Résumé: De retour d'Europe de l'Est, Charlie confirme à Lucius l'émergence de problèmes sérieux liés aux revendications des communautés de vampires. Face à cette menace et au risque de prise du pouvoir par un homme politique trop conservateur, Lucius se voit contraint d'accepter de briguer à nouveau le poste de Ministre de la Magie aux prochaines élections.

Chapitre un peu délicat. Cf warnings sur la page de profil

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Quand il se réveilla la première fois, Harry fut assailli par une sensation de froid. Intense, pénétrant, et il se sentait déjà glacé jusqu'aux os. Il tenta d'activer son sortilège de chaleur, mais rien ne se passa. Il s'aperçut alors qu'il était nu, sans doute déshabillé par sa magie dans son sommeil, mais en tâtant de la main autour de lui, il ne trouva ni drap, ni couette, ni même les corps de ses amants. Rien qu'une surface dure et froide et lorsqu'il voulut ouvrir péniblement les yeux, une lumière crue l'aveugla et il retomba immédiatement dans le sommeil.

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La seconde fois – était-ce vraiment la seconde fois ? – ce furent la douleur et des ricanements qui le tirèrent du sommeil. La pointe d'une botte le poussa sans ménagement d'un coup dans les côtes et son corps se renversa mollement sur le côté, puis sur le dos. Ce n'était pas normal. Il avait mal partout. Les côtes, le visage, le dos, son genou gauche... et surtout les mains. Mal dedans, dehors, plus mal encore que lors de cet étrange rituel avec Maya où la magie s'était gravée dans ses mains. Si mal qu'il se roula en boule avec les mains au niveau de son ventre pour les protéger. Et il sombra à nouveau dans le sommeil.

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Aussi immobile qu'il s'était réveillé, Harry tentait de comprendre ce qui se passait. La seule pensée cohérente qui tournoyait sans cesse dans son esprit était un signal de danger. Aussi urgent et vital que respirer pour un noyé. Mais il ne parvenait pas à transplaner, son cerveau était étrangement cotonneux et la douleur annihilait le reste de ses pensées. Il ne parvenait pas non plus à comprendre où il était, ni l'enchaînement des circonstances qui l'avaient conduit là. Une chose était sûre : ce n'était pas le Manoir, ni même le monde sorcier ordinaire. Ce qui correspondait le mieux à ses sensations était l'univers particulier qui s'étendait entre les ombres, celui dont il se servait parfois pour voyager, mais qui aujourd'hui ne lui répondait plus. Et ça non plus n'était pas normal.

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– J'en ai marre, putain ! Ce qu'on se fait chier ici !

– Tu veux jouer aux cartes ? proposa une voix ensommeillée.

– Non ! À chaque fois, on finit par s'embrouiller !

– Si t'arrêtais de tricher aussi...

Il avait déjà entendu ces voix... Deux hommes. Assis un peu plus loin et tuant le temps entre sommeil, lecture, parties de cartes et alcool.

– Ils peuvent pas se démerder pour se le surveiller eux-mêmes ?!

– Ils ont besoin de nous pour les sortilèges anti-tranplanage et les sorts de confusion. Tu ferais mieux de faire ta part de boulot sans sourciller, crois-moi ! Toi, ils ne menacent pas ta famille, mais ils pourraient bien te faire regretter la moindre erreur !

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La faim le réveilla à nouveau. Une faim grouillante, presque douloureuse. Aussi insidieuse que la soif et les douleurs qui parcouraient son corps. Péniblement, Harry se redressa et tenta de s'asseoir. Il comprit rapidement qu'il ne fallait pas qu'il s'appuie sur ses mains, mais plutôt sur ses avant-bras, et parvint enfin à se tenir à demi-assis. La tête lui tournait et il parvenait à peine à entrouvrir les yeux. De toute façon, la lumière était trop vive pour les maintenir ouverts.

Il fallait qu'il comprenne mieux où il était. Qu'il parvienne à rassembler à nouveau sa magie pour se mettre en sécurité. Mais sa magie était bridée par quelque chose d'extérieur et son esprit était trop confus pour parvenir à réfléchir.

– V'là qu'il bouge, maintenant !

– Laisse-le tranquille. Tu en as déjà assez fait.

– J'ai faim, murmura Harry.

– Tu as une cruche d'eau là-bas et un morceau de pain. Et un seau pour faire tes besoins.

– Et remets le couvercle quant t'as fini parce que ça pue ! On va pas passer notre temps à te lancer des sortilèges d'hygiène parce que tu te fais dessus !

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– Qu'est-ce que vous comptez en faire ?

– Ça ne vous regarde pas, fit une voix nouvelle, suave et étrangement vibrante. Contentez-vous d'obéir aux ordres.

– On fait que ça, obéir aux ordres ! Et y'en a marre ! On sait même pas à quoi ça rime, tout ce bordel ! Vous avez besoin de notre magie alors on exige des explications !

– Quand il sera assez faible, nous n'aurons plus besoin de votre magie. Méfiez-vous alors que je ne vous fasse pas ravaler vos paroles ! gronda la voix suave, bien plus menaçante à présent.

– Tais-toi donc ! J'ai pas envie de les voir mordre ma famille !

– En attendant, surveillez-le bien. Et inutile de le nourrir.

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La faim. La faim, le froid, la douleur... il lui semblait que le monde tournait autour de ça. Son esprit était un peu plus clair, mais les trois sensations de faim, de froid et de douleur emportaient ses pensées. Ça et le manque.

Des heures, peut-être déjà des jours, qu'il n'avait été ni tenu, ni caressé, ni embrassé. Le manque de contact physique était une douleur en soi et son corps criait famine plus violemment que son estomac. Harry se roula en boule sur le sol et perdit conscience une fois encore.

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Le temps s'étirait dans une sorte de vide, aussi immatériel que l'endroit où il se trouvait, seulement rythmé par les réveils et les inconsciences successives. Et à chaque réveil, plus puissants à chaque fois, les douleurs, la faim, la soif, et le manque viscéral d'un contact physique. Il lui semblait que peu à peu, c'était ce manque-là qui le réveillait... Il tentait bien de mettre ses bras autour de lui, comme pour se donner l'illusion que quelqu'un le tenait enlacé, mais cette privation-là lui tordait le ventre et le faisait gémir plus sûrement que la faim. Et le coup de botte qu'il prit dans le dos ne ressemblait en rien à un contact capable de l'apaiser. Pour fuir la douleur, Harry plongea dans ses souvenirs et dans une demie-inconscience bénie.

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Il se souvenait de ce jour où ils avaient fait l'amour tous les trois pour la première fois. Leur douceur, leur tendresse... Toutes ces fois, innombrables, où l'un ou l'autre venait simplement l'enlacer par derrière, les bras puissants enroulés autour de son torse... Les mots d'amour, aussi rares que précieux, et ce sentiment d'appartenance que cela éveillait à chaque fois dans son cœur... Comme ils lui manquaient.

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La douleur violente de la faim et du manque le réveillèrent et le firent gémir à nouveau, déclenchant un rire lointain qui ne lui appartenait pas. Harry s'aperçut que son visage était mouillé, peut-être de larmes, et cela le fit enrager. Toute cette humidité perdue alors qu'il crevait de soif ! C'en était risible.

C'était peut-être cela qui le faisait délirer ainsi : la soif... Son corps était complètement déshydraté et bientôt il allait se ratatiner sur lui-même comme un raisin sec.

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Il se souvenait à quel point Axaya raffolait des fruits. Il mangeait tout et n'importe quoi, il n'était pas bien difficile et toute nourriture était bonne à prendre, mais ses péchés mignons étaient la viande, la plus saignante possible, et les fruits... Il aimait aussi le poisson que Harry prenait parfois au filet à la rivière, il ne crachait pas sur les tamales que préparait Maya, mais lorsqu'il la voyait arriver avec un panier rempli de fruits, c'était comme un matin de Noël au Terrier. Une effervescence joyeuse le prenait et il avalait corossols, pitayas, ananas, mangues et coronilles comme des bonbons au point d'en être malade après.

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C'était peut-être cela, la douleur dans son ventre... Trop de fruits qui déclenchaient des coliques vertigineuses. Ou peut-être la faim d'un estomac vide depuis trop de jours. Et la douleur du manque sur sa peau.

Il n'avait aucune notion de l'heure, des jours, du temps qui passait. Probablement plusieurs jours et plusieurs nuits qu'il était là, enfermé dans cet endroit étrange tandis que sa magie s'épuisait lentement. Elle était pourtant là, étrangement bridée, s'amincissant à mesure que le temps filait entre ses doigts meurtris, mais toujours présente sans qu'il puisse s'en servir. Il y trouvait malgré tout un réconfort moral : elle n'avait pas disparu, épuisée comme lorsqu'il avait sauvé Scorpius, et si quelque chose changeait dans cet enfermement qu'il ne comprenait pas, il pourrait de nouveau s'en servir.

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Il se souvenait de Scorpius, endormi entre lui et Severus, presque sur sa peau, ce petit corps de bébé, abandonné au sommeil, si vulnérable et si attachant... Il aurait voulu savoir s'il existait, ce monde parallèle où il élevait un enfant avec Severus, peut-être même Axaya. Ces autres versions d'eux-mêmes qui accomplissaient un rêve impossible... Ils y étaient heureux sûrement. Il imaginait Severus avec ce petit garçon qui avait les mêmes yeux et les mêmes cheveux noirs corbeau que lui. Severus qui lui apprenait à lire, qui lui faisait réciter les formules des sortilèges liés aux runes, qui lui apprenait à nager dans la piscine de la rotonde... Qui l'embrassait le soir après une histoire, qui veillait sur son sommeil les jours de fièvre, qui souriait devant les premières dents tombées et les premiers dessins... Et qui aurait aussi bien pesté devant les premières potions ratées !

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Seigneur ! La faim était difficile mais elle finissait par passer au bout d'un moment. Mais la soif... c'était intolérable. Les premiers temps, il avait eu droit à un peu de nourriture et d'eau, mais le priver de tout était sans doute l'étape suivante pour le briser. Ça ne fonctionnait pas encore mais Merlin ! Que c'était difficile...

Son esprit était un peu plus clair pour l'instant, mais il sentait bien que ce n'était pas toujours le cas, et que parfois il délirait ou se réfugiait dans ses souvenirs pour fuir la faim et la douleur.

Malgré le manque que cela faisait ressurgir, les souvenirs étaient apaisants, baignant son âme d'une douceur fugitive mais salutaire.

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Harry entendit un rire gras et la douleur surgit, fulgurante.

Tiens ! Il ignorait qu'il restait encore des os dans sa main qui n'étaient pas fracturés. Ou bien ceux déjà brisés se brisaient encore, fragiles comme des brindilles de bois. Est-ce qu'il serait capable encore de se servir de ses mains, de ses doigts, le jour où il sortirait d'ici ? Est-ce qu'il serait capable encore de sentir le corps de ses amants quand il les caresserait ? De pouvoir leur tenir la main ou les toucher ? De pouvoir écrire ou préparer une potion ? Bah... il pourrait toujours coincer une louche entre ses deux poignets pour remuer une préparation. Et Merlin merci ! Il faisait de la magie sans avoir besoin de tenir une baguette dans sa main. En revanche, ce serait plus compliqué pour découper et préparer les ingrédients. Pas qu'il était maniaque mais il aimait la précision. Et puis il aimait bien le faire lui-même. Il n'aurait plus qu'à faire confiance... ou bien Severus le ferait pour lui. Manipuler les ingrédients était encore dans ses cordes même s'il ne supportait plus les odeurs des potions en train de bouillonner.

La douleur revint à nouveau, plus forte, son autre main écrasée sous le talon d'une botte, et il perdit conscience.

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Il se réveilla à nouveau allongé sur le dos, aveuglé par cette lumière provenant de nulle part et de partout à la fois. Il avait toujours froid, jusqu'au fin fond de son cœur, et il était toujours aussi désespérément nu sur le sol glacial. Et la douleur était partout, en lui, sur lui, les mains, les pieds, son dos, son torse, son œil tuméfié qu'il pouvait à peine entrouvrir, son ventre vrillé de crampes et de nausées, et jusqu'à des endroits pour le moins intimes et désormais profanés.

– Il est réveillé. Ne t'approche pas de lui, conseilla la voix suave et vibrante.

– Pourquoi ? ricana un rire gras. Ce n'est plus qu'une loque ! Tu as peur de lui ?!

– Je n'ai pas peur. Je me méfie. Il est plus puissant que vous tous réunis qui n'êtes qu'une bande de chiens sans cervelle ! Et tu ferais bien de te méfier aussi !

Un juron sonore retentit devant l'insulte et Harry entendit des bruits de lutte et des exclamations étouffées avant que le calme ne revienne.

– C'est bon ? T'es calmé ? Je veux bien te lâcher mais n'essaie même pas de recommencer. La prochaine fois, il te tuera sans même remuer un cil. N'oublie pas que ce sont eux qui donnent les ordres.

– Ton ami a raison, ricana la voix suave. J'ordonne, vous obéissez. Et je vous tuerai tous les deux et vos familles avec, sans la moindre hésitation ! Et même avec un grand plaisir...

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Il se souvenait des bras de ses amants, ces bras qui lui manquaient tant et il étouffa une plainte larmoyante. Il aurait donné n'importe quoi pour être avec eux en ce moment, même sa vie ! Non, ç'aurait été ridicule. Mort, il n'aurait pas pu profiter d'eux... Mais il s'en voulait de ce souci qu'il devait leur causer.

Lucius et Severus ne comprenaient sans doute pas pourquoi il avait disparu ainsi. Ils ne s'étaient pas disputés, il n'y avait eu ni heurt, ni problème et d'un instant à l'autre, il était simplement absent... Ils détestaient ça : ne pas savoir.

Pas qu'il sache non plus où il était, d'ailleurs. Mais quelque chose lui disait qu'ils auraient beau chercher, ses amants ne le retrouveraient jamais dans ce monde entre-deux. Il ne devait compter que sur lui-même, une magie impuissante et un corps en miettes... Réjouissant.

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Même respirer était devenu laborieux. Il ne savait pas ce qu'ils avaient fait, il avait perdu le compte des évanouissements et des réveils, mais la douleur sur son flanc gauche à chaque fois qu'il inspirait était presque paralysante. Il s'efforçait de bouger le moins possible, remuant à peine sa cage thoracique pour respirer, contracté pour maintenir la position la moins douloureuse possible. Il avait beau essayer de rester calme, il sentait bien que ses forces, sa magie, et surtout son espoir s'amenuisaient de réveil en réveil...

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Il se souvenait des fêtes de Noël l'année dernière. Un moment si doux et sucré qu'il ne put s'empêcher de gâcher quelques larmes à nouveau. Draco et sa famille étaient venus au Manoir. Même la présence de Scorpius avait été tolérable dans la magie qui entourait la fin de l'année. Lucius avait été radieux. Il était heureux, tout simplement.

Blaise était là également, comme toujours. Et puis Matthieu et Charlie étaient passés un peu plus tard dans la journée de Noël. Ils sortaient du déjeuner en famille au Terrier où Matthieu avait été convié pour la première fois. Il en était revenu avec un pull tricoté par Molly que Charlie l'avait obligé à mettre pour venir au Manoir, et Harry avait été pris avec son ancien amant d'un fou-rire irrépressible qui avait duré presque une heure. Pour une fois que ce n'était pas lui la victime de ces pulls faits main ! Il en avait pleuré, comme il pleurait en ce moment.

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– Tu sais ce qu'ils lui veulent, toi ?

– Pas avec certitude. Mais j'imagine qu'ils veulent affaiblir sa magie pour prendre le contrôle de son esprit...

– Pourquoi faire ?

– Intérêt stratégique. Il couche avec le futur ministre de la magie anglais.

– Pourquoi ils le mordent pas directement, dans ce cas-là ? Il mordrait l'autre au plumard et ce serait réglé !

– Trop voyant. Le ministre est trop entouré, le changement de comportement se verrait et il serait révoqué aussitôt. Ils ne veulent pas le transformer, ils le veulent sous leur emprise...

– Bah, ils feraient bien de se dépêcher avant qu'il n'en reste plus rien ! Il va plus tenir longtemps à ce rythme-là !

– Si t'arrêtais de le cogner un peu... Je te rappelle que s'il meurt, on meurt aussi.

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Pourquoi se souvenait-il ainsi de leur dernière séance dans l'antichambre ? Cela faisait deux ou trois semaines maintenant, mais ça avait été si émouvant. Lucius les avaient attachés, lui et Severus, face à face, les bras levés et écartés tendus au-dessus de leurs têtes, et lentement, il tournait autour d'eux, distribuant coups de fouet et coups de canne sur leurs peaux rougies. Harry était plus petit que Severus et la traction sur ses poignets l'obligeait à se tenir sur la pointe des pieds; il avait eu mal bien avant son amant. Et Lucius les avait attachés non par des cordes, mais par des bracelets de cuir qui les prenaient jusque sur l'avant-bras... il avait eu l'intention que cela dure longtemps.

Mais ils étaient face à face et cela changeait tout. Il avait pu frôler Severus, l'embrasser, même sous les coups, gémir sur sa peau et poser son front sur son épaule à la recherche de réconfort. Et pleurer, le visage enfoui dans le creux de son cou tandis que Severus se laissait suffisamment aller pour gémir lui aussi sous les coups de reins de Lucius.

Ça avait été un moment magique, où se mêlaient la souffrance, l'amour, la tendresse et une grande pureté de leurs sentiments.

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Une douleur fulgurante dans son ventre le tira d'une inconscience bénie. Il avait mal à bien d'autres endroits, mais cette douleur-là le prenait de l'intérieur, violente, terrifiante, déchirant ses entrailles qui semblaient pourtant dures comme du bois. Hoquetant malgré sa difficulté à respirer, il se roula en boule avec un gémissement désespéré. Cette douleur-là était pire que tout mais elle empira encore lorsqu'il se contracta involontairement pour vomir de la bile.

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Deux semaines plus tôt

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Quand ce n'était pas l'un, c'était l'autre : à tour de rôle, ils jetaient un œil sur la pendule au-dessus de la cheminée du Petit Salon, puis replongeaient le nez sur leur lecture avec un froncement de sourcils. Au bout d'un moment, Lucius referma son dossier d'un geste agacé, le posa sèchement sur la table basse et se leva.

– J'en ai assez. Allons dîner. On ne va pas rester bêtement à l'attendre jusqu'à je ne sais quelle heure !

– Il t'avait prévenu qu'il ne serait pas là pour le dîner ? interrogea Severus d'un ton plus calme.

– Bien sûr que non ! Sinon je ne serais pas là...

– … à l'attendre bêtement. Je sais.

Lucius jeta un regard sombre à son compagnon qui paraissait aussi indifférent à sa colère qu'à l'absence de Harry; ce qui n'était sans doute pas vrai, ni dans un cas, ni dans l'autre.

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Le dîner fut rapide et silencieux. Et en tête à tête.

Lorsqu'ils retournèrent dans le Petit Salon pour boire le thé, Harry n'avait pas reparu, ni fait parvenir un quelconque message pour avertir de son retard ou de son absence. Lucius n'appréciait pas ce manque de manières, mais sa colère était retombée peu à peu. Harry n'avait pas dû voir l'heure, trop pris par une potion ou un patient... Ou bien il était passé chez Matthieu ou Draco et il était resté dîner sans y penser. Cela ne lui ressemblait guère d'être absent sans prévenir mais après tout, il avait bien le droit d'avoir une vie sans eux...

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La soirée fut morne et silencieuse, tous les deux devant un film pour meubler le silence. Ils finirent par monter se coucher assez tard, comme s'ils avaient veillé malgré tout pour attendre leur amant.

– Il a dû aller danser ou boire un verre, suggéra Lucius devant l'air sombre de son mari.

Severus haussa les épaules et se coucha sans un mot, tourné vers lui mais à bonne distance. Laissant sans doute la place pour que Harry vienne s'installer entre eux au petit matin après une nuit de débauche.

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Quand Lucius se réveilla le lendemain matin, il était seul dans le lit. Il attendit impatiemment que Severus remonte de la piscine et se renfrogna malgré lui lorsqu'il le vit apparaître. Seul.

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Ce midi-là, Severus rentra déjeuner, davantage pour vérifier si Harry était rentré que pour le voir lui, mais Lucius ne pouvait pas lui en tenir rigueur. Mais il n'avait aucune bonne nouvelle à lui annoncer. Harry n'avait pas reparu, ni envoyé un quelconque message et Lucius n'avait pas réussi à le joindre à Sainte-Mangouste où il aurait dû travailler.

Au milieu du repas toujours aussi silencieux, Severus éclata d'une colère sourde et méfiante.

– Tu n'as rien à me dire, n'est-ce pas ?! Vous ne vous êtes pas disputés et il ne s'est rien passé en mon absence ?!

Lucius ouvrit des yeux ronds avant de comprendre que Severus faisait référence à la disparition de Harry l'année dernière, lorsqu'il avait appris que son amant lui avait menti et caché la présence de Charlie.

– Mais non ! Par les couilles de Merlin ! s'emporta-t-il devant la suspicion de son mari. Tu me prends pour qui ?! S'il s'était passé quelque chose, je t'en aurais parlé ! Et je te signale que tu es le dernier de nous deux à l'avoir vu, que je sache ! Il t'a raccompagné à la Librairie après le déjeuner hier et je ne l'ai pas revu depuis !

Severus soupira et se calma, s'affaissant légèrement sur sa chaise. En fronçant les sourcils devant sa propre virulence, Lucius s'aperçut qu'il était debout, les deux poings posés sur la table, et il se rassit à son tour. La colère l'avait emporté aussi sûrement que l'inquiétude larvée qui commençait à les miner. Il leva les yeux vers Severus que la colère avait déserté également, et leurs regards se croisèrent un long moment. Ils ne se diraient rien l'un à l'autre, mais ils partageaient le même sentiment : ils ne voulaient pas perdre Harry, et ils espéraient de tout cœur qu'il ne soit pas parti brusquement parce que la forêt lui manquait ou toute autre raison improbable qui n'appartenait qu'à lui.

– S'il n'est pas rentré ce soir au dîner, j'appellerai Draco.

– Et moi, Matthieu...

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– Draco ?

Au milieu des flammes verdâtres, le jeune homme fronça les sourcils, surpris de son appel.

– Oh, PapiLuce ! Tu viens manger avec nous ce soir ?

– Non, pas ce soir, Minerva, répondit Lucius en apercevant fugacement les visages de ses petites-filles. Je veux juste parler à Draco.

– T'as vu ? s'exclama Iris. J'ai mis la trop belle jupe que tu m'as offerte à mon anniversaire !

– Oui, je vois. Elle te va très bien, tu es très jolie...

– Allez dans vos chambres, les filles, fit la voix sévère de Draco. Je dois parler à PapiLuce.

En râlant, elles s'éloignèrent de la cheminée, le laissant face à face avec son fils dont le regard sérieux et grave montrait qu'il avait compris l'importance de son appel.

– Qu'est ce qui se passe ?

– J'ai juste une question à te poser, hésita Lucius. Est-ce que tu as passé la soirée avec Harry hier ? Ou est-ce que tu sais avec qui il était ?

– Non, ni l'un ni l'autre, répondit Draco avec un regard dur. J'étais à l'entraînement de quidditch, mais il ne vient pas en général à celui du lundi... Seulement celui du vendredi et parfois le mercredi. Et il n'était pas non plus avec Angie ou Alicia puisqu'elles étaient présentes. Il n'est pas rentré depuis hier si je comprends bien ?

Lucius soupira d'un air dépité. Son fils venait de ruiner ses espoirs en quelques phrases. Harry n'avait pas reparu de la journée à Sainte-Mangouste et Sam et Deirdre lui avaient confirmé ne pas savoir où il était, Draco venait de faire de même et il affirmait implicitement la même chose pour Alicia avec qui Harry partait régulièrement danser en soirée. Il ne pouvait plus espérer qu'après la réponse de Matthieu...

– Non, finit-il par répondre à son fils. Il est venu déjeuner hier avec nous, il a raccompagné Severus à la Librairie et il n'est pas rentré depuis...

– C'est marrant comme cette situation me dit quelque chose, railla durement Draco.

Lucius serra les dents sous le reproche. Il ne voulait pas se disputer maintenant avec son fils, ni risquer de dire des mots qui dépassaient sa pensée.

– Il ne s'est rien passé de particulier ces derniers temps, contrairement à ce que tu sembles penser, se justifia-t-il. Mais ce n'est pas dans ses habitudes de ne pas prévenir de son absence. Et ça nous... surprend. Fais-moi juste signe si tu as de ses nouvelles.

Draco se radoucit légèrement, sembla hésiter à ajouter quelque chose puis hocha simplement la tête.

– Je te préviens si j'en sais plus...

– Merci, fit Lucius d'une voix lasse en coupant la communication.

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Severus arborait un air encore plus sombre et fermé que ces dernières heures lorsqu'il le rejoignit dans le Petit Salon.

– Matthieu n'a pas de nouvelles ? osa Lucius.

Son mari secoua la tête sans un mot et se laissa tomber dans un fauteuil loin de lui. Son regard tendu, fixé sur les flammes furieuses de la cheminée, ne laissait aucune place à la tendresse ou aux paroles de réconfort. Lucius préféra baisser les yeux sur son verre de cognac. Cela ne servait à rien de dire quoi que ce soit tant que Severus était ainsi inabordable.

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– Bonjour Alicia.

– Tiens ! Ça faisait longtemps ! ricana-t-elle.

– Tu ne sais rien ? soupira Lucius assis sur un coussin devant sa cheminée. Tu ne l'as pas vu, tu n'as pas eu de message ? Il ne t'avait parlé de rien de particulier ?

– Rien. Aucune nouvelle depuis le dernier entraînement de quidditch où il est venu, la semaine dernière... Qu'est-ce que vous avez fait, cette fois-ci, pour qu'il disparaisse encore ?

Le ton était aussi moqueur que critique et le fit exploser de rage.

– Merlin ! Mais vous me faites chier, tous ! hurla-t-il. Il ne s'est rien passé ! Je n'y suis pour rien ! Harry a disparu sans un mot ! Il n'y a pas eu une engueulade, rien du tout et la dernière chose qu'il m'ait dite, c'est qu'il m'aimait ! Allez au diable, tous ! Je n'y suis pour rien !

Lucius coupa la communication d'un geste de colère. Il perdait ses moyens, ça n'était pas bon et il avait le cœur au bord des lèvres.

– Clay ! appela-t-il. Emmène-moi aux écuries et prépare mon cheval.

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Les jours passèrent, emmenant Draco et sa famille au Manoir pour les vacances d'automne. Malgré les silences de plomb, malgré l'ambiance pesante et un Severus plus sombre et taciturne que jamais... Même les enfants furent étrangement calmes et discrets. Lucius et Draco n'avaient pas voulu changer leurs projets, comme pour maintenir un semblant de normalité, mais l'absence de Harry était dans tous les silences de leurs conversations.

Ils interrogèrent tout le monde et personne n'avait ni nouvelles, ni explications. Même Charlie avait demandé à ses frères et à Molly...

Ils tentèrent d'activer le médaillon de Harry que Lucius avait toujours en sa possession mais il semblait ne plus fonctionner. Il eut beau y insuffler de la magie en la touchant, la pierre ne chauffait plus avant de devenir froide d'un seul coup comme auparavant, et sans ce médaillon, impossible d'aller se perdre dans la forêt qui prolongeait le « bureau » de leur amant.

Ils essayèrent de la même manière d'appeler Mayahuel en se servant du bracelet de cuivre que Severus portait toujours autour de l'avant-bras, mais la créature n'avait plus donné signe de vie depuis la naissance de Scorpius. Et elle ne se manifesta pas davantage cette fois-ci.

Ils demandèrent un état de ses comptes à Gringotts qui certifia qu'aucun mouvement d'argent n'avait eu lieu; ils demandèrent à visiter son bureau et son laboratoire à Sainte-Mangouste qui ne les surprirent que par l'effervescence de plantes qui formaient presque des murs de végétation; ils fouillèrent même sa chambre pour essayer de trouver le début d'une explication.

Ils n'y avaient jeté qu'un bref coup d'œil le premier jour, pour chercher un message ou l'absence de vêtements. Cette fois-là, ils retournèrent la pièce de fond en comble, jusqu'au dernier tiroir du secrétaire, jusqu'à sa vieille malle de Poudlard qui contenait ses plus vieux souvenirs, et jusqu'au coffre qu'il avait ramené de la maison d'Andromeda... Pour ne rien trouver de plus révélateur que les derniers chapitres de son futur traité de potion. Est-ce qu'il était parti pour chercher une plante rare et qu'il avait eu un... accident ? Est-ce que tout ça n'était que le fruit d'un malheureux concours de circonstances ou était-ce un départ volontaire ? Est-ce qu'ils allaient rester à jamais sans une explication ?! Et surtout sans lui ?!

La mort dans l'âme, Lucius referma la porte de la chambre de Harry et remonta le couloir jusqu'au boudoir de Narcissa, où il pénétra pour la première fois depuis bien longtemps.

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Lucius avait jeté un œil dans les salons, dans la bibliothèque et dans son bureau, mais Severus n'y était pas. Et ce Manoir durement silencieux lui mettait les nerfs à fleur de peau.

En passant devant le portrait d'Axaya, il fut happé par son regard étrangement triste. Ce portrait magique était trop réaliste, exprimant des émotions surprenantes et depuis la disparition de Harry, il semblait guetter le moindre passage dans le couloir. Tandis que Lucius croisait ses yeux perdus, noirs comme un puits sans fond, une larme roula sur la joue de l'enfant.

Il s'en détourna avant d'être trop ému lui aussi et s'avança jusqu'à la véranda. Severus était là, dans une des pièces préférées de Harry, debout devant la baie vitrée. Dans son dos, sa main serrait son autre poignet, comme pour se raccrocher à quelque chose...

Lucius s'approcha pour l'enlacer, glissant ses bras autour de sa taille jusque sur son ventre. Après un instant de résistance, Severus se relâcha contre lui et ramena ses mains pour les poser sur les siennes.

– Pourquoi est-il parti ? murmura-t-il en renversant sa tête en arrière sur son épaule.

Sa voix était rauque, douloureusement voilée, et ses yeux sans doute trop brillants n'auraient jamais pu le regarder en face.

– Je ne sais pas, mon amour. Je ne comprends pas plus que toi...

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La forme nue, dorée et violacée par endroits, voire même couverte de sang à d'autres, parcourue de pâles arabesques émeraudes et qui apparut au beau milieu du laboratoire, était un corps humain. À peine vivant et gémissant.

Sans penser à la moindre règle de prudence devant cette apparition soudaine, Deirdre se précipita pour s'agenouiller au sol. D'une main tremblante, elle écarta un rideau de cheveux noirs collés par la sueur et les larmes pour ne découvrir qu'un visage tuméfié dont les yeux bouffis par les hématomes semblaient incapables de s'ouvrir.

– Appelle... Alicia Spinnet, murmura une voix brisée par les cris et la soif. Premier étage...

Cette voix, malgré ce son rocailleux et écorché, elle aurait pu la reconnaître entre mille et les larmes perlèrent immédiatement à ses yeux. Obéissant comme si sa propre vie en dépendait, elle saisit sa baguette, lança un Spero Patronum peu assuré, qu'elle dut renouveler deux fois avant de parvenir à ses fins, et l'envoya porter le message désespéré à Alicia.

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Elle entendit les bruit de pas qui couraient dans le couloir juste avant que la porte ne s'ouvre violemment. Elle était seule à cette heure-là dans le laboratoire, même Sam était rentré préparer le dîner et ce ne pouvait être qu'Alicia. Enfin !

– Pourquoi..., fit la jeune femme essoufflée avant de s'interrompre en devinant la forme recroquevillée au sol.

– C'est Harry, gémit Deirdre en levant des yeux affolés et noyés de larmes vers elle.

Alicia porta la main à sa bouche, étouffant un cri et un sanglot mêlés, et fut incapable de bouger pendant quelques secondes qui durèrent une éternité. Elle était paralysée, incapable d'admettre la vérité des paroles de la potionniste. Ce corps devant elles, nu, meurtri, presque inconscient, ne pouvait pas être celui de leur ami. C'était impossible. Harry était Harry, le Survivant, doté d'une magie si étrange, dont elles avaient toutes deux été témoins, et si puissant que personne ne pouvait rivaliser avec lui. Il ne pouvait pas être ce corps supplicié qui tremblait sous leurs yeux impuissants...

Puis dans son esprit, une étrange machine se mit en branle, froide, méthodique, précise, portée par des années d'expérience et de pratique rigoureuse. Les explications attendraient d'autres moments, il fallait d'abord faire un bilan, constater l'ampleur des blessures, apporter les premiers soins d'urgence, alerter un médecin compétent sans ameuter l'ensemble de l'hôpital, être efficace tout en parant au plus pressé, et sans même s'en être rendu compte, elle avait déjà sorti sa baguette et lancé des sorts de diagnostic.

– Je lui ai... Je lui ai juste donné une potion antalgique, pleurait Deirdre avec le corps de Harry dans ses bras. J'avais peur de faire des bêtises. Je ne savais pas quoi faire...

– Tu peux lui en donner une deuxième, ordonna Alicia d'un ton dur. Ce n'est pas ça qui le tuera.

Elle s'efforçait d'ignorer la douleur de son cœur à mesure que les premiers résultats tombaient. Pleurnicher ne servirait à rien qu'à la rendre moins efficace.

– Et une potion antipyrétique...

Au milieu d'une nuée de sortilèges de soins, elle invoqua un patronus. Elle savait qui appeler, elle n'avait pas vraiment le choix de toute façon, mais le docteur Evans – ironiquement – était un chirurgien rapide et compétent. Et malheureusement pragmatique. Elle avait fait assez de scènes de guerre ou de catastrophe pour savoir juger très rapidement des priorités.

– Et des antibiotiques...

Deirdre s'était relevée lorsque Alicia avait fait apparaître au sol un brancard où elle avait fait lévité le corps de Harry et elle s'employait à présent à ramener les différentes potions réclamées par l'infirmière et à les faire avaler au jeune homme.

– Il est inconscient. Donne-moi ça.

D'un geste sûr de sa baguette, elle transféra le contenu des fioles dans l'estomac de Harry avant de s'atteler au sortilège pour poser une voie veineuse. Les simples potions ne seraient pas suffisantes, il fallait que tout cela passe directement dans son sang, et il avait également besoin d'être réhydraté de toute urgence. Et peut-être même d'un certain nombre de médicaments de réanimation très particuliers.

Elle s'affairait en silence, seulement entrecoupé par les murmures de ses sortilèges et les sanglots de Deirdre, agenouillée impuissante à côté du brancard et caressant la main de Harry entre les siennes.

– Lâche-le, fit sourdement Alicia entre ses dents. Il a plus d'une dizaine de fractures à cette main, pas sûr que tes caresses lui fassent du bien.

– De quoi s'agit-il ? lança une voix forte dans l'encadrement de la porte.

L'autre Docteur Evans n'avait l'air de rien dans sa blouse blanche informe, une femme d'un certain âge aux traits secs et au visage anguleux, mais elle dégageait une puissance et une assurance que beaucoup lui enviaient. Sa présence imposait le respect. Et sa baguette faisait des merveilles.

– Urgence vitale, annonça Alicia tandis que l'homme qui accompagnait le Docteur Evans et qu'elle reconnut comme son assistant, s'agenouillait à son tour près du corps de Harry. Choc septique. Péritonite sur perforation colique. Hypotension. Tachycardie. Insuffisance rénale aiguë et insuffisance hépatique. Syndrome occlusif. Hyperthermie supérieure à quarante-et-un degrés. Déshydratation majeure. Pneumothorax gauche...

Sa voix se brisait lentement à mesure qu'elle ânonnait le bilan catastrophique et qu'elle prenait conscience de l'ampleur du tableau. Et qu'elle se souvenait de la personne qui était concernée.

Evans s'était emparée du parchemin long comme le bras sur lequel étaient inscrits les résultats des sorts de diagnostic et elle blêmissait à vue d'œil en parcourant la liste. Puis son regard parcourut les personnes présentes et le corps nu qui se remettait à trembler après un moment d'inconscience.

– Je veux Jones et Hockney, fit-elle à son assistant. Un bloc immédiatement. Et fais appeler Potter...

C'est Potter, Madame Evans, murmura Alicia. C'est Harry...

L'assistant tourna si brusquement la tête qu'ils entendirent tous ses vertèbres craquer sèchement. Il n'avait vu qu'un corps à soigner et un visage tuméfié; pas la personne qui était dessous, et il pâlit à son tour furieusement.

– Appelle aussi Peterson alors, ordonna Evans. Et je ne veux pas que le nom de Potter filtre en dehors de ma salle de bloc. Déclare-le sous une autre identité.

L'assistant se redressa pour lancer une série de patronus et un sortilège d'allègement sur le brancard qu'il fit prudemment léviter vers le couloir de l'étage.

– On fera autant qu'on pourra, prévint Evans d'une voix plus douce. Mais ne vous attendez pas à un miracle...

– Je viens avec vous, fit Alicia en serrant les dents. Je ne le lâche pas !

– Ali...

Ce qu'elles prirent d'abord pour un gémissement était un appel. Infime. Presque inaudible. Mais un appel.

– Harry ! pleura-t-elle en se penchant sur le brancard.

– Pas un mot à Severus... Laisse-moi. Quarante-huit heures. Avant de le prévenir...

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Restée seule et incapable de bouger, Deirdre pleura longtemps. De douleur, d'angoisse, de tristesse... de révolte aussi. Tout comme Alicia, elle savait que Harry avait disparu du Manoir depuis près de deux semaines et que ses amants l'avaient cherché partout, mais l'horreur de ce qui s'était passé se faisait peu à peu jour dans son esprit. Et l'angoisse de ce qui allait advenir la prit à son tour, déclenchant une nouvelle crise de larmes hystériques.

Longtemps après, quand elle eut épuisé toute son anxiété et ses pleurs, elle resta prostrée sur le sol du laboratoire, jusqu'à ce que ses yeux se posent sur les parchemins de diagnostic tombés au sol. Elle n'avait pas tout compris de ce que Alicia avait énoncé tout à l'heure, mais elle se souvenait surtout de ses mots « urgence vitale » et du regard compatissant du Docteur Evans...

Le parchemin entre ses mains était une longue litanie dont l'en-tête était intitulé Fractures. S'ensuivait une liste interminable : os malaire droit et gauche, os propres du nez, mandibule inférieure, humérus gauche, radius gauche, scaphoïde et os du carpe gauche, os du métacarpe gauche et phalanges gauches, scaphoïde et os du carpe droit, os du métacarpe droit et phalanges droites, volet costal gauche des sixième, septième et huitième côtes, deuxième et troisième vertèbres lombaires, rotule gauche, métatarses et phalanges du pied gauche, métatarses et phalanges du pied droit... La liste suivante s'intitulait Plaies, Hématomes et Brûlures.

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Désolée pour cette interruption momentanée de l'image et du son, mais je pars en vacances! ^^ Pas de chapitre la semaine prochaine, rendez-vous dans quinze jours...

Au plaisir

La vieille aux chats