La semaine qui suivit fut particulièrement morose. Le contre-sort avait bien fonctionné et Storybrooke avait été rendue à sa petite vie tranquille. Aucun incident majeur n'avait eu lieu, à part quelques retombées du sort, pour la plupart des bagarres entre amants et conjoints abandonnés. Emma s'était donc ennuyée ferme au poste. L'enquête pour dégradation sur le logement du jeune trouple ne lui avait pris que quelques heures. Tout le reste avait consisté à s'assurer du suivi des délits du week-end précédent, ce qui sous-entendait beaucoup de paperasse alors qu'elle haïssait positivement cela. Ce peu d'activités lui avait laissé beaucoup trop de temps pour penser et bien inutilement en plus. Elle n'était pas plus avancée que la dernière fois qu'elle avait vu Regina et sa meilleure amie lui manquait terriblement. Quant à cette dernière, elle avait été un peu plus occupée. Il s'agissait de réparer tous les dégâts indirects du sort de Gold, causés au mobilier urbain principalement, et il y en avait un certain nombre. Elle s'en était réjouie, ayant besoin de s'oublier dans le travail pour ne pas penser à la blonde shériffe qui ne lui avait pas donné signe de vie de la semaine. Elle n'avait partagé aucun de ses déjeuners et n'était même pas venue pour la soirée cinéma du mercredi, à la grande déception d'Henry.
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Le vendredi arriva et, quand Regina apprit qu'Emma ne viendrait pas, elle se décommanda aussi. Elle n'avait pas envie de se retrouver avec toutes leurs amies sans elle, sentant que son absence serait d'autant plus pesante dans ces circonstances. La blonde était l'une des boute-en-train de leurs vendredis soirs. Elle savait qu'elle ne pourrait s'empêcher de la regretter et que cela nuirait à la bonne humeur de la soirée. Avouons également qu'elle ne se sentait pas l'envie de devoir seule assumer le feu roulant inévitable des questions et réactions à leur brûlante démonstration d'affection devant le lycée de la ville ou, pire encore, un silence forcé de sympathie attristée vues les suites de la dite-démonstration. Elle s'apprêta donc à passer une soirée solitaire dans son manoir vide, les garçons ayant chacun rejoint le domicile d'un camarade. Inutile en effet de les priver de cette joie d'avoir eux aussi leur petite soirée du vendredi, comme ils en avaient pris l'habitude chez des amis ou de la famille, sous prétexte qu'elle n'y aurait, elle, pas droit.
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La soirée se déroula donc ce soir-là sans deux de leurs piliers. Elle eut lieu pourtant, en grande partie à cause des piliers en question. Ruby et Mary-Margaret avaient rapidement mis toute la troupe au courant, dès leur sortie de la boutique de Gold. Qu'attendre d'autre des deux plus grosses commères de la ville ? Toujours est-il que toutes avaient pu se rendre compte tout au long de la semaine écoulée que le baiser ardent échangé entre leur maire et leur shériffe n'avait pas été suivi de la fin heureuse que toutes avaient espérée une fois le premier instant de surprise passé. Et même s'il ne leur venait pas à l'idée de se lancer dans une entreprise semblable aux opérations incongrues d'Henry, elles ne pouvaient cependant se résoudre à laisser les choses perdurer ainsi. Elles comptaient donc en discuter ensemble et voir s'il n'y avait pas un moyen ou un autre d'aider leurs deux amies à se retrouver, que ce soit dans leur amitié ou plus si affinités réelles. Et, plus elles y réfléchissaient, plus elles s'acheminaient vers la conclusion de l'évidence d'un lien sans doute beaucoup plus profond que toutes ne le pensaient au départ, y compris les principales intéressées.
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Elles étaient donc rassemblées chez Zelena, sans doute un peu plus sérieuses qu'à leur habitude mais décidées à user au mieux des heures à venir pour que leurs amies puissent enfin avoir une chance de vivre le grand amour.
- Bon, vous allez commencer par nous raconter un peu mieux tout ce qui s'est passé, toutes les deux, réclama Zelena à Mary-Margaret et Ruby.
- Ah non ! Ne compte pas sur moi ! J'ai des frissons dans le dos et des nausées à chaque fois que ces images me reviennent en tête, couina l'institutrice. D'ailleurs, je vais aller faire un petit tour dehors le temps que Ruby vous raconte.
- Rho, Mary, tu exagères un peu, non ? Je ne te connaissais pas si prude dans la Forêt enchantée, se moqua la louve.
- Oui, ben attends de voir ton bébé se faire dévorer la bouche en pleine rue ! Oh, je me sens pas bien. Je vais prendre l'air !
- Ah, la, la ! Bon, au moins, on ne risque pas de la faire pleurer comme ça. Vas-y, raconte, relança Tink.
- Bon, j'ai pas trop bien vu comment ça a commencé vu que j'étais un peu occupée à faire en sorte que des dizaines de lycéens ne s'écharpent pas. Mais quand elles se sont retrouvées dans mon angle de vue, elles étaient en train de s'embrasser. Et pas qu'un peu. C'était chaud bouillant !
- Elles ont vraiment fait ça devant les jeunes ? s'enquit Belle.
- T'inquiète, ils étaient occupés à bien autre chose qu'à les regarder. Et ça va, j'ai sauvé les meubles, je les ai interrompues avant que ça ne dérape trop.
- Quoi ? s'écria Kathryn. Mais jamais Regina ne pourrait faire cela !
- Oui, ben crois-moi, je ne sais pas si c'était le sort ou le charme indéniable de la Sauveuse mais notre reine avait totalement balancé ses bonnes manières par-dessus les moulins. Et la petite culotte aurait sûrement suivie sans mon intervention…
- Ha, ha , ha, je ne connaissais pas ce côté-là de ma petite sœur, commenta Zelena en riant aux éclats. Elle a bien fait de s'abstenir de venir ce soir, je ne l'aurais pas ratée.
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- Mais qu'est-ce qu'elles foutent alors ? s'énerva Zelena. Elles s'entendent super bien, si on omet les moments où elles se sautent pratiquement à la gorge mais on sait toutes qu'en fait elles adorent ça, et, vu ce que tu nous racontes, il ne semble pas y avoir de souci pour passer aux travaux pratiques. Alors pourquoi elles ne sont pas déjà ensemble ? Pourquoi elles s'évitent depuis des jours ?
- Là, il faut qu'on vous raconte ce qui s'est passé dans la boutique de mon mari, intervint Belle. Mais j'avoue que, même en y ayant assisté, ça ne me rend pas la chose plus claire pour autant.
- Vous croyez qu'on devrait dire à Mary de rentrer ? On en a fini avec la scène maudite, questionna Kathryn.
- Rho, non, laisse-la dehors, elle va encore couiner que c'est trop dur de voir son bébé souffrir comme ça sans rien pouvoir faire et se remettre à chialer, s'agaça Zelena. Qu'elle respire encore un peu, et nous aussi.
Belle fit le récit du passage dans la boutique d'antiquités. En bonne bibliothécaire amoureuse des mots qu'elle était, elle n'omit aucun détail, jusqu'aux plus petites expressions et émotions de tous les participants.
- Et c'est tout ? s'étonna Kathryn. Mais pourquoi Emma est partie ? Et pourquoi Regina se soucie de l'amour vrai ? Cela l'a toujours insupporté que les Charmant partagent cela.
- Je te rejoins, il y a plein de trucs que je ne comprends pas. C'est comme si on avait raté des épisodes, commenta Tink.
- Ouais, connaissant ma sœur et la Sauveuse, elles doivent surtout encore être en train de se faire des nœuds là où il n'y a pas lieu d'en faire.
- Vrai que quand il s'agit de se compliquer la vie, elles se posent là toutes les deux… soupira Ruby. On fait quoi alors ? Déjà, est-ce qu'on fait quelque chose ?
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- On devrait faire rentrer Mary-Margaret quand même, ce n'est pas sympa de la laisser dehors aussi longtemps, suggéra Belle.
- Pff, on sait tellement ce qu'elle va dire avec ses histoires de grand amour. Elle va encore vouloir s'en mêler et, avec ses gros sabots, ça va être un désastre, se plaignit Zelena.
- Mary, gueula Ruby, tu peux revenir !
- Ça y est, vous avez fini de tout raconter ?
- Non, Ruby doit encore nous préciser jusqu'à où Madame la maire a enfoncé sa langue dans la gorge de ta fille, ricana Zelena.
- Non, non, non, non, la, la, la, les oiseaux chantent, les fleurs sont belles, le soleil brille et mon bébé est une pure et tendre princesse.
- Une pure et tendre princesse qui a eu un gosse en prison à dix-sept ans et a failli se faire son ex-belle-grand-mère devant un parterre d'adolescents…
- Rho, Zelena, arrête, tu vas finir par la rendre définitivement cinglée un de ces quatre, dit Ruby, faussement fâchée et se retenant de rire, en donnant une tape sur le bras de la grande rousse.
- Allez, Mary-Margaret, remets-toi, elle plaisantait. On en était à se demander si on devait leur donner un coup de main. Et, si oui, lequel.
- Oh, bien sûr qu'il faut les aider. On va leur organiser une soirée en amoureuses, avec un bon repas, des fleurs, des chandelles…
- Et des merles chanteurs et quelques fées joufflues à la harpe tant que tu y es, lança Zelena.
- Oh, pourquoi pas, ce serait tellement romantique !
- Non mais, vraiment, Mary ? Tu vois Emma et Regina vivre ce genre de soirées ? Tu le fais exprès ou tu es vraiment tellement à côté de la plaque ? demanda Zelena hallucinée. Eh merde ! Désolée, ma faute, on avait réussi à éviter les grandes eaux ce soir jusqu'à maintenant…
- Bon, on oublie les trucs nunuches mais vu qu'elles n'y mettent vraiment pas du leur, il va quand même falloir trouver un moyen pour qu'elles se parlent, au minimum. Parce que, je ne sais pas pour vous, les filles, mais je suis sûre qu'elles peuvent être formidables ensemble mais qu'il va leur falloir un bon coup de pied au cul pour le réaliser.
- Je suis totalement d'accord avec toi, Ruby.
- On s'y met quand ? demanda Tink.
- Ça fait déjà presqu'une semaine donc je dirais dès demain. C'est le week-end, il faut en profiter, précisa Ruby. Mary-Margaret, tu en parles à David, qu'il passe prendre Henry et Roland demain matin pour un week-end en forêt. Comme ça, elles ne les auront plus dans les pattes et nous non plus. On a le week-end pour faire en sorte qu'elles se croisent un maximum de fois. Il y en aura bien une qui finira par céder.
- On devrait se faire un Whatsapp pour se coordonner plus facilement, proposa Tink.
- Très bonne idée, approuva Ruby.
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- Pff, je suis ravie qu'on fasse quelque chose mais je me sens tellement dans la peau d'Henry là que ça me file de l'urticaire, ajouta la louve une fois le groupe WhatsApp créé sous la charmante appellation de SaviorTheQueen dont Zelena s'était empressée d'expliquer le double-sens à Mary-Margaret.
- Hum, je partage ton sentiment mais il avait quand même raison sur un point, côté gestion des émotions, ma sœur et la Sauveuse en tiennent une sacrée couche et on ne va pas restées posées sur nos charmants postérieures à regarder couler le Titanic…
- Tout à fait d'accord ! Bon, il est encore tôt là, qui est d'accord pour un petit jeu et quelques verres ? proposa Tink.
- Je prends la bouteille de vodka, brailla Mary-Margaret, j'aimerais bien arriver à oublier pour quelques heures.
- Ben dis donc, tu vas faire quoi quand elles seront vraiment ensemble ? Tu vas détrôner Leroy pour la première place d'alcoolo de la ville ? persifla Zelena.
- Attends que ta fille arrive à l'adolescence et te ramène son premier flirt, rétorqua Mary-Margaret.
- Oh yeah, Snow est de retour ! Il était temps que tu te refasses un peu pousser les ovaires, chérie ! s'exclama Ruby.
- C'est ma fille, Mary, tu penses vraiment que ce sera une pure petite princesse ? S'il a de la chance, elle fera de ton deuxième petit chéri un homme !
- Tout ce que ça prouvera c'est que les femmes de ta famille sont incapables de résister aux Charmant !
- Tink, vas-y, fais péter le pop-corn ! hurla Ruby.
