[ Note de l'auteur : cette histoire est liée à mes deux autres fanfictions : Prométhée et Amphitrite. Ce chapitre peut-être comprit sans avoir lu ces 2 parties. Pour une meilleure compréhension, il vous suffira de retenir cette information : ici, Milo est le fils que la déesse Amphitrite, épouse légitime de Poséidon, a eu avec Amaranth ; un ancien chevalier d'or du scorpion. Il est donc lié à la mer et aux néréides par le sang. ]

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Sur l'île d'Andromède, le temps était chaud et sec. La température montait à plus de 50 degrés en plein cagnard. Aucune végétation ne pouvait y pousser. Le décor était façonné de roches rouges, de sable, et entouré d'un océan qui s'étendait à perte de vue dans un bleu royal. Venant juste d'arriver ; Milo suivait les trois chevaliers qui le menaient vers les habitants des lieux. Il ne portait plus son armure d'or, en revanche, il s'était vêtu d'une simple tunique blanche pour son jugement. Le scorpion avait chaud et transpirait. Pourtant, il restait habitué à la chaleur. Étant originaire de Grèce, il en fallait plus pour l'assommer.

— Nous ne sommes plus très loin, déclara la femme blonde. Je suis June, la nouvelle protectrice de l'île. Suite à ton passage ici, j'ai été désigné pour succéder à maître Albior.

— Où allez-vous me juger ? questionna Milo.

— Dans la zone qui nous sert d'arène de combat, expliqua June. Nous délibérerons de ton sort tous ensemble.

En revoyant l'île, des souvenirs de son passage lui revenaient en tête, ainsi qu'une pensée pour Aphrodite. Milo ne pouvait oublier ce qu'il s'était passé lors de sa mission ici ; le chevalier des poissons était venu à son aide par pure amitié. Lorsqu'il avait appris que le grand Pope avait envoyé Milo pour exécuter Albior, Aphrodite savait que celui-ci n'aurait jamais été capable d'aller jusqu'au bout. Tout simplement parce que le chevalier du scorpion ne tuait jamais sans véritables raisons, et Albior n'avait rien fait qui méritait la mort. Si Milo n'avait pas réalisé sa mission, le grand Pope lui aurait fait du mal, et Aphrodite ne voulait pas voir cela arriver. C'est pourquoi il avait envoyé une rose mortelle sur Albior pour sauver la vie de son ami. Milo n'avait pas réalisé combien Aphrodite tenait à lui, et en prenait doucement conscience. Car, le chevalier des poissons n'avait pas fait ce même geste pour Aiolia lorsqu'il devait récupérer l'armure du Sagittaire. Son intervention contre Albior était un pur acte d'amitié pour Milo, et cela, même si tuer un homme qui ne méritait pas un tel sort était contre ses principes. Peut-être même désirait-il épargner à Milo la douleur de commettre ce crime. C'était peut-être pour cette raison que Milo avait voulu prendre soin de ses rosiers après sa mort.

Je n'ai même pas pu te remercier, s'attrista Milo. Mais, je vais laver ton nom aujourd'hui, Aphrodite. Et payer ce crime. Pour toi, pour Saga. Pour nous.

Tout en continuant de suivre le trio, Milo réalisait qu'il ne faisait pas juste le deuil de Camus et de Saga. Il faisait aussi celui d'Aphrodite. Étant aussi un signe d'eau, il fallait dire qu'ils s'entendaient bien, même si leur amitié avait toujours été discrète au sanctuaire. Le chevalier des poissons passait pour un être cruel et superficiel aux premiers abords, pourtant, il s'inquiétait réellement pour ses compagnons et n'hésitait pas à risquer sa propre vie et son honneur pour veiller sur eux. Mais l'élément de leur signe n'était pas leur seul point commun : les deux hommes possédaient aussi un corps empoisonné. Et Milo était le seul chevalier du sanctuaire à pouvoir toucher Aphrodite et sentir son parfum sans s'évanouir : une véritable malédiction qui touchait tous les chevaliers du poisson. C'était peut-être la raison pour laquelle Aphrodite avait eu si peur de le perdre. Milo soupira. Aphrodite lui manquait. L'entendre parler de sa personne et de sa beauté lui manquait. Même son parfum fleuri lui manquait.

Tout en pensant, le Scorpion tentait de reprendre contenance. Il ne voulait pas montrer un visage misérable devant les habitants de l'île d'Andromède. Il garda la tête haute et tenta de passer par-dessus son chagrin. Ils arrivèrent vite dans une zone constituée de petites maisons taillées dans la pierre, et presque en ruines. Milo y posa son regard en constatant qu'il n'avait pas arrangé leurs états : ses aiguilles avaient brisé des vitres et fait quelques ravages dans les murs. Plusieurs jeunes y vivaient, et continuaient de s'y entrainer malgré l'absence de l'armure d'Andromède.

...

Pendant ce temps, le jet privé d'Athéna se posa non loin, dans une zone déserte. Les bronzes, la princesse ainsi qu'Aiolia en descendirent. Le major d'homme sortit le dernier pour les suivre, épongeant la sueur sur son crâne chauve. Il semblait être le seul ici à souffrir des hautes températures de l'île.

— Je vais essayer de leur parler, dit Shun en partant le premier pour le village. June est une amie en qui j'ai confiance. Je sais qu'elle m'écoutera.

— Si tu pouvais le sauver, fit Aiolia. Je t'en serais très reconnaissant. Nous avons déjà eu trop de pertes au sanctuaire.

Athéna tenta de retirer la poussière qui venait se coller à sa robe. Elle jeta un regard vers Seiya, Hyoga, Shiryu et Ikki qui l'escortaient de près. Ils n'étaient pas forcés de venir, mais la curiosité avait été la plus forte ; ils voulaient découvrir l'île où s'était entrainé Shun. Ils ne semblaient en revanche pas trop inquiets pour Milo, persuadés qu'Athéna empêcherait son exécution.

Ils retrouvèrent Milo dans l'arène, comme prévu. Il s'était assis dans un coin, à attendre que son sort soit délibéré. Le scorpion n'avait aucune intention de fuir ou se battre ; il accepterait le jugement qui lui serait rendu. Seule la justice comptait à ses yeux : et il voulait la donner aux habitants de l'île d'Andromède, en plus de laver l'honneur de ses amis. Tous étaient d'ailleurs présents. Ils discutaient avec June et débattaient du sort de Milo. Beaucoup ne semblaient pas d'accord, et si certains souhaitaient épargner sa vie, la plupart désiraient son exécution. Athéna se mêla vite au débat pour leur implorer leur pardon. Mais même Milo désirait payer son crime. Elle ne pouvait donc s'opposer aux demandes des habitants de l'île et de son propre chevalier d'or. Elle voulait respecter leur choix en jugeant que les motivations de Milo étaient honorables. C'est l'arrivée de Shun qui termina de mettre tout le monde d'accord. Son retour sur l'île semblait d'ailleurs combler June de joie.

— Tout va bien ? s'inquiéta Aiolia en arrivant devant Milo.

— J'ai très envie de manger des pâtes au sucre, admit le Scorpion.

— Quoi ? hoqueta Aiolia en grimaçant.

— J'ai pensé que j'aurais peut-être droit à un dernier repas. C'est bizarre de penser à un plat pareil avant de mourir, hein ?

— Ne dis pas de bêtises, tu ne vas pas mourir. Pas aujourd'hui.

— Je suis désolé, Aiolia, s'excusa Milo. Je leur ai promis la justice. S'ils souhaitent m'exécuter, alors, j'accepte mon sort. J'ai participé à l'assassinat d'Albior, je dois répondre de ce crime.

— Ce n'est pas de la justice, gronda Aiolia. Te tuer serait de la vengeance. Tu n'as pas tué Albior, c'est Aphrodite qui l'a fait sous les ordres de Saga. C'est injuste. Saga m'a déjà pris mon frère, je ne le laisserais pas te prendre aussi. Et surtout pas de cette façon.

Milo souleva un sourcil intrigué. Il ne comprenait pas pourquoi Aiolia se donnait tant de mal pour le sauver.

— Je suis d'accord, dit June qui avait entendu la conversation. Je pense aussi qu'une exécution serait injuste. Cependant, Milo avait le choix de refuser cette mission. Nous tous ici souhaitons que la justice soit rendue à maître Albior. Nous avons donc convenu d'une idée qui donnerait peut-être une chance à Milo de rester en vie.

— Une idée ? s'intrigua Aiolia.

— Ils veulent attacher Milo au rocher d'Andromède, avec mes chaines, répondit Shun d'un air désolé. Ils veulent lui faire passer l'épreuve que j'ai dû endurer pour obtenir mon armure. Mais comme elle m'appartient, Milo n'a aucune chance de s'en sortir. La mer va l'engloutir, et il va se noyer.

— Je ne vois qu'un seul miracle qui puisse le sauver, dit June. D'après la légende d'Andromède, la princesse était attachée à un rocher, nue, pour être offerte au monstre marin de Poséidon ; Cétos. Sa vie a été sauvée par Persée, qui avait été enfermé dans un coffre et jeté dans les flots pour échapper à la mort. Elle l'a ensuite épousé, pour le récompenser de son geste. Si Milo attire la compassion des dieux, tout comme Andromède a eu celle de Percée, alors, il s'en sortira peut-être.

— Athéna pourrait prier et protéger Milo ? demanda Aiolia.

— Eu... je vais pas devoir me mettre à poil, si ? réagit Milo.

— J'étais habillé pour mon épreuve, le rassura Shun.

— Tu seras nu comme le veut la légende, dit June. Tu auras juste droit à un tissu pour le bas, si tu le souhaites. En revanche, il serait trop facile pour toi de survivre si Athéna se mettait à prier pour ton sort. Tu devras subir ton châtiment sans les prières d'Athéna, tout comme Andromède.

— Je l'accepte, dit Milo.

— Quoi ? gémit Aiolia en tournant la tête vers la déesse. Non... princesse Saori, ne laissez pas faire ça... c'est inhumain !

— Cela m'attriste, répondit Athéna. Mais je dois respecter la décision de Milo et des habitants de l'île. Le roi des mers veillera peut-être sur lui. Nous n'avons pas d'autres solutions si le sanctuaire veut se racheter pour le crime d'Albior. Milo est un chevalier avec un grand cœur. Il fait preuve d'amour, de compassion et de bonté envers les élèves d'Albior. Il fait cela aussi pour le sanctuaire, et pour ses camarades tombés au combat. Son geste est noble. Je suis certaine que cela le sauvera.

Aiolia n'en était pas convaincu. Il avait l'impression qu'Athéna allait laisser Milo mourir tout comme pour les autres chevaliers d'or. Il avait beau l'aimer et la vénérer de toutes ses forces, une soudaine lutte contre la colère l'envahissait. Il commençait à en vouloir à Saori pour ne pas chercher à sauver Milo, et cela le déchirait de l'intérieur. Car, il savait qu'il n'avait pas le droit de ressentir de tels sentiments envers elle. De plus, Aiolia ne voyait rien d'autre dans cette punition qu'un désire de vengeance à assouvir. Et Milo en était la victime. Lui, qui se battait réellement pour la justice, se sentait révolté de l'intérieur.

Elle ne va quand même pas... elle ne va quand même pas le laisser à son sort ! s'horrifia Aiolia. Mon frère a donné sa vie pour elle. Est-ce que la vie de Milo, la mienne, et celle de tous nos compagnons ont si peu d'importance à ses yeux ?

Le lion était tendu. Il en tremblait presque tout en se sentant mal pour ressentir autant d'émotions négatives envers sa déesse. La main de Seiya se posa alors sur son avant-bras. Ses doigts se resserrèrent autour de son poignet. Le contact avec l'adolescent eut un effet apaisant sur Aiolia qui se calma après quelques secondes. Le lion avait eu le même regard que le jour où il avait retrouvé l'armure du Sagittaire ; en affrontant Seiya. Et le jeune Pégase avait reconnu dans ses yeux cette même confusion. Un regard rempli de douleur, de colère et de questionnements.

— Nous aurions pu proposer un combat pour régler ça, sourit Seiya pour le réconforter. Nous aurions pu régler ça à coups de poing, mais Milo ne veut pas de violences ; il estime qu'il y en a déjà eu bien assez ici. Et Shun est du même avis. Tous les deux, ils se ressemblent plus qu'ils en ont l'air. Leurs capacités à ressentir de la compassion et de l'empathie pour les autres, c'est ce qui fait leur force. Et c'est ce qui a permis à Shun d'être choisi par Andromède.

— C'est vrai, admit Aiolia. Milo n'aime pas tuer, tout comme Shun. S'il peut épargner une vie, il le fera. Il est bien loin de l'image du scorpion cruel qu'on peut se faire.

— Je ne peux que témoigner, approuva Hyoga à côté. Mis à part Shun, je n'avais connu aucun autre chevalier capable de faire preuve d'autant de compassion. J'ai vu cette facette de lui au temple du scorpion ; en voyant pourquoi je me battais, il avait refusé de me prendre la vie. Je comprends pourquoi maître Camus tenait à lui.

— Athéna souhaite respecter la volonté de Milo, dit Seiya dans un sourire. S'il avait besoin de son aide, elle aurait prié pour lui. N'oublions pas qu'il est chevalier d'or, il va réussir cette épreuve haut la main. Nous devons avoir confiance en notre déesse. Et tu peux avoir confiance en Milo qui souhaite juste apaiser le chagrin des habitants de cette île.

— Vous avez raison, chuchota presque Aiolia.

...

Milo partait déjà vers le rocher d'Andromède, suivit par Aiolia et June. Tous les trois s'étaient isolés pour avoir un peu d'intimité, pour que Milo puisse se préparer. Il retira un à un tous ses habits et récupéra un léger voile en lin pour le nouer autour de la taille, histoire de cacher un peu toute la zone sous ses hanches. Il dévoila un corps musclé et bronzé sous le soleil grec. 15 petites cicatrices parcouraient son torse en formant la constellation de son signe. Elles étaient d'ordinaire discrètes, mais ressortaient sous la lumière du soleil. Aiolia lui adressa un regard inquiet et triste, tout en récupérant un à un les habits du scorpion.

— J'aurais même pas le temps de manger un truc, soupira Milo en donnant son dernier habit à Aiolia. Enfin, c'est pas grave... tu n'auras qu'à balancer mes fringues si je ne survis pas.

— Milo, je... Aiolia bafouilla tout en contemplant les cicatrices étoilées sur son corps.

Le lion semblait hésitant, il cherchait ses mots. Milo voyait les traits de son visage se crisper. Le scorpion ne savait pas trop quoi faire, d'autant plus qu'il devait déjà descendre pour aller se faire enchainer à un rocher. Shun l'attendait un peu plus loin avec ses chaines.

— Ils attendent, annonça Milo. Merci de t'être soucié de moi ces derniers jours.

Aiolia attrapa la main de Milo alors qu'il commençait à suivre June. Il le tira vers lui d'un geste sec, et le rapprocha de lui. Milo ouvrit des yeux surpris en sentant la soudaine pression sur son bras. Les doigts d'Aiolia s'étaient resserrés sur sa peau.

— S'il te plaît, ne meurs pas, murmura Aiolia d'une voix presque suppliante.

— Le soleil t'aurait-il trop tapé sur la tête ? lâcha Milo d'un air confus.

— La disparition d'Aiolos m'a laissé un immense vide. Je me suis retrouvé isolé, rejeté par tout le sanctuaire. Je n'ai pas pu me lier d'amitié avec Shura après ce qu'il avait fait. Bien sûr, j'ai eu quelques amies chez les femmes chevaliers, mais... ce n'est pas pareil. Je ne vis pas avec elles. Tu es la première personne avec qui je peux espérer me sentir proche et en qui trouver un compagnon de vie. Milo j'ai... j'ai besoin de toi. Ne me laisse pas.

Milo ouvrit de grands yeux étonnés devant les paroles du lion. Sa voix était sincère et tremblante. Sa gorge serrée. Aiolia n'avait pas l'habitude de s'exprimer ainsi, à cœur ouvert. C'était la première fois que le scorpion le voyait dans un tel état, et cela lui déchirait le cœur. Il n'avait pas réalisé combien Aiolia s'était senti seul toutes ces années. Il se rendait compte de la triste réalité ; Aiolia avait plus besoin de lui qu'il n'avait eu besoin du lion. Maintenant, il se retrouvait confronté au désespoir de son compagnon qui cherchait son affection. Bien que ses attentes étaient un peu confuses. Milo ne savait pas trop s'il cherchait un frère, un ami... ou encore autre chose en lui.

— On... on en reparlera après, chaton, bafouilla Milo en tentant de récupérer sa main. Reprends-toi. On dirait que tu vas perdre ton poisson rouge.

Milo eut beaucoup de mal à le quitter. Aiolia ne voulait pas desserrer sa prise. Le scorpion retrouva ensuite June et Shun sur le rebord d'une falaise d'où un escalier était visible dans la pierre : il donnait sur la mer et menait vers les deux grands rochers d'Andromède. Aiolia l'observait de loin. Milo n'avait même pas besoin de se retourner pour sentir toute la tristesse du lion sur ses épaules. Toutes les fois où Aiolia avait tenté d'obtenir son attention au sanctuaire lui revenaient à l'esprit. Milo se souvenait de chaque petite provocation de sa part, de ses taquineries qui parfois, lui coûtaient les foudres de Camus. Milo réalisait que ces mots étaient des appels à l'aide. Des demandes d'attention de sa part pour briser sa solitude. Le scorpion se sentait soudainement idiot pour n'avoir rien remarqué. Et mal, pour ne pas avoir pu l'aider plus tôt. Et la situation lui était d'autant plus perturbante qu'Aiolia avait complètement changé de comportement avec lui depuis qu'ils étaient devenus un binôme.

...

Milo continuait sa marche jusqu'en bas des escaliers. La marée était basse et il pouvait accéder aux rochers d'Andromède. Les deux étaient placés l'un à côté de l'autre comme deux piliers. Shun le suivait de près, ainsi que Hyoga qui voulait accompagner Milo dans cette épreuve. Tous deux avançaient avec un air maussade au visage. Ils n'avaient visiblement aucune envie de faire subir ce châtiment à Milo. Mais il le devait, à la demande de celui-ci et de ses anciens camarades. Une fois Milo entre les deux piliers, Shun libéra sa chaine qui s'anima toute seule comme un être vivant. Il la laissa s'enrouler autour des membres de Milo : passant par ses bras, sa gorge, ses jambes et autour de son ventre. Le scorpion eut une grimace douloureuse en sentant ses liens se resserrer autour de lui comme un serpent. Il se retrouva enchainé aux deux rochers, et ne pouvait plus rien faire d'autre qu'attendre que la marée monte. Le moindre mouvement lui était devenu compliqué, voire impossible.

— Je suis désolé, ce n'est pas très agréable, s'excusa Shun qui n'avait aucun contrôle sur sa chaine. Tu arrives à respirer ?

— Je dirais que ça va, répondit Milo. C'est plus la marée montante qui m'inquiète. La noyade n'est pas vraiment la fin qui m'enchante le plus.

— C'est une fin épouvantable, admit Hyoga qui repensait à sa mère. Après avoir perdu maître Camus, devoir te perdre aussi me peine beaucoup. Tu aurais eu sûrement beaucoup à m'apprendre.

— Tout comme Camus, je veillerais sur toi, sourit Milo.

— Tu sais... tu n'étais pas obligé d'accepter, dit Shun. Tu n'es pas forcé de mourir ici. Ils m'ont demandé de garder l'armure d'Andromède durant tout le supplice. Elle ne pourra même pas te venir en aide. Tu peux encore refuser ce sacrifice et trouver une autre solution.

— Je fais cela pour ton maître, et pour le sanctuaire, dit Milo. J'espère que mon acte vous permettra à tes amis et toi de faire votre deuil.

Shun le remercia tout en contenant difficilement sa tristesse. Hyoga et lui retournèrent ensuite sur les hauteurs, près de leurs compagnons qui observaient le spectacle. Athéna se trouvait là, avec Aiolia, Seiya et les autres bronzes, ainsi que June et ses élèves. Ils restèrent quelques minutes avant de se disperser ;

— L'attente risque d'être longue, déclara June. Venez dans mon humble demeure pour boire quelque chose. La mer sera haute qu'en fin d'après-midi, et Milo aura toute la nuit pour essayer de se libérer de ses liens.

Seiya, Shiryu, Hyoga, Shun et Ikki acceptèrent de la suivre, et partirent prendre un rafraichissement. Mais Aiolia et Athéna préféraient rester face aux deux piliers, à veiller sur Milo qui attendait que la mer vienne le prendre. La déesse aurait aimé prier pour l'accompagner, mais elle ne pouvait pas. Elle se contenta de le réconforter par sa simple présence. Ainsi, elle consolait aussi Aiolia qui ne resterait pas seul durant ce moment.

Au bout d'une heure, Seiya quitta la maison de June, alors que ses amis continuaient de discuter avec elle. Il alla s'asseoir à côté d'Aiolia et Athéna qui continuaient d'observer le supplice de Milo. L'eau continuait de monter, et recouvrait maintenant le scorpion jusqu'à son torse. La position était inconfortable pour lui, ses bras et ses jambes lui faisaient mal à cause des chaines qui continuaient de le serrer. Aiolia avait de la peine en le voyant ainsi, et luttait contre son désir de descendre le libérer. Seiya tenta de lui parler un peu pour l'aider à passer ce moment. Mais, la discussion était compliquée. Le lion ne détachait pas son regard de Milo et répondait difficilement lorsqu'il lui adressait quelques mots. Le Pégase n'insista pas. Il comprenait sa tristesse. Si un de ses amis avait été dans cette situation, lui-même aurait voulu se jeter à l'eau pour aller à son aide.

— Je n'avais jamais vu Aiolia comme ça, s'inquiéta Seiya devant son comportement.

— Ces derniers jours ont été difficiles pour les chevaliers d'or, répondit Athéna. Et je n'ai pas été en mesure de m'occuper d'eux comme je le devrais. Je me suis tant occupé de vous, que je n'ai pas pu remplir correctement mon rôle de déesse auprès d'eux.

— Ils ont peut-être juste besoin de vacances, proposa Seiya. Ils restent toute la journée dans leurs temples. Ça doit être grisant.

— Mais c'est une merveilleuse idée, Seiya, approuva Athéna dans un sourire. Un peu de repos chasserait leurs tourments. Notre fondation a plusieurs hôtels de luxe. Je pourrais les envoyer quelques jours là-bas. Il y a la paix en ce moment, et je vis surtout au Japon. Alors, j'imagine que leur absence au temple ne sera pas trop gênante.

Aiolia n'écoutait que d'une oreille. L'eau continuait de monter et Milo commençait à disparaitre dans les vagues. Le lion n'avait pas envie de vacances ni d'un séjour dans un hôtel de luxe. Tout ce qu'il voulait dans l'instant, c'était de voir Milo avec la vie sauve. Il souhaitait juste qu'un dieu puisse avoir pitié de lui et le sauver. Sa gorge se nouait un peu plus lorsque le scorpion disparut sous l'eau, quelques minutes plus tard. Aiolia tremblait en cherchant le cosmos de son compagnon. Son énergie était maintenant sa seule indication sur son état. Aiolia resta accroché à cette aura bleue qui brillait, et la fixait comme une flamme qui menaçait de s'éteindre. La mâchoire serrée, Aiolia espérait qu'il s'en sorte.

Sous la mer, Milo ne se sentait pas fier. Il était toujours dans une position inconfortable à cause des chaines d'Andromède, et tentait comme il pouvait de retenir sa respiration. Il avait très peur du moment où il avalerait de l'eau. Il fit briller son cosmos comme il pouvait pour tenter de se redonner des forces et lutter. Mais même un chevalier d'or ne pouvait rester sans respirer. Pour son plus grand étonnement, l'eau qu'il avala la minute d'après ne le tua pas. La sensation était très désagréable au début, mais chaque inspiration lui apportait de l'oxygène comme s'il avait été un poisson. Milo se sentait confus et ne comprenait pas le phénomène. Une seule explication lui venait en tête : Athéna était en train de le protéger avec ses prières. Mais il se souvenait qu'elle ne pouvait pas l'aider. Il était donc impossible qu'elle le maintienne en vie. Tout en se questionnant, Milo continuait à faire briller son cosmos aussi fort que possible. Une douce lumière bleue se dégageait de lui et semblait se mélanger avec l'eau de mer.

C'est vraiment bizarre, pensa Milo en regardant tout autour de lui. Qui est en train de me protéger ? Si ce n'est pas Athéna... qui ?

Son aura bleutée attira une présence au bout de quelques minutes. Une silhouette se dessina doucement dans les fonds marins et se glissa entre les rochers. Il semblait curieux, mais méfiant. Milo le remarqua vite et plissa des yeux pour tenter de voir son visiteur... son sauveur ? Son cosmos aquatique continuait de briller et semblait l'attirer.

Après une hésitation, l'ombre s'avança pour dévoiler son corps : un homme que Milo pensait connaitre. Il était torse nu et portait un pantalon cousu dans une matière qui rappelait des écailles de poisson. Milo eut une expression affolée en découvrant le visiteur qui s'approchait de lui. Il croyait voir un fantôme. Cet homme avait de longs cheveux bleus, et un visage angélique qui se faisait très sérieux. Milo n'arrivait pas à le croire, cet homme était identique à Saga. Kanon se trouvait face à lui, mais Milo ne réalisait pas qu'il s'agissait du jumeau perdu. Il était persuadé que cet homme était Saga. Il en resta tétanisé, et se demandait s'il n'était pas mort. Ou alors, Saga était peut-être en train de le protéger ? Était-il son bienfaiteur qui veillait sur lui depuis l'autre monde ? De son côté, Kanon continuait de s'approcher, jusqu'à atteindre Milo. Il attrapa les chaines pour les examiner, et tenta de tirer dessus avant de comprendre qu'elles étaient liées à une armure d'Athéna.

— Tu t'es perdu ? demanda Kanon qui semblait prendre Milo pour un habitant des mers.

— Sa... Saga, bafouillait Milo qui arrivait à dire quelques mots sous l'eau. Saga... Tu... Tu es venu pour moi ?

Le prénom de son frère eut un effet d'électrochoc sur Kanon. Le marinas se recula brutalement en dévisageant Milo. Il avait l'air terrorisé et hésita à partir. Saga le hantait encore, et il ne voulait pas prendre le risque de tomber dessus. Si Milo connaissait son frère, Kanon supposait que Saga n'était pas bien loin. Car, il ignorait que celui-ci était mort.

— Saga, ne pars pas... s'il te plaît... ne pars pas...

Kanon eut une expression désolée en écoutant Milo gémir. Les yeux du scorpion se brouillaient de larmes malgré qu'il soit sous l'eau. Le marina devinait que Milo aimait énormément son frère, un sentiment sincère et pur. Cela le rendait un peu amer, il aurait aimé qu'on l'aime de cette façon. Cependant, au lieu de fuir, Kanon utilisa les pouvoirs des gémeaux pour briser la chaine d'Andromède. La tristesse de Milo le touchait, et Kanon ne pouvait se résoudre à l'abandonner à son sort comme son frère avait pu le faire avec lui.

— Tu es libre... marmonna le marina.

Milo eut à peine le temps de se dégager de ses liens, que Kanon avait déjà disparu. Milo resta un moment à observer les fonds marins, persuadé d'avoir eu la visite de Saga. Au lieu de remonter à la surface, Milo l'appela à s'en déchirer la voix. Hélas, seuls les poissons entendaient ses pleurs que l'océan étouffait.