Résumé: Tandis que Severus regrette déjà leur voyage de noces et que Lucius prend Mark, son ancien mignon, à son service pour gérer sa fortune, Harry savoure sa vie avec ses deux amants. Mais depuis la naissance épineuse de Scorpius, sa relation avec le bébé est difficile et la question de la paternité le tourmente à nouveau. En secret, il a fait don de son sperme à Luna et Padma pour assouvir leur désir d'enfant, mais il se sent de plus en plus incapable de faire partie de la vie de cet enfant à venir.
Un grand merci à tous ceux qui ont commenté, aimé ou suivi le premier chapitre! et aussi à tous ceux qui ont lu, tout simplement ;)
Notez qu'on commence un peu chaudement. Ne lisez pas les pages qui suivent dans les transports en commun ou avec votre grand-mère qui louche sur votre téléphone! ^^
Harry posa sa plume et s'étira longuement, décontractant ses épaules crispées par plusieurs heures de travail et d'écriture. Peut-être qu'il devrait songer à acheter une plume automatique et simplement lui dicter ce qu'il voulait écrire... Lucius serait certainement de bon conseil à ce sujet, mais Harry aimait malgré tout le tracé et la calligraphie que procurait une plume manuelle. Même s'il était sans doute le seul à pouvoir se relire !
Il roula ensemble tous les parchemins qu'il venait de remplir et rangea le tout dans le secrétaire de la Bibliothèque qui lui était personnel. Un coup d'œil sur la pendule lui apprit qu'il était presque dix-huit heures, Severus n'allait pas tarder à rentrer de la Librairie. Mais Lucius était là sans doute, du moins il n'avait pas prévenu qu'il avait une quelconque réunion, et ça faisait bien longtemps que Harry ne lui avait pas rendu une petite visite intéressée dans son bureau...
Il frappa à la porte malgré tout, se méfiant de la présence éventuelle de Mark. Depuis qu'il travaillait pour Lucius, celui-ci était certes plus libre et plus disponible, mais la présence du jeune homme au Manoir était parfois contrariante... Voire franchement agaçante quand Mark venait en dehors des jours prévus pour finir un travail ou se pencher plus longuement sur un dossier. Mais en ouvrant la porte, Harry ne vit que Lucius, seul, et qui l'accueillit par un sourire détendu.
Vraiment, se décharger d'une partie de ses responsabilités lui avait fait du bien et Harry était plus que ravi de retrouver un peu de légèreté dans cette maison. Même Severus ne parvenait pas à nier l'amélioration notable de leur vie quotidienne !
Rapidement, il s'avança vers l'aristocrate et tira son fauteuil pour pouvoir s'asseoir sur ses genoux. Ces petites entrées en matière, directes, fébriles, lui avaient manqué. Et les lèvres de Lucius, qui répondirent immédiatement à son baiser, lui prouvèrent qu'il n'était pas le seul. Les mains de son amant saisirent ses hanches pour le rapprocher le plus près possible de lui et Harry se rendit compte qu'il gémissait déjà, perdu dans ce baiser plein de désir. Mais il voulait plus. Tellement plus.
Harry avait glissé ses bras autour du cou de l'aristocrate tandis que leurs langues s'entremêlaient dans une danse passionnée. Il avait chaud, si chaud... et tellement envie. Au moins autant que Lucius dont les mains pétrissaient ses fesses, et s'il n'y avait pas eu une épaisseur de tissu entre elles, il était certain qu'un ou deux doigts se seraient déjà insinués à l'intérieur de lui.
Contre son bas-ventre, Harry sentait celui de Lucius, gonflé par une belle érection, et il faufila sa main pour le caresser à travers son pantalon. Le grondement sourd qu'émit l'aristocrate signifiait son désir tout autant que son insatisfaction. Précipitamment, il lâcha les fesses de Harry pour venir défaire les boutons de sa braguette tandis que son regard devenait licencieux.
– Suce-moi !
Avec un sourire narquois, Harry secoua lentement la tête avant de murmurer :
– L'antichambre...
Lucius poussa un gémissement désespéré devant ce refus qui augmentait sa frustration.
– Suce-moi d'abord.
– Ça fait partie des négociations, mon chéri..., gloussa Harry en continuant à caresser mollement son amant pour maintenir son exaspération.
S'il n'avait pas eu autant envie de le baiser, Lucius l'aurait sans doute bien étripé sur place, mais il savait aussi qu'à ce petit jeu-là, il ne gagnerait pas. Et puis au final, il aurait bien plus qu'une simple fellation. L'aristocrate finit par hocher la tête et Harry les fit tous les deux transplaner près de leur lit.
– Déshabille-toi, fit Lucius en disparaissant dans l'antichambre. Mais je te préviens que tu vas me le payer !
Frémissant d'impatience tout autant que d'inquiétude, Harry retira rapidement pantalon, pull et sous-vêtement pour se mettre à genoux sur le sol au bord du lit, nu, les cuisses droites et le torse allongé sur les draps. Cette position, impudique à souhait, le fit sourire en attendant le retour de Lucius mais il savait qu'il allait rapidement grimacer.
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Lorsque Harry avait découvert les joies de l'antichambre avec Lucius, la situation avait failli devenir problématique. La découverte de ces pratiques et de ses propres réactions l'avait fasciné, son besoin d'être touché avait atteint des proportions immenses, il avait voulu tester toutes les sensations, toutes les douleurs, toutes les façons d'être attaché, maintenu, contraint, enfermé dans les limites de son propre corps, de se réapproprier ses sens, ses perceptions, son plaisir, la manière dont son corps vibrait, frissonnait, tremblait ou se raidissait sous la douleur ou le plaisir. Cette recherche de sensations était devenue rapidement boulimique, au point que Lucius avait mis un frein drastique à leurs séances, les espaçant au moins le temps que les marques disparaissent.
À présent, Harry comprenait mieux Severus qui cherchait l'exaltation de la douleur et l'apaisement qui la suivait. Lui, pour le plus grand bonheur de Lucius, aimait mieux être attaché. Le plaisir des cordes, de la posture, de la contrainte maintenue jusqu'à ce qu'il perçoive chaque muscle et chaque articulation dans le moindre détail, chaque nerf qui hurlait sa souffrance et son étirement... Et faire l'amour – être baisé – dans ces positions-là...
Dans la douleur, il ne trouvait pas de réel plaisir, pas comme c'était le cas pour Severus, de toute évidence; mais il appréciait le fait de redécouvrir son corps, de ressentir des endroits ordinairement neutres, qui ne lui apportaient aucune sensation particulière et qui, tout d'un coup, se réveillaient, brûlaient, vivaient sous le feu des coups de canne ou de fouet et définissaient une nouvelle frontière de son corps.
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Même plus espacées dans le temps, les séances commençaient toujours de la même manière : par des négociations sur ce que Harry acceptait pendant la séance. Cela lui permettait d'aiguiller Lucius sur ce dont il avait envie, tout en lui concédant certaines choses malgré tout. La mise en bouche rituelle était de vingt coups de canne en rotin, que Harry parvenait laborieusement à faire diminuer en échange de certaines pratiques. Il tolérait « facilement » cinq coups de cette badine vicieuse qui ornait ses fesses de furieuses marques rouges, mais les suivants devenaient rapidement très difficiles, et passé dix coups, il retenait difficilement ses gémissements, voire ses cris si Lucius frappait vraiment fort. Et vu son agacement en montant, Harry avait intérêt à négocier habilement... Ce qui revenait à dire qu'il allait concéder beaucoup...
Avec sans doute un sourire alléché sur les lèvres, Lucius vint s'asseoir sur le lit à côté de lui, jouant distraitement avec sa canne blonde qui le faisait déjà frémir. La partie s'annonçait serrée.
– Moins un pour m'attacher, attaqua Harry. Et moins un pour te sucer.
– Moins un pour te suspendre...
– Moins un pour me baiser dans cette position-là.
Pour l'instant, il n'avait concédé que des choses qui lui convenaient bien. Et on en était à seize...
– Moins un pour utiliser un jouet, fit Lucius avec un petit sourire dans la voix.
Harry frémit en se demandant ce que l'aristocrate avait en tête. Ce n'était pas fréquent qu'il ait envie de se servir d'objets au lieu de son propre sexe ou de ses doigts pour le pénétrer et cela cachait sans doute une envie très précise. Mais cela faisait quinze...
– Moins deux si la suspension dépasse vingt minutes, proposa-t-il.
Lucius jouerait sans doute plus longtemps avec lui, mais cela lui garantissait une position moins difficile. Pas de posture trop contraignante, pas de sollicitations des articulations... et Lucius serait particulièrement vigilant au placement de ses cordes et à ses réactions.
– Moins un si je peux attacher n'importe quelle partie de ton corps...
Cachant son visage souriant dans les draps, Harry se mordit la lèvre. Il savait ce que cela signifiait : Lucius ne se contenterait pas d'immobiliser ses bras et ses jambes ou de l'obliger à prendre une position particulière. Il allait sans doute aussi vouloir jouer avec son sexe et ses bourses. Mais il avait besoin de faire diminuer encore les coups de canne préliminaires.
– Ça vaut au moins deux, essaya-t-il.
– C'est un peu exagéré, sourit Lucius. On était à treize avec les vingt minutes de suspension. Je propose moins trois si je peux attacher n'importe quelle partie de ton corps et utiliser la canne pendant la suspension. Mais je promets d'être raisonnable.
Ce qui ferait dix... C'était encore beaucoup mais Harry avait déjà beaucoup cédé à Lucius. Le jouet, les liens sur les parties intimes, la canne... Mais autant de choses qu'ils pratiquaient peu et qui lui faisaient diablement envie malgré son inquiétude. Il en frémissait d'impatience tout autant que cela lui donnait des sueurs froides, et sans même le vouloir, il avait cambré le dos pour exposer encore davantage ses fesses. Et son sexe dressé et comprimé contre le bord du lit vibrait d'excitation.
– Quatre pour le tout, tenta-t-il. Ce qui fait neuf.
– Va pour neuf, fit Lucius bon seigneur en se levant. Mais je n'ai pas promis d'être raisonnable sur ces neuf-là.
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Serrant les dents à l'avance, Harry laissa échapper un soupir d'inquiétude tout en creusant les reins. Le simple sifflement de la baguette de rotin qui fendait l'air tandis que Lucius jouait avec, lui nouait le ventre d'appréhension. Et l'aristocrate était si vicieux qu'il allait faire durer le plaisir de l'attente jusqu'à ce qu'il se mette à trembler ou à gémir en attendant le premier coup.
Dans ces moments-là, le souvenir de la douleur était loin, presque oublié; la sensation cuisante, la brûlure, la souffrance qui fait instinctivement fuir le coup paraissaient irréelles. Harry savait qu'il allait avoir mal, sans parvenir à se souvenir concrètement, à se représenter ce qu'était cette douleur. Si ce n'était qu'il la redoutait.
La canne qui s'abattit sur le drap juste à côté de lui le fit sursauter de surprise et son cœur s'emballa. Aussitôt, la canne s'abattit sur ses fesses et la brûlure était telle qu'il crut une seconde sa peau déchirée par le coup. Il avait oublié... mais il savait aussi que Lucius n'avait pas frappé si fort que ça, en comparaison de ce qu'il pouvait faire, et que de toute façon, la sensation serait de pire en pire à mesure des coups. Plus que huit...
Le deuxième fut bien plus puissant et Harry passa directement du gémissement au cri, serrant les poings sur les draps et crispé contre le bord du lit. Il s'était presque recroquevillé sous la douleur et les muscles de ses fesses, contractés sans parvenir à se détendre, devaient être un spectacle charmant pour le regard de Lucius. Sans parler des deux belles traces rouges qui devaient les orner... Mais Merlin ! Il mit de longues secondes à cesser de trembler et à reprendre sa position. Sept comme ça, il ne tiendrait jamais...
Le troisième coup vint en fendant l'air, appuyé en travers des deux autres, mais Harry avait déjà l'impression que ses fesses entières le brûlaient d'un feu inextinguible. Peut-être aurait-il dû céder d'autres choses... ou mieux négocier celles qu'il avait acceptées. Mais c'était trop tard... Au moins, il pouvait reconnaître que Lucius lui laissait le temps de récupérer entre chaque coup de canne. S'ils s'étaient succédé trop rapidement, il n'aurait jamais pu tenir.
Un bruit sec qui n'était pas celui du rotin sur ses fesses ou sur le lit lui fit prêter une oreille attentive tout en gardant les yeux fermés. Peut-être Severus était-il déjà rentré ? Ce serait plutôt un soulagement... Il était rarement présent pendant leurs séances, et surtout au début pendant la séance de canne. Mais Harry avait déjà remarqué que Lucius avait tendance à être plus clément en sa présence, et ses coups étaient moins marqués.
Cependant, il ne percevait aucun bruit. Lucius avait de toute évidence jeté un sortilège de silence, ce qui ne collait pas avec l'arrivée de son amant : vis à vis de Severus, Lucius n'avait rien à cacher. Au bout de quelques instants, le sortilège cessa et la voix dure de l'aristocrate lui parvint :
– Je viens de recevoir un message dont le hibou attend la réponse. Ne bouge pas de là et ne fais pas un mouvement. Je te garantis que je n'en ai pas pour longtemps !
Les pas rapides et contrariés de Lucius s'éloignèrent tandis que Harry soufflait en se décontractant. Ses fesses le brûlaient et il avait juste envie d'y poser les mains pour y apporter un peu de fraîcheur. Et aussi pour tâter sa peau : s'assurer qu'elle était intacte et palper les gonflements qu'il devinait déjà. Et il n'y avait eu que trois coups... Sur neuf.
Mais Lucius avait exigé qu'il ne bouge pas d'un millimètre et cela aussi faisait partie du jeu. En souriant, Harry se demanda si l'aristocrate avait laissé un quelconque sortilège de surveillance pour vérifier son obéissance, mais il en doutait. Il avait toujours aimé quand Lucius se montrait autoritaire en matière de sexe et rien que cela suffisait à raviver et à maintenir son désir émoussé par la douleur.
Malgré cela, la situation le contrariait légèrement. Si elle lui permettait un peu de répit, elle les éloignait de cette ambiance particulière qui avait commencé par un baiser fiévreux dans le bureau de Lucius et qui était censée se poursuivre par des cordes et du sexe dans l'antichambre. Et en imaginant que la nouvelle soit mauvaise et que Lucius ne souhaite pas continuer, Harry aurait pris trois coups de canne en rotin pour rien ! Oh que non ! S'il ne voulait pas continuer, ce serait à déduire sur une prochaine séance. Surtout vu la douleur du deuxième coup !
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Moins de cinq minutes plus tard, Lucius pénétra de nouveau dans la chambre, légèrement agacé par cette interruption venue refroidir leurs ardeurs. Heureusement, il n'avait pas été long et son sang ne fit qu'un tour lorsqu'il aperçut à nouveau Harry, à genoux au bord du lit, à demi allongé sur les draps et les fesses en l'air. Il n'avait sans doute pas bougé depuis son départ, et en contournant le baldaquin, Lucius frémit devant le petit sourire gourmand qui ornait son visage aux yeux clos. Il attendait son retour, sans doute fébrile, peut-être encore excité malgré tout...
En approchant, Lucius écarquilla légèrement les yeux. Merlin, il n'y avait pas été de main morte ! Les cinq minutes d'interruption avaient laissé le temps aux marques de bien apparaître, et malgré la peau couleur miel de Harry, les traces des trois coups étaient parfaitement visibles. L'une, plus appuyée que les autres, était même violacée au point de paraître sanglante.
Lucius se mordit la lèvre en tendant la main pour effleurer les fesses de son amant qui gémit au moment où il le toucha. Severus allait être furieux ! Du bout du doigt, il suivit la marque la plus sombre, s'assurant que le sang ne perlait pas, tandis que Harry gémissait de plus belle en creusant les reins. Mais ces gémissements n'avaient assurément rien de douloureux.
– Harry... Je suis désolé...
– Ah non ! grogna le jeune homme avec une grimace dépitée. Ne me dis pas que tu ne veux plus et que j'ai pris trois coups de canne pour rien !
Lucius laissa échapper un petit rire devant la frustration de son amant. Harry aimait les cordes autant que lui et la perspective, même sans fondement, d'en être privé le faisait ronchonner allégrement. Ils s'accordaient déjà si peu souvent ce plaisir...
– Je n'ai jamais dit ça, sourit-il en caressant les fesses brûlantes. Mais tu es déjà bien marqué et je te fais grâce des coups de canne restants.
– À ce point ? ricana Harry. Et si je ne suis pas d'accord ?
Sa main blanche sur la peau couleur miel s'immobilisa brusquement et Lucius sentit un long frisson parcourir son bas-ventre tandis que son érection reprenait vie doucement. Harry voulait vraiment continuer là où ils en étaient ?
– Pas d'accord pour quoi ? fit-il d'une voix rauque.
– Un contrat est un contrat, non ? susurra Harry avec un sourire licencieux. On en était à trois...
Pour un peu, Lucius en venait à croire que son amant aimait vraiment ça. Les coups de canne avaient pourtant toujours été son petit privilège en guise d'entrée en matière. Lucius aimait cet instrument, sa simplicité dépouillée et pourtant si efficace, son bruit lorsque la canne fendait l'air ou s'abattait sur la peau, sa morsure redoutable. Et Harry avait toujours accepté, pas pour la douleur en elle-même, mais parce qu'il aimait sans doute toute la symbolique derrière, sa position nue et offerte, impudique à souhait, cette attente qui lui laissait le temps de savourer son désir, le plaisir qu'il lui offrait ainsi avant de trouver tous les deux le leur dans les cordes... Mais de là à réclamer les coups de canne manquants !
Et si Harry avait dit cela simplement pour l'exciter, il avait parfaitement atteint son but ! En contemplant le spectacle de son amant à genoux, les fesses exposées et zébrées de rouge, ce corps si affriolant qui attendait son plaisir de sa main, Lucius se sentait ivre de désir. Harry était si beau... Merlin, qu'il était beau ! Abîmé, meurtri, couturé de cicatrices, et cependant son corps dégageait une puissance irrésistible qui le fascinait bien au-delà du raisonnable.
Il était pourtant si différent de Severus dont la taille, la carrure et le regard sombre imposaient la force tranquille. Harry était plus petit, mais tout aussi musclé; au point d'en paraître presque noueux et plus explosif. Son corps possédait quelque chose de très félin et souvent, il lui faisait penser à une bête traquée, acculée dans un coin, et qui se ramasse sur elle-même pour se préparer à bondir. Et cette énergie dense, condensée dans ce corps qui préférait s'offrir que prendre, le fascinait.
Lentement, sous le regard de ces yeux émeraudes provocants, Lucius reprit la canne qu'il avait abandonnée sur le lit et caressa une dernière fois la peau si douce des fesses de son amant.
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Harry était toujours à genoux mais cette fois, ils avaient traversé la pièce pour poursuivre leur séance dans l'antichambre. Du bout de sa baguette, Lucius dessinait sur la peau de son amant le chemin que suivraient les cordes lorsqu'il prononcerait le sortilège : deux séries de quatre cordes sur le torse, espacées de quelques centimètres, celles qui maintiendraient les bras en position dans son dos, liés l'un contre l'autre, celles qui prendraient le bassin et le haut des cuisses en évitant les plis de l'aine...
Malgré les apparences, Harry était souple tout en étant musclé, et Lucius pouvait vraiment réaliser presque n'importe quelle position, même en suspension. Les seules contraintes auxquelles il devait faire attention étaient de ne pas maintenir les bras de son amant pliés à l'excès, surtout dans son dos, car Harry perdait rapidement la sensibilité de ses mains, et éviter de faire passer les cordes sur une cicatrice qu'il avait sur le flanc et qui restait particulièrement sensible. Pour le reste, Lucius était libre de jouer et il ne s'en privait pas.
Une fois les cordes apparues, il les resserra lentement, ajustant précisément leur tension et vérifiant avec soin les endroits où elles passaient. Les cordes principales, qui supporteraient son poids, et les secondaires qui servaient à parfaire sa position... Puis il aida Harry à s'allonger à plat ventre sur le tapis pour attacher chaque jambe complètement repliée sur elle-même, le mollet collé contre la cuisse. Lucius passa sa main sur les zones libres de toute corde, caressant la peau frissonnante... Harry était sublime.
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Lucius passa une dernière corde de suspension autour de la corde principale qui reliait celles du torse à celles du bassin et des cuisses, puis d'un geste de baguette, il hissa lentement son amant à un mètre du sol. La traction forçait Harry à creuser légèrement le dos et les reins, dévoilant encore davantage la puissance de son torse et de ses cuisses. Le maillage noir sur sa peau dorée était de toute beauté, rehaussée par de légères traces de sueur qui la faisaient briller par endroits. La position ne devait pourtant pas être très douloureuse – Lucius s'était assuré de pouvoir prendre son temps pour jouer – mais la situation excitait toujours Harry de façon intense. Il n'en avait pourtant pas fini avec lui.
Lucius fit lentement le tour de ce corps contraint et suspendu dans les airs, appréciant la courbure de son dos, les bras liés en arrière qui ne pouvaient se défaire, les cuisses si puissantes et si impuissantes à la fois... Mais le regard de son amant qui semblait se délecter du plaisir qu'il lui offrait était de trop.
D'un sortilège, il aveugla Harry qui redressa la tête en souriant malgré tout :
– On n'avait pas négocié ça, il me semble...
– Tais-toi donc, railla Lucius. Ça fait partie de la base, il n'y a rien à négocier du tout. Et de toute façon, tu n'es pas en position de négocier quoi que ce soit...
S'ils avaient bien été au bout des neuf coups de canne convenus au départ, il s'était montré particulièrement clément, presque trop, et c'était plutôt Harry qui lui devait une faveur. Et ainsi captif et aveugle, il était diablement désirable. Par-dessus son pantalon, Lucius se caressa quelques secondes. Il était malgré tout prêt à attendre et à différer son plaisir physique pour goûter encore et encore ce spectacle si affolant sous ses yeux.
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– Ouvre la bouche, murmura Lucius.
Harry s'attendait sans doute à ce qu'il lui demande de le sucer, mais pas à cet objet qui franchissait ses lèvres, comme le prouvait son sursaut et ses sourcils haussés de surprise.
– Ouvre.
Lucius n'avait encore jamais utilisé cet objet sur Harry et il se demanda ce que le jeune homme en devinait. Au froid et à sa dureté, il avait certainement compris qu'il s'agissait de métal, et sa forme entre le cône et l'œuf l'aiguillait sans doute sur son usage. Mais il n'en devinait certainement pas la tige courbée qui le prolongeait, ni l'anneau à son extrémité.
Lucius lui fit sucer quelques instants ce jouet intriguant, puis il fit le tour du corps de Harry pour le présenter à l'entrée de ses fesses. Le sourire sur les lèvres de son amant disparut rapidement pour laisser place à une bouche ouverte emplie de gémissements, à mesure que Lucius enfonçait lentement l'objet. Captivé, il regardait les chairs s'entrouvrir peu à peu, accepter cette intrusion si délectable pour enfin céder et capturer « l'œuf » en leur sein. C'était gros, mais pas autant que le sexe de Severus, et Harry poussa un râle de plaisir lorsque l'objet fut en lui. Ne restait plus apparente que cette tige recourbée qui passait entre ses fesses et dont l'anneau reposait au creux de ses reins.
À l'aide d'un sortilège, Lucius attacha les cheveux mi-longs de Harry puis les relia par une fine cordelette à l'anneau, raccourcissant lentement la longueur de corde jusqu'à ce que Harry soit obligé de tenir sa tête droite, puis renversée en arrière. La traction entre son anus et ses cheveux le maintiendrait ainsi jusqu'à ce qu'il en décide autrement. Avec un léger sourire, Lucius se caressa à nouveau. Avec Severus, il ne pouvait pas faire cela, ou du moins, pas avec ses cheveux, bien trop courts pour ce genre d'attache. Et puis Severus n'appréciait pas plus que cela les jouets ou être attaché... mais Harry était si ouvert à toutes les expériences.
Lucius déboutonna son pantalon et cette fois, ce fut son sexe qu'il présenta devant les lèvres de Harry, qui s'empressa d'ouvrir la bouche pour l'accueillir. Seulement, avec la traction qui maintenait sa tête en arrière, il ne pouvait faire aucun mouvement et Lucius était libre de s'enfoncer dans cette bouche et dans cette gorge si délectables. Il laissa Harry se servir de ses lèvres et de sa langue quelques instants, puis entreprit des mouvements de va-et-vient mesurés.
C'était si bon. Ce visage sur lequel il passait ses mains, cette gorge qu'il caressait, ces cheveux dans lesquels il enfouissait ses doigts... et savoir que Harry ressentait chaque esquisse de mouvement jusque dans ses chairs les plus profondes... Ces gémissements, ces bruits de succion...
Lucius savait que Harry n'appréciait pas qu'il aille trop loin – que ce soit dans sa gorge ou dans son cul d'ailleurs – mais pendant quelques secondes, il s'en fichait, pris dans un plaisir indescriptible. Merlin que c'était bon ! Mais il était hors de question de se laisser aller trop vite, et Lucius se calma lentement, modérant ses mouvements jusqu'à quitter les lèvres de Harry.
Heureusement, avec Severus, il n'avait pas besoin de faire attention. Il aimait certainement beaucoup moins de choses que Harry, mais il tolérait sans problème la longueur de son sexe où que ce soit en lui. Ils se complétaient si bien...
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Reprenant sa baguette, Lucius tendit davantage la corde de suspension, faisant grimper le corps de Harry à hauteur de ses yeux. Les lèvres et le bas du visage de son amant étaient maculés de salive et de liquide séminal, et il l'essuya doucement de la main avant de l'embrasser. Harry gémissait même dans le baiser...
De longues minutes, Lucius caressa son amant avec des gestes pleins de tendresse. Essuyant les gouttes de sueur sur son front. Plongeant dans ces yeux verts qui ne le voyaient pas. Effleurant les muscles tendus de ses bras. Choyant son torse dont les mamelons doucement pincés lui arrachaient une nouvelle vague de râles et de gémissements. Merlin, Harry était si expressif, si beau, parti si loin dans son plaisir...
En continuant de toucher à loisirs ce corps offert en toute confiance, Lucius fit apparaître une mince cordelette noire. Le sexe de Harry n'avait pas molli, au contraire. Tendu, turgescent, larmoyant alors qu'il ne l'avait même pas encore touché là... D'un sortilège, Lucius effaça quelques poils qui allaient le gêner, et entreprit d'enrouler la cordelette près du bas-ventre de Harry, prenant à la fois son sexe et ses bourses. Puis à mesure des tours, il noua le lien autour de son sexe seul pour finir par séparer les testicules qui passèrent l'un après l'autre à de jolies teintes de carmin bleuté.
Harry n'en finissait pas de gémir de ces attouchements qui effleuraient son sexe sans jamais le caresser vraiment. Il avait même creusé le bassin pour fuir ces mains vicieuses qui déchaînaient ses sensations sans vouloir le soulager. Et malgré la traction sur son anus, il secouait la tête en geignant désespérément. Magnanime, Lucius caressa le gland suintant de son amant, jouant de ses doigts sur le rebord charnu ou la fente jusqu'à ce que Harry se mette quasiment à pleurnicher. Mais il ne serait pas dit qu'il allait le délivrer maintenant...
Il fit quelques pas jusqu'à l'armoire pour aller chercher un autre instrument de « torture » tandis que Harry, abandonné, poussait un long gémissement misérable. Seigneur ! Tous ces bruits, ces sons que poussait Harry le rendaient dingue et Lucius dut s'immobiliser quelques instants, fermant les yeux pour reprendre ses esprits et ne pas céder à son désir. S'il s'était écouté, il aurait depuis longtemps sauté sur Harry pour baiser sa bouche, ou viré ce jouet pour baiser son cul jusqu'à ce qu'il hurle de plaisir. Mais Lucius voulait le faire languir un peu plus et la maîtrise de soi était une de ses qualités premières.
Le gémissement de Harry fut plus étouffé lorsque la pince mordit la chair d'un de ses tétons, puis de l'autre, son visage reflétant un plaisir qui tenait presque de l'extase. Harry était toujours très sensible de cet endroit-là, en particulier quand il était très excité, ce qui était visiblement le cas... La simplicité de ces pinces métalliques ne présageait pas de leur efficacité et pourtant, elles étaient aussi redoutables qu'une canne de rotin. Leur mâchoires pleines, à la surface irrégulière, saisissaient une large partie de cette chair si délicate, et la pression qu'elles infligeaient, supportable au début, devenait à la longue, ou lorsque les pinces étaient mobilisées, très douloureuse. Mais Harry adorait ça.
Pour faire bonne mesure, Lucius accrocha un poids de quelques centaines de grammes à la cordelette qui reliait les pinces entre elles, puis il retourna dans la chambre chercher la canne de rotin abandonnée sur le lit. Bientôt il allait pouvoir faire jouir Harry sans retenue.
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En revenant dans l'antichambre, Lucius fut accueilli par les gémissements outranciers de son amant. La position devenait sans doute difficile à soutenir, le poids étirait la chair et accentuait la morsure sur ses tétons, son sexe toujours suintant paraissait plus gorgé de sang que jamais, presque violacé, et sur son front rejeté en arrière pour soulager la tension sur son anus, de grosses gouttes de sueur perlaient.
D'un geste de baguette, Lucius approcha un fauteuil de velours de son amant, et le fit redescendre à un mètre du sol. Il s'assit tranquillement, soucieux de garder sa maîtrise et s'autorisant à peine quelques caresses pour soulager son propre désir. Puis du bout de sa canne de rotin, il effleura le corps de Harry qui ne put s'empêcher de frémir et de gémir à nouveau.
Hormis le ventre et une partie des cuisses, les zones de peau libre n'étaient pas très accessibles, mais ce n'était pas ce qui l'intéressait. Plus il caressait Harry de sa badine, plus celui-ci frissonnait en devinant ses intentions. Et lorsque Lucius s'attarda enfin sur ce sexe violacé et ligoté, Harry secoua la tête en geignant de désespoir.
C'était la dernière chose que son amant avait acceptée, sans savoir peut-être à quoi s'attendre, mais comme il l'avait si bien dit « un contrat est un contrat » et Lucius comptait bien l'honorer jusqu'au bout.
Il suffisait d'un rien à cet endroit-là pour faire réagir Harry. Et pour le faire réagir en retour. La main sur son propre sexe, Lucius commença à flageller doucement celui de Harry, alternant entre la longueur et l'extrémité. Les gémissements s'étaient transformés immédiatement en cris qui finissaient presque par un sanglot et il s'arrêta quelques secondes pour lui laisser le temps de se reprendre. Mais quand il s'attaqua aux testicules de son amant, pourtant déjà bien malmenés par le lien au vu de leur couleur, ce furent des râles sourds, presque semblables à ceux de Severus, que Harry laissa échapper. Des râles de contentement, puissants, rauques, qui lui retournaient les sangs et l'esprit. Oubliant la douleur de sa position ou de l'objet qui tirait sur son anus, Harry se mit à bouger au rythme des tapotements de sa canne. Ses mouvements devenaient des coups de reins, impérieux, animaux, propulsant son sexe humide dans le vide à la recherche d'un soulagement illusoire. Et plus la canne flagellait ses testicules, plus Harry grondait d'un désir bestial et inassouvissable.
Lucius s'était déjà rendu compte que son amant appréciait les caresses appuyées sur ses bourses, voire des gestes un peu rudes pendant le sexe, mais jamais il ne l'avait vu dans cet état. Et pourtant il l'avait vu dans bien des états, et il avait pratiqué avec Harry des choses qui auraient fait rougir bien des gens, et pas seulement parmi les Sangs-Purs !
Saisissait son sexe à pleine main, Lucius commença à se caresser plus âprement. Il n'avait même plus envie de pénétrer Harry, cette simple vision de son amant, pris dans le plaisir et la luxure, déchaîné sous les coups de badine sur ses testicules, suffirait avec quelques caresses à le conduire droit vers un orgasme mémorable.
– Charmant spectacle, murmura la voix narquoise de Severus à son oreille.
Surpris, Lucius sursauta tandis que les mains de son mari écartaient ses cheveux pour venir mordiller son cou, puis elles partirent caresser son torse et s'attardèrent rapidement sur ses propres tétons. Merlin ! Ce fut à son tour de gémir, perdu entre cette sensation, sa main qui masturbait fermement son sexe et la vision de Harry qui tentait désespérément de se soulager.
Il aurait pu vouloir jouir ainsi, et ç'aurait été parfait, mais le sadisme l'emporta et Lucius se leva pour se tenir face à Severus. Avec un sourire sarcastique, il déboutonna rapidement la chemise de son mari et la lui ôta avant de s'attaquer à son pantalon. À voir le regard et le petit sourire de Severus, il avait parfaitement compris ses intentions et il s'empressa de se laisser faire.
Est-ce que Harry s'était rendu compte de la présence de Severus, Lucius en doutait. Aveugle et perdu dans son désir et ses râles, il n'avait sans doute rien deviné... Si ce n'était que les coups de badine avaient cessé, ce qui lui avait permis de se calmer un peu tout en gémissant de frustration.
– Tourne-toi.
Sans cesser de sourire, Severus obéit et se tourna face au fauteuil. Il était passablement excité lui aussi; sans doute moins qu'eux qui languissaient face à leur désir depuis un long moment, mais le « spectacle » avait suffi à lui faire dresser une érection aux proportions conséquentes.
Lucius caressa le dos et les reins de son mari tandis que Harry gémissait toujours plaintivement, puis s'attarda quelques instants sur les fesses musclées qui allaient bientôt lui appartenir. Il sentait Severus impatient; pas tant de se faire baiser, que du spectacle qu'ils allaient à leur tour offrir à Harry, et sans même qu'il ait besoin de lui dire quoi que ce soit, Severus se pencha pour prendre appui sur le fauteuil.
Rapidement, Lucius le pénétra et s'immisça aussi loin qu'il le pouvait, ajoutant un peu tard un sortilège de lubrification au moment où il y pensa. Mais Severus ne grogna même pas son inconfort, gardant le silence pour l'instant tout en se délectant du tableau vivant qu'était la posture en suspension de Harry.
Lucius fit quelques va-et-vient rapides dans le fourreau des chairs de son mari, éperdu de désir et d'envie de se soulager. Mais jamais il ne tiendrait bien longtemps à ce rythme-là. Son cœur battait la chamade, il transpirait à son tour et la pression autour de son sexe, enfoncé profondément dans le corps de Severus, était si diaboliquement délicieuse qu'il allait jouir rapidement. Il se pencha pour saisir sa baguette et d'un murmure, leva le sortilège d'aveuglement de Harry.
De manière presque synchrone, Severus s'autorisa à gémir sourdement sous ses coups de reins virulents, et tout aussitôt, une longue plainte de frustration s'éleva dans l'antichambre. Harry s'agita brusquement dans les cordes. Il secouait la tête dans tous les sens, indifférent à sa douleur, et tentait de donner des coups de reins dans le vide. Non seulement Lucius ne l'avait pas soulagé mais il baisait Severus sous ses yeux.
Les plaintes de Harry se transformèrent en hoquets suppliants, presque des sanglots, tandis qu'il renonçait peu à peu à s'agiter en tous sens. Et ses yeux brillaient trop pour que Lucius n'ait pas pitié de lui. D'un geste de baguette, il ensorcela l'objet que Harry portait toujours en lui, déclenchant des pulsations et des vibrations qui devaient résonner dans son corps comme autant d'ondes de plaisir. Et la façon dont Harry glapit d'un seul coup lui assura qu'il allait atteindre son but.
Sous ses coups de reins qui devenaient désespérés, Severus râlait son plaisir sans retenue, indécent, provocateur, et certainement proche de l'orgasme lui aussi. Renversant la tête en arrière et fermant les yeux, Lucius se laissa aller à ses sensations. Il avait assez donné, il s'était assez retenu et il allait enfin prendre son dû.
Il fit quelques mouvements supplémentaires, sans ménagement, s'enfonçant aussi loin qu'il lui était possible d'aller, gémissant lui aussi, et la jouissance qui le saisit brusquement drapa son esprit de blanc durant quelques longues secondes.
Lorsqu'il reprit une conscience claire, Lucius se découvrit cramponné aux épaules de Severus qui jouissait à son tour tandis que Harry, un peu plus loin, criait son plaisir alors que son sperme coulait sur le tapis.
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Trop rapidement à son goût et encore essoufflé, Lucius se retira du corps de son mari, mais il devait d'abord s'occuper de Harry. Il s'approcha de son amant qui gémissait toujours, encore loin dans son plaisir, et entreprit de retirer le poids et les pinces le plus doucement possible. Merlin savait à quel point c'était douloureux au bout d'un certain temps, et encore plus après l'orgasme. Puis il défit rapidement la cordelette autour de son sexe et de ses testicules, avant d'ôter celle qui maintenait sa tête en traction et de retirer délicatement l'objet qu'il avait inséré dans son corps.
Une fois la corde de suspension relâchée jusqu'à ce que Harry soit posé sur le tapis, et aidé par Severus venu le rejoindre, Lucius desserra lentement les cordes. Il préférait le faire lui-même plutôt que de les faire disparaître à l'aide d'un sortilège. Le risque que Harry fasse un faux mouvement ou se fasse mal était trop grand si la contrainte cessait d'un seul coup sans que le corps soit guidé vers sa position normale.
Quand Harry fut enfin complètement libéré et presque inerte sur le tapis, Severus le prit dans ses bras pour le ramener sur le lit et le déposa en douceur entre les draps. Lucius s'allongea à leur côté, caressant tendrement le jeune homme qui éclata brusquement en sanglots.
Avec un sourire compatissant, il croisa une seconde le regard de Severus qui serrait son amant contre lui. Ils pensaient la même chose. Les larmes de Harry après une séance n'étaient pas fréquentes, mais elles n'étaient pas rares non plus. Elles signaient simplement l'intensité de ce qui venait de se produire, la puissance de son émotion qui se déversait là plutôt que par une explosion de magie. Elles se tariraient lorsque le tumulte des sentiments de Harry serait épuisé et qu'il aurait regagné un certain calme, apaisé au-delà d'un simple épuisement.
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– Vous êtes horribles, fit le jeune homme d'une voix souriante au bout d'un certain temps.
Toujours serré dans les bras de Severus, il se tourna légèrement pour venir embrasser Lucius. Sur son visage aux mèches de cheveux collées par la sueur flottait un air de luxure et de sérénité. Et même s'il ne pouvait voir son regard sous ses paupières fermées, Lucius savait que, malgré ses paroles, Harry avait adoré être ainsi malmené.
Encorder Harry était toujours quelque chose de particulier, une autre façon de l'aimer, de prendre soin de lui, de l'aider à se sentir bien, aussi étrange que cela puisse paraître. Mais aujourd'hui, il avait poussé la séance plus loin, vers une frustration intense, un plaisir miroitant qui se refusait sans cesse, et alors même qu'ils baisaient sous ses yeux, Harry jouissait sans même une caresse sur son sexe, sans même être touché, et Lucius savait qu'il détestait cela. Son besoin de contact était tel qu'un orgasme ainsi était presque une torture en soi.
Tout en continuant à caresser amoureusement son amant, Lucius murmura :
– Faut-il que je me fasse pardonner ?
– Tu peux, ronronna Harry sans même ouvrir les yeux.
Avec un sourire amusé, Lucius se renversa dans le lit pour se retrouver allongé sur le côté, face au sexe encore rouge du jeune homme. Il le prit entre ses lèvres, léchant doucement sa chair flasque. Harry ne bandait pas encore, il allait rapidement y venir mais cette fois, Lucius ne le ferait pas languir. Avec Severus qui le pénétrait lentement, ils allaient maintenant lui faire l'amour, d'un côté et de l'autre, l'abreuver et le rassasier de caresses jusqu'à ce que Harry jouisse à nouveau, dans sa bouche cette fois, et entre leurs bras.
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ooOOoo
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– Vous venez au Manoir pour les vacances d'automne ? fit nonchalamment Severus.
Draco, qui observait son fils jouer avec ses cubes magiques sur le tapis du salon, releva brusquement la tête avec un regard prudent.
– Je ne sais pas, hésita-t-il. Est-ce que ce ne serait pas trop... compliqué ?
– Puisque je te le propose...
En réalité, la question ne s'adressait pas à Severus, et Harry le comprit rapidement. Les yeux gris de Draco étaient fixés sur lui, attendant une réponse, une sentence, une décision qui semblait lui revenir.
Depuis la naissance de Scorpius, ils étaient peu venus au Manoir, à peine quelques jours pour les fêtes de Noël ou pour Pâques. Ce n'était pas qu'ils ne le voulaient plus, mais ses réactions à la présence du bébé étaient... contrastées. Difficiles. Douloureuses... Jusqu'à la dernière fois où ils avaient gardé Scorpius pendant le déplacement de Draco.
Harry sourit, d'un sourire vrai, et se colla un peu plus contre Severus, caressant la main de son amant qui reposait sur son torse. Ils étaient chez Draco, dans sa maison, et ils pouvaient se permettre une certaine intimité; même devant Blaise qui ne s'étonnait plus de rien.
– Tout se passera très bien, assura Harry avec sérénité. Je serais ravi que vous veniez quelques jours...
Ni Lucius, ni Severus ne lui avaient dit qu'ils comptaient les inviter au Manoir, mais cela le fit sourire plus qu'autre chose. C'était bien dans leur manière de faire : décider, régir, organiser... Lui se contentait de suivre et de vivre au jour le jour.
– J'en serais ravi aussi, admit Draco. J'avoue que je m'étais habitué, l'année dernière, à revivre au Manoir... Ça me manquerait presque...
Pendant la grossesse de Daphnée, ils avaient été bien plus présents et ils avaient passé bien du temps tous ensemble, que ce soit au Manoir ou à Torquay. Et c'est vrai que ça n'était pas déplaisant. Harry appréciait Draco plus qu'un frère, Daphnée était une femme agréable et enjouée, et ses filles mettaient une vie délicieuse dans cette demeure bien trop grande pour trois.
– Ça m'oblige à supporter Lucius, mais ce n'est pas si désagréable, plaisanta Draco.
– Il apprécie que vous soyez là aussi, confia Severus avec un demi-sourire. Et pas seulement pour voir ses petits-enfants... Et pas seulement parce qu'il apprécie Daphnée...
L'aveu était d'importance, et il fit sourire Harry et Blaise. Les Malfoy étaient trop pudiques pour se dire les choses en face, mais le père et le fils s'entendaient bien mieux que quelques années auparavant.
Mais encore une fois, Harry s'étonna des conversations entre ses deux amants qui avaient lieu sans lui. Lucius et Severus semblaient vivre côte à côte, partageant un lit et leurs soirées dans le Petit Salon ou devant un film, et pourtant il existait entre eux une connexion dont il n'était que rarement témoin. Ils se connaissaient très bien, étonnamment bien même, et il était fréquent que l'un parle à la place de l'autre, sans pour autant trahir sa pensée.
– Je verrai avec Daphnée, mais l'idée est séduisante...
– Je pense qu'il a déjà dû lui en parler, sourit Severus.
Pendant qu'ils discutaient tranquillement devant un thé chez Draco, Lucius et Daphnée étaient de sortie tous les deux. Quelques temps après la naissance de Scorpius, ils avaient repris leurs soirées ensemble pour visiter des expositions, des musées, aller voir une pièce de théâtre ou un concert... Daphnée avait besoin d'air, et ils regrettaient ces escapades culturelles interrompues par la grossesse et qu'ils appréciaient l'un et l'autre.
Aujourd'hui était un peu exceptionnel : la soirée s'était déplacée sur une fin d'après-midi de week-end, et Lucius et Daphnée avaient pris avec eux les filles pour leur faire découvrir une exposition d'art contemporain. Ils auraient pu y aller tous ensemble mais il y avait Scorpius... et Severus avait décliné l'offre, peu féru de ce genre d'artistes. Harry avait eu envie de passer un peu de temps avec lui; Draco gardait son fils; et Blaise était là comme il était partout dans leur vie...
– Tu es sûr que ça ne te pose pas de problème ? s'assura à nouveau Draco.
– Aucun, sourit Harry.
– Toi, on ne t'invite pas, ironisa Severus en s'adressant à Blaise. On sait que tu seras déjà là tout le temps !
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Sur le tapis, Scorpius s'était lassé de ses cubes et à quatre pattes, il s'avança vers le canapé, se mit debout avec une facilité déconcertante et entreprit de se hisser en passant un genou par-dessus le coussin d'assise. C'était diablement haut mais sa persévérance était louable, et tous, ils le regardaient d'un œil fasciné, se demandant s'il allait réussir ou non.
Il finit par y arriver, juché à genoux sur le bord du canapé, et il se tourna vers eux avec un grand sourire fier. Mais son mouvement trop soudain le fit brusquement basculer. Avant même que Draco n'ait bondi de son fauteuil et que Blaise se soit à-demi levé, la main de Harry avait instinctivement fait barrage. Sans compter sa magie, tout à coup déployée dans la pièce, et qui avait enveloppé Scorpius de volutes de brume verte, tout en le déposant en sécurité au fond du canapé.
Les yeux écarquillés, le bébé contemplait ces arabesques vaporeuses et tendait la main pour essayer de les saisir, complètement fasciné par ce spectacle enchanteur. Et ayant complètement oublié cette presque chute qui l'avait un instant paniqué.
Blaise et Draco se rassirent lentement, ébahis et encore sous le coup de l'émotion. Leurs regards s'appesantirent sur Harry qui jouait le plus naturellement du monde avec sa magie pour occuper Scorpius, dessinant des formes et des animaux que celui-ci ne quittait pas des yeux. Le silence un peu lourd sembla s'alléger quand Scorpius se mit à rire, chatouillé par une volute de magie, jusqu'à en avoir les larmes aux yeux.
Le rire d'un enfant avait toujours eu quelque chose de très communicatif, une joie simple, naïve, si sincère qu'on ne pouvait s'empêcher de sourire à son tour, et Harry s'y laissa aller avec bonheur. Et la caresse tendre de Severus sur son épaule était aussi douce que le rire de Scorpius et ses yeux brillants.
Harry joua un moment avec sa magie, jusqu'à ce qu'il sente Scorpius trop loin dans l'excitation et l'émotion, puis la rabattit doucement, le laissant épuisé et un peu sonné.
– Et tu ne m'as pas expliqué pourquoi maintenant tu..., interrogea Draco avec un vague geste de la main pour désigner cette interaction entre eux, si improbable quelques semaines auparavant.
– Pour rien, fit Harry en haussant les épaules. Parce qu'une nuit Severus n'a pas arrêté de se lever pour s'en occuper et qu'il l'a ramené dans notre lit...
C'était vrai. Il n'y avait pas de bonne raison. Il y avait eu cette peluche offerte, cette occasion, ce moment particulier qui avait sonné juste. Et les barrières de sa réticence s'étaient effondrées.
– Silence ! marmonna Severus en lui donnant une tape sur le bras.
– Heureusement que Daphnée n'est pas là pour entendre ça ! ricana Draco.
– Je lui ai dit exactement la même chose ce matin-là ! gloussa Harry.
À côté de lui, Scorpius se frottait le nez de sa petite main et ses yeux sombres semblaient soudain bien fatigués. Sans se démonter, il franchit à quatre pattes la distance qui les séparait et escalada ses genoux pour venir se blottir entre Severus et lui.
Comme Iris autrefois, il avait pris l'habitude coupable de s'endormir contre le torse de son grand-père, bercé par sa respiration, sa chaleur et ses battements de cœur. Harry ne pouvait pas le lui reprocher : il adorait faire la même chose !
– Heureusement que Iris n'est pas là non plus ! gloussa Draco.
La possessivité de la fillette s'était en effet largement amplifiée depuis la naissance de son petit frère, et elle supportait difficilement de le voir s'approcher de son grand-père. Toute sa jalousie auparavant orientée contre Harry s'était reportée sur Scorpius, au point de vouloir faire front commun contre lui. Et le jour où Severus avait argué qu'il avait deux bras et deux genoux, soit bien assez pour tenir deux enfants, Iris avait répondu qu'il y avait un bras pour elle et un bras pour Harry, mais rien pour Scorpius. Ce qui avait beaucoup fait rire tout le monde, excepté Harry, peu ravi de se voir assimilé à un enfant en manque de câlin.
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Blotti dans le creux que formait le corps de Harry contre celui de Severus, Scorpius dormait paisiblement, les deux bras repliés sur sa poitrine et appuyé sur eux. Avec un regard tendre, Harry l'observait, si paisible. Tout petit, quand il l'avait recueilli, Axaya avait cette même façon de se blottir contre lui, tout serré, ramassé sur lui-même, le dos rond et la tête nichée sur son torse. Et plus il s'abandonnait dans un sommeil profond, plus il se détendait, la tête ballante, les bras et les jambes lâches comme une poupée de chiffon et alors plus rien ne pouvait le réveiller, ni le bruit, ni aucun de ses mouvements s'il voulait bouger, se lever ou le poser dans leur lit. Ce qu'il ne faisait au final jamais. Il aimait trop ces moments où Axaya dormait dans ses bras, contre lui et il préférait rester à lui servir d'oreiller, quitte à aller faire la sieste lui-même, et se réveiller l'un et l'autre ankylosés quelques heures plus tard.
Scorpius avait les cheveux bien trop blonds et la peau bien trop claire pour ressembler en quoi que ce soit à Axaya, mais les mimiques des bébés étaient les mêmes, leurs odeurs, leurs rires, la douceur de leur peau... Il se sentait si bien, là... Et Scorpius n'avait pas l'air malheureux non plus !
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– J'ai vu Luna et Padma, la semaine dernière, fit brusquement Draco qui ne les avait pas quittés du regard. Elle en est à presque sept mois de grossesse...
En s'efforçant de garder un visage impassible, Harry serra les dents et brida son aura. Pourquoi maintenant ?! Pourquoi, au milieu de ce moment si serein avec Severus et Scorpius, lui rappeler qu'un enfant de lui grandissait dans le ventre d'une femme ? Pourquoi lui rappeler que, même si ce ne serait que biologiquement, il allait à nouveau être père ?
Harry ferma les yeux une seconde pour se reprendre. Draco ne savait pas. Personne, hormis Matthieu et les futures mères, ne savait. Il avait toute confiance en Matthieu, et le serment inviolable qu'il avait fait prêté à Luna et Padma lui garantissait leur silence. Draco avait sans doute dit cela simplement parce la scène qu'il avait sous les yeux, son fils dormant dans ses bras et ceux de Severus l'y avait fait pensé. Comme il aurait pu mentionner également que Katie était enceinte... Simple évocation de connaissances communes et de leur vie de famille...
Mais le regard de Blaise sur eux était tout aussi pesant : surpris et déconcerté de les voir, Severus et lui, si à l'aise avec un bébé dans les pattes. Étonné de constater que cette présence d'un enfant dans leur vie ne serait pas si choquante. Presque naturelle. Et il y avait cette ancienne conversation entre eux trois, un soir d'ivresse, où s'était posée la question d'un volontaire pour aider les jeunes femmes à devenir mères.
Quand ils en avaient reparlé à l'annonce de la grossesse, Blaise avait abondamment plaisanté dessus, plein d'auto-dérision, et sa facilité à remettre le sujet sur le tapis avait nourri les soupçons de Draco. Harry savait très bien qu'il attendait la naissance pour juger des ressemblances et de la couleur de peau du bébé. Mais Padma était elle-même très mate...
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– J'ai dit que la présence de Scorpius ne me dérangeait pas, mais pourrait-on malgré tout changer de sujet ?
Draco n'avait pas ajouté un mot de plus mais chacun percevait la tension de Harry, jusqu'à Severus qui lui caressait doucement le bras pour l'apaiser. Il devait juste penser que les souvenirs que cela réveillait en lui, que ce soit Axaya ou la naissance de Scorpius, le mettaient mal à l'aise. Personne ne pouvait deviner la vérité, pas même Draco, qui prêchait sans doute le faux pour savoir le vrai. Et chacun comprenait ses raisons à ne pas vouloir parler d'enfant. Jusqu'à Blaise qui acquiesça sèchement en jetant un regard lourd à son ami.
Harry ne se souvenait même pas comment... est-ce qu'il lui avait, un soir de confidences et d'ivresse, raconté les grandes lignes de cet épisode de sa vie, ou bien Draco lui avait-il un jour expliqué ?... mais Blaise savait qu'il avait autrefois recueilli un tout petit enfant, qu'il avait élevé seul pendant plusieurs années, et qui était mort dans des circonstances tragiques, sans qu'il ne puisse le sauver. Et depuis, il était bien plus indulgent sur le sujet, et toujours attentif à ses réactions lorsque cela surgissait malgré tout dans la conversation. Ce n'était pas de la pitié, mais depuis que Harry vivait avec Severus et Lucius, Blaise le considérait comme faisant partie de la famille, et il était toujours étonnamment protecteur et généreux avec les membres de son « clan ». Il restait plus proche de Draco malgré tout, mais il leur était arrivé de passer des soirées ensemble, juste tous les deux...
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Draco acquiesça à sa requête avec un signe négligent de la main et les interrogea :
– Et avec ce Mark, ça se passe comment ? Il sert vraiment à quelque chose ?
Harry soupira en grimaçant tandis qu'il sentait Severus contre son dos, étouffer un gloussement.
– Je ne peux pas nier que ton père soit un peu moins accaparé par ses fonctions depuis qu'il est là, répondit posément Severus. Peut-être pas en proportion de sa présence, mais c'est appréciable malgré tout...
– Quel est le problème alors ? fit Draco en fronçant les sourcils.
– Harry le trouve un peu trop présent, justement, fit Severus avec un sourire dans la voix. Ça l'oblige à réduire la fréquence de ses siestes crapuleuses et à surveiller sa tenue et ses paroles !
– Hey ! protesta Harry en le gratifiant d'une tape sur le bras. Je ne te permets pas !
– Arrête de bouger, tu vas réveiller Scorpius ! ricana Severus.
Blaise et Draco sourirent de concert devant leurs chamailleries.
– Il est là tous les jours ! bougonna Harry en s'adressant à Draco. Ton père lui a laissé un accès illimité à son bureau et à la cheminée du Manoir ! Et même quand ce n'est pas prévu, il débarque à n'importe quelle heure pour un courrier ou une paperasse à remplir !
– N'exagère pas ! corrigea malicieusement Severus. Il n'est là que trois jours par semaine, comme c'était convenu. Et il arrive rarement à l'improviste, excepté une fois où il t'a trouvé dans une position compromettante avec Lucius...
Draco grimaça en se pinçant l'arête du nez tandis que Blaise étouffait un rire.
– Pourrait-on se passer des détails ? souffla-t-il. Est-ce qu'on peut lui faire confiance au moins ? Je ne sais pas trop quoi penser de cette idée que Père a confié toute la gestion de sa fortune à un parfait inconnu...
– Ce n'est pas tout à fait un parfait inconnu, sourit Severus. Il est gentil, serviable, et complètement dévoué à ton père...
– Ça, pour être dévoué ! grogna Harry avec une mauvaise foi évidente. Et tu le défends en plus !
Certes, Mark n'était pas un garçon désagréable et les quelques fois où Harry avait déjeuné avec lui au Manoir, il avait été très courtois et même assez drôle. Mais il s'agissait de Mark ! Et il ne pouvait s'empêcher d'être méfiant – « jaloux » aurait dit Lucius –, ce qui faisait beaucoup rire ses amants.
– J'ai connu Mark à l'époque où il était l'assistant de Luce pour certains congrès ou sommets européens, répliqua Severus. Il m'a toujours fait bonne impression... Même s'il n'en a pas l'air, c'est quelqu'un qui a la tête sur les épaules. Si ce n'est qu'il est presque aussi dévergondé que toi !
– Hey ! protesta Harry à nouveau en se tournant vivement. Et tu ne m'as jamais dit que tu l'avais connu avant !
Severus haussa les épaules d'un air nonchalant avant de se mettre à râler :
– C'est malin ! Tu l'as réveillé ! Débrouille-toi avec lui, maintenant !
En effet, surpris par le mouvement brusque de Harry, Scorpius s'était mis à chouiner en tournant la tête en tous sens, se frottant le visage sur leurs vêtements comme s'il cherchait son doudou. D'un Accio informulé, Harry récupéra la peluche en forme de licorne qui traînait sur le tapis du salon et Scorpius se rendormit rapidement en la serrant contre son visage.
– Je ne sais toujours pas d'où sort cette fichue peluche qu'il ne veut plus quitter, soupira Draco. Daphnée voulait l'acheter pour l'avoir en double, au cas où, mais pas moyen de trouver la même ! Et Père m'a seulement dit qu'elle traînait dans un coffre depuis plus d'un an avant que vous ne la retrouviez par hasard. Tu ne souviens pas où vous l'aviez achetée, toi ?
En serrant à nouveau les dents, Harry pria pour que Severus joue le jeu et garde son air neutre. Il n'avait expliqué ni à son amant, ni à Draco d'où provenait ce doudou. Mais Lucius savait, bien évidemment, puisqu'il était en sa compagnie le jour où il avait visité la maison d'Andromeda. Il avait tenu sa langue, et Severus fit de même, secouant la tête en signe de dénégation.
Harry soupira. Il n'avait pas envie de s'étendre sur cela non plus, mais il allait vraiment falloir que Draco cesse d'aborder des sujets dérangeants s'il voulait garder son sang-froid jusqu'au retour de Lucius. Les raisons de sa réconciliation avec Scorpius, la grossesse de Padma et maintenant cette peluche... les conversations tournaient beaucoup trop autour des enfants pour qu'il se sente à l'aise.
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– Quelqu'un veut encore du thé ? proposa Blaise en se levant pour faire le service.
Draco fronça les sourcils en dévisageant son ami et même Harry leva les yeux, surpris. Blaise était étrangement silencieux depuis son arrivée, trop discret, et cela ne lui ressemblait pas. Il n'était pas léger ou railleur comme il savait l'être, chaleureux mais sans jamais hésiter sur la provocation et l'ironie. Au contraire, il n'avait fait aucune réflexion sur la position de Harry dans les bras de Severus, aucun commentaire mordant sur sa jalousie vis à vis de Mark, pas plus qu'une réponse acerbe à la pique de Severus sur sa présence fréquente au Manoir... Il paressait sérieux, un peu austère, trop éteint pour que tout aille bien.
– Je préférerais une bière en réalité, grimaça Harry.
– Moi aussi, avoua Blaise en replaçant d'un geste de baguette tasses et théière sur le plateau de service. Severus ?
– Rien. Merci.
– Drake ?
– Va pour une bière...
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Le plateau s'envola vers la cuisine attenante, suivi par Blaise qui fouilla dans le frigo à la recherche de trois bières et revint s'asseoir dans le salon avec ses trouvailles. Ils levèrent tous les trois leurs bouteilles à l'adresse des deux autres et burent une gorgée bien fraîche. Ça ne valait pas les Zăganu de Charlie, mais c'était appréciable. Et elles étaient suffisamment chargées en alcool pour qu'à la fin de la bouteille, Harry se sente un peu moins abattu. Et peut-être Blaise également.
– Tu as revu Irina récemment ? fit Draco en changeant de cible.
Harry jeta un regard compatissant à Blaise qui levait les yeux au ciel sous la question indélicate et tardait à répondre.
– Hier soir, maman, ironisa-t-il amèrement.
– Et tu as dormi où ? insista Draco.
– Pas au fond d'un caniveau, si ça peut te rassurer. Chez moi... Et avec elle.
– Je croyais que vous n'étiez plus ensemble ?! Je croyais que tu avais compris !
– Nous ne sommes plus ensemble, non, mais une petite partie de jambes en l'air de temps en temps ne fait de mal à personne !
– Sauf à toi !
Harry grimaça il aurait voulu être ailleurs plutôt qu'assister à cet interrogatoire en règle et plein de jugement de Draco. Il ne comprenait pas pourquoi Blaise ne protestait pas davantage à chaque fois que son ami se permettait ce genre de critiques et de réflexions. De toute évidence, il s'était fait avoir dans cette relation avec la belle russe, et il souffrait de cette séparation qu'il n'avait pas choisie, mais remuer le couteau dans la plaie à chaque fois n'était sans doute pas du plus grand soutien. Et si Blaise choisissait de garder contact avec Irina, et même parfois couchait encore avec elle, cela le regardait et Harry n'était pas d'accord avec l'attitude de Draco. Severus non plus, à en croire son raclement de gorge fort-à-propos.
Draco fixa longuement son parrain et beau-père, crispa un instant les mâchoires puis détourna le regard. Severus avait toujours une influence non-négligeable sur son filleul et c'était parfois fort appréciable. Et Harry ne se priva pas de le lui faire comprendre en caressant doucement la main de son amant.
Draco était un peu sur les nerfs, en ce moment. Il avait fort à faire avec ses trois enfants, surtout depuis que Daphnée avait repris le travail au printemps dernier, l'équipe venait d'enregistrer trois défaites consécutives et la nouvelle attrapeuse qui remplaçait Katie était une fille arrogante et prétentieuse dont il devait sans cesse rattraper les frasques dans la presse pour ne pas ternir la réputation de l'équipe. Cela excusait en partie son comportement, mais il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin. Et si Draco adoptait la même attitude au Manoir pendant les vacances d'automne, Harry allait passer plus de temps avec Blaise, ou même avec Mark, qu'avec lui !
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– Et donc, nous avions quelque chose de prévu ce soir ? ironisa Lucius tandis qu'ils s'éloignaient dans la rue en marchant.
– Excuse-moi, gloussa Harry. Je n'avais pas très envie de rester dîner.
– Dommage. C'est pourtant ce que j'avais sous-entendu à Daphnée cette après-midi... Ça va paraître un peu cavalier de notre part.
– Tant pis. Disons que c'était une surprise et que tu n'étais pas au courant...
Avec un sourire entendu, Harry prit le bras de Lucius et continua à marcher tranquillement. Tout l'après-midi, il avait été dans les bras de Severus et à présent, il avait envie de la présence de l'aristocrate. Ni l'un ni l'autre ne se formalisaient de ce genre de choses... Harry était ainsi, toujours en recherche de contacts, et il oscillait entre eux quand ce n'était pas les deux en même temps.
– Et où allons-nous comme ça ? fit Severus qui marchait juste à côté.
– Je ne sais pas... Vous voulez aller où ?
La question les fit sourire; elle était rituelle des moments où Harry avait envie de changer d'air, de faire une petite escapade pour dîner ou encore mieux, passer la nuit. Un besoin de changement, de soleil, de dépaysement... aller ailleurs pour mieux se retrouver.
– Choisis, invita Lucius. Puisque c'est toi qui as envie de sortir...
– Ça vous ennuie si on va en Provence ? hésita Harry avec un air coupable.
Cet endroit-là était sans doute celui qu'il préférait entre tous : une simplicité pleine de charme, une nature qu'il aimait de plus en plus, le lieu où leur désir avait grandi et où ils avaient fait l'amour tous les trois pour la première fois. Mais aussi un endroit qui l'apaisait, qui lui permettait de se ressourcer. Qu'il veuille aller là juste après cette conversation dérangeante avec Draco était significatif en soi...
– On va dîner avant, peut-être ? ironisa Severus.
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Ils dînèrent, dans un restaurant de poisson sur le bord de mer, où ils étaient déjà venus une fois ou deux. Un dîner rapide, parce qu'ils n'avaient pas envie de s'attarder, et ils rentrèrent au mas pour boire un dernier cognac dans le salon, tous les trois assis sur le canapé, face à la baie vitrée grande ouverte sur la nuit tiède qui tombait doucement.
– Pourquoi tu ne voulais pas rester chez Draco ? demanda Lucius dans le silence qui s'installait. C'est la présence de Scorpius qui te gêne ?
Il avait posé sa main sur la cuisse de Harry, tendrement, pour atténuer l'aspect intrusif de sa question.
– Non, ça va. Il s'est même endormi entre nous tout à l'heure... et ça va.
Le sourire de Lucius fut lumineux. Qu'il parvienne à supporter la présence de Scorpius, et même son contact physique était une avancée énorme, et qui allait sans doute leur faciliter la vie à tous les trois. Il savait que Lucius et Severus ne gardaient pas leur petit-fils aussi souvent qu'ils en avaient envie, ou que Draco en avait besoin, et qu'ils ne se réfrénaient qu'en raison de ses réticences. Il s'en voulait pour ça mais cela allait changer à présent qu'il se sentait mieux en sa présence.
– Je crois que Draco a oublié quelques leçons de savoir-vivre et de courtoisie, intervint Severus avec un sourire. Il a été un peu... inconvenant.
– Draco ? fit Lucius en fronçant les sourcils. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Harry se lova contre son amant en glissant sa main sous sa veste de costume, comme pour calmer sa colère naissante.
– Rien de bien grave, je t'assure. Il est sur les dents en ce moment, et du coup, il est un peu indélicat sans même s'en rendre compte. Blaise en a pris pour son compte aussi... Ça lui passera...
– Et donc comme ça, je suis censé me souvenir de l'achat d'une peluche dont je n'ai aucune notion ? le taquina Severus.
Il voulait détendre l'atmosphère tout en aiguillant Lucius sur les sujets épineux abordés par Draco, et Harry l'en remercia silencieusement. Son intervention détendit d'ailleurs l'aristocrate : si Severus se permettait de plaisanter, c'était qu'il n'y avait rien de très grave.
– Et moi, je suis censé admettre sans discussion que tu apprécies Mark ? répliqua Harry en riant. Je vais finir par me poser des questions !
Severus esquissa un sourire en coin et passa son bras autour des épaules de Harry pour l'attirer vers lui et l'embrasser.
– Arrêtez avec Mark ! gloussa Lucius. S'il n'était pas là, je ne pourrais pas me permettre des journées comme aujourd'hui ! Sans compter qu'il est charmant et qu'il vous apprécie tous les deux beaucoup...
– C'est une invitation à nous rapprocher de lui ? fit Harry faussement sérieux.
Collé contre Severus à présent, il fixait l'aristocrate qui défendait son protégé.
– Tu pourrais faire un effort, oui, reconnut Lucius avant de comprendre son allusion sous-jacente. Pas te rapprocher comme ça, espèce de pervers ! Je ne suis pas en train de vous proposer un plan à quatre ! Merlin ! Mark est amoureux de son ambassadeur comme jamais ! Et je te défends bien d'essayer de t'approcher de lui de cette façon !
Harry éclata de rire devant l'embarras de Lucius et sentit Severus ricaner lui aussi contre son dos.
– Tu me défends ?! reprit-il une fois calmé. Alors que tu trouvais que je ne faisais pas assez d'efforts avec lui ? Il faudrait savoir !
Lucius afficha un sourire espiègle en se rapprochant d'eux sur le canapé, le regard brillant et le doigt menaçant.
– Je t'en défends ! commanda-t-il. Sinon je t'attache sur un lit pendant trois jours pour te torturer sexuellement. Et tu sais très bien à quel point je sais faire preuve d'imagination !
La menace était d'importance et Harry se mordit la lèvre en réfléchissant à quel point il avait envie de tester l'imagination de Lucius. Mais il n'eut pas le temps de pousser bien loin ses réflexions qu'une bouche exigeante avait déjà fondu sur la sienne, tandis que Severus l'enlaçait en maintenant ses bras immobiles le long de son corps.
– Méfie-toi, lui murmura-t-il à l'oreille d'une voix suave. À ce petit jeu-là, je serai dans le camp de Luce et je l'aiderai à te torturer...
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Nus et serrés tous les trois sous la couette de leur lit, Harry souriait encore, presque béatement. Il aimait tellement cette complicité qui les unissait, ces petits moments de jalousie, ces provocations entre eux qui leur prouvaient à quel point ils s'appartenaient les uns les autres. Severus et Lucius étaient mariés, après plus de trente ans de relation, mais lui n'était rien. Juste une cerise sur le gâteau, apparue dans leur vie depuis même pas deux ans... Harry n'avait pas voulu d'union, de cérémonie, de bague ou quoi que ce soit, mais de temps en temps, il avait besoin d'entendre qu'ils voulaient encore de lui, et surtout qu'ils ne voulaient pas le partager. Il avait besoin de se sentir aimé et désiré, et pas seulement au niveau sexuel.
D'ailleurs ce soir, ils n'avaient rien fait. Ils s'étaient juste câlinés dans les draps, les bras et les jambes entremêlés pour se tenir le plus près possible les uns des autres. Pour qu'il les sente tous les deux tout autour de lui, l'enserrant comme les deux moitiés d'un même amour...
Autant, parfois, il avait besoin de moments seul avec Lucius ou seul avec Severus, autant parfois, il avait besoin de les sentir fusionnels pour l'aimer. L'un devant, l'autre derrière... et quatre bras pour l'envelopper comme un cocon. Parfois il aurait même voulu être une femme, pour pouvoir les recevoir en lui tous les deux en même temps... Mais alors ils ne l'auraient pas désiré.
Avec un bonheur sans nom et dans l'étreinte de ses amants, Harry s'endormit bien avant eux. Il ne les vit pas s'embrasser par-dessus son corps et s'avouer leur amour comme il leur arrivait rarement. Mais ses rêves furent doux, tendres et si tranquilles qu'il ne se réveilla pas une seule fois de la nuit.
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ooOOoo
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– Charlie ?! fit Harry, surpris, en reconnaissant après un temps d'arrêt la queue de cheval d'un roux foncé de l'homme qui lui tournait le dos.
Au son de sa voix, Charlie se retourna avec un large sourire et se leva pour l'étreindre.
– Hey ! Comment tu vas ?
Dans les bras puissants de son ancien amant qui le soulevait presque de terre comme un enfant, Harry cacha son sourire embarrassé. Charlie se permettait parfois avec lui des familiarités – comme ce baiser sonore sur la joue – qui ne lui déplaisaient pas en soi, mais qui agaçaient souvent ses amants, et en particulier Severus. Il jeta un regard inquiet autour de lui, mais Lucius, assis un peu plus loin, ne semblait pas s'en formaliser cette fois-ci, et son sourire était sincère.
– Ça va, fit Harry tandis que Charlie le relâchait. Mais qu'est-ce que tu fais ici ?
Le dragonnier leva les yeux au ciel devant son manque de courtoisie puis se rassit sur la chaise de Severus, croisant sans doute le regard de Lucius qui étouffa un ricanement.
– On tricote en buvant le thé...
Harry embrassa d'un regard plus large la Salle à Manger, dont la table était couverte d'une immense carte de géographie et de différents journaux dont il ne reconnut aucune langue au premier coup d'œil. De toute évidence, les deux hommes travaillaient, mais... ensemble ? Et dans la Salle à Manger ?
– Je vous dérange ? fit-il en déposant un baiser sur les lèvres de Lucius. Je rentrais déjeuner mais je peux descendre aux cuisines...
– Tu ne déranges jamais, répondit l'aristocrate en le gardant près de lui d'un bras autour de la taille.
– C'est vrai qu'il est plus tard que je ne pensais, fit Charlie en regardant l'horloge. On avait fini de toute façon... Je te ferai signe si je pense à d'autres informations qui pourraient t'être utile.
Cette dernière phrase s'adressait à Lucius et Harry fronça à nouveau les sourcils en les regardant tour à tour.
Contrairement à ce que Charlie lui avait dit craindre un jour, il s'entendait relativement bien avec l'aristocrate, alors que ses relations avec Severus se limitaient à une courtoisie neutre et assez distante. Mais de là à ce que le dragonnier vienne au Manoir seul, sans Matthieu, et pour « travailler » avec Lucius... C'était surprenant.
– Tu veux rester déjeuner ? proposa Lucius.
– Merci mais non. J'aurais dû être présent pour le déjeuner dans la Grande Salle, c'est déjà trop tard... En revanche, j'ai un cours à quatorze heures.
– Clay ! appela Lucius avec un coup sec sur la table. Pourrais-tu s'il-te-plaît raccompagner...
– Tu veux que je te ramène directement à Poudlard ? l'interrompit Harry. Tu serais à l'heure pour le déjeuner.
Le demi-sourire de Charlie indiquait qu'il avait bien conscience que cela lui laissait le champ libre pour déjeuner ensuite en tête-à-tête avec Lucius. Il acquiesça cependant.
– Je veux bien. Ça m'éviterait de traverser le parc de Poudlard sous cette pluie, avoua-t-il en se levant. Lucius...
Tandis que l'elfe de maison disparaissait aussi silencieusement qu'il était venu, les deux hommes se saluèrent rapidement puis Harry prit Charlie dans ses bras avec un sourire provocateur à l'adresse de Lucius.
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– Merlin ! s'exclama Charlie en reconnaissant les lieux autour de lui. C'est vrai que c'est pratique ! Matthieu est toujours ravi quand tu peux le déposer comme ça !
Harry esquissa un sourire en le relâchant. Ce trajet entre le château et les grilles du parc lui était toujours apparu comme une corvée et pouvoir transplaner où bon lui semblait était une vraie liberté.
– Jusque dans mes appartements ! ajouta Charlie en riant. J'avoue que je n'ai jamais posé de sortilège dessus à cause de la magie de Poudlard, mais tout de même ! Quoique... Un sortilège anti-transplanage t'arrêterait ?
– Pas sûr..., répondit Harry en souriant.
– Je vais bientôt m'inquiéter pour mon intimité !
Charlie éclata de rire puis le considéra des pieds à la tête un long moment.
– Je ne te propose pas de rester, je suppose ? En encore moins de descendre déjeuner dans la Grande Salle avec moi ? Tu préfères rejoindre ton bel aristo...
Charlie savait très bien qu'il fuyait le contact avec Padma et Luna depuis l'annonce de leur grossesse, même s'il ignorait qu'il en était le géniteur. Harry espérait juste que Matthieu ne lui en ait pas trop dit sur les raisons pour lesquelles il n'était pas à l'aise avec ça, ni avec les enfants. Tout le monde allait finir par être au courant de son passé... Même si Charlie n'était pas n'importe qui.
Harry sourit pour toute réponse tandis que le dragonnier le reprenait dans ses bras et l'embrassait sur la joue.
– Fais attention à toi...
Harry fronça les sourcils en se reculant légèrement. Le visage de Charlie était étrangement sérieux et ce genre de recommandation ne lui ressemblait pas. Puis son regard s'éclaira à nouveau, ses lèvres affichèrent un large sourire et cette impression de sérieux s'évapora aussi vite qu'elle était venue. Ça n'était sans doute qu'une façon de lui dire de prendre soin de lui et de souhaiter que tout aille bien avec ses amants...
Sans plus s'en formaliser, Harry lui rendit son baiser en souriant puis recula d'un pas.
– Embrasse ton cher et tendre !
– Je ne m'en priverai pas, fais-moi confiance ! entendit-il juste avant de transplaner.
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Dans la Salle à Manger, le couvert avait été dressé pour deux pendant sa courte absence, mais les journaux et différents papiers occupaient encore la table à la place de l'assiette de Severus. Lucius leva le nez de l'article de presse qu'il lisait en attendant son retour, le regard soucieux, avant de se détendre en l'apercevant.
– Ça y est ? Charlie est rentré à bon port ?
– Il sera même à l'heure pour le déjeuner, fit Harry en souriant.
Il passa derrière la chaise de Lucius, laissant sa main traîner sur ses épaules, puis il fut pris d'un irrépressible besoin de caresser ses cheveux longs dénoués qui flottaient dans son dos et de les écarter pour venir déposer ses lèvres dans son cou. Là, dans ce petit creux où il retrouvait si bien l'odeur de son amant. La vanille, le santal... un parfum familier et rassurant. Le parfum de l'amour et du bonheur.
Lucius frissonna sous ses lèvres, troublé et surpris de son geste, puis Harry regagna sa place et s'assit. Il se servit une portion de la salade composée préparée par les elfes, observa un Lucius silencieux qui en faisait de même, puis posa enfin la question qui lui trottait dans la tête.
– C'est indiscret de te demander ce que vous faisiez tous les deux ?
Le regard à nouveau surpris de Lucius le fixa pendant quelques secondes. D'habitude, Harry ne s'intéressait guère aux activités professionnelles de son amant. En premier lieu parce que Lucius ne souhaitait pas vraiment en parler, préférant garder son domaine réservé sous silence, mais aussi parce que la politique, et surtout la finance, ne l'intéressaient pas du tout. Mais la présence aujourd'hui de Charlie continuait de l'interroger.
– Tu sais que Charlie est rentré de Roumanie, il y a peu, fit Lucius au bout d'un moment. Je lui avais demandé d'être mes yeux et mes oreilles pendant qu'il était là-bas. J'avais besoin de... son ressenti, son avis... Et aussi qu'il me donne son sentiment sur certains articles de journaux. Les sortilèges de traduction sont efficaces pour l'essentiel, mais ils ne rendent pas compte des sous-entendus, des références à des faits-divers anciens, ou de l'ironie qui peut se cacher dans certaines phrases... Charlie parle roumain couramment, et il a de bonnes notions de la plupart des langues des pays environnants...
Harry n'y avait pas fait attention sur le moment, mais à présent que Lucius y faisait référence, la carte de géographie qu'il avait aperçue tout à l'heure représentait l'Europe centrale et de l'Est. Et Matthieu avait fait mention, quelques semaines auparavant, que Charlie devait se déplacer sur plusieurs pays au nord de la Roumanie...
– Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda-t-il en jetant un regard aux titres des journaux en face de lui.
Autrefois, il se débrouillait un peu en roumain lui aussi, mais essentiellement pour le parler. Il n'avait jamais eu besoin de le lire, et depuis, il était passé par tellement de pays et de langages différents que les mots se mélangeaient dans son esprit. Et ce qu'il voyait à présent ne lui parlait pas réellement.
Lucius fronça un instant les sourcils, les yeux fixés sur la photo d'un homme rondouillard en costume cravate dont les poches sous les yeux lui donnaient un air pitoyable. Il semblait hésiter à lui répondre, ou trop pris par ses propres réflexions pour savoir quoi lui dire... Harry haussa les épaules et se mit à manger.
– Difficile à dire, fit enfin Lucius que le bruit de sa fourchette semblait avoir réveillé. Mais des temps troublés s'annoncent.
– Des temps troublés ? butta Harry en suspendant son geste.
– Des disparitions inquiétantes... Un premier ministre slovaque qui va être destitué en raison de son comportement et de décisions aberrantes... Des rumeurs qui courent... Des villages moldus qui s'organisent en bandes armées pour se défendre... Les tensions sont encore larvées, discrètes, mais elles se répandent comme une traînée de poudre, et gagnent lentement l'Europe de l'Ouest.
– De quoi est-ce que tu parles ? insista Harry en réprimant un frisson.
Brusquement, les mots de Charlie lui revinrent en tête, et ce « Fais attention à toi » l'inquiéta encore davantage. Les ombres du passé s'imposèrent en force dans son esprit, des souvenirs anciens qu'il aurait voulu à jamais oubliés, mais les mots de Lucius étaient bien trop vagues pour expliquer quoi que ce soit.
L'aristocrate passa une main lasse sur son visage, signe de son trouble s'il en était, puis mit ses deux mains serrées en un seul poing devant sa bouche, soupesant les paroles qu'il allait dire, avant de lâcher :
– Je parle de... Il semblerait qu'une certaine partie des vampires de la région se soient ligués en une sorte de Coalition. Ils visent... non pas la population directement, mais le pouvoir. Le changement des lois qui régissent leur espèce. Davantage de droits, dont certains insensés... La reconnaissance légale de leurs besoins, la fin de la déclaration obligatoire aux registres des créatures vampiriques, un droit au sang... et même le droit à un tribu humain chaque année, prélevé à la fois dans la population sorcière et moldue...
Harry s'étrangla en avalant un morceau de pomme de terre et fut pris d'une quinte de toux qu'il étouffa d'un verre d'eau.
– Un tribu humain ?! Qu'est-ce que c'est que cette absurdité ?!
– La folie de certaines créatures magiques à qui des rêves de grandeur montent à la tête... Allez. Cessons de parler de cela. Pour l'instant le problème n'est pas chez nous et les ministres locaux s'en sortent plutôt bien, mais je risque malgré tout d'avoir quelques réunions de dernière minute qui vont tomber dans les semaines qui viennent.
– J'imagine...
C'était une façon de consentir aux absences à venir de son amant, et ils en étaient bien conscients tous les deux. Harry déplorait déjà ces impondérables mais il en comprenait les raisons. Après tout, quand il avait parfois des patients à soigner qui requéraient sa présence en dehors de ses jours de travail habituels, ses amants subissaient également ses absences, et ce, jusqu'à ce que le patient soit guéri – ou mort, mais ce n'était arrivé que deux fois.
Ils mangèrent un moment en silence, chacun plongé dans ses pensées. Puis, sans même finir son assiette, Lucius prit son verre de vin et se renversa contre le dossier de sa chaise, faisant tournoyer le liquide sombre dans son verre à pied. Lorsqu'il l'eut avalé d'un trait, il le reposa sur la table, sortit sa baguette pour faire disparaître d'un geste tous les journaux et parchemins qui traînaient encore sur la table et se tourna vers Harry avec un sourire plus détendu.
– Et toi ? Ta matinée à Sainte-Mangouste ?
– J'ai été travailler dans le laboratoire de Sam et Deirdre... Ça faisait un moment que je n'y étais pas allé, je voulais me tenir informé des derniers potins de l'hôpital !
Lucius souhaitait changer de sujet et surtout se changer les idées, Harry s'y prêtait de bonne grâce. Il était là pour ça aussi : amener un peu de légèreté et de futilité dans leurs vies parfois trop sérieuses, un vent d'insouciance aussi profitable pour se détendre qu'un câlin ou une partie de jambes en l'air. Quoique... c'était peut-être de ça dont Lucius avait le plus besoin pour se relaxer !
En souriant, Harry poursuivit ses anecdotes sur la vie de l'hôpital, ravi de voir Lucius rire de bon cœur.
– Il paraît aussi que le médicomage en chef, qui vit avec une des infirmières de son service, n'est pas le père de l'enfant qu'ils viennent d'avoir ! Juste avant sa grossesse, elle a eu une aventure avec un autre médecin et Deirdre les a un jour aperçus en fâcheuse posture dans un bureau !
– Ça arrive à des gens très bien ! susurra Lucius d'un air malicieux.
Harry éclata de rire avec un air faussement embarrassé à l'évocation de ce jour où Mark l'avait surpris occupé entre les jambes de Lucius.
– Mais vous avez fini de tous me rappeler cet épisode désastreux !
– Qui t'en as reparlé ? ricana Lucius. Mark ?
– Non. Severus, l'autre jour, quand on était chez Draco, et toi au musée avec Daphnée et les filles... Autant te dire que ton fils a fait la grimace !
Lucius secoua la tête en souriant et se servit une part de tarte que les elfes venaient de déposer sur la table.
– S'il savait..., gloussa Harry.
– S'il savait quoi ?
– Ce que tu es capable de faire...
Ils échangèrent un regard brillant, loin des considérations sombres de leur conversation précédente, et plein de désir.
– Laisse Draco à son innocence.
Draco ? Innocent ? Alors qu'il avait trois enfants ?! Et qu'il l'avait accompagné bien des fois en dernière année pour aller draguer en boîte... Harry ricana doucement.
– Mark est là cette après-midi ?
– Non, il est juste passé ce matin pour me faire signer des courriers... Pourquoi cette question ?
Harry afficha lentement un sourire éloquent qui fit rire son amant.
– Dévergondé ! Tu ne changeras donc jamais !
– Tu t'ennuierais ! ricana Harry en se levant de table.
Lucius attrapa brusquement sa main pour l'attirer vers lui et entreprit rapidement de défaire sa ceinture et déboutonner son pantalon.
– Luce ! Qu'est-ce que tu fais ?! protesta-t-il en essayant mollement de repousser son amant.
– Je prends mon dessert. Tu es plus appétissant que cette tarte !
Le pantalon défait fut prestement baissé sur ses cuisses, laissant apparaître son sexe à demi-durci par l'excitation violente qu'il ressentait. Appréciant la vue d'un regard gourmand, Lucius le prit en main et le caressa doucement. Puis d'un geste de baguette, il éloigna les plats et les assiettes encore présents sur la table.
– Grimpe.
Protestant contre les amants trop entreprenants et ses propres désirs trop exacerbés, Harry fit glisser son pantalon sur ses chevilles et sauta pour s'asseoir, les fesses au bord de la table et les jambes largement écartées pour laisser la place à Lucius.
Ce fut violent. Pas physiquement, mais parce que Lucius ne lui laissa aucun répit, le suçant intensément jusqu'à ce que Harry jouisse dans sa bouche et dans un cri bestial. Lucius ne l'avait pourtant même pas pénétré, il ne s'était même pas levé de sa chaise... mais il n'y était pas allé par quatre chemins. Il l'avait sucé, ardemment, une main dure et impérieuse serrée sur ses bourses, sans jouer avec lui comme il savait si bien le faire. À croire qu'il voulait juste l'entendre gémir à s'en arracher la gorge et crier son plaisir... Ce que Harry avait fait en quelques misérables minutes tant ce fut impétueux et âpre.
Il s'effondra sur la table pendant quelques instants tandis que Lucius s'essuyait la bouche avec une élégance toute aristocratique, dévoilant un sourire de chat repu par la souris qu'il vient d'avaler, puis son amant le tira par la main pour le redresser et le traîner vers le Petit Salon. Harry remonta son pantalon tant bien que mal, boucla sa ceinture et rejoignit Lucius qui s'était simplement assis dans le canapé avec une tasse de thé. À peu près aussi rapidement qu'il avait joui, Harry s'endormit, lové contre son amant, et glissa peu à peu jusqu'à poser sa tête sur ses cuisses.
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Dire qu'il était furieux était magnanime en comparaison de son humeur. La nouvelle avait intérêt à être d'une importance suffisante pour interrompre ce qu'il était en train de faire ! Mais Clay avait l'habitude de gérer les appels urgents et s'il avait pris la peine de venir le déranger en sachant très bien ce qui se tramait dans la chambre, c'est que Greengrass avait dû se montrer particulièrement convaincant.
Lucius poussa violemment la porte de son bureau, et sans même prendre la peine de la refermer, il s'avança à grands pas vers la cheminée emplie de flammes vertes et vaporeuses.
– J'espère pour toi que c'est important, Antonius ! gronda-t-il en croisant les bras, renonçant à s'asseoir tant il était agacé.
– Bonjour à toi aussi, mon cher Lucius, fit la voix suave de son « ami ». J'ose croire que je te dérange. Tu m'en vois navré...
Lucius n'aimait pas ces entrées en matière alambiquées. Il connaissait Antonius depuis plus de quinze ans et leurs intérêts politiques étaient communs depuis presque aussi longtemps... et plus Antonius était prudent pour aborder un sujet, plus le pire était à craindre.
– Effectivement. Sois bref.
Antonius soupira, faisant vaciller les flammes puis son image recula légèrement, comme s'il se renfonçait contre le dossier d'un fauteuil, croisant les mains sur son ventre massif.
– Je vais l'être : les lignes bougent. Et les alliances entre conservateurs aussi, tu as dû t'en rendre compte...
Lucius secoua la tête : son domaine d'action concernait essentiellement la politique étrangère et la sécurité du pays, il se souciait peu des tractations de politique intérieure.
– D'ici deux mois, aux prochaines élections du Magenmagot, ils veulent dégommer Rowle du poste de Ministre. J'ai besoin de savoir si, cette fois-ci, tu accepteras le poste.
Sans cacher sa surprise, Lucius s'étrangla légèrement. Antonius n'y était pas allé par quatre chemins et il avait l'air satisfait de son petit effet, attendant sa réponse avec un sourire suffisant.
Rowle était un incapable, mais la machine tournait malgré tout. Les employés du Ministère, les directeurs de département, chacun faisait son œuvre, bien rodé à son poste, et tenait debout la structure politique du monde magique anglais, même si le Ministre n'était qu'un pantin. Rowle ne cherchait pas vraiment à exercer une influence, se contentant de briller par son inefficacité dans les réceptions et les dîners mondains, mais les technocrates menaient la barque et les choses allaient plutôt bien malgré tout.
Lentement, Lucius secoua à nouveau la tête. Ses responsabilités étaient bien suffisantes. Sur ses épaules reposaient en réalité toutes les décisions de l'Angleterre sur son influence dans le monde, toutes ses relations avec les pays étrangers, et bon nombre de relations commerciales. Et toute la sécurité de son pays en rapport avec les menaces émergentes. Bien assez pour un seul homme qui avait d'autres chats à fouetter, et en particulier les fesses de son amant qui patientait sagement dans l'antichambre.
– Je n'aurais que Kingston à proposer contre eux, si tu refuses le poste, ajouta Antonius devant son refus.
Kingston ne faisait pas le poids, il ne rassemblait même pas la totalité de leurs partisans derrière lui ! Antonius ne pouvait pas se présenter en raison de ses condamnations passées, et personne d'autre n'avait la carrure et le prestige nécessaire pour faire un opposant valable – sauf lui. Mais Lucius n'était pas prêt à ça. Les conservateurs allaient garder le pouvoir, de toute évidence.
– Sûr de toi ? ricana Antonius avec un sourire vicieux. Dommage... Aurais-je oublié de te préciser qu'ils comptent présenter Kyle Byrne pour succéder à Rowle ?
Merlin ! Lucius déglutit péniblement en se laissant tomber dans le fauteuil près de la cheminée. Byrne figurait parmi les plus extrémistes des conservateurs, c'était un homme du passé malgré ses trente-cinq ans, et ses idées poussiéreuses et moisies signifieraient un vrai retour en arrière ! Il détestait les créatures magiques, les étrangers, les homosexuels, les femmes autrement qu'enfermées dans un mariage arrangé par leurs familles, il trouvait la liberté de la presse – voire la liberté en elle-même – dangereuses et il ne rêvait que de mettre sur pied des forces armées qui faisaient furieusement penser aux brigades inquisitoriales de la pas du tout regrettée Ombrage. Et par-dessus tout, il avait en politique étrangère des opinions diamétralement opposées à ce que Lucius s'échinait à bâtir depuis des années : une coopération internationale progressiste et éclairée. Un vrai désastre !
Lentement, Lucius leva les yeux vers Antonius qui jubilait pas assez discrètement, ravi de voir son piège se refermer sur lui. Il n'avait pas vraiment le choix, et Merlin ! il se maudissait pour ça ! Mais il ne pouvait pas laisser Byrne accéder au pouvoir. Cet homme-là ne serait pas un pantin oisif comme l'était Rowle. La moindre de ses décisions ruinerait des années d'efforts et de travail. Il ne pouvait pas laisser faire ça... Et Antonius le savait parfaitement.
– C'est bon. J'accepte.
Lucius eut à peine le temps de voir le sourire ravi de son ami qu'il coupa la communication d'un geste rageur du bras avant de se prendre la tête entre les mains. Merlin ! À quoi venait-il de céder ?! Severus et Harry allaient le détester pour ça et ils ne comprendraient jamais ses raisons !
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Après la question de la paternité, c'est à présent la politique qui s'invite dans leur vie tranquille et qui risque de provoquer quelques remous...
La semaine prochaine, un chapitre plus court et qui "piquera" un peu...
Au plaisir
La vieille aux chats
