Bonjour ! Après la fin du combat entre Midgard, le Dragon et le Dauphin, que reste-t-il ? Pas grand chose, si ce n'est les épaves... Bonne lecture !


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Le corridor s'étirait sans cesse. A chaque embrasure de fenêtre où frappaient les grêlons, la lumière de la lune dévoilait une nouvelle portion de ce couloir qui s'allongeait démesurément.

Hyoga luttait à chaque pas. La main appuyée contre le mur de pierre froide, il fournissait un visible effort pour arracher ses pieds au tapis moelleux qui garnissait les dalles, rompre son équilibre précaire, le rattraper de justesse à chaque enjambée. Ses jambes flageolaient misérablement, et il serrait les dents pour retenir un gémissement de douleur.

Lorsqu'il s'était réveillé meurtri et transi de froid à côté des corps de Shiryu et de Nathalie, il n'avait pas cherché à comprendre. Une foule de questions se bousculait pourtant, qu'une amnésie inquiétante privait de réponses : où était-il ? Pourquoi ses amis étaient-ils là ? Pourquoi étaient-ils tous trois grièvement blessés ? Pourquoi ne portait-il pas l'Armure du Cygne, mais les restes d'une protection rougeâtre qui le répugnait ? Les souvenirs flous qui remontaient à la surface laissaient présager le pire : sa confrontation avec le grand prêtre d'Odin, la douleur qu'il lui avait infligée, la sensation pernicieuse de cette volonté supérieure qui avait forcé son esprit… Il n'avait pourtant pas eu le luxe d'y réfléchir. Il avait ressenti le cosmos de Saori au supplice dans le lointain, et cela lui avait suffi. Athéna avant tout, ses amis le suivraient. Il s'était mis en route.

Il avait pu rejoindre Seiya à temps alors qu'il affrontait le prêtre d'Odin, le chef suprême de cette armée hostile au Sanctuaire. Il s'était interposé, avait jeté ses dernières forces dans ce combat largement inéquitable. Il avait été balayé comme un fétu de paille, et la main d'Odin s'était à nouveau abattue sur lui. S'il était parvenu à empêcher son adversaire de plier à nouveau son âme, son corps n'avait pas eu pareille chance. Il avait été moulu par la puissance gargantuesque du prêtre, écrasé par un pouvoir qui avait étouffé sa propre cosmo énergie, tordu par une force brute dépassant son entendement. A nouveau, le noir l'avait happé.

Il avait repris conscience sur un confortable matelas de plume du château d'Asgard, auréolé de la douce cosmoénergie de sa déesse. Rassuré de sentir la présence apaisante d'Athéna, témoin de leur victoire, il avait regardé autour de lui. Sur le lit voisin, toujours inconscient, il avait reconnu Seiya, et son pouls s'était emballé lorsque ses yeux avaient désespérément cherché ses autres compagnons. Il s'était jeté à bas du lit, mais ses jambes avaient cédé sous son poids avec un craquement sinistre et il avait lamentablement glissé au sol. Son flanc avait heurté le cadre du lit, chassant impitoyablement l'air de ses poumons en réveillant avec cruauté ses côtes fêlées. Son cri étouffé avait affolé les panseuses qui avaient accourues. Alors qu'elles le rallongeaient à grand peine, il les avait rudement repoussées pour les presser d'une série de questions rapides et succinctes. En quelques mots, il apprit que tous ses amis avaient été retrouvés à l'article de la mort et avaient été ramenés au palais. Shun et Ikki occupaient une chambre voisine, Nathalie et Shiryu une autre un petit peu plus loin dans la même aile. Il était le premier à émerger de son coma.

Les pièces du puzzle s'assemblaient lentement dans sa conscience. Anxieusement, il les avait interrogées sur l'état de santé de ses compagnons, s'était énervé jusqu'à les effrayer lorsqu'elles avaient hésité à lui répondre. Lorsqu'il leur arracha que le Dauphin et le Dragon souffraient de terribles brulures de froid, il ne douta plus.

C'était lui qui leur avait infligé ces blessures.

Sans prêter attention à ses infirmières épouvantées, il s'était relevé. Il les avait renvoyées sans ménagement avec une effroyable série de jurons quand elles s'étaient obstinées à le retenir et, enfin seul, il s'était engagé dans le corridor.

Chaque pas était une torture. Il n'avait pas questionné les panseuses sur ses propres blessures et n'avait aucune envie de mettre un nom sur la série de douleurs qui émaillaient son corps contus. Il les traitait par le mépris, car une seule pensée l'obnubilait : retrouver Shiryu, et surtout retrouver Nathalie.

Il discerna enfin la porte qu'on lui avait indiquée. La garde-malade, assise près du seuil, porta une main horrifiée à sa bouche lorsqu'elle l'aperçut, et se précipita à sa rencontre pour le soutenir. Malgré la prévenance sincère de ce premier mouvement, Hyoga ne put retenir un grognement contrarié qui figea la vieille infirmière. D'un ordre sec, il lui intima de l'attendre dans le couloir, et pénétra dans la chambre.

Aussitôt, une moiteur tropicale l'engloba. La pièce était de plus modestes dimensions que les autres, mais tout ce que le château contenait de teintures, fourrures, tapis ou couvertures avait été rassemblé ici et jeté pêle-mêle. Il eut l'étrange impression d'avoir, d'un pas, traversé les continents pour se retrouver au cœur d'un riche salon oriental. Ses pieds s'enfonçaient dans une moelleuse descente de lit richement ouvragée, abandonnée dès l'entrée dans la rage qu'avait eu un improbable sultan à entasser ses richesses. Les murs n'exposaient plus un seul carré de pierre nue, mais un véritable musée de broderie en tout genre. Un lourd rideau de velours avait été installé devant l'unique fenêtre, colmatant avec efficacité cette ouverture sur le froid extérieur. Cette débauche d'étoffes et de couleurs chatoyantes captaient et démultipliaient la lumière vive que jetait un grand feu généreusement alimenté dans la cheminée. Ses flammes claires léchaient le linteau de l'âtre pourtant colossal, et seule la berceuse de leurs crépitements habillait le lourd silence qui régnait dans la chambre.

Face à cette fournaise qui jetait de violents éclats écarlates sur les draperies, deux lits étaient alignés. Le cœur serré, Hyoga s'approcha de celui de droite, où il avait reconnu la luxuriante chevelure de Shiryu, étalée comme un soleil noir sur la blancheur de l'oreiller. Le Dragon, les yeux clos, était pâle, mais sa respiration presque imperceptible était régulière. Son ami souleva doucement la couverture tiède, et serra les mâchoires lorsque ses yeux s'aimantèrent sur son bras droit, gelé jusqu'à l'os. Il savait que cette blessure drainait l'énergie de son ami ce bras glacé pompait la chaleur que générait désespérément le reste de son corps. Un éclat de colère étincela dans ses yeux d'un bleu d'acier, mais ce fut avec douceur qu'il remonta la couette.

Lorsqu'il se retourna, il ne reconnut pas de suite le visage exsangue qui émergeait d'une épaisse couche de fourrures. Les paupières violettes, les lèvres parme, les joues translucides, le vivant gisant de Nathalie était étendu de tout son long dans la position exacte où elle avait été disposée de longues heures auparavant. Le souffle coupé, Hyoga se pencha sur elle, à la quête d'une respiration si légère qu'il ne put la déceler. Il effleura sa pommette, plus saillante qu'une arête de granit, frémit en la sentant plus froide que du marbre. D'un mouvement fébrile, il glissa sa main sous les couvertures, et son cœur se décrocha lorsqu'il explora les draps glacés malgré les efforts d'une chaufferette de braise au pied du matelas. Il remonta jusqu'à son cou, posa ses doigts, et attendit longuement un pouls qui ne venait pas. Chaque seconde qui s'égrenait augmentait d'un cran la tension crispant sa main. Il se força à la patience, concentra toute ses facultés dans la pulpe de son index. Enfin, il devina une pulsation filante frémir sous la peau de glace. Il guetta anxieusement la suivante, qui survint enfin au bout d'une éternité, seule manifestation d'un cœur ralenti à l'extrême. A quoi bon ces couettes, qui emprisonnent et exploitent la tiédeur du corps humain, alors que ce corps brisé ne générait plus aucune chaleur ? Nathalie était prisonnière du zéro absolu.

Hyoga s'était redressé d'un bloc. Avec un dernier regard pour ses traits inertes, il se détourna et sortit de la pièce.

Si son périple pour trouver la chambre de ses amis avait été un véritable calvaire, celui à venir était bien plus long et il manquait de temps. D'un simple regard, il avait fait rassoir l'infirmière qui s'était levée lorsqu'il avait franchi la porte, et avait obtenu d'une question aussi courte qu'incisive ses renseignements. Etrangement, il marchait vite, d'un pas plus sûr, comme si le sentiment d'urgence avait bâillonné ses douleurs. Il se doutait qu'il payerait cher ce regain d'énergie, mais peu lui importait. Pour l'heure, son cœur battait à grand coup dans sa poitrine et déversait une adrénaline qui saturait ses cellules, cela lui suffisait.

Saori sursauta lorsque son chevalier poussa la porte de son bureau de fortune sans même prendre la peine de toquer. Freya, la jeune noble d'Asgard qu'elle avait prise pour aide de camps, se tourna avec un cri de surprise. La déesse leva les yeux de son travail, stupéfaite, et découvrit le visage pâle et cerné du Cygne. Elle avait été informée de son réveil, bien sûr, mais s'attendait à ce qu'il se rende au chevet de ses compagnons plutôt qu'auprès d'elle. Il avait une mine épouvantable, les cheveux encore collants de sueur et les traits tirés de fatigue, sans parler des ecchymoses qui tranchaient sur sa peau livide. Cependant, ses yeux bleus avaient l'éclat dur de l'acier et le transfiguraient d'une résolution plus inébranlable encore. Elle ne doutait pas qu'il aurait été capable de se battre à nouveau, même dans son état.

Il prit la parole avant qu'elle n'ait eût le temps de poser sa plume.

— Nathalie est en train de mourir de froid, et Shiryu risque de perdre son bras. Des couvertures ne serviront à rien contre le zéro absolu.

Le ton était dur, cassant, plus sans doute que le russe ne l'aurait voulu. Athéna ne s'en formalisa pas : elle savait que cette brutalité n'était pas emprunte de reproche, si ce n'était envers lui-même. Elle se redressa dans son fauteuil et l'observa en silence. Elle avait compris sa requête informulée : il fallait une grande quantité de cosmos pour réchauffer une victime d'un chevalier des glaces. Leur compagnons d'arme, même s'ils se réveillaient à temps, étaient trop épuisés pour la fournir sans y laisser la vie, un risque que Hyoga n'était pas prêt à prendre.

Saori ferma les yeux un instant : depuis la fin de la bataille, elle n'avait pas pris de repos. Bien qu'elle ait enduré un véritable supplice, attachée à la proue du navire d'Odin, dès que le grand prêtre avait été terrassé elle avait dû prendre les choses en main. Outre l'organisation des soins de ses chevaliers sur laquelle elle avait veillé personnellement, elle avait dû réunir en urgence les grands seigneurs du pays. En effet, la succession au trône risquait de mettre le feu aux poudres de ce système féodal impitoyable, et elle ne pouvait pas prendre le risque que le château soit pris d'assaut. En tant que vainqueur, elle avait temporairement pris la régence du royaume, et bien qu'elle ait l'intention de se retirer rapidement cela risquait d'attiser les tensions. Elle devait veiller au choix du nouveau souverain tout en jetant les bases d'une alliance entre Asgard et le Sanctuaire afin d'éviter que la guerre ne se reproduise. Elle avait donc reçu les nobles durant des heures, arbitrant d'âpres négociations politiques au bord de la querelle, et n'avait dû qu'à son charisme et sa diplomatie d'éviter que les débats ne tournent au massacre. Lorsqu'elle avait été interrompue, elle écrivait encore une lettre à un seigneur ayant refusé de se déplacer et dont elle craignait une offensive prochaine. Malgré l'énergie de façade à laquelle les circonstances la forçaient, elle était épuisée.

Lorsqu'elle se leva, ses pupilles violettes brillaient d'une évidente résolution. Il était hors de question qu'elle abandonne l'un de ses chevaliers.

— Très bien, allons-y.

Freya esquissa un geste pour la retenir.

— Athéna, attendez ! Vous êtes trop fatiguée, ce n'est pas raisonnable.

La jeune noble se tourna vers le guerrier qui se permettait de faire irruption ainsi et de réclamer à sa déesse un effort supplémentaire. Il se dressait, droit et impitoyable, le visage fermé. Ne voyait-il pas qu'Athéna tenait à peine debout ? Depuis des heures, elle essayait de la convaincre de prendre du repos, sans succès. Elle avait suivi, admirative, cette force de la nature prendre les décisions qui s'imposaient, écouter patiemment les doléances de nobles bornés, ne s'asseoir que pour reprendre la plume et le travail. Elle guettait anxieusement le moment où la fatigue la rattraperait et elle sentait que ce terme approchait.

— Elle a raison, Athéna. Je vais m'en occuper.

Freya sursauta. Dans l'embrasure de la porte restée ouverte, un jeune homme avait écouté en silence. Il s'était adossé au montant, plus pour soulager ses jambes meurtries que pour assurer sa contenance. Après un instant d'hésitation, elle reconnut la large stature du chevalier du Phénix.

Hyoga s'était brièvement tourné vers son ami. S'il fut soulagé de retrouver son compagnon d'arme vivant, il n'en laissa rien paraître, et ses traits gardèrent la dureté du diamant. Il remercia simplement son intervention d'un signe de tête. Ikki rendit le salut sans faire de remarque. Il savait que son camarade verrouillait son désarroi par cette attitude austère, et respectait sa volonté de gommer ses émotions derrière ce masque impassible. De toute façon, il ne prêtait pas beaucoup de valeur aux effusions.

Probablement que, passée la crise, le Cygne reviendrait vers lui quand il serait capable d'exprimer sa reconnaissance. Il serait bien cynique de lui en tenir rigueur lui qui traînait toujours le remord de s'être opposé à ses amis, il n'avait toujours pas trouvé les mots pour s'excuser auprès d'eux, ni même leur avouer l'amour profond qu'il leur portait. Les années passées sur l'île de la Reine Morte avaient dressé un barrage infranchissable dans sa gorge qu'il ne parvenait pas à faire céder. Son silence était souvent mal interprété, et cette incompréhension faisait saigner sa solitude. Il avait beau cacher cette faiblesse derrière un apparent détachement, son cœur bondissait au moindre danger qui menaçait ses camarades. Certes, il n'était pas là souvent, mais il était là quand on avait besoin de lui c'était la seule preuve d'amitié qu'il était capable de leur offrir. Lui vivant, il était hors de question que Nathalie meurt du zéro absolu de toute façon, s'il ne la réchauffait pas lui-même Shun se tuerait en essayant.

Pensive, Saori détaillait ses chevaliers. Bien qu'il essayât de donner le change, le Phénix était en aussi piètre état que le Cygne. Elle pesa le pour et le contre, avant de hocher la tête.

— Très bien. N'hésitez pas à venir me chercher.

Elle se rassit.

Lorsqu'elles furent seules, Freya attendit quelques minutes avant d'oser poser la question qui lui brûlait les lèvres.

— Comment peut-il accepter de faire courir ce risque à son compagnon ?

Athéna leva les yeux.

— Que veux-tu dire ?

— Pourquoi ne le fait-il pas lui-même ? Quel genre de guerrier accepte de mettre la vie d'autrui en jeu pour réparer ses erreurs ?

Elle n'avait pu dissimuler la révolte et le dégoût qui imprégnaient sa remarque. Saori secoua la tête tristement.

— Tu ne devrais pas le juger aussi facilement. Hyoga possède un cosmos de glace qui ne génère aucune chaleur. S'il l'avait pu, il aurait déjà donné sa vie pour sauver ne serait-ce que le bras de Shiryu.

La jeune fille s'empourpra de honte et baissa le nez sur son travail. Saori n'insista pas : le russe était difficile à déchiffrer pour qui ne le connaissait pas, et elle ne s'étonnait pas que Freya se méprenne sur son attitude glaciale. Elle se rappela avec une pointe de nostalgie l'énigme que lui avait paru être le Cygne lors de leur première rencontre, alors qu'à présent elle lisait en lui comme dans un livre ouvert.

Freya hésita un long moment avant de reprendre dans un murmure.

— Et vous, ne craignez-vous pas pour la vie du Phénix ?

Athéna sourit.

— Ikki est plein de ressources. Bien sûr, je me tiendrais prête à prendre le relais, mais sa cosmoénergie est parfaitement adaptée pour relever ce défi. Ça lui coûtera moins qu'à quelqu'un d'autre, et cela lui fera le plus grand bien de rembourser une partie de sa dette d'honneur.

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Nathalie baignait dans le néant de l'univers. Peu à peu, les constellations s'étaient fondues dans le lointain d'une noirceur abyssale. Les galaxies avaient disparu, délitées par le brouillard qui embrumait sa conscience. Son esprit résigné avait délaissé ses fantasmagories pour s'abandonner au naufrage de ses sens. Elle sombrait sans heurt au fond de reposantes ténèbres.

Des tréfonds de cet abîme, sa conscience somnolente dénota peu à peu un changement. Après le silence absolu de ses perceptions qui durait depuis des millénaires, elle eut la surprise de ressentir une vague de tiédeur caresser sa peau. La sensation, incongrue, avait le frisson excitant de l'inconnu pour ses sens amnésiques. Elle lui évoquait de très lointains souvenirs, mais malgré ses efforts elle ne pouvait attraper au vol les pensées qui papillonnaient autour de son esprit ensommeillé.

Il lui sembla s'élever lentement d'une mer de fumée alors pour deviner à nouveau les étoiles qui l'entouraient. Les nuées regagnèrent leur couleur chatoyante de galaxies, et elle retrouva son insignifiance humaine face à l'immensité du cosmos. Se fiant à son instinct, elle s'orienta vers un astre qui scintillait à des années-lumière. Sa lueur clignotante gagnait à chaque instant en éclat et semblait se rapprocher lentement, comme une barque fendant tranquillement l'océan immense des étoiles. Il grossissait avec régularité, gagna des proportions gargantuesques jusqu'à prétendre tutoyer le soleil. A quelques pas d'elle, Nathalie observait, étonnée, sa surface rougeoyante où tourbillonnait lentement des courants de lave en fusion. Malgré sa proximité affolante, sa chaleur était presque inexistante tant la jeune fille avait du mal à la percevoir, ankylosée par une éternité de glace.

Près de sa poitrine, la lueur frêle de sa petite flamme avait été éclipsée par la lumière crue de cette sphère bouillonnante. Lentement, une langue de feu s'étira paresseusement de cette boule d'énergie et vint effleurer la bougie qui charbonnait.

Son cri de douleur roula de longs échos dans l'infini sidéral : elle s'embrasait !

Elle était au cœur d'un bûcher. Une vague de chaleur avait brutalement déferlé sur elle, noyant tous ses sens d'une brûlure insoutenable. Un incendie dévorant ravageait chaque parcelle de son être, et elle ressentait avec une précision chirurgicale chacune de ses artérioles dessiner un réseau de feu sous sa peau écorchée vive. Son cœur, volcan en éruption, propulsait en douloureuses pulsations du plomb fondu dans ses veines qu'elle suivait à la trace jusqu'aux confins de son être, jusqu'à ses mains. Chaque coup dépassait d'un nouveau cran la limite de l'insupportable en profanant ses doigts déjà morts. Rapidement, la plaie vivante de son corps tout entier devint insignifiante à côté du supplice que subissait chacune de ses phalanges, une par une, tirée de la glace éternelle pour être plongée dans un lac de magma incandescent.

Nathalie hurlait. En elle s'ouvrait le sixième cercle de l'enfer.

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La douleur sourde et lancinante dans ses mains. La sensation floue d'être adossée contre quelque chose de chaud. La chape de plomb qui écrasait son corps.

Peu à peu, Nathalie captait de nouvelles sensations, en désordre, sans chercher à les décrypter. Son esprit fonctionnait avec une lenteur lamentable qu'elle n'essayait pas de brusquer. L'aurait-elle voulu, elle n'en aurait pas eu la force. Elle se contentait de recevoir ces perceptions, passive, trop épuisée pour s'attarder sur leur signification. Autour d'elle, elle devinait confusément une discussion, des voix qui s'emmêlaient, mais elle ne pouvait en discerner les mots.

Malgré son abattement, elle se sentait bien. Son corps était baigné d'une douce tiédeur, et si ce n'était ses mains, elle aurait pu se complaire dans cette anesthésie partielle de ses sens. Elle comprit peu à peu qu'elle était étendue sous de lourdes couvertures dont émergeait à peine son visage. Elle était lovée contre un objet moelleux d'où émanait une agréable chaleur. Ses mains, si douloureuses, étaient enveloppées d'une coque presque brûlante qui la soulageait autant qu'elle la faisait souffrir.

La jeune fille avait perdu notion du temps. Combien de minutes, combien d'heures passa-t-elle ainsi, à demi-éveillée, à la lisière du rêve et de la réalité ? Elle ne saurait le dire. Toutefois, lorsqu'elle sentit sa couche se mouvoir, elle ouvrit les yeux à demi, si peu qu'elle voyait le monde à travers la forêt de ses cils.

Elle était allongée dans un lit de plume, enterrée sous un monticule de fourrure. A demi-assis derrière elle, adossé à de volumineux oreillers, quelqu'un reposait, les yeux fermés. Elle était étendue sur son torse, le bassin calé entre ses jambes, le tronc enlacé par ses bras. Ses poings ankylosés se perdaient dans deux grandes mains bouillantes qui les englobaient comme un écrin.

Un élan de bonheur envahit son être, et elle ferma à nouveau les yeux. Elle avait reconnu la cosmoénergie où elle baignait, elle en prenait conscience, depuis si longtemps. Peu importait l'avant, peu importait l'après, seuls comptaient l'endomorphine qui saturait son corps et le bien-être solaire dont elle était inondée. Savourant ce contact dont elle le savait si avare, Nathalie se rendormit dans les bras d'Ikki.

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Merci d'avoir lu ! Heureusement, comme toujours on peut compter sur le Phénix pour sauver la situation... On envierait presque la place de Nathalie haha ! A la semaine prochaine pour la suite.