ATTENTION SPOILERS : Je vous conseille d'avoir au moins lu Jujutsu jusqu'au chapitre 145 pour ne pas être perdu et surtout vous spoiler de manière pas fun du tout
Je suis en plein dans les scans de Jujutsu et j'étais obligée d'écrire quelque chose pour évacuer tout le stress que me procure ce manga TT C'est une idée qui m'a traversé l'esprit et qui n'arrivera pas dans le manga ! Voyez ça comme un "Et si... ?" qui se termine tragiquement, désolée. Bonne lecture tout de même !
C'était probablement une idée stupide. Mais Itadori n'avait rien trouvé de mieux à faire. Ce n'était pourtant pas son genre de fuir.
D'habitude, c'était lui le forcené du groupe, celui qui n'abandonnait pas tant qu'il tenait debout. Et au fond, ce n'était pas vraiment ce qu'il faisait, il ne les abandonnait pas. Pas complètement.
C'était même pour eux, qu'il était actuellement perdu au milieu de ce quartier, loin de Shibuya.
Après un tel carnage, Itadori ne pouvait pas simplement retourner au lycée. Il ne pouvait pas suivre les autres élèves pour combattre les fléaux et trouver un moyen de libérer Gojo. Pas avec la sensation d'avoir tué encore au bout des doigts. Pas en sachant très bien ce qu'il avait laissé Sukuna faire. Il ne pouvait plus agir comme s'il était encore capable de le maîtriser. C'était devenu trop dangereux. Il n'était plus qu'un réceptacle bancal, qui n'était plus si digne de confiance.
Itadori sentait très bien la puissance de Sukuna grouiller en lui. Elle était plus forte que jamais, même si le fléau n'avait encore rien tenté. C'était probablement le seul à s'amuser de la situation. Plutôt que d'utiliser la force, il ne cessait de murmurer. C'était une voix de reproches constante, un rappel sarcastique de ce qui pouvait donner envie de vomir à Itadori.
Parfois, c'était trop. Les images revenaient trop brusquement, les sensations étaient trop fortes. Les voix suppliantes des humains malmenés par Mahito, les visages de ceux découpés par Sukuna, ceux écrasés par les immeubles effondrés.
Ou c'était encore pire. La voix calme de Nanami, le regard brillant de Nobara. Puis le sang. Partout, dégoulinant et écoeurant.
Itadori avait du mal à retenir ses larmes quand il n'arrivait pas à se reprendre assez vite. Il finissait par se demander le but de tout ça. Ce qu'il fichait encore là, s'il avait vraiment joué son rôle, si c'était vraiment ce que le monde attendait de lui. Pour lui, tout sonnait injuste.
Certaines nuits, quand il devenait égoïste, il s'imaginait tuer Sukuna. Faire un dernier meurtre, le seul qui lui semblait capable de réellement sauver des gens. Il ne voulait plus voir personne mourir à cause de lui et de son incompétence.
Alors oui, Itadori avait fui. Il avait laissé derrière lui les personnes qui pourraient encore mourir par sa faute.
Et depuis, ses seuls contacts se résumaient aux commentaires assassins de Sukuna. Itadori ne comptait plus les jours depuis l'incident de Shibuya. Il se contentait de rester sur ses gardes et de tuer le moindre fléau croisant son chemin. Parfois, il regrettait presque d'avoir semé Choso aussi, sa maîtrise du sang lui aurait facilité pas mal de combat.
Le jeune homme n'était plus au courant de rien vis à vis du monde des exorcistes. Il se doutait que beaucoup le cherchaient, certains pour le ramener avec eux, d'autres pour le tuer. S'il était encore en vie c'était uniquement grâce à Gojo, et maintenant qu'il n'était plus, beaucoup aller en profiter. Itadori s'attendait à croiser la mort à chaque coin de rue. Au début, c'était une frayeur constante, son cœur ne cessait de s'emballer. Puis, au fil du temps, il s'était fait à cette menace, jusqu'à se demander si ce n'était pas la chose à faire.
Il essayait de se convaincre que c'était mieux ainsi. Qu'il était mieux seul. Que personne ne lui manquait.
Mais dernièrement, il y avait une nouvelle sensation désagréable dans sa poitrine. Et Sukuna n'y était pour rien. C'était une sorte de mauvais préssentiment. Un quelque chose qui le poussait à se rapprocher d'endroits qu'il s'était promis d'éviter. Il semblait se passer quelque chose, l'énergie occulte était agitée, l'atmosphère pesante.
Sukuna s'était fait silencieux, comme s'il tenait à ce que Itadori se concentre uniquement sur cette sale impression. Il ne dit plus un mot, jusqu'à ce que le jeune homme arrive dans une rue à moitié détruite. La ville n'avait pas encore eu le temps d'effacer les dégâts que Itadori se força à ignorer.
Il sentait que plusieurs exorcistes étaient passés dans les parages, ce qui expliquait aussi pourquoi il n'avait encore croisé aucun fléau. C'était étrange, les traces d'énergie occulte fusaient de toutes parts, alors que presque une semaine était passée depuis l'incident. Il n'y avait aucune raison que tant d'exorcistes tournent encore dans le coin.
Son instinct lui hurlait de plus en plus fort que quelque chose n'allait pas.
- Je sens la présence d'un loup d'ombre.
Sukuna n'eut pas besoin d'ajouter la moindre précision, Itadori était déjà en train de courir.
Il lui sembla apercevoir la silhouette noire d'un canidé au coin d'un carrefour, et s'y rua. Alors qu'il cherchait la moindre trace d'énergie occulte récente, il vit du coin de l'œil le loup d'ombre, dans un sale état, finir de disparaître dans une flaque sombre.
Et un instant plus tard, c'est du sang qui attira son attention. Une traînée tremblante le long d'un mur encore debout. Sans prendre la peine de réfléchir à un probable piège ou une embuscade, Itadori s'engouffra dans la petite boutique aux vitres brisées, sa respiration déjà bordélique.
Il était là. Affalé contre le comptoir, une main essayant tant bien que mal de calmer le flot de sang près de sa poitrine.
- Fushiguro !
Itadori s'agenouilla devant le garçon blessé, un de ses pieds glissant sur une traînée encore fraîche de sang. Comme il espérait que tout ce rouge n'appartienne pas au garçon.
- … Itadori ? Qu'est-ce que tu viens faire ici ?
- On s'en fout ! Il cria un peu trop fort. Pourquoi t'es dans cet état ?! Qui t'as fait ça ?
Dans sa panique, Itadori chercha des yeux une solution, comme si un docteur ou une infirmière allait surgir de derrière un rayon. Les mains hésitantes, il n'osait pas toucher Fushiguro, incapable de décider ou les poser sans lui faire mal.
- C'est une traque, dit doucement Fushiguro. On doit tuer ou se faire tuer… J'ai pas fait attention… Les Zenin… et,-
- Ok, oublie, j'ai rien compris !
Itadori s'en voulait d'être si bruyant. Et de couper Fushiguro qui semblait mettre tant d'efforts à former une phrase compréhensible. Ce n'était pas un comportement adapté à une situation aussi critique. Mais justement, c'était le genre de situation qui ne permettait pas à Itadori d'agir de manière contrôlée.
Comme il se sentait stupide de ne pas s'être intéréssé à la manière dont Ieiri soignait ses blessures lorsqu'il allait à l'infirmerie. Evidemment que c'était important pour un exorciste de savoir les premiers soins ! Mais quel idiot ! Quel idiot !
A la hâte, il retira sa veste pour la replier et la poser là où les mains de Fushiguro étaient déjà rougies. Il appuya doucement, comme il l'avait vu faire dans les films, ça avait intérêt d'être efficace. D'un œil inquiet, Itadori observait le visage du garçon, il semblait fatigué, mais ses yeux étaient encore ouverts. Ils ne lâchaient pas Itadori.
- Merde, merde, merde, Itadori pesta en voyant déjà sa veste se teindre de rouge. Doit bien y avoir un coin pharmacie ici.
Il voulut se relever pour fouiller la petite supérette, quand une main se posa contre la sienne, l'immobilisant dans son action.
- Itadori… l'appela doucement le brun. Eh, Itadori, il finit même par sourire.
- Quoi ?! Cria encore le concerné, incapable de plus supporter son air calme.
- Désolé… j'ai un poumon perforé. Laisse tomber.
C'était la connerie de trop. Itadori secoua la tête, ne pouvant plus retenir les larmes qui commencèrent à brouiller sa vue. Ce n'était pas ce qu'il voulait entendre. Fushiguro était toujours du genre à voir le verre à moitié vide, il ne faisait qu'exagérer.
- N'importe quoi ! T'en sais rien, t'es pas médecin idiot !
Malgré son répondant, Itadori n'osa pas se lever. Il ne voulait plus quitter Fushiguro des yeux.
- Fushiguro, regarde moi, ferme pas les yeux. J'vais trouver une solution, ok ? Juste… Je dois juste-...
Merde, il n'avait pas prévu de perdre le contrôle de sa voix. Il n'avait pas réussi à retenir le violent sanglot qui l'avait secoué. Et maintenant il allait devoir calmer sa respiration s'il voulait pouvoir parler. D'une main incertaine, il toucha la joue de Fushiguro. Le contact était chaud, un peu poisseux à cause du sang presque séché, mais c'était plus réconfortant qu'il ne l'aurait cru. Alors il s'empressa d'y déposer sa deuxième main pour envelopper le visage du garçon.
Itadori allait bien, il n'avait pas de blessure mortelle. C'était Fushiguro qui était entre la vie et la mort, c'était lui qui était censé paniquer, non ? C'était lui qui devait avoir des larmes dans les yeux et la lèvre tremblante.
Alors pourquoi était-il si calme quand Itadori avait si peur ?
Encore, Fushiguro posa une main contre celle de Itadori. Il tenta de parler, sa bouche chercha l'énergie d'articuler un son, mais l'autre garçon fut plus rapide, un éclair de génie le traversant.
- Sukuna ! Putain Sukuna ! il cria pour lui-même.
Cette saleté observait la scène depuis le début, et n'avait encore rien dit. Il s'était contenté de jouer le spectateur, bien amusé de voir encore Itadori atteindre ses limites.
- Oui ? roucoula sa voix. Tu as b-
- Sauve-le ! Fais un truc ! Maintenant ! Sauve-le !
Les dents serrées, Itadori pouvait sentir le sourire de Sukuna s'élargir sur sa joue gauche.
- Et en quel honneur je devrais obéir ?
Itadori retira ses mains du visage de Fushiguro, frustré de ne pas pouvoir frapper physiquement le fléau. L'entendre parler d'une voix si détachée, comme si ce n'était qu'un simple détail à régler, le mettait hors de lui.
- C'est Fushiguro ! Je sais que t'as besoin de lui ! Tu dois faire un truc ! Fais un truc bordel !
- Mmh, laisse moi réfléchir, répondit Sukuna en laissant quelques secondes de silence. C'est vrai qu'il est dans un sale état, il pourrait facilement y rester… Mais non, j'ai pas envie.
- Enfoiré ! Hurla Itadori.
Fushiguro tenta encore de parler, mais ce fut trop faible, un souffle à peine articulé. En oubliant momentanément Sukuna, Itadori se pencha vers lui, peut-être un peu trop près de son visage, mais quelle importance. Inquiet, il demanda au garçon blessé de se répéter.
- C'est… Dangereux… Tu…
Sachant très bien comment Fushiguro allait finir sa phrase, Itadori posa doucement une main contre sa bouche pour ne pas qu'il s'efforce de parler pour rien.
- Je compte pas partir sans toi abruti.
D'aussi près, Itadori se rendit soudain compte des conséquences de sa blessure. Sa respiration était hâchée, comme incapable de se renouveler assez rapidement. Son front était couvert de sueur, Itadori repoussa les mèches collées qui lui cachaient les yeux. Il allait mal. De plus en plus mal.
- Merde, ça a l'air douloureux. Je suis désolé, j'peux rien faire, j'ai-, je sais pas-... putain…
Ah, les larmes étaient de retour.
- Toi par contre, tu tiens vraiment à le sauver, pas vrai ?
Sukuna avait susurré ses paroles, bien conscient de sa question inutile.
- Et si on faisait un contrat ?
Alors c'était ça. Sukuna voulait profiter au maximum de la situation, jusqu'à marchander avec la vie de Fushiguro. Itadori voulut encore exploser de colère, mais ces quelques paroles furent aussi ce qui lui redonna un peu d'espoir.
- J'avais raison, il marmonna. Tu veux garder Fushiguro en vie, mais si tu peux y gagner encore plus ça t'arrange. Que j'accepte ou non, tu le sauveras.
- Oh, tu essayes de réfléchir ?
C'était risqué de penser ainsi, mais Sukuna avait déjà sauvé Fushiguro une fois. Il n'était pas du genre à faire des exceptions sans une très bonne raison. Alors il n'allait pas laisser mourir cette même exception après tous ces efforts.
- Effectivement, c'est ce qui aurait dû se passer, avoua le fléau. Sauf que j'ai trouvé mieux.
- Quoi ?!
- Dis-moi Megumi, ta sœur est réveillée non ? C'est à cause d'elle que tu es dans un état aussi lamentable ?
La voix mielleuse de Sukuna était horrible à écouter. Fushiguro réagit à sa question, ses yeux ancrés dans ceux de Itadori.
- Quoi ? C'est vrai ? Paniqua de nouveau Itadori. Mais comment-
Complètement perdu, il laissa tomber ses questions lorsque Fushiguro fut secoué par une quinte de toux. D'une main Itadori maintint sa veste contre la blessure, le tissu maintenant complètement imbibé et inutile. Mais il ne savait pas comment se rendre plus efficace.
- Peu importe les détails, reprit Sukuna. La vérité est que Tsumiki m'a l'air bien plus prometteuse que son frère.
Itadori se retint de demander s'il allait bien lorsque Fushiguro réussit à reprendre son souffle. Chaque respiration semblait de plus en plus douloureuse, il n'arrivait plus à le cacher. Et Itadori était toujours aussi impuissant devant cette blessure qui n'en finissait plus de couler.
- Alors ? Ce contrat, mon petit Itadori ?
C'était un cauchemar.
Itadori voulait oublier la présence de Sukuna autant qu'il voulait oublier tout le sang qui tâchait Fushiguro. Il voulait oublier l'odeur poussièreuse et métallique autour de lui, oublier qu'il avait les mains couvertes de sang lui aussi, et uniquement se concentrer sur Fushiguro.
Fushiguro et son léger sourire qu'il ne quittait plus depuis ce qui semblait une éternité à Itadori. Ou alors peut-être que c'était lui qui se l'imaginait depuis le début. Putain, qu'est-ce que ça lui allait bien de sourire. Il se sentait idiot de ne pas lui avoir demander plus tôt de sourire pour lui, il aurait peut-être finit par accepter après quelques refus.
Qu'est-ce qu'il avait été stupide de partir aussi. Il avait fait mauvais choix sur mauvais choix. Et maintenant c'était Fushiguro qui était aussi poisseux de sang. C'était trop. Itadori ne pouvait pas continuer de voir leurs regards le fixer comme s'il n'était pas coupable de tout ça. Ils étaient tous trop gentils.
- Ok, d'accord, d'accord ! Il supplia en s'accrochant à Fushiguro.
Itadori faisait de son mieux pour ne pas mettre tout son poids contre le pauvre blessé. Il faisait vraiment de son mieux. Mais il avait besoin de sentir son coeur battre sous son oreille, sa peau encore chaude et vivante sous ses doigts. S'il s'y accrochait assez peut-être que la mort allait l'oublier.
- Itadori… Arrête…
Le souffle lui fit immédiatement relever le visage. Fushiguro avait les yeux brillants, mais ses joues n'étaient pas encore trempées de larmes comme celles de Itadori.
- On est des exorcistes, il articula du mieux qu'il put. On ne peut pas se permettre… d'être égoïstes.
- Mais je veux pas te tuer aussi ! Je veux pas me retrouver seul !
Itadori savait. Il savait qu'ils avaient un rôle à honorer. Il savait qu'il ne pouvait pas laisser Sukuna prendre le dessus pour sauver une seule vie. Mais à l'instant, il avait juste envie de les envoyer se faire voir, d'oublier ces histoires de fléaux et de réceptacle, d'être un humain lambda et égoïste. Juste pour cette fois. Juste pour lui.
- Tu m'as fait promettre de pas crever c'est pas pour que toi t'y passes, il se défendit entre deux sanglots.
Deux mains se posèrent sur ses joues, et du bout des doigts, de manière un peu maladroite, Fushiguro essuya les larmes encore coincées au coin de ses yeux. D'un geste prudent, il approcha leurs visages, jusqu'à ce que leurs nez se frôlent et que leurs cheveux s'emmêlent ensemble. Puis, dans une même douceur, laissa leurs lèvres se toucher. Ce fut compliqué de goûter autre chose que le salé de leurs larmes mélangées.
Ce n'était pas ainsi que Itadori avait imaginé son premier baiser.
- Je suis désolé, Yuji… Souffla Fushiguro contre sa bouche. Je ne suis pas aussi doué que toi pour tenir mes promesses.
Le cœur en feu et les yeux noyés, Itadori osa poser une nouvelle fois ses lèvres contre les siennes. Une main glissa dans ses cheveux alors qu'il n'arrivait plus à reprendre une distance convenable entre eux.
Sous ses doigts Itadori pouvait sentir le sang commencer à coaguler autour de la blessure. Il sentait aussi la poitrine de Fushiguro monter et descendre de plus en plus lentement, il voyait ses yeux de plus en plus forcer pour rester ouverts.
La dernière chose sur laquelle Itadori s'autorisa à se concentrer, ce fut son sourire, qui, décidément, ne voulait plus partir.
