Petit mot de l'auteure : Ce texte a été écrit pour la foire aux prompts du FOF : il fallait placer quatre contraintes (Un objet : un instrument de musique : des amis ; un endroit hanté / abandonné ; "Puisque je te dis que ce n'était pas moi!")

cet OS se déroule après la fin de la saison 2.


Il pleuvait cette nuit là une petite pluie fine, toute en murmures.

Une pluie qui n'avait pas l'air bien menaçante mais dont les gouttes étaient si glacées qu'elles forcèrent John à demeurer à l'intérieur. D'habitude, le médecin aurait prit le risque d'affronter l'ondée – tout, plutôt que rester dans cet appartement abandonné. Mais, comme l'écrin dans sa poche le lui rappelait, il avait une grosse journée le lendemain. Hors de question de demander Mary en mariage entre deux reniflements pathétiques. Quand la pluie avait commencé à tomber, il avait donc envoyé un message à la blonde, la prévenant qu'il ne rentrerait que le lendemain. Il avait peur qu'elle ne se fâche, prétextant qu'il n'avait qu'à prendre un taxi, mais sa réponse n'avait été qu'un « D'accord » accompagné d'un petit smiley. Sûrement avait-il comprit ce qu'il niait lui-même il avait besoin de revenir au 221b Barker Street à l'aube d'un jour aussi important. Car demander en mariage Mary marquait une étape essentielle dans leur vie de couple mais aussi, et c'était peut-être bien là le plus important, dans son ancienne vie avec Sherlock. Il avait besoin de revenir sur ce lieu si important pour lui, pour dire au revoir.

Du moins, c'est ce qu'il avait cru.

Car quand il était rentré dans l'appartement, Sherlock était là.

Le détective était en train de jouer du violon, face à la fenêtre, comme si rien n'avait changé. Le concerto pour violon n°1, opus 19, de Prokoviev, pour être précis – puis, John se reprit. Savoir le titre de cette mélodie n'était foutrement pas important. L'essentiel, c'était de savoir ce que ce putain de Sherlock Holmes faisait dans cet appartement, presque deux ans après sa mort. Le blond s'approcha donc de son ancien ami mais, arrivé à un mètre de lui, s'arrêta. Comme toutes ces fois de leur passé, John n'osait pas briser la bulle musicale de Sherlock. Contrairement à ce que le détective avait fait bien des fois, il respectait son intimité. De toute manière, il était impossible que ce dernier ne l'ai pas entendu. Le médecin se sentait prêt à exploser en larmes ou de rage, mais voulait laisser une chance à son ami de s'expliquer. Il attendit une minute, puis deux, puis trois. La musique montait crescendo, l'archet s'agitant sur les cordes dans une danse folle. Mais excepté le son grave du violon, aucune réponse ne lui parvint.

- Qu'est-ce que tu fiches ici ? Finit-il donc par demander.

Son ton était plus calme que ce qu'il aurait imaginé. Toutefois, il sentit qu'il n'avait pas le rester longtemps si Sherlock continuait de s'emmurer dans ce mutisme musical.

- Sherlock.

Un silence. John crut un instant avoir enfin conduit son ancien colocataire à s'intéresser à lui, mais il ne s'agissait que de la pause avant l'attaque du Scherzo – vivacissimo. Jamais belle musique ne lui était apparue si affreuse. Chaque note lancée lui apparaissait comme une insulte jetée au visage « regarde John, ta souffrance est bien inutile ! Qu'est-ce que deux ans ? 63 072 000 secondes. Oh, tu voulais dire sentimentalement parlant ? Mais c'est du passé, John ! Maintenant nous allons reprendre notre vie comme de rien, moi jouant sans rien dire et toi plongé dans une quête vaine de m'approcher ».

Non.

C'était trop cruel, même pour Sherlock.

Il ne pouvait pas laisser passer ça. Alors il prit la partition, l'envoya au sol dans un geste rageur. Comme il aurait dû s'y attendre, Sherlock ne sourcilla même pas évidemment, cet abruti connaissait la partition par cœur.

- Tu vas me répondre, oui ?!

Sherlock le regarda enfin droit dans les yeux, son archet toujours en mouvement.

- Ce n'est pas moi.

- Pardon ? Tu reviens après deux ans, sans prévenir, et tout ce que tu trouves à dire, c'est « ce n'est pas toi » ? pas toi quoi ? Qui est mort ce jour là ? Alors quoi, tu as engagé une doublure ? Un putain de mannequin ? Et ce n'est pas toi qui m'a laissé en plan sans rien me dire ? Ce n'est pas toi qui a été mit dans cette conne de tombe ? Qui...

- Ce n'est pas moi, maintenant.

La musique s'arrêta alors que Sherlock abaissait l'instrument. Puis, il alla s'asseoir sur le canapé, aussi négligemment que d'ordinaire.

- N'essaie pas de te jouer de moi encore une fois, Sherlock, rit jaune John. Tu es là, tu...

- Puisque je te dis que ce n'est pas moi ! L'interrompit le détective. Je ne suis pas réel. Je ne suis qu'un fantôme de ton imagination, John.

- Mais bien sûr. Et pourquoi j'irai invoquer ton fantôme, hein ? Tu crois que j'irai délibérément t'écouter jouer ce stupide concerto ?

- Je suis sûr que non, sourit tristement Sherlock. Mais tu as besoin de moi pour mettre de l'ordre dans ta folie, John.

- Je ne suis pas...

- Trois choses vont se passer dans les prochaines quatre-vingt-dix secondes, dit brusquement le brun. Premièrement, les anesthésiants que l'ont t'as administrés vont commencer à cesser de faire effet. Deuxièmement, dans une conséquence logique, tu vas te rendre compte que rien de ceci n'est réel.

- C'est réel. Peut-être pas toi, peut-être que revenir au Barker Street me fait rêver, mais Mary, cette bague, ça c'est réel.

- Non, répondit fermement Sherlock. Mary n'est qu'une invention de ton esprit pour supporter l'hôpital psychiatrique. Mais elle pourrait devenir réelle. Ce qui nous amène au troisièmement : tu auras un choix à faire. Revenir dans la réalité, accepter ma mort et aller de l'avant. Trouver ta Mary. Faire ta vie avec. Ou tu peux t'accrocher au fantôme que je suis. Rester coincé à vie avec moi. Personnellement, je préférerai la deuxième option. Ce qui te donne une bonne indication sur ce que tu devrais faire, non ?

La question tomba dans un silence que John n'osa briser.

- Quoi qu'il en soit, tu devrais choisir vite. Je te vois déjà partir... Au cas où tu fasses le bon choix et qu'on ne se revoient jamais, saches que j'ai été heureux de ces années passées à tes côtés.

Alors que John se sentait se dissoudre dans une réalité qu'il ne maîtrisait pas, il sourit au détective.

- Moi aussi, j'ai été heureux. Et c'est pour ça que je veux continuer à l'être.


Petit mot de l'auteure : j'ai laissé la fin vague exprès, vous êtes dans quelle team : être heureux en restant dans l'illusion Sherlock ou être heureux en tentant de reprendre sa vie en main ?

Sinon, je suis pas une pro du violon donc désolée pour les termes flous, mais ce texte m'a fait découvrit le concerto de Prokofiev et c'était vraiment beau, allez écouter !

En tout cas, tout retour me ferait plaisir !