Chapitre 37
-Que voulez-vous dire !? Que s'est-il passé !? S'étouffa presque Midnight, pendant que l'ambassadeur se leva.
-Des assassins se sont introduits dans ses appartements, mais avant que nos soldats sur place ne puissent leur retirer des informations, ils se sont donnés la mort.
Trop abasourdis, personne ne rajouta rien et laissa ainsi le silence perdurer de longues secondes. Mais l'instinct de soldat du bicolore fut plus fort, et celui-ci dit :
-Monsieur ? Quels sont les ordres ?
L'ambassadeur expira longuement. Il semblait porter tout sur ses épaules, et Shoto eut réellement de la peine pour lui en se rendant compte que l'homme n'aurait même pas eu un moment pour pleurer.
-Nous… Nous sommes les premiers à savoir. Selon les protocoles grecs, nous avons une semaine d'avance sur l'annonce officielle. Nous devons mettre ce temps à profit. Je ne suis pas dupe, je sais qui est derrière tout ceci, et je ne compte pas fermer une énième fois les yeux. Enji Todoroki pense avoir eu une longueur d'avance sur nous, mais nous allons le prendre de revers et agir par surprise. Soldat Shinso, prévenez tous nos légionnaires et centurions en couverture, ils doivent se préparer aux combats. Commandant Libra ?
-Oui monsieur ! Shoto se mit en garde à vous.
-Vous avez une semaine pour renverser le trône de l'Empereur. Nous, citoyens grecs, allons envahir l'Empire romain.
-Mon frère ! As-tu perdu l'esprit ? Envahir Rome, c'est du suicide !
-Pas si nous agissons rapidement. Tu vas envoyer des missives à tous tes soldats infiltrés, et les faire revenir à Rome. D'ici une semaine, il y aura plus de soldats grecs que romains à Rome. Je précise ici que mon objectif n'est pas de soumettre l'Italie, je veux simplement que ces dirigeants soient destitués. N'importe qui ferait un meilleur Empereur qu'eux. Si après les avoir défaits, nous rassurons le gouvernement que la Grèce ne compte pas envahir l'Italie, et que notre nation aura d'autres problèmes en perspective maintenant que son Empereur est mort, ils ne devraient pas y avoir de guerre totale.
Midnight commença à faire des allés retours dans le bureau, elle déclara :
-C'est hypothétique, tu te bases sur des probabilités ! La Grèce et l'Italie sont depuis trop longtemps sous tensions. Je doute que le gouvernement romain acceptera de t'écouter.
-Ils n'auront pas le choix. Ils sauront ce qu'ils risqueront, surtout si nous détenons Rome. La voix de l'ambassadeur était plus calme. Comme à l'accoutumé, il semblait parfaitement savoir ce qu'il faisait.
-Et comment peux-tu espérer que nos soldats puissent infiltrer le palais facilement ? Approcher l'Empereur est impossible ! Jamais ils n'y parviendront !
-Et je pense que tu as oublié qui j'ai nommé comme Tribunus Cohortis de l'armée auxiliaire grecque. Le commerçant se tourna vers son commandant et ordonna : Vous n'avez pas le droit à l'erreur.
Shoto fixa son supérieur sans ciller et se mit en garde-à-vous. Midnight répliqua :
-Et nous ? Que faisons-nous ?
L'homme regarda sa sœur :
-Tu dois retourner en Grèce, et avec ton mari stabiliser le gouvernement. Quoi qu'il se passe, je serai de retour à Athènes dans deux semaines, et j'assurerai l'intérim jusqu'à ce qu'un nouvel Empereur soit élu. La Dame hocha doucement la tête. Il termina : Bien, vous pouvez tous disposer. Nous avons un Empereur à pleurer.
Shoto arrêta son garde à vous, et salua la Dame d'une inclination qui sortit du bureau suivit du légionnaire en uniforme romain. Les deux hommes maintenant seuls, le bicolore demanda :
-Pourrais-je savoir qui vous a informé de ce qu'il s'était passé ?
-Pourquoi voulez-vous le savoir ?
-Je veux simplement savoir qui a eu le courage suffisant pour vous faire face et vous annoncer cela. Et je voudrais le remercier.
L'ambassadeur fixa Shoto pour le sonder. Et en ne voyant qu'une sincérité noble, il dit simplement :
-Natsuo Todoroki.
Étrangement, Shoto ne fut pas surpris. Il s'inclina simplement, puis sortit de la pièce avec dans les yeux une détermination marquée au fer rouge.
*…*
Les visages se tournèrent sur le passage du commandant dans les quartiers de l'armée impériale. L'hostilité qu'exprimait les soldats ne freina pas Shoto qui se sentait tout de même en terrain ennemi.
Il restait deux jours au temps imparti que lui avait donné l'ambassadeur. Il avait monté un plan complet avec l'aide de ses centurions qui avaient transmis chaque détail à leur soldat. Il ne restait plus qu'une seule chose à faire, et sans laquelle rien ne pourrait-être accompli. L'incertitude était de mise, et c'est en voyant la cause de sa venue que le commandant en fut certain.
-Eh bien, eh bien, le Tribunus Cohortis Libra en visite chez l'ennemi. C'est qu'il est bien téméraire.
-Monoma, toujours un déplaisir de vous voir, répondit nonchalamment Libra.
Neito Monoma affichait comme à l'accoutumé, une expression fière et hautaine. C'était une chose qui n'avait pas manqué à Shoto. Avec un sourire, le légionnaire répliqua :
-Je suppose que vous êtes ici pour vous entretenir avec moi. Je me dis qu'il serait défavorable pour vous de me froisser.
-Nous n'avons jamais été cordiales entre nous, je trouve cela déplacé de changer mes habitudes pour une simple faveur.
Monoma sonda le commandant pour ensuite lui indiquer l'extérieur de la tête :
-Et si nous allions discuter ailleurs ?
Le bicolore hocha la tête et suivit le soldat blond jusqu'aux écuries. L'endroit était désert, et Shoto lui en fut reconnaissant.
-Vous avez l'air d'avoir rapidement compris quelle était la nature de ma visite.
-Je ne suis pas sot. Et je sais quelles rumeurs planent sur Rome. Pour tout vous dire, j'attendais votre venue. Si c'est pour vous assurer que les rumeurs ne se répandront pas, je ne peux rien pour vous. Pétrie d'assurance, Monoma regardait Shoto avec orgueil.
Mais le bicolore ne se démonta pas :
-Je ne suis pas venue ici pour vous demander de contrôler des dires déjà connus par tous. Ce n'est pas de votre capacité à éveiller les foules dont j'ai besoin, mais du soldat. Celui qui a accès au palais, et qui peut y faire entrer n'importe qui.
-Vous… Monoma se stoppa en comprenant où il voulait en venir. Et à son étonnement, le légionnaire ricana : Vous êtes d'une arrogance Libra, c'est risible. Vous espérez vraiment que je vais accepter de vous laisser entrer au palais ?
Il commença à se diriger vers la sortie lorsque Shoto lui barra la route.
-Je sais ce que vous pensez de moi Monoma, et vous savez aussi ce que je pense de vous. Mais aujourd'hui, je vous demande de l'aide. Pas pour moi, mais pour Rome. J'ai beau exécrer votre personne cela n'empêche pas que j'ai conscience de la loyauté que vous avez envers votre patrie. Vous êtes intelligent, et vous savez que Rome court à sa perte avec l'Empereur aux commandes, car en plus de sa cupidité, il compte nommer son aîné comme successeur. Toya Todoroki ruinera l'Empire, à vrai dire, il a déjà commencé. Mais nous pouvons stopper ce qu'il a mis en marche. Monoma, battez-vous à mes côtés. Aidez-nous à protéger notre terre.
-Notre terre ? Quelle parole employez-vous Libra ? Vous qui avez pris parti de la Grèce. Ceux qui seront à nos portes, souhaitant anéantir notre tranquillité. Rome est mon chez-moi, jamais je ne me battrai contre elle.
-Ne me dites pas que vous aussi vous voyez la Grèce comme un ennemi. N'est-ce pas vos supérieurs même qui vous ont implanté cette vision ? Puis, que les choses soient claires, nous ne nous battrons pas contre Rome, mais contre ceux qui ont prétendu si longtemps la protéger et la guider. Rome n'est qu'une ville. Ce qui fait véritablement sa force, c'est son peuple. Et c'est eux que je vous demande de défendre aujourd'hui. Le gouvernement romain a misé sur sa toute-puissance, et a agi avec barbarie. Vous connaissez la vérité Monoma ! Vous savez ce qu'ils ont fait ! Ce qu'il a fait !
Monoma détourna le regard avec un sourire renfrogné :
-C'est donc de cela qu'il est question ? Dame Yaoyorozu en a envoûté plus d'un, Libra. Je suis étonné que son dévolu se soit jeté sur vous.
-Cette action parle d'elle-même. L'Héritier ruinera Rome. Tout comme moi, vous en êtes conscient.
-Et vous pensez qu'une destitution forcée arrangera les choses ? La Grèce nous envahira et là, Rome sombrera. Au moins avec les Todoroki, l'Italie gardera son indépendance.
Avec véhémence Shoto cria presque :
-L'Italie ne sera qu'anarchie ! Et croyez-moi, la Grèce a bien mieux à faire que de s'occuper du gouvernement romain !
-Que voulez-vous dire ?
Le commandant regretta aussitôt son emportement. Pourtant il se reprit en se disant que tout était bon pour convaincre le légionnaire de l'aider.
-L'Empereur de Grèce a été assassiné par l'Empereur romain. Les yeux de Monoma s'exorbitèrent, et le bicolore fut satisfait de changer son expression si condescendante à l'accoutumé. L'information n'a pas encore été transmise au peuple grec, mais ça ne saurait tarder. C'est pourquoi j'ai besoin de vous dans les plus brefs délais. Mes soldats et moi devons infiltrer le palais. Personne ne saura que c'est vous, et je peux vous assurer sur tout ce que je possède que nous ferons tout pour éviter la guerre.
Shoto comprit très bien que son interlocuteur réfléchissait réellement à sa proposition. Le dilemme semblait le tirailler de deux côtés, et une réponse ne vint qu'après plusieurs secondes :
-Je ne peux vous faire confiance Libra, mais je sais que jamais vous n'iriez jusqu'à inventer pareille chose. Je sais aussi que ce secret révélé est une démonstration de bonne volonté. Après un autre silence, il termina : Bien Libra, je vous ferai entrer au palais. Cependant, il est hors de question que je me batte à vos côtés. Et il est clair que je ne le fais pas une seule seconde pour vous. Je le fais pour assurer la paix à Rome. Uniquement pour cela.
Ils se sondèrent l'un l'autre, puis hochèrent la tête pour sceller leur accord silencieux. Le plan de l'armée grecque se finalisait enfin, et l'échéance arrivait à grand pas.
*…*
Shoto observait la nuit avec un regard concentré. Il se remémorait inlassablement le plan qu'ils avaient mis en place, car enfin le grand jour était arrivé. Tous les espions s'étaient rassemblés à Rome et il ne manquait plus que l'ordre du bicolore pour que tous se mette en route vers le palais impérial. Chaque soldat portait un uniforme, mais dépourvu de l'armoirie grecque. L'invasion ne devait pas donner une mauvaise image de la Grèce. L'Empire devait être vu comme un sauveur plutôt qu'un ennemi.
Shoto tourna la tête sur le côté et aperçut Fumikage et Mezo à la forge. Ils étaient les premiers arrivés au castrum, deux jours après le meurtre de l'Empereur grec. Ils avaient été d'un soutien énorme, et à aucun moment n'avaient été indiscrets sur les derniers événements survenus. Cette attention avait permis au commandant de se concentrer pleinement à la tâche qu'on lui avait confiée.
Momo effleurait régulièrement son esprit, qu'il tenait tout de même occupé avec les préparations. Il ne l'avait pas revue, ni elle, ni sa suivante. Et même si le manque l'étreignait, il savait que c'était pour le mieux.
Son fil de pensée fut coupé par ses amis d'enfance, qui se postèrent de part et d'autre de leur commandant.
-Je suis légèrement nostalgique. Dire qu'il y a quelques années, nous nous entraînions dans la forge d'All Might. Et aujourd'hui nous allons envahir le palais de l'Empereur.
Katsuki ricana pour se moquer d'Izuku :
-Nostalgique ? Comment peux-tu être nostalgique de ce temps ? Nous étions si faibles, si rachitiques. Je n'éprouve aucun attachement à cette époque.
-Et pourtant, tout était si simple en ce temps.
Les deux centurions hochèrent positivement la tête. Shoto avait parfaitement raison. Tous les souvenirs liés aux dernières années refirent surface, et un sourire se greffa à leur bouche.
-Plus simple peut-être, mais indéniablement moins amusant. Qui aurait pu imaginer que nous prendrions d'assaut les dirigeants romains ? Nous resterons gravés dans l'histoire mes amis, en tant que traîtres ou héros.
Ils profitèrent du silence, conscient que l'un d'eux pouvaient tomber au combat à tout instant.
-Vous êtes prêt mes amis ? Demanda le bicolore.
-J'ai embrassé Eri et Ochaco avant de les quitter. Je n'ai jamais été si prêt, répondit Izuku.
-Et toi ?
Katsuki ne mit qu'une seconde à déclarer :
-J'ai embrassé mon cassis et la bouteille que Mina m'a offerte à mon anniversaire avant de les quitter. Je n'ai jamais été si prêt.
Les trois rirent ensemble de longues secondes, ne ressentant à présent que légèreté. Puis, enfin, Shoto se tourna vers la horde de soldats en position et en garde-à-vous. La concentration et la détermination brulaient dans les yeux de chacun, et avec entrain, Shoto haussa le ton :
-Soldat de la liberté ! Êtes-vous prêts !
Des cris retentirent dans les hauteurs de la ville. Des cris motivés par la loyauté, le courage et la camaraderie. Le commandant eut un sourire et sentit une présence derrière lui.
-Cela me rappelle des souvenirs. Je comprends tes sentiments mon garçon. Je les comprends parfaitement.
Shoto se tourna pour observer son mentor :
-L'uniforme vous sied à merveille.
-Je ne l'ai pas porté depuis plus de vingt-ans. Je me sens mal à l'aise.
Le bicolore vint poser sa main sur l'épaule de l'ancien gladiateur :
-N'y pensez plus, des choses bien plus importantes vous attentent. Vous savez ce que vous avez à faire ?
Yagi hocha la tête :
-La boucle doit-être bouclée. Il est temps que mon combat contre Endeavor se termine.
-Voilà ce que je voulais entendre.
-Et toi ? Que feras-tu pendant que je me confronterai à l'Empereur ? Shoto hésita. Mais son hésitation confirma ce que soupçonnait déjà Yagi. Sois prudent mon garçon. Mais surtout, ne laisse pas ta colère te guider. Tu es bien plus que de la haine. Mène tes soldats correctement, et réussis cette mission à la perfection. Remémore-toi tout ce que je ta mère et moi-même t'avons enseigné. Et gagne. Gagne de la bonne manière.
Étrangement, Shoto se sentit redevenir enfant de nouveau. Les conseils de son mentor lui réchauffèrent le cœur, et pour montrer sa reconnaissance, il s'inclina longuement en disant :
-Vous avez été pour Katsuki, Izuku et moi un merveilleux mentor. Et pour ma mère, un merveilleux ami. Je suis reconnaissant qu'elle vous ait eu, et de ce que vous avez fait pour nous. Merci monsieur Yagi.
Après encore quelques secondes, Shoto se releva et sourit en voyant une larme sur le visage de l'homme. Le commandant revêtit ensuite son expression sérieuse.
-Commandant ? Demanda Mirio Togata, le premier centurion de la cohorte grecque.
Shoto hocha la tête et déclara à tous :
-Discrétion, discipline, efficacité. Préparez-vous à l'attaque.
