Résumé: En raison de la menace émergente des vampires dans les pays de l'est, Lucius a accepté de briguer à nouveau le poste de Ministre de la Magie. Mais quelques temps après, Harry disparaît avant de réapparaître à Sainte-Mangouste une douzaine de jours plus tard, plus mort que vif.

Les vacances étaient courtes, mais comme toute bonne chose, elles ont une fin. Mais pour vous, cela signe enfin le nouveau chapitre! Désolée pour ce suspense estival et rassurez-vous, Harry est toujours vivant! ^^


Sans pouvoir s'en empêcher, sans même s'en rendre compte, et malgré la douleur, Harry faisait les cents pas entre son bureau et le canapé du coin salon. Sept pas dans un sens, s'appuyer un instant sur le bois sombre puis sept pas dans l'autre sens. Le dossier du canapé quelques secondes, sous le regard furieux d'Alicia, puis sept pas encore.

– Bon sang, Harry, assieds-toi ! Tu es censé te reposer. Si le Docteur Evans te voyait ne serait-ce que debout, elle t'arracherait les yeux à la petite cuillère !

– Certainement pas, ricana Harry. Pas après qu'elle ait pris le temps de me faire une si jolie couture sur le ventre !

Il avait à présent quelques cicatrices supplémentaires à son actif, mais il devait reconnaître que la chirurgienne y avait mis du sien et que l'incision qu'elle avait faite du bas du sternum au pubis ne serait certainement pas la plus voyante qu'il avait. D'autant qu'à partir du nombril, elle serait cachée par la ligne de poils qui descendait encore plus bas.

Obéissant malgré tout au conseil plus qu'avisé d'Alicia, il s'assit sur le coin de son bureau, ou du moins, y glissa une fesse dans une position qui n'était pas trop douloureuse. Ce n'était pas le moment de faire un malaise. Il savait bien qu'il aurait dû rester assis, voire même allongé, mais l'angoisse faisait qu'il ne tenait pas en place.

À voir son regard sombre, Alicia ne décolérait pas. Elle devait le trouver déraisonnable et elle avait sans doute raison. Elle et Deirdre avaient tellement fait pour lui qu'il leur était redevable au-delà de l'imaginable et Harry finit par retourner s'asseoir sur le canapé. Elles l'avaient veillé jour et nuit, se relayant sans relâche à son chevet pendant ces deux jours de convalescence. Le reste du temps où elle n'était pas avec lui, Deirdre s'était occupée de préparer toutes les potions qu'il avalait. Et Alicia s'était chargée de tous ses soins, y compris les plus intimes. Elle le connaissait au moins aussi bien que ses amants à présent ! Mais hormis le Docteur Evans, personne n'avait posé la main sur lui, ni ne s'était approché de lui depuis sa sortie de salle d'opération.

Et personne ne savait même qui il était. En sortant du bloc, il n'avait pas été hospitalisé dans une chambre, mais dans son bureau, aménagé pour l'occasion avec un lit d'hôpital et quelques éléments de surveillance. Et toutes les plantes que Kitty renouvelait au fur et à mesure...

L'elfe de Sainte-Mangouste qui s'était chargée de l'aménagement de son bureau quand il avait commencé à travailler à l'hôpital, avait été atterrée quand elle avait vu toutes les plantes dont elle prenait grand soin complètement fanées et desséchées. Mais il avait besoin de l'énergie vitale de ces plantes pour ressourcer sa magie, et il avait besoin de sa magie pour se guérir lui-même. Quand elle avait compris cela, l'elfe n'avait plus rien dit et elle pourvoyait son bureau en fougères, dracaena ou petits palmiers aussi vite que les plantes mourraient.

Cela lui avait permis d'accélérer sa guérison autant qu'il le pouvait. À grand renfort de potions de régénération, de Poussos et de potions de nutrition – et surtout grâce à Evans qui avait réparé la déchirure de son côlon, nettoyé sa cavité abdominale et quelques autres bricoles –, il s'était débarrassé de l'infection qui menaçait de le tuer, il avait pallié aux déficiences de son foie et de ses reins, guéri son poumon perforé et la plupart de ses fractures étaient en bonne voie de consolidation. Evans n'en revenait pas. Il restait quelques plaies et hématomes sur l'ensemble de son corps – le plus visible mais le moins urgent – qu'il avait négligés pour pallier au plus pressé. L'onguent dont il se servait après les passages dans l'antichambre pour Severus – et pour lui – avait fait des merveilles, mais ce n'était pas suffisant. Sans la magie pour l'appuyer il était moins efficace, et sa magie était occupée ailleurs. Il avait privilégié son visage, histoire de retrouver une apparence humaine, mais il restait du travail... Plus tard. Il avait besoin de se reposer...

La porte qui s'ouvrit brutalement le tira de ses pensées. Merde ! C'était maintenant et il ne se sentait pas prêt ! Mais il savait que ses amants l'avaient cherché partout et qu'ils étaient désespérés. Quarante-huit heures était un délai trop court pour que tout soit parfait mais il ne pouvait pas exiger d'eux davantage.

Il se leva rapidement pour leur faire face – trop rapidement peut-être – mais Severus avait déjà fondu sur lui, l'emprisonnant dans ses bras avec une force qui lui coupa le souffle.

Seigneur ! Comme ça lui avait manqué ! Les bras de son amant, sa chaleur, son souffle, son parfum... L'odeur épicée de Severus... Tout un monde de sensations nichées là, dans le creux de son cou, tout un monde de promesses et d'amour qui l'envahissaient, les yeux fermés, tandis que les douleurs aiguës s'allumaient dans son corps comme autant de signaux d'alarme.

– Bon sang ! T'étais où ?! gémit sourdement Severus à son oreille. On s'est fait un sang d'encre ! On t'a cru mort !

Ce n'était peut-être pas le moment de dire qu'il était passé pas loin. Ni Severus, ni Lucius, dont il aperçut, en ouvrant les yeux, le regard ému, n'avaient besoin de savoir ça.

– Je suis là, murmura-t-il simplement. Je suis là...

Lucius, voyant que Severus ne lui laisserait pas la place pour l'étreindre, les enlaça tous les deux, caressant son dos d'une main puissante et possessive et embrassant ses cheveux. Trop ému pour parler... et puis les paroles viendraient plus tard. Pour l'instant, ils avaient juste besoin de le toucher pour s'assurer qu'il était vivant.

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Au bout d'un moment qui lui sembla une éternité, Severus se recula légèrement pour le regarder, prenant son menton d'une main pour lui faire tourner la tête à droite puis à gauche.

– Qu'est-ce qui s'est passé, bon sang ?! Où tu étais ?! Qu'est-ce qui t'es arrivé ?!

Les hématomes autour de ses yeux et sur sa mâchoire n'étaient pas complètement résorbés et il ne pouvait pas les cacher à ses amants. Mais il était incapable de dire quoi que ce soit maintenant. Il était déjà dans le rouge rien qu'en restant debout aussi longtemps, et la poigne de Severus sur sa mâchoire lui faisait un mal de chien. Sans parler de son étreinte sur ses côtes encore fragiles.

– Merlin ! Harry ! Assieds-toi ! scanda Alicia d'une voix impérieuse.

Seulement là, Lucius et Severus semblèrent s'apercevoir de sa présence et ils se reculèrent pour considérer son regard noir et ses sourcils froncés. Harry en profita pour s'extirper de leurs bras et se laissa tomber sur le canapé avec soulagement. Il tremblait un peu et la tête lui tournait encore, même s'il essayait de se maîtriser pour le cacher à ses amants.

Puis les regards se tournèrent à nouveau vers lui, haletant sur le canapé et ramassé sur lui-même, et ses mains encore entourées de bandages blancs serrés qui dénotaient sur sa peau dorée et sa chemise sombre.

– On va rentrer, fit-il au bout d'un moment. Je vous expliquerai plus tard... J'ai d'abord besoin de rentrer à la maison...

Le sourire pâle de Lucius trembla un peu à ces mots et il s'accroupit face à lui pour le regarder dans les yeux.

– Oui, tu vas rentrer à la maison. On va rentrer tous les trois. Le reste peut attendre...

Il effleura à peine ses mains avec les siennes avant de se pencher pour les embrasser, puis embrasser ses lèvres sèches, les yeux brillants d'émotion.

– La cheminée a été raccordée au réseau pour aujourd'hui, intervint durement Alicia en désignant l'âtre derrière eux. Vous pouvez partir par là, mais il en faut un avec lui. Il ne peut pas faire le trajet seul.

Elle se mordit furieusement les lèvres tandis que Lucius et Severus tournaient vers elle un regard brusquement inquiet.

– Je rappelle que je n'étais pas d'accord avec ça ! protesta-t-elle sèchement à l'adresse de Harry. Et Evans non plus ! Tu as intérêt à te tenir à carreaux et je serai là demain matin à la première heure en sortant de mon service de nuit ! Si je constate le moindre problème, je te ramène ici séance tenante et par la peau des couilles s'il le faut !

Harry osa un petit rire qui se termina en une toux douloureuse et la regarda avec reconnaissance.

– Moi aussi, je t'aime. Et je te promets de ne pas gâcher tous les efforts que tu as faits.

– Dégage, maintenant ! J'ai besoin d'aller dormir avant de bosser.

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Il fit le voyage par cheminette avec Severus dont le regard sombre hésitait entre soulagement et colère. Harry n'était pas capable de transplaner seul, ni même de marcher jusqu'à l'aire de transplanage en dehors de l'hôpital pour le faire avec l'un de ses amants. Une requête à son nom avait suffi à faire raccorder la cheminée au réseau en un temps record et il remercia silencieusement le Ministère pour cela. Mais même ainsi, Severus dut le soutenir en arrivant dans le bureau de Lucius.

Harry dissimula sa faiblesse comme il put, s'accrochant au cou de son amant lorsque Severus le plaqua contre lui pour lui ravir un baiser farouche et éperdu. Ce fut merveilleux et douloureux à la fois, ces lèvres tempétueuses qui lui avaient tant manqué, mais il dut s'écarter de Severus au bout de quelques secondes pour s'appuyer sur un fauteuil et calmer la douleur aiguë qui irradiait de ses côtes et de son dos.

Lucius choisit bien évidemment ce moment-là pour surgir de la cheminée, les sourcils froncés de le voir ainsi debout mais plié en deux et le souffle court. Avait-il échangé quelques mots avec Alicia avant de rentrer dans la cheminée à son tour ? Harry n'en aurait pas été étonné et le rappel à l'ordre de l'aristocrate le lui confirma.

– Va immédiatement t'asseoir ou t'allonger !

– Pas ici, marmonna-t-il, encore crispé sur le dossier du fauteuil. Emmène-moi... la forêt...

Severus, à qui il s'était adressé, fronça les sourcils à son tour et, devant sa faiblesse de plus en plus évidente, le souleva de terre, un bras dans son dos et l'autre sous ses genoux, pour le porter vers son « bureau ».

Harry grimaça malgré lui de la position la douleur de ses côtes et de son dos devenait insupportable et son genou gauche ne pouvait pas encore assumer une telle flexion. Et par-dessus tout, il se sentait profondément humilié d'avoir besoin de Severus de cette façon. Tout compte fait, il était peut-être rentré trop tôt. Il aurait dû attendre vingt-quatre heures de plus pour être davantage requinqué, mais il n'avait pas voulu inquiéter plus longtemps ses amants. Il les avait déjà assez fait souffrir comme ça... Mais au fond, est-ce que le voir ainsi, faible et démuni, ne les faisait pas souffrir tout autant ?...

De toute façon, c'était trop tard, il avait fait son choix et il était là, prêt à s'évanouir dans les bras de Severus si la douleur ne se taisait pas rapidement. Heureusement, son « bureau » n'était qu'à quelques mètres de celui de Lucius et ils furent devant la porte en deux secondes.

Severus marqua un temps d'arrêt qu'il ne comprit pas, tout en étouffant un murmure de surprise. Harry leva un regard voilé de points noirs vers son amant, puis vers ce qu'il regardait. Là, dans le portrait magique qu'il lui avait offert pour son anniversaire, le visage d'Axaya était baigné de larmes, ruisselant sur sa peau brune en laissant des sillons brillants et humides. L'enfant était bouleversé, affolé, et sa main s'approcha pour se poser à plat comme sur une vitre, cherchant un contact qu'il n'obtiendrait jamais. Harry s'efforça de sourire pour le rassurer mais il sentait bien que les larmes dévalaient ses propres joues, irrépressibles, et ce fut peut-être même un gémissement qui s'échappa de ses lèvres.

Ouvrant impérieusement la porte, Lucius coupa court à cette scène étrange et déchirante, et les poussa à travers le voile de magie.

La chaleur humide les assaillit aussitôt mais pour Harry, elle était synonyme de réconfort et de soulagement. Tout comme la moiteur était étouffante, la magie était ici plus dense, plus épaisse, elle pouvait puiser directement dans cette vie intense et foisonnante pour se régénérer et il allait pouvoir guérir plus vite.

Épuisé et rassuré, il se laissa aller dans les bras de Severus, aussi mou sans doute qu'une poupée de chiffons. Son amant pénétra rapidement dans la clairière pour l'allonger sur les nattes et les coussins qui parsemaient le sol, aussi doucement qu'il le pouvait, mais il avait déjà sombré dans l'inconscience.

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– Avale ça ! ordonna la voix de Lucius à peine fût-il réveillé.

Harry obéit sans même ouvrir les yeux et reconnut au goût une des potions antalgiques de Deirdre. Le soulagement allait être rapide, mais rien que ces quelques heures d'inconscience et de repos dans le cocon de sa forêt avaient suffi à ce que la douleur ne se calme en partie. Il se sentait mieux, plus frais, plus conscient et plus alerte qu'à n'importe quel moment depuis son retour à Sainte-Mangouste. Ce qui, en soit, n'était pas difficile.

Mais cela voulait dire aussi qu'il allait devoir parler à ses amants, et cela, il n'y tenait pas vraiment. Il n'avait déjà pas envie d'expliquer ce qu'il avait compris des intentions de ses ravisseurs, mais raconter ce qu'il avait subi... Il aurait eu davantage envie de se pendre.

Soupirant de dépit et de soulagement mêlés, Harry finit par ouvrir les yeux. Au-dessus de lui, une canopée verte et luxuriante, laissant à peine entrevoir un filet de ciel bleu, lui arracha un sourire. La forêt était partout autour de lui, apaisante, rassurante, et si forte qu'elle paraissait immuable. Et en fermant les yeux à nouveau, il sentait les pulsations de la vie qui circulait aussi bien dans son corps que dans les canaux emplis de sève des arbres et des plantes qui l'environnaient.

La douleur dans son corps s'était faite sourde, à peine un flux lancinant qui vibrait un peu plus fort dans ses mains, tandis que le reste semblait supportable. Il se sentait encore faible mais il fit l'effort de se redresser et de s'asseoir. Il ne pouvait pas indéfiniment rester cette loque faible et impuissante, même s'il avait bien compris que la station debout prolongée allait devoir attendre quelques heures de plus.

– Tu es sûr ? fit Lucius soucieux.

Harry hocha la tête avant de grimacer brusquement. Se rattraper avec la main pour maintenir sa position n'était pas encore une bonne idée.

– Ça va... Ça va ! insista-t-il, furieux contre sa propre faiblesse et sa stupidité.

– Tu es censé prendre ça aussi, hésita Lucius.

Harry prit la fiole que lui tendait son amant, reconnut une potion de régénération et l'avala sans rechigner. Alicia avait dû leur laisser ses instructions et celles de Evans, ainsi qu'un stock de potions en tout genre... Mais rapidement, il n'en aurait plus besoin.

– Où est Sev ? demanda-t-il en notant son absence.

– Parti dormir une heure ou deux... Il ne tenait plus debout.

– Quelle heure est-il ici ?

– Environ quatre heures du matin.

– Et toi ? interrogea-t-il en fronçant les sourcils.

L'aristocrate avait les yeux cernés et les traits tirés, il lui paraissait même qu'il avait maigri et son regard gris semblait plus terne que dans son souvenir. Épuisé et marqué par l'inquiétude.

– J'irai dormir plus tard. On n'a pas voulu te laisser seul... Et on n'a pas voulu te bouger non plus.

Évidemment, comme Deirdre et Alicia à l'hôpital, Lucius et Severus avaient voulu le veiller jusqu'à ce qu'il se réveille au lieu de penser à eux !

– Tu aurais dû aller te reposer aussi.

Harry se mordit la langue avant de dire que la présence de son amant ne servait à rien. Il ne devait pas être blessant non plus, même si c'était la réalité : la seule chose dont il avait besoin pour l'instant était la forêt et quelques potions pour accélérer sa guérison.

– Certainement pas ! protesta Lucius. Il est hors de question que je te lâche d'une semelle ! Je ne suis déjà pas là ce soir, et je m'en veux assez comme ça !

La véhémence de ses propos traduisait sans doute toute l'inquiétude qu'il avait dû ressentir depuis sa disparition et Harry se sentit à nouveau immensément coupable.

– Où vas-tu ?

– Une réunion à Bruxelles en fin de journée, un dîner à suivre et un congrès à la première heure demain matin. Je ne peux pas annuler.

– Ce n'est pas grave. Fais ce que tu as à faire, je serai là quand tu rentreras...

D'un sourire, il tenta de tranquilliser son amant qui semblait au contraire de plus en plus désemparé.

– Mais qu'est-ce qui s'est passé ? murmura plus faiblement l'aristocrate qui cherchait à capter son regard. Pourquoi as-tu disparu comme ça ? On s'est demandé ce qu'on avait fait. On a cru... On a cru toutes sortes de choses...

Le voile sur la voix de Lucius était surprenant. Harry ne l'avait jamais vu aussi ému, aussi près de craquer et il passa un bras autour de ses épaules pour le serrer contre lui.

– Je suis là maintenant. Tout va bien. Je ne partirai pas.

Lucius s'abandonna dans l'étreinte et la lui rendit d'une manière un peu désespérée, aussi éperdue que le baiser de Severus en sortant de la cheminée.

– Je suis là, répéta Harry comme on répète une berceuse.

Devoir rassurer son amant le fit sourire doucement mais cela montrait aussi à quel point ils avaient souffert de son absence...

En tout cas, le retrouver était bon au-delà de ce qu'il aurait pu imaginer. Il avait à peine touché Lucius depuis son retour et renouer avec sa douceur, son parfum, sa présence était un pur bonheur. Les cheveux souples sur lesquels passait sa main étaient ce qu'il avait caressé de plus doux depuis des lustres, et malgré ses bandages, les fils d'or qui glissaient entre ses doigts étaient de la soie. Et puis cet amour qui palpitait si fort dans sa poitrine qu'il avait l'impression que son cœur allait en sortir...

Mais il devait parler à son amant, avant son déplacement de ce soir, et l'absence temporaire de Severus était peut-être une occasion.

– Je ne partirai pas, Luce, assura Harry en se reculant légèrement. Et je n'ai jamais voulu partir et vous abandonner.

– Mais qu'est-ce qui s'est passé ?! Tu disparais quinze jours et tu reviens avec des hématomes plein la figure et incapable de tenir debout...

– J'ai été... retenu, dirons-nous, fit-il avec un petit rire devant sa formule. Tu avais raison sur les menaces qui s'annonçaient et Charlie tout autant...

C'était une des dernières conversations qu'ils avaient eue ensemble... Lucius redevint brusquement sérieux, presque distant, et le regarda avec un visage grave et sévère. Mais Harry avait commencé, il devait aller jusqu'au bout de ses révélations. Lucius devait savoir. Pas tout, mais suffisamment pour se protéger lui aussi et prendre ses décisions politiques en conséquence.

– Tu te souviens de ce passage qui mène à la vraie forêt quand tu pars d'ici ? Ce chemin où tu t'es perdu entre les ombres et où j'étais venu te chercher à l'aide du médaillon... J'étais retenu dans ce genre d'endroit, un monde entre deux mondes réels, un passage immatériel que ne maîtrisent que certaines créatures...

– Des vampires ? fit Lucius blême. Mais pourquoi ? Pourquoi toi ?

– Parce que je suis proche de toi. Parce que tu as du pouvoir et que tu vas bientôt en avoir davantage. Mais ils n'agissaient pas seuls et c'est aussi un problème. Il y avait au moins deux ou trois sorciers avec eux et ce sont leurs sortilèges de confusion et anti-transplanage qui m'ont empêché de m'enfuir. Les vampires se sont contentés d'essayer d'affaiblir et d'épuiser ma magie pour prendre le contrôle de mon esprit. Leur objectif était de glisser un pion auprès de toi. Même pas de me mordre et de me transformer, mais d'avoir quelqu'un dans leur giron qui puisse avoir de l'influence sur tes décisions.

Il pouvait presque voir dans le cerveau de Lucius les rouages qui se mettaient en branle, analysaient les informations, tiraient des premières conclusions et des décisions, indépendamment du sentiment de culpabilité que Harry percevait tout aussi bien.

– Ce n'est pas de ta faute, ajouta-t-il rapidement. Je sais que tu ne peux pas refuser le pouvoir juste pour avoir la paix et éloigner les menaces. Et encore moins maintenant.

Celui qui s'assiérait sur le fauteuil de Ministre de la Magie aurait à gérer ce problème de vampires et l'adversaire potentiel de Lucius était du genre à faire régner l'ordre au prix de la terreur.

L'aristocrate secoua cependant la tête pour chasser ces considérations futures et se concentrer sur l'instant présent et tout ce que Harry ne disait pas.

– Et ça ? fit Lucius, les sourcils froncés, en désignant ses hématomes et ses bandages aux mains.

– Disons que ce n'étaient pas des tendres, railla Harry avec un sourire ironique. Ils ont essayé de m'affaiblir de différentes manières...

Si Lucius avait été un bon Légilimens, nul doute qu'il s'en serait servi pour obtenir ses réponses ! Et il n'avait sans doute pas intérêt à jouer à ce petit jeu-là avec Severus ! Sa magie était trop occupée à le remettre sur pieds pour être sûr que ses barrières mentales soient solides.

– Et tu as maigri...

– La cuisine était spartiate...

– Harry, bon sang ! gémit Lucius. Je veux savoir ce qui s'est passé !

Il secoua doucement la tête pour ne pas faire ressurgir la douleur.

– Il n'y a rien d'autre à savoir. Tu dois faire attention à toi. Être sur tes gardes et te méfier. Et durant toutes ces réunions officielles, j'aimerais que tu aies quelqu'un avec toi, un assistant, un garde du corps, même Clay s'il n'y a pas le choix, mais je ne veux pas que tu restes seul. Je viendrai avec toi s'il le faut...

– Tu n'es même pas capable de tenir debout ! protesta pitoyablement Lucius.

– Pour l'instant. Mais je serai vite sur pied. Dans deux ou trois jours, il n'y paraîtra plus.

– Mais s'ils ont réussi à te menacer, toi...

– C'est en partie ma faute. Je ne me méfiais de rien. Maintenant que nous sommes avertis de la menace, nous serons plus prudents. Severus avait au moins raison sur ce point : nous sommes trop confiants. Il nous faut renforcer les défenses du Manoir, nous entraîner davantage aux duels et à la défense, et surveiller nos arrières. Surveiller également ce que tu bois et ce que tu manges quand tu n'es pas au Manoir, prévenir tes collaborateurs et... Severus.

– Tu crois qu'il est menacé, lui aussi ?

– Autant que moi, autant que toi... Même si j'imagine que maintenant, ils y réfléchiront à deux fois avant d'attaquer de manière frontale. Ils se sont sans doute un peu surestimés, ils ne se feront pas piéger une deuxième fois...

Lucius se prit la tête entre les mains, pâle et le visage défait. Entre l'inquiétude qui le minait depuis deux semaines, la fatigue cumulée, sa détresse devant l'état de Harry et les informations plus qu'inquiétantes qu'il lui révélait, il avait juste envie de se rouler en boule dans un coin et de dormir jusqu'à ce que ce cauchemar soit terminé. Et refuser ce poste maudit qui menaçait les siens.

Harry posa délicatement sa main bandée sur le visage de son amant et lui fit relever la tête jusqu'à croiser son regard tourmenté.

– Tout va bien. Je suis là, maintenant, et je vais bien. Tu es épuisé, tu as besoin de dormir... Avec un peu de sommeil, tout ira mieux. Viens là...

Il le prit dans ses bras, surpris de la façon dont Lucius cédait sans aucune résistance. Ils s'allongèrent tous les deux sur le matelas de coussins qui couvrait le sol, enlacés comme ce n'était pas arrivé depuis bien trop longtemps, puis après quelques baisers rapides, Lucius posa la tête sur son torse. C'était peut-être bien la première fois que son amant se permettait un tel abandon, qu'il dévoilait un tel besoin de réconfort et Harry se mordit les lèvres pour ne pas laisser l'émotion le submerger.

– On était si inquiets, murmura Lucius d'une voix à nouveau voilée. On a cru que tu étais parti, que tu ne reviendrais jamais... que tu ne voulais plus de nous... Severus était... Merlin ! J'ai vu Severus pleurer pour la première fois depuis... jamais... On n'a pensé qu'à nous alors que toi...

Harry dut faire appel à un peu de magie pour maîtriser ses émotions ce n'était pas le moment de craquer ou de paraître faible. Même s'il savait bien qu'il l'était en réalité. Mais il se promit que personne, personne, ne mettrait à nouveau ses amants dans un tel état.

– Chuuut... Je vais bien. Je suis là maintenant et je ne partirai pas. Personne ne m'obligera plus jamais à m'éloigner de vous...

Lucius embrassa ce qui était à portée de ses lèvres : sa chemise noire sur son torse, qui cachait utilement un certain nombre de traces et d'hématomes supplémentaires, puis il se serra un peu plus contre lui, accrochant un bras autour de sa taille comme s'il craignait de le voir disparaître à nouveau.

En caressant les cheveux et le dos de son amant, Harry ne put s'empêcher de sourire doucement. D'habitude, c'était lui qui avait ce genre de comportement, tellement en demande de réassurance qu'il avait l'impression d'être un poids et une contrainte pour ses amants... Aujourd'hui, la réaction de l'aristocrate était extrême, amplifiée par la fatigue et l'absence de Severus. Devant son mari, Lucius ne se serait sans doute pas permis une telle sincérité, une telle transparence sur ses sentiments et son angoisse. Et dans quelques heures, sa façade habituelle serait de nouveau assez solide pour cacher ses émotions.

Mais là, tout de suite, Lucius dévoilait toute sa vulnérabilité et c'était magnifique et douloureux à la fois. Magnifique parce que pour une fois, Harry avait l'impression de toucher du doigt au plus intime de son amant, parce qu'il se sentait aimé, et utile. Mais aussi immensément douloureux parce qu'il était responsable de cette détresse qu'il leur avait fait ressentir par son absence, et il ne pouvait certainement pas se permettre encore de les inquiéter en étant faible ou en avouant ce qu'il avait subi. Cette souffrance-là lui appartenait et ses amants n'avaient pas besoin de savoir. Et s'il le fallait, il irait jeter un Oubliette à tous ceux qui étaient présents dans la salle d'opération deux jours auparavant.

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Lucius dormait dans ses bras depuis une vingtaine de minutes quand Severus fit son apparition dans la clairière. Prévoyant sans doute la chaleur qu'il allait rencontrer, il ne portait qu'une chemise aux manches déjà retroussées et un pantalon léger, dans une allure décontractée qui lui allait à merveille. Il s'approcha rapidement, soulagé de le voir éveillé et souriant, et vint s'accroupir à côté de lui.

– Bonjour, toi...

– Bonjour, murmura Harry en prenant sa main dans la sienne.

– Comment tu te sens ?

– Parfaitement bien... Beaucoup mieux, corrigea-t-il devant le regard sévère de son amant.

Harry réprima un sourire. Severus n'était pas Lucius et manœuvrer avec lui serait beaucoup plus compliqué. Il n'admettrait aucun mensonge, aucune demie-vérité, aucune omission, mais cette exigence inquiète était aussi ce qu'il aimait en lui. Mais ce n'était pas pour autant qu'il céderait en lui disant tout ce qu'il voulait entendre.

– Je pourrais presque me lever s'il n'avait pas autant besoin de se reposer, ajouta-t-il tendrement.

Severus jeta un regard à son mari, profondément endormi dans les bras de Harry et esquissa un sourire désappointé.

– Il n'a pas beaucoup dormi, ces derniers temps...

– Je sais, fit Harry en pressant doucement la main de son amant. Et j'en suis désolé. Je ne voulais pas disparaître comme ça, tu sais. Je n'ai jamais voulu partir, vous quitter ou quoi que ce soit d'autre que vous ayez imaginé...

Un long moment, les yeux noirs comme la nuit de Severus le fixèrent, puis ses épaules s'affaissèrent légèrement, signe de la tension qui le quittait. Il passa malgré tout une main nerveuse dans ses cheveux sans le quitter du regard.

– Je crois que tu as beaucoup de choses à nous dire mais ce n'est peut-être pas le plus urgent. Tu as une liste de potions longue comme le bras à prendre, et vu ta maigreur, tu as sûrement besoin de manger de manière conséquente...

Harry étouffa un rire devant le pragmatisme de son amant, essayant de ne pas faire bouger Lucius pour le laisser dormir tranquillement.

– J'ai déjà pris tout ce qu'il fallait en potions, rassure-toi, et quant à manger, c'est encore un peu tôt. En revanche, je meurs de soif.

Son organisme souffrait encore des privations qu'il avait subies mais il devait y aller doucement. Rien ne serait pire que de se réalimenter brusquement avec une nourriture mal adaptée. Mais une chose lui faisait envie par-dessus tout...

– Je ne sais pas si les elfes peuvent transplaner ici, hésita Severus en parcourant du regard la forêt autour d'eux. Qu'est-ce que tu veux ? Je vais descendre...

– A priori, rien ne les en empêche, répondit Harry. Cette partie de la forêt est toujours dans le Manoir...

Severus secoua la tête devant ce mystère qu'il ne comprendrait jamais puis appela :

– Clay !

L'elfe de maison au regard si antipathique apparut brusquement dans la clairière, jetant un œil méfiant autour de lui comme si un danger pouvait surgir de n'importe où, puis il se rapprocha d'eux avec un air circonspect. Encore surpris que Severus ait appelé cet elfe-là plutôt que Sky, Harry ne vit pas son regard changer en l'apercevant, plein d'une colère sourde et froide, presque menaçante. Seule la présence de son Maître endormi dans ses bras semblait le retenir de lui jeter un sort.

– Clay, peux-tu transplaner Lucius dans la chambre depuis cet endroit ? demanda Severus.

La créature acquiesça et s'approcha pour soulever le corps de son Maître. Passant ses bras malingres sous le dos de Lucius, il fut bien obligé de toucher Harry et se figea immédiatement, plongeant son regard brûlant dans le sien.

Le contact avait été bref, mais électrique, et aussitôt, Harry sut que Clay avait compris ou perçu bien plus de choses qu'il n'était souhaitable. Était-ce sa magie déstabilisée par sa détention ou celle de l'elfe qui était particulière ? Toujours est-il que la créature le regardait maintenant avec une compassion et une dévotion nouvelles.

Harry serra les dents tandis que Clay prenait son fardeau, le fusilla d'un regard sombre et projeta violemment son esprit vers la créature. « Tu te tais ! Ils ne doivent rien savoir ! ». Après un instant d'hésitation, l'elfe hocha la tête puis transplana en silence.

– Tu crois que tu peux t'asseoir ? demanda Severus.

– Oui, oui, ça va aller ! répondit vivement Harry, encore agacé par ce problème supplémentaire.

Est-ce que les elfes étaient sensibles aux Oubliettes ? songea-t-il en se redressant lentement. S'il ratait son coup, Lucius ne le lui pardonnerait peut-être pas... Il avait un lien avec Clay qui dépassait l'entendement.

Il ne fallut que quelques secondes à l'elfe pour revenir après avoir déposé Lucius dans son lit et le considérer à nouveau avec un regard trop doux qui ne lui correspondait pas.

– Amène-moi un champurrado, ordonna sèchement Harry. Et un grand verre de jus de fruit, peu importe lequel du moment que c'est exotique.

– Tu devrais aussi manger quelque chose, conseilla Severus en le regardant en coin.

– Plus tard !

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oooooo

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– Enlève ton pantalon et allonge-toi.

– Inutile. Tout va bien de ce côté-là.

– Écoute-moi bien..., menaça Alicia d'une voix sourde. Tout Harry Potter que tu es, tu vas enlever ce foutu pantalon et m'obéir si tu ne veux pas que je te ramène à Sainte-Mangouste !

Son regard noir valait bien celui de Severus et elle portait déjà la main à sa baguette.

– À moins que tu ne préfères que ce soit Severus qui te fasse les soins ? ironisa-t-elle.

Devant la menace, la colère bouillonna furieusement en lui et son aura se fit étouffante.

– Je t'interdis de leur dire quoi que ce soit !

– Alors allonge-toi !

– Tu m'emmerdes ! Je suis encore capable de me passer de l'onguent tout seul !

– Mais pas de surveiller l'évolution de la cicatrisation ! Surtout à cet endroit-là !

De mauvaise grâce, Harry capitula et enleva rageusement son pantalon avant de se laisser tomber allongé sur le lit en remontant les jambes.

– Merlin ! Un jour, je te tuerai pour ça !

– Attends d'être guéri avant ! Et ce n'est pas la peine d'être agressif.

– Je ne suis pas...

Harry préféra se taire et laisser Alicia faire son travail. Elle n'avait sans doute pas tort, et plus vite elle aurait fait ce qu'elle avait à faire, plus vite ce serait fini.

– Ça ne cicatrise pas très vite par rapport au reste...

– Ma magie a d'autres priorités, dont environ une bonne trentaine de fractures !

Le regard noir, Alicia se redressa et rangea sa baguette dans sa poche.

– Épuise ta colère sur moi si ça te chante mais ça ne changera pas la réalité !

– Excuse-moi, soupira Harry en renversant la tête en arrière sur le lit et en fermant les yeux. Ce n'est pas contre toi...

Alicia haussa les épaules en s'éloignant de quelques pas.

– Rhabille-toi. L'onguent suffira s'il n'y a pas d'autres complications. Tu seras ravi de te passer de mes visites !

Harry ne se le fit pas dire deux fois et enfila son pantalon avec un soupçon de remords.

– Tu veux descendre prendre un thé ou quelque chose ?

– Je veux aller dormir. J'ai bossé toute la nuit !

– Je suis désolé, je ne peux pas te ramener chez toi. Je ne suis pas encore capable de transplaner...

– C'est bon, je connais le chemin.

Assis sur le bord du lit, il passa une main nerveuse dans ses cheveux. Elle avait raison : il était agressif et surtout profondément injuste. Elle avait tant fait pour lui depuis trois jours qu'il lui devait au moins une reconnaissance éternelle, si ce n'était la vie.

– Ali... Ne m'en veux pas, s'il-te-plaît...

Elle quitta du regard le Monet qu'elle observait pour se tourner vers lui, brusquement radoucie.

– Je ne t'en veux pas. Je sais ce que tu as subi... ou du moins, je le devine vu les conséquences, ajouta-t-elle en prenant la main qu'il lui tendait. Mais déverser ta colère sur ceux qui sont là pour toi ne sert à rien. Et je parle pour eux aussi...

Il n'avait pas le sentiment d'avoir été en colère contre Lucius ou Severus, ou de s'en être pris à eux, mais c'était en effet une chose possible, vu sa réaction à l'instant. Il soupira en fermant les yeux une seconde, serrant la main d'Alicia toujours dans la sienne.

– Prends soin de toi. Et appelle-moi si tu as besoin.

Elle posa les doigts sur son visage, puis ses lèvres sur les siennes en un étrange baiser très chaste, et s'en alla sans un mot de plus.

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Resté seul dans sa chambre, Harry resta assis sur le lit un long moment. Pas qu'il soit épuisé, mais il fixait avec un regard obnubilé ses mains posées sur le drap de part et d'autre de ses cuisses. Alicia lui avait retiré ses bandages, les multiples fractures étaient presque consolidées, mais les hématomes persistaient, donnant une curieuse teinte violacée aux arabesques émeraudes qui brillaient sans discontinuer sur sa peau. Severus n'avait peut-être pas besoin de voir ça, pas plus qu'il n'avait besoin de se rendre compte que Harry puisait en permanence dans sa magie pour se guérir lui-même. Même s'il n'en avait plus besoin, il allait remettre des bandages au moins pour camoufler ces traces.

Au bout d'un moment, il finit par se lever pour aller dans sa salle de bains. Il avait avalé un grand verre de jus de fruits et un champurrado avant l'arrivée d'Alicia et il avait diablement envie d'uriner. Il aurait mieux fait d'y aller avant qu'elle ne fasse ses soins, mais tant pis.

Assis sur le siège des toilettes, il soupira de contentement. Quel bonheur de pouvoir être autonome pour faire quelque chose d'aussi primaire que ses besoins. Là-bas, il avait rapidement été trop faible et surtout trop douloureux pour se traîner jusqu'au seau mis à sa disposition pour ça. Et puis à un moment, sous un coup de botte ou un sortilège, ses sphincters avaient lâché sous une décharge de souffrance plus aiguë que les autres et il s'était vidé sur lui-même. Il avait même rendu grâce au sorcier le moins virulent des deux de lui avoir lancé un sort d'hygiène... Heureusement – ou pas – les derniers jours, son corps n'avait plus rien à évacuer...

Harry secoua la tête pour chasser ces idées mortifères. Cela ne servait à rien de repenser à cela. Aujourd'hui il était au Manoir, en bonne voie de récupérer toutes ses facultés mentales et physiques, et rien ne comptait d'autre que ce qui se trouvait devant lui.

Il se nettoya comme il put, enlevant quelques traces de sang, puis se passa un peu d'onguent avant d'enfiler un sous-vêtement propre. Merlin merci ! s'il ne pouvait pas encore transplaner, il pouvait encore faire venir les objets à lui d'un Accio ! La douche, quant à elle, attendrait quelques heures de plus, qu'il soit un peu plus assuré sur ses jambes. Il tenait debout et pouvait faire quelques pas, mais les vertiges étaient rapides sans puiser dans sa magie, et il préférait s'en servir pour autre chose. De toute façon, Alicia et Deirdre avaient nettoyé son corps à l'hôpital; il n'était plus sale, même si ce sentiment persistait.

D'un sortilège, il remit des bandages sur ses mains, tout en les serrant un peu moins – les fourmillements désagréables et les décharges électriques qu'il ressentait venaient peut-être de là – puis il descendit prudemment l'escalier en colimaçon pour rejoindre Severus.

Devant la porte de son « bureau », Axaya était encore là, souriant malgré ses larmes, et Harry lui sourit en retour. Où pouvait-il être d'autre de toute façon ?!

Ressentant la présence de la forêt juste derrière la porte comme un appel, il se dépêcha malgré tout de l'ouvrir et de franchir le voile de magie, aussitôt revigoré après sa descente périlleuse dans l'escalier. Encore quelques heures dans la forêt et quelques jours de bonne nourriture et il retrouverait son corps d'avant. Tout ça ne serait plus qu'un lointain souvenir. Ou un lointain cauchemar.

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Assis sur un coussin et adossé à un arbre, feuilletant un livre ancien, Severus l'attendait, jugeant rapidement de son état en le voyant se déplacer à peu près droit.

– Alicia est partie ?

– Oui. Elle a travaillé toute la nuit, elle devait aller dormir...

– Comment tu te sens ?

– Parfaitement bien ! fit sèchement Harry en levant les yeux au ciel.

Être observé par son amant sous toutes les coutures était suffisamment pénible pour que Severus n'en rajoute pas avec ses questions. Il détaillait déjà le moindre mouvement, la moindre grimace, le moindre geste fuyant la douleur ! Et Merlin ! Devoir s'asseoir au sol alors que son genou abîmé ne supportait pas encore une flexion à angle droit et qu'il pouvait difficilement s'appuyer sur ses mains, était un vrai casse-tête !

– Tu vas pouvoir finir de m'expliquer ce qui s'est passé alors...

– Il n'y a rien de plus à expliquer ! Je t'ai déjà tout dit !

– Tout ?

– Bien assez pour ce que tu as à savoir ! répliqua-t-il durement.

Une grimace lui échappa alors que son atterrissage sur le coussin au sol était moins gracieux que la naissance d'une girafe et que Severus avait tendu la main par réflexe pour le rattraper. Harry jura à voix basse devant sa faiblesse et ses compromissions. Il n'avait voulu se mettre là que parce que Severus y était, mais à choisir, il aurait préféré s'installer dans le hamac qui était davantage à sa hauteur. La prochaine fois, il s'écouterait !

– Harry, j'ai besoin de comprendre, soupira Severus une fois qu'il fut assis à peu près correctement.

– Et moi, j'ai besoin que tu me foutes la paix ! La Librairie ne devrait pas être ouverte à cette heure-ci ?!

Il l'avait dit simplement pour lui faire comprendre que les choses étaient revenues à la normale et que chacun pouvait vaquer à ses occupations habituelles sans tenir compte de lui... Mais Severus l'avait pris comme un rejet pur et simple et il se leva en détournant un regard blessé.

– Tu as raison. Je ne sais pas ce que je fais là...

Il s'éloignait déjà vers l'orée de la clairière quand Lucius fit son apparition, les yeux toujours cernés mais habillé de frais et les cheveux encore humides. Il n'avait pas dû dormir longtemps, lui non plus... Mais pour l'heure, son regard était soucieux, presque en colère, et les fixait l'un et l'autre à tour de rôle.

– Ça suffit ! Qu'est-ce que c'est que ce cirque ?! Comment est-ce que vous trouvez le moyen de vous disputer alors que ça fait deux semaines qu'on désespère de pouvoir être à nouveau ensemble ?!

Visiblement, il ne fallait pas beaucoup de sommeil à Lucius pour passer d'un état de pure vulnérabilité à son attitude autoritaire et dirigeante habituelle. Au moins lui n'avait pas changé de comportement à son égard !

D'une main impérieuse sur l'épaule, Lucius avait arrêté la fuite en avant de Severus, mais son regard restait fixé sur lui. Bon. Alicia avait doublement raison... Il était agressif et il déversait sa colère sur ses proches.

– Ça suffit, reprit Lucius plus doucement. Nous sommes tous les trois fatigués, sur les nerfs et nos réactions sont exacerbées... Les questions et les réponses seront pour plus tard, nous savons l'essentiel, mais nous avons surtout besoin de nous retrouver... Ça fait deux semaines, bon sang ! Et je ne suis pas là ce soir... est-ce ce serait possible jusque là d'être simplement... ensemble ?

Tandis que Lucius prenait son mari dans ses bras pour lui murmurer quelques mots à l'oreille, Harry baissa les yeux et se mordit la lèvre pour ne pas céder à l'émotion.

Est-ce qu'il allait vraiment passer son temps à se mettre en colère toutes les cinq minutes pour ensuite avoir envie de pleurer comme un enfant ? Ses émotions étaient trop labiles. Tout était trop violent, trop désordonné dans son esprit et il peinait à maîtriser ses réactions. Ça ne lui ressemblait pas. Il ne se sentait pourtant pas fatigué, mais le contre-coup de ce qu'il avait vécu et du choc sur son organisme se faisait peut-être sentir...

– Excuse-moi, Sev... Je suis désolé...

Intérieurement, il maudit encore les limites que lui imposait la douleur et qui l'empêchaient de se lever pour aller s'excuser auprès de son amant. Mais Lucius avait bien compris la situation et il entraîna Severus par le bras pour venir le rejoindre. Seigneur... Son regard était si sombre et si éteint...

Harry fronça les sourcils sans comprendre quand Lucius s'arrêta à quelques pas de lui et leva sa baguette. Il était un brillant politicien et un excellent homme d'affaires, mais il oubliait trop souvent que son amant était aussi un grand sorcier. La métamorphose n'était pas sa spécialité – Lucius se défendait davantage en sortilèges – mais il y avait bien un domaine où il excellait particulièrement et c'était tout ce qui avait trait au confort. Aussi, après un murmure et un rapide mouvement de baguette, les coussins épars sur la natte de coton se transformèrent en un vaste lit en tout point semblable au leur, le baldaquin en moins.

Avec un vrai sourire de satisfaction, Harry se laissa aller sur le matelas et les oreillers moelleux comme si ce lit était la huitième merveille du monde. Après plus de dix jours à osciller entre inconscience et sommeil sur un sol dur comme la pierre et deux jours sur un lit d'hôpital, ce lit était une vraie bénédiction. Et il lui serait ainsi bien plus facile de se lever...

– Je ne sais même pas si je t'avais vu sourire de cette manière depuis que tu es rentré, fit Lucius en s'asseyant sur le bord du matelas.

Severus l'avait suivi sans un mot, et Harry leur tendit à chacun une main pour qu'ils s'approchent et s'allongent à ses côtés. C'était si bon de les retrouver tous les deux, d'être à nouveau ensemble dans un lit, lovés les uns contre les autres, même s'il devait faire attention à son genou, ses mains, son dos, ses côtes et tout un tas d'autres endroit qui se rappelaient douloureusement à son bon souvenir. Malgré tout, il était heureux, et d'une étrange manière, soulagé d'être là avec eux, enfin réunis dans une tendresse pleine d'amour.

Il n'en voulait pas plus. Juste pouvoir les toucher, poser une main sur chacun de ses amants, sentir leurs parfums si différents et si étroitement mêlés, les entendre respirer, percevoir le poids délicat de leurs bras qui l'enlaçaient... Et puis de temps à autres, picorer un baiser, glisser ses lèvres dans le creux de leur cou et goûter leurs peaux...

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Ils restèrent ainsi longtemps. Parfois ils parlaient, un peu, puis le silence revenait, paisible et tranquille. Lucius s'endormit même, à nouveau, pendant un petit moment et se réveilla plus tard, ses cheveux dans une drôle de position qui les fit sourire discrètement jusqu'à ce qu'il se recoiffe avec un sortilège de lissage. Harry ne pouvait plus se passer de toucher et de caresser ces mèches blondes si soyeuses qui le fascinaient autant que les épaules de Severus. Tout comme il ne se lassait pas de plonger dans les yeux sombres et infinis de son amant.

Il sentait bien que Severus avait encore nombre de questions inassouvies qui hantaient son esprit, mais pour l'instant, il respectait cette espèce de trêve, ce moment sacré de retrouvailles où ils renouaient les uns avec les autres, et comme Lucius, comme Harry, il profitait de la tendresse et de l'amour qui les environnaient.

Quand il fut un peu tard et que le premier estomac cria famine, ils se levèrent pour aller déjeuner. Harry n'avait pas particulièrement faim, encore rassasié par son champurrado du matin. À vrai dire, il se sentait presque nauséeux, le ventre contracté de crampes d'une digestion qui reprenait péniblement, mais Lucius et Severus n'avaient rien avalé ce matin à part du thé, et il tint à les accompagner à table.

C'était aussi une façon de prouver qu'il allait mieux, qu'il était moins faible et il fut rassuré de constater que c'était réellement le cas. Respirer, marcher... se lever et s'asseoir... tout lui était plus facile et moins pénible. Si ce n'étaient les crampes de son ventre et les fourmillements désagréables de ses mains, il aurait pu se croire en pleine forme. Ou du moins, presque guéri.

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– Tu pars à quelle heure ce soir ? demanda Severus.

– En milieu d'après-midi, corrigea Lucius avec une pointe de culpabilité dans la voix. La réunion est à dix-sept heures à Bruxelles mais je dois passer au Ministère avant pour prendre quelques dossiers..

– Tu pars seul ? fit Harry en jouant négligemment avec sa fourchette.

Il avait demandé à Sky, tremblante et émue de son retour, un peu de riz cuit à l'asiatique mais il n'y avait quasiment pas touché.

Lucius le regarda longuement : c'était la première fois qu'ils abordaient le sujet tous les trois et il ne savait pas exactement ce que Harry avait expliqué à Severus.

– J'y vais avec mon secrétaire et un collaborateur du département du commerce. Et Clay restera dans la chambre d'hôtel...

Harry hocha la tête, rassuré de voir que Lucius avait pris ses recommandations au sérieux. Il ne resterait pas seul et c'était tout ce qui comptait, même s'il doutait que leurs « adversaires » ne prennent pas un peu de temps pour reconsidérer leur manière de procéder.

– J'ai également prévenu Francis et Mandy de se tenir sur leurs gardes...

– Et Mark ? fit Harry spontanément.

Son influence et surtout celle de l'ambassadeur de Norvège semblaient moindres mais Mark n'était pas un mauvais garçon et il aurait été chagriné qu'il lui arrive quelque chose.

– Mark est au courant de tout, répondit Lucius en souriant de sa préoccupation surprenante.

Harry se demanda un instant ce que recouvrait ce « tout » mais préféra ne pas y songer trop longtemps. Et pour la première fois depuis sa réapparition à Sainte-Mangouste, il songea à tous ceux qui comptaient pour lui – et pour qui il comptait sans doute – et qui avaient dû être au courant de sa disparition. Il n'imaginait pas Lucius et Severus rester les bras ballants sans faire le tour de ses amis pour les interroger, et inquiéter par la même occasion Draco, Blaise, Matthieu et Charlie, les autres Weasley et même Molly avec qui il avait renoué des liens timides, et jusqu'à Luna et Padma qui avaient certainement d'autres préoccupations. Brusquement pâle, il se demanda si cet enfant de lui n'était pas né en son absence et la possibilité d'avoir manqué cela le dérangea de manière étrange.

– Ça ne va pas ? s'enquit Lucius. Tu veux retourner t'allonger ?

– Non, non, ça va. Je pensais juste... à Draco... et Matthieu... Ils ont su ?

Lucius échangea un long regard silencieux avec Severus avant de se tourner à nouveau vers lui.

– C'était inévitable. On t'a... cherché un peu partout. On a interrogé tout le monde... Mais on les a aussi prévenus que tu étais de retour dès hier soir... Ils étaient tout aussi inquiets que nous.

Harry se mordit la lèvre nerveusement en considérant le temps passé en son absence.

– Draco devait venir pour les vacances, fit-il dans un souffle.

– Ils sont venus... Il a été un peu difficile d'expliquer ton absence auprès des enfants, révéla Lucius avec un air ennuyé. Même Scorpius t'a cherché...

Merlin ! Il n'avait peut-être pas besoin de cette précision supplémentaire ! Et la perspective de devoir se justifier sur son absence et raconter quoi que ce soit à ses amis le fit pâlir encore davantage. Il n'avait déjà pas révélé la moitié de la vérité à ses amants… Harry se leva brusquement, troublé par ces nouveaux problèmes à gérer, et s'efforça malgré tout de leur sourire pour les rassurer.

– Finissez de manger tranquillement. Je vais juste dans le Petit Salon...

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Il avait eu besoin d'un peu d'air mais Lucius et Severus ne furent pas longs à le rejoindre, inquiets de son état. Ils le trouvèrent à demi allongé sur le canapé, appuyé sur des coussins pour préserver son dos. Il en avait profité pour prendre une des potions antalgiques de Deirdre, davantage pour soulager son ventre et ses mains que le reste, mais cela faisait malgré tout du bien.

– Tu préfères aller dans ton « bureau » ? proposa Lucius.

– Non, ça va. Je sais bien qu'il fait trop chaud pour vous là-bas, fit-il avec un sourire.

– On s'en accommodera si tu y es mieux...

Harry secoua la tête avec un air qu'il espérait rassurant tandis qu'ils le rejoignaient sur le canapé. Il fit une place à Lucius qui s'installa à la place des coussins et le prit contre lui, et à Severus qui se mit à l'autre bout du canapé.

Depuis leur altercation quelques heures plus tôt dans la forêt, Severus était plus distant et silencieux. Harry savait bien qu'il n'avait pas eu ses réponses et qu'il ne couperait pas à l'interrogatoire de son amant.

– Je vais bien. J'ai passé assez de temps dans la forêt pour ressourcer ma magie et me sentir en forme...

Insidieusement, ce fut à ce moment-là qu'une désagréable décharge électrique se fit sentir dans sa main gauche et il plia et déplia nerveusement les doigts pour chasser la sensation. Son geste n'avait pas échappé à Severus qui regardait ses bandages d'un œil méfiant.

– J'imagine que tu vas vouloir rapidement reprendre les duels et les entraînements ? hasarda Harry avec un sourire.

– Le plus vite possible, admit Severus. Dès que j'en saurais plus sur ton état physique...

Le regard éloquent qui accompagnait ses paroles était un retour à leur discussion inachevée du matin, mais Harry avait provoqué ce sujet intentionnellement. Tout bien réfléchi, il préférait avoir cette discussion-là tant que Lucius était présent. Il était plus à même de comprendre son état d'esprit et de freiner Severus s'il le fallait, jusqu'à ce qu'ils aient purgé les questions en suspens. Et il comptait sur la présence de l'aristocrate pour que Severus soit moins insistant et moins incisif. Ni l'un ni l'autre n'étaient sans doute dupes de sa manœuvre, mais il n'avait pas vraiment le choix.

– Je vais bien, répéta-t-il avec l'impression de dire sempiternellement la même chose. Dans quarante-huit heures maximum, je devrais être apte à utiliser ma magie et à me battre en duel contre toi...

– Et pourquoi pas maintenant ?

Harry serra les dents devant les réponses trop évidentes qu'il ne voulait pas dévoiler n'importe comment à Severus.

– J'ai encore besoin d'un peu de temps...

Il n'avait révélé à Severus que les grandes lignes de ce qui s'était passé : « sa captivité », les intentions de ses ravisseurs, les sortilèges conjugués qui l'avaient empêché de transplaner... mais les zones d'ombre étaient nombreuses.

– Du temps pour quoi ? explosa Severus. Tu tiens à peine debout, tu as perdu au moins dix kilos en deux semaines, tu prends des potions antalgiques à endormir un hippogriffe, tu as des bandages aux mains qui cachent je ne sais quoi et des hématomes sur la figure comme si tu t'étais battu à la sortie d'un bar, et il te faut juste un peu de temps ?! Alicia débarque à huit heures du matin pour te soigner sans que tu nous expliques quoi que ce soit ?! Et nous il faut qu'on gobe ça comme si de rien n'était ?!

– Sev..., fit doucement Lucius.

L'intervention était tardive – il avait de toute évidence laissé Severus dire ce qu'il avait à dire – mais il s'interposait malgré tout entre eux, ramenant un peu de calme et de mesure.

– J'ai insisté pour quitter Sainte-Mangouste plus tôt que le docteur Evans ne l'aurait voulu, à condition qu'Alicia puisse me surveiller, commença Harry. Mais ça va, elle n'a même pas besoin de passer une deuxième fois... En réalité, je suis revenu il y a deux jours, mais Evans a dû m'opérer en urgence et j'ai passé la majorité du temps à peu près inconscient avant de vous faire prévenir. J'ai effectivement perdu un peu de poids, j'ai quelques fractures qui expliquent les potions antalgiques et j'ai besoin de me remettre sur pied mais ça va aller. La magie, pour une fois, me permet de me guérir moi-même...

La main de Lucius s'était crispée autour de sa taille pendant qu'il parlait, et le regard de Severus était devenu de plus en plus furieux.

– Quelles fractures ?

– La rotule gauche, fit Harry en désignant son genou gonflé qu'il mobilisait le moins possible. Les mains. Quelques côtes...

– Quelle opération ?

– Evans a dû m'enlever la rate... Le mauvais coup qui m'a cassé les côtes a aussi causé une lésion dangereuse qu'elle a préféré traiter par les grands moyens. Ça me vaut une cicatrice supplémentaire mais je ne suis plus à ça près...

Compromissions, demies-vérités et mensonges par omission... Evans lui avait bien enlevé la rate, mais ce n'était qu'un dommage collatéral. Elle avait préféré prendre les devants sur cette lésion plutôt que devoir lui faire subir une deuxième intervention dans son état de faiblesse si la situation se compliquait.

En revanche, expliquer les plaies sur son côlon qui avaient causé une péritonite presque mortelle, détailler l'ensemble des fractures, des hématomes, des mauvais traitements qu'il avait subis était hors de question. Et malgré son regard noir et furieux, Severus n'aurait pas gain de cause là-dessus !

– Je veux savoir exactement ce qui s'est passé pendant ces deux semaines !

– Sev...

– Tu veux savoir quoi au juste ?! lança Harry qui sentait monter son agacement. Je n'ai jamais dit que ça avait été une partie de plaisir ! Je ne suis pas parti en villégiature dans un hôtel cinq étoiles ! Oui, j'ai pris des coups et des sortilèges dont je me serais bien passé ! Oui, je n'ai pas bouffé tous les jours à ma faim ! Oui, je reviens peut-être dans un sale état, mais ils ne m'ont pas mordu et je me suis échappé ! C'est bien le principal, non ?! vociféra-t-il, finalement hors de lui. Tu veux entendre que tu avais raison sur tout ? Eh bien oui, tu avais raison ! Nous ne sommes pas assez préparés ! Oui, j'ai trop confiance en ma magie et ne pas pouvoir lancer de sortilèges d'attaque est un handicap ! Oui, je ne suis pas aussi protégé que je l'imaginais ! Maintenant, ça ne changera rien à ce qui s'est passé ! Tu peux penser que ça me servira de leçon et ce sera sûrement le cas ! Mais je ne veux plus entendre parler de ça ! Et si tu tiens absolument à te battre en duel maintenant, allons-y ! Tu seras sans doute ravi de pouvoir me blesser à nouveau !

C'était un coup bas, sans doute, de faire référence aux premiers duels qu'ils avaient faits l'un contre l'autre, où Severus l'avait sérieusement blessé et s'en était longtemps voulu, mais Harry était exaspéré par cette curiosité malsaine à son sujet, et il chassa même d'un geste agacé le bras de Lucius qui tentait de l'apaiser d'une caresse. Il avait dû faire également un mauvais mouvement en s'énervant car sa main lui faisait un mal de chien et il la secoua vigoureusement pour chasser la douleur. Merde ! Il avait besoin de calme et pas de se mettre en colère ainsi. Sa magie partait dans tous les sens, négligeant sa propre guérison pour gonfler son aura de manière suffocante et renforcer hystériquement ses barrières d'occlumencie, de peur que Severus n'aille chercher ses propres réponses de cette façon. Il devait se calmer. Severus n'avait jamais osé faire cela jusqu'à présent et la confiance était au cœur de leur relation. Il la trahissait peut-être un peu en ce moment-même, mais ses amants n'avaient pas besoin de tout savoir, au risque de les blesser encore davantage. Et il avait déjà suffisamment blessé Severus...

– J'ai besoin de cinq minutes, fit-il en se levant.

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– Je vais y aller, murmura Severus en posant sa main sur le bras de son mari qui s'apprêtait à se lever. C'est à moi de m'excuser... Je suis désolé pour cette nouvelle dispute, mais j'ai besoin de savoir...

– Et lui, il a peut-être besoin qu'on le laisse tranquille, répondit Lucius avec un regard doux.

– Je sais qu'il ne nous dit pas tout.

– Et on n'a peut-être pas besoin de savoir. Il ne veut pas en parler... C'est Harry. Il faut lui laisser ses zones d'ombre...

Severus secoua la tête en soupirant. Harry était un casse-tête ambulant déjà en temps normal, alors après cette... Il ne savait même pas comment qualifier ça ! Cette épreuve ? Cette captivité ? Merlin ! C'était Harry et il avait été détenu plus de dix jours avant de pouvoir s'échapper il ne savait comment ! Il avait eu raison sur le fait qu'ils ne s'entraînaient pas assez, mais en son fort intérieur, il avait cru lui aussi que Harry était au-delà de tout ça. Et il revenait blessé, amoindri, et visiblement plus perturbé qu'il ne voulait bien l'avouer...

– Je ne suis pas là ce soir, Sev, murmura Lucius. Et il vient tout juste de nous revenir. J'ai besoin de savoir que ça se passera bien...

– Je ne ferai rien qui puisse le blesser, tu le sais bien...

– Pas volontairement, je sais... Mais après ce qu'il vient de vivre...

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Severus vint s'excuser, dans la véranda où Harry avait trouvé refuge pour se calmer, et il s'excusa lui aussi. Ils avaient tous les deux conscience de l'absence à venir de Lucius et ils ne pouvaient pas rester ainsi à se déchirer toutes les cinq minutes.

Severus devait comprendre qu'il ne voulait pas parler de ce qui s'était passé, que le temps n'était pas à la parole – ne le serait sans doute jamais – mais plutôt à la tendresse et à une certaine proximité physique. Pas trop non plus cependant... S'il tolérait quelques baisers chastes, Harry ne voulait pas plus de rapprochement physique tant que son corps n'était pas complètement guéri. Et il n'avait certainement pas envie de plus pour l'instant.

Si Severus n'était pas trop pressant, il fut malgré tout grandement surpris de le voir garder son boxer et un tee-shirt au moment de se coucher. Toute la journée, Harry avait pris grand soin de montrer le moins possible de son corps, et s'il avait fini par enlever les bandages de ses mains qui étaient décidément trop serrés, le regard éloquent de Severus sur sa peau violacée avait achevé de le crisper.

Une fois allongé dans le lit, Harry s'obligea à accepter l'étreinte de son amant, malgré les douleurs aléatoires que cela faisait ressurgir. Il avait pourtant pris une potion antalgique avant de se coucher, ainsi qu'une potion de régénération, mais il se doutait que ces douleurs-là, tout comme les crampes dans son ventre, étaient surtout dues à la nervosité et à l'anxiété. Toute la journée, il avait également refusé de s'abandonner au sommeil, de crainte qu'il ne soit entrecoupé de cauchemars ou trop révélateur, mais à présent il était épuisé, aussi bien physiquement que moralement. Et malgré la présence de Severus, Lucius lui manquait.

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Severus s'y était attendu, et encore une fois, il avait eu raison. Le sommeil de Harry, si symptomatique de son état d'esprit, était agité, alternant mouvements désordonnés et brusques sursauts, quand ce n'étaient pas des gémissements et des cris. À vrai dire, cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas été aussi agité en dormant, peut-être plus d'un an, au moment où le secret autour de Charlie avait été découvert et où Harry et Lucius s'étaient fâchés...

Aujourd'hui la raison était toute autre, mais toute aussi bouleversante, et Severus n'en finissait pas de ressasser les mêmes pensées morbides. Harry ne disait pas tout, clairement, et même si les stigmates sur son visage avaient disparu à une vitesse incroyable, ses mains n'étaient pas jolies à voir. Il bougeait cependant les doigts à peu près correctement, ce qui le rassurait en partie. Restait cette chirurgie dont il n'avait pas vu trace, ces douleurs, cette magie instable qui tournait à plein régime, comme en témoignaient les arabesques lumineuses sur ses mains, et cette faiblesse générale que n'expliquait pas seulement sa détention. Sans parler de cette perte de poids drastique en quelques jours ! Il ne l'avait pas vu entièrement nu, puisque le jeune homme était resté à demi habillé pour se coucher – cela aussi cachait assurément quelque chose – mais ses joues étaient creusées, ses jambes couvertes d'hématomes, et même ses mains, malgré les œdèmes, étaient amaigries.

Un instant, Severus hésita à prendre sa baguette pour déshabiller Harry, ou pour lui lancer un sortilège de diagnostic et en avoir enfin le cœur net... Mais comme le lui avait dit Lucius plus tôt dans l'après-midi, il ne pouvait pas trahir la confiance de son amant. Harry ne le lui pardonnerait pas, surtout au vu de son état d'esprit actuel. Il ne pouvait que prendre son mal en patience et attendre que Harry se confie de lui-même ou bien être simplement là, comme le faisait si bien Lucius, ni trop, ni trop peu, et être ce que le jeune homme avait besoin qu'ils soient.

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Malgré ses bonnes résolutions, Severus ne trouvait pas le sommeil, se tournant et se retournant dans le lit aussi souvent que Harry, qu'il avait renoncé à prendre dans ses bras de peur de lui faire mal.

Il ne comprit pas tout de suite à quoi correspondait ce bruit mou et chuintant avant de toucher par inadvertance le dos de Harry avec son coude : sous son bras, la peau était nue et chaude, presque un appel à la caresse. Une fois de plus, la magie avait déshabillé Harry dans son sommeil...

Severus glissa une main hésitante vers son amant, juste pour la poser sur ce corps qui lui avait tant manqué. Il ne voulait pas le réveiller, mais Merlin, c'était Harry et il lui avait tellement manqué ! La bouffée d'amour qui l'envahit lui fit monter les larmes aux yeux. Il avait eu si peur de le perdre, si peur de ne jamais le revoir, de ne jamais le toucher à nouveau comme il pouvait à présent le faire... Il avait été si désemparé... Si écrasé par ce départ qu'il avait cru volontaire...

Et sous ses doigts, il percevait un relief crénelé qui n'était pas là auparavant.

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Avant même d'avoir compris ce qu'il faisait, Severus attrapa sa baguette sur la table de nuit et fit surgir la lumière dans toute la chambre, rejetant les draps d'un grand geste du bras. Et lorsque ses yeux rencontrèrent la peau nue de son amant, il lança un Stupefix instinctif.

Immobilisé dans son sommeil, le corps de Harry s'étalait sous son regard, sec, maigre, et surtout porteur de traces qui n'avaient rien à voir avec leurs séances dans l'antichambre. Son dos, ses côtes, surtout du côté gauche, et ses jambes qu'il avait fugacement aperçues en se couchant, étaient marbrés d'hématomes. Des couleurs parsemées sur sa peau, du jaune pour les plus anciens au violet le plus foncé... Des marques plus rouges là où la peau avait été abrasée... Et au beau milieu de son dos, tout le long de sa colonne vertébrale, la fine cicatrice qui courait habituellement était devenue pourpre et boursouflée... C'était cela qu'il avait senti sous ses doigts.

Severus resta un long moment figé, à genoux sur le matelas à côté du corps meurtri de son amant. Il était... incapable de bouger, incapable de parler, incapable même de penser. Dans sa gorge, une grosse boule douloureuse avait enflé brusquement, obstruant la salive qu'il tentait désespérément d'avaler et presque sa respiration. Ses yeux le piquaient furieusement et dans sa poitrine, il y avait il ne savait quoi de si serré qu'il se sentait oppressé.

Il hésita longuement, mais il voulait en avoir le cœur net. Et puis maintenant qu'il avait commencé... Lentement, avec d'infinies précautions, il retourna le corps de Harry, papillonnant des paupières pour éponger ses yeux trop humides. Là, sur son torse, les contusions étaient tout aussi nombreuses, son bras gauche portait un énorme hématome de l'épaule jusqu'au coude, et plus bas, une nouvelle cicatrice rose foncé coupait par le milieu son ventre creusé. Sous le nombril, elle disparaissait dans les poils frisottés et...

Severus porta sa main à sa bouche pour étouffer un hoquet de surprise. Ou un gémissement de désespoir. Il ne savait pas bien. Il dut se mordre un doigt pour ne pas crier. Et même ses joues devenaient humides.

Il fit basculer à nouveau Harry sur le côté en lui remontant les jambes pour découvrir ce qu'il craignait : toutes les parties génitales de son amant, son sexe, ses bourses, les plis de l'aine, le périnée, le pourtour de l'anus... tout était œdématié, violacé, couvert de plaies et de brûlures. De brûlures ! Et il s'en voulut de vouloir vérifier cela, mais l'anus de Harry était fissuré et portait des traces de sang.

Avec un souffle tremblant, il recouvrit le corps de son amant avec le drap, leva le sortilège de stupéfixion et se leva pour aller s'asseoir dans un fauteuil près de la fenêtre. Sans bruit, il pleura un long moment, laissant les larmes se déverser sur ses joues sans même chercher à les retenir ou à les essuyer, sans même chercher à comprendre ou à réfléchir. Il ne faisait que ressentir ce déchirement dans son cœur, cette souffrance immense, lui qui n'avait pourtant pas souffert, et ce gouffre insondable dans lequel plongeaient ses émotions.

Il aurait voulu crier, hurler, saisir sa baguette et tout dévaster autour de lui, se venger, venger Harry, il aurait même voulu tuer ceux qui lui avaient fait ça. Mais il était condamné à cette souffrance indicible. Silencieuse puisque Harry ne voudrait certainement jamais en parler. Il saurait et il devrait respecter le mutisme de son amant. Même envers Lucius. Il saurait et il devrait agir en conséquence : avec douceur mais sans le considérer avec pitié, le ménager sans lui laisser comprendre qu'il savait, le protéger sans lui donner l'impression qu'il était faible ou amoindri... Et le jour où ils feraient à nouveau l'amour, il devrait lui faire oublier cette violence et ces blessures, franchir ses appréhensions sans l'humilier, l'aimer sans s'apitoyer... parce qu'après tout, il était Severus, et que trop de douceur et de compassion n'étaient pas dans sa personnalité et paraîtraient suspectes.

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Harry se réveilla le lendemain matin dans un lit trop grand pour lui. Seul... Lucius était absent, et Severus sans doute parti nager. Et nu !

D'un geste réflexe, il couvrit son sexe de ses mains, transplana brusquement dans sa chambre et ferma la porte d'un sortilège véhément qui fit un étrange bruit de succion. Puis il se précipita sous la douche pour noyer ses larmes de honte et d'humiliation sous une eau brûlante.

Severus l'avait vu nu. Severus l'avait vu. Severus avait tout vu.

En réalité, il n'en savait rien, mais Severus avait au moins vu les hématomes autour de son sexe et les traces de brûlures... Et c'était inconcevable.

Il tomba à genoux dans la douche, hurlant la douleur de son genou fracturé avant de se retrouver assis n'importe comment, pleurant toute sa honte et sa détresse.

Jamais, jamais, il ne pourrait plus regarder Severus en face. Jamais il ne pourrait se montrer nu devant lui. Jamais il ne pourrait le laisser le toucher ou poser ses mains sur ces endroits violentés. Severus n'avait pas le droit de savoir ! Severus n'avait pas le droit... Cette douleur-là lui appartenait. C'était à lui. C'était privé. Et personne n'avait le droit de savoir... Surtout pas lui. Surtout pas eux. C'était injuste. Tellement injuste...

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Harry pleura longtemps. Sali de savoir que Severus avait vu ce corps déjà sale. Puis il se lava en pleurant toujours, jusqu'à faire rougir sa peau déjà violacée.

Il était ridicule. Rien ne ramènerait ce sentiment de propreté davantage que ce que Deirdre ou Alicia avaient déjà fait à l'hôpital. La souillure n'était pas dans son corps, mais dans son âme. Et il ne servait à rien de malmener ce corps qui le faisait déjà suffisamment souffrir.

Harry sortit de la douche pour se camper devant le miroir de la salle de bains et se regarder sans concession. Et ravaler quelques larmes au passage en se voyant pour la première fois nu des pieds à la tête.

Depuis son retour à Sainte-Mangouste, il avait privilégié la guérison de ses fractures et des lésions les plus profondes plutôt que le côté esthétique... Soigner cette infection, consolider les côtes pour pouvoir respirer correctement, les vertèbres et les pieds pour pouvoir tenir debout, la mâchoire pour pouvoir manger, parler, boire... et son bras pour pouvoir faire quelques gestes. Le genou et les mains ensuite, qui du coup étaient moins solides et le faisaient encore souffrir... Le seul aspect esthétique qu'il avait priorisé était le visage, pour garder une apparence humaine au moment de voir ses amants...

Il avait peut-être fait fausse route. En agissant ainsi, il paraissait moins faible, moins atteint, mais la moindre surface de peau dénudée laissait voir l'ampleur des dégâts subis. À se voir ainsi nu dans le miroir, il donnait l'impression d'être passé sous les sabots d'un hippogriffe, d'un troupeau même... Il était couvert d'hématomes, de contusions, d'œdèmes, et la moindre écorchure dans ce contexte paraissait une plaie béante. Alors que dessous, la plupart de ses fractures étaient guéries.

Il aurait peut-être dû faire l'inverse : privilégier l'apparence pour les rassurer et prendre un peu plus de temps pour consolider les fractures. L'œil extérieur ne voyait que la surface. Pas les dégâts les plus profonds.

Harry prit un pot d'onguent dans le tiroir de sa table de chevet et revint s'en tartiner généreusement le corps, partout où sa peau n'avait pas une couleur normale. En concentrant sa magie sur ces endroits-là, dans quelques heures, la plupart des traces auraient disparu. Le genou et les mains attendraient quelques heures de plus.

Peinant à simplement regarder son entrejambe dans le miroir, il l'enduisit d'onguent encore davantage que le reste. Il ne pouvait pas rester indéfiniment habillé devant ses amants. Pas devant Severus et encore moins devant Lucius. En remettant de l'onguent toute la journée et en y mettant toute sa magie, il pouvait être présentable ce soir. Severus croirait simplement qu'il avait eu une vision exagérée, que la pénombre de la chambre avait amplifié cette impression d'hématome et de tuméfaction. Il fallait qu'il le croie. Et que Lucius ne se doute de rien. Et même soit incapable de croire Severus s'il venait à le lui dire.

Et il devait ravaler sa honte et son humiliation devant Severus. Comme si de rien n'était. Parce qu'après tout, cela n'avait aucune importance. Cela ne pouvait pas avoir de l'importance.

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Quand Harry descendit à la Salle à Manger, Severus n'y était pas encore. Dans la rotonde peut-être... ou sous sa douche. Gardant sa jambe gauche étendue sous la table, il s'installa à sa place, balayant la table du regard pour savoir ce qui lui faisait envie. Ou ce qu'il était souhaitable d'avaler. Son ventre n'était pas encore tranquille, partagé entre crampes et douleurs diffuses, mais il devait malgré tout recommencer à se nourrir. Les potions de régénération ne faisaient pas tout et elles ne viendraient certainement pas remplir sa chemise qui flottait un peu trop au niveau des bras et du ventre.

Il venait de jeter son dévolu sur quelques toasts quand Severus pénétra à son tour dans la pièce, frais et les cheveux encore humides, faisant joliment ressortir ses tempes plus blanches dans la lumière. Il passa derrière la chaise vide de Lucius pour venir l'embrasser rapidement puis retourna s'asseoir à sa place, un sourire léger sur les lèvres.

– Désolé de m'être échappé ce matin, j'avais besoin d'aller nager un peu...

La voix était joviale, aussi souriante que l'étaient le visage et le regard, puis Severus tourna la tête pour se servir un grand café.

– Pas de souci...

– Comment tu te sens ce matin ?

– Ça va, hésita Harry. Un peu mal au genou et aux mains, mais ça va...

– Tu as pris une potion ?

– Pas encore. Je viens de descendre...

Severus acquiesça puis se servit une généreuse portion d'œufs brouillés et de bacon. L'odeur écœurait bien un peu Harry mais son amant avait toujours bon appétit le matin après être allé nager et il n'allait pas le priver de ça.

Severus finit par émettre un rire léger en constatant son regard mitigé sur son assiette.

– Toujours pas convaincu ? Tu préfères que j'aille manger dans la cuisine ?

Harry secoua la tête en souriant. La ritournelle était fréquente, presque rituelle quand il était trop sensible à une odeur de nourriture, et c'était souvent Severus qui suscitait ses aversions culinaires.

– Tu sais quand est-ce que Luce rentre ?

– On aura de la chance s'il arrive à refuser une invitation à déjeuner...

Harry grimaça, autant de dépit que de lassitude devant son assiette. Il avait envie de fruits, mais ce n'était pas forcément le plus indiqué, et il allait de toute évidence se rabattre sur une grande tasse de champurrado.

– Je dois passer à la Librairie aujourd'hui, fit Severus. Pas longtemps mais au moins une heure ou deux... Ça t'ennuie si j'y vais ce matin ou tu préfères que j'attende le retour de Lucius ? Ou tu peux m'accompagner si tu ne veux pas rester seul...

La surprise lui fit hausser un sourcil. Harry s'était attendu à ce que Severus ne le lâche pas d'une semelle jusqu'au retour de Lucius, ou même de toute la journée, mais pas à cette « normalité »...

– Non, non, vas-y quand tu veux... Ça fait longtemps que je n'y suis pas allé et je t'aurais bien accompagné mais je préfère éviter de transplaner encore quelques jours... Je ne suis pas sûr que mon genou apprécie.

Il avait bien transplané dans sa chambre une heure auparavant mais il n'avait pas envie de recommencer : les vibrations dans ses os encore fragiles avaient été plus que pénibles. Et puis un peu de solitude ne lui ferait pas de mal. Il avait besoin de remettre de l'onguent régulièrement, besoin de se reposer dans la forêt pour accélérer sa guérison... Et puis il avait besoin de prendre un peu de distance avec son retour et avec ce qu'il avait vécu.

Severus hocha la tête et se remit à manger, sous le regard circonspect mais discret de Harry. Il proposait sans imposer. Il lui faisait la conversation de manière presque habituelle. Il était agréable sans être envahissant... C'était... appréciable.

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Le début de la reconstruction, avec la colère et les difficultés qui vont avec...

Merci à tous de votre présence et de votre lecture.

Au plaisir

La vieille aux chats