pas de penser à la relation qu'avait eu Hestia avec sa mère. Elle voulait savoir pourquoi les choses avaient tant dégénéré, tout en étant inquiète à l'idée de ce qu'elle risquait de découvrir. Elle ne comprenait vraiment pas ce qu'elle avait à voir là-dedans. Elle n'avait jamais compris. Tout le monde lui répétait qu'Eléa l'avait n'avait pas pu la choisir au hasard, mais était-ce réellement le cas ? Pourquoi n'avait-elle pas suivi la tradition en transmettant sa magie à la petite fille de Mériana ? Pourquoi était-ce elle et non Freya qui avait hérité de ce fardeau ?

–… Je… excusez-moi.

Elle quitta la cuisine en sortant par la porte vitrée et traversa le jardin à grandes enjambées, voulant s'éloigner un temps de chez elle afin de mettre un peu d'ordre dans tout cela. Les autres ne purent que la regarder faire, comprenant pourquoi cela semblait tant l'affecter. Elle n'avait jamais choisi d'être ce qu'elle était devenue, et maintenant qu'elle avait perdu ses pouvoirs, tout paraissait bien plus compliqué pour elle, même si elle le cachait. Elle n'avait pas fait qu'y laisser la vie, elle avait l'impression d'avoir perdu une part d'elle-même sur le champ de bataille. Lorsqu'elle s'était brusquement réveillée après s'être pris une épée dans le dos, elle avait toute suite senti que quelque chose en elle était différent. Personne ne pouvait se mettre à sa place et ne faire que ne serait-ce qu'imaginer ce qu'elle ressentait depuis quelques mois.

Les cinq adultes échangèrent un rapide coup d'œil, s'interrogeant silencieusement sur qui devrait aller la rejoindre pour vérifier que tout allait bien, mais avant que qui que ce soit ne prenne la parole, Thor prit les devants et se décida à sortir. Personne ne le retint. Tous estimèrent que ce n'était pas une si mauvaise idée et que si l'asgardien avait besoin de lui parler seul à seul, c'était peut-être le bon moment.