L'enterrement de Jacob venait d'avoir lieu. Tous les proches s'étaient ensuite dirigés vers la maison de Sam. Son frère Marc et ses enfants étaient là, Pete aussi ainsi que quelques personnes de la base. Ils appréciaient Jacob et voulaient apporter leur soutien à Sam. Certains hauts gradés qui avaient travaillé avec le général Carter avaient également fait le déplacement. Et puis, évidemment, il y avait Daniel, Teal'c et Jack. Là pour la soutenir elle, pour ne pas la laisser seule affronter ce deuil.

Toutes ces personnes réunies dans le salon évoquaient leurs souvenirs de Jacob Carter. Ce n'était pas triste, c'était une façon de ne pas l'oublier, de faire comme s'il était encore là… une dernière fois.

Mais il manquait quelqu'un. Alors que Marc racontait la fois où son père leur avait passé un savon mémorable, à Sam et à lui, pour avoir "emprunté" la moto de leur voisin et avoir fait le tour de la ville avec, Jack regarda autour de lui pour voir la réaction de Carter. Mais il ne trouva pas son second. Il se rapprocha de Daniel et de Teal'c.

Jack : "Vous savez où est Carter ?"

Daniel regarda autour de lui et hocha la tête. Effectivement, cela faisait plusieurs minutes qu'il ne l'avait pas vue.

Teal'c : "Elle est partie dans la cuisine pour ramener du thé glacé. Mais c'était il y a plus de 10 min"

Jack : "Ok, je vais aller voir".

O'Neill se dirigea vers la cuisine. Elle était bien là, le pichet de thé posé sur le plan de travail et elle face au récipient, le regard plongé dans le vide. Elle semblait perdue dans ses pensées.

Jack ne voulait pas la déranger et couper le fil de la conversation intérieure qui occupait son second. Il resta là à l'observer en attendant qu'elle reprenne ses esprits.

"Tu peux encore avoir tout ce que tu veux". Cette phrase prononcée par son père avant de mourir résonnait toujours en elle. C'était il y a cinq jours et elle ne pouvait pas l'enlever de sa tête. Elle ne pensait qu'à ça. À ces neuf mots.

Depuis le décès de son père, elle balayait d'un revers de main cette phrase à chaque fois que son esprit la faisait ressurgir. Mais le poids lourd de ces neuf mots ont eu raison d'elle. Et c'est dans cette cuisine, devant ce pichet de thé glacé, alors que tous les proches de son défunt père étaient dans son salon, que son cerveau s'est dit qu'elle devait avoir cette discussion avec elle-même.

"Tu peux encore avoir tout ce que tu veux" … Facile à dire… mais dans les faits… Que voulait-elle ?

Ce qu'elle voulait, c'était un métier dans lequel elle se sentait utile. De ce côté-là, plus utile que de sauver la planète trois ou quatre fois par an depuis 8 ans, c'est compliqué.

Ce qu'elle veut aussi ce sont des amis sur lesquels compter. Là aussi, mission accomplie. Elle a trouvé mieux que des amis. Elle a trouvé une famille de cœur avec Daniel, Teal'c, le général… Ils seront toujours là pour elle. Elle sera toujours là pour eux.

Ce qu'elle veut aussi, c'est aimer et être aimée en retour. N'est-ce pas ce à quoi tout le monde aspire ? Ne le mérite-t-elle pas après toutes les souffrances endurées ? Pete est là. Il l'aime. Il l'a demandé en mariage, il lui a offert une maison qui ressemble en tout point à la maison de ses rêves. Il accepte qu'elle se mette en danger à chaque fois qu'elle part en mission. Même s'il doit avoir peur pour elle, il ne laisse rien paraître.

"Tout ce dont je veux être sûr c'est que tu trouveras le bonheur … Tu peux encore avoir tout ce que tu veux" … Que voulait-elle vraiment ? Plus que tout ?

Elle pourrait se passer de son job. Elle ne l'aurait pas envisagé il y a de ça encore quelques années mais les événements de ces derniers jours lui ont fait changer d'avis. En revanche, elle ne pourrait pas faire une croix sur Daniel, Teal'c. Ills sont sa famille.

Et puis…. Et puis… Inutile de se mentir quand on se parle à soi-même et que personne n'entend vos pensées. Ce qu'elle veut vraiment, absolument, indéniablement, éperdument, c'est lui. Juste lui. Elle le sait depuis des années. Son regard sur elle, sa façon de vouloir la protéger. Ce qu'elle veut vraiment, c'est qu'il la prenne dans ses bras et y rester lovée jusqu'à la fin de ses jours. Elle avait déjà goûté à ce moment et même si c'était à chaque dans des moments douloureux, la sensation de ses bras autour d'elle était enivrante.

"Ne laisse pas un règlement gâcher ta vie". Quand son père a prononcé cette phrase, elle a fait mine de ne pas comprendre de quoi il parlait. Cependant, elle ne le comprenait que trop bien. Mais son père, comment a-t-il su ? C'est si flagrant que cela ? Elle qui pensait être passé maître en termes de "poker face". Ce n'était peut-être pas le cas. Si son père l'a vu, tout le monde a pu le voir. Et elle qui s'est couverte de ridicule en allant chez le général pour tout lui avouer, pour vider son sac, dire ce qu'elle avait sur le coeur, se libérer de ce poids… et qui s'est retrouvée face Kerry Johnson… Ridicule !

S'il n'y avait que le règlement qui l'empêchait d'avoir ce qu'elle voulait, ça serait plus simple. Mais il était désormais évident qu'il était passé à autre chose. Il avait une compagne maintenant. C'était trop tard. Elle avait attendu trop longtemps. Elle pensait que ses sentiments, à elle, allaient passer, mais ce n'est pas vraiment le cas. Pas du tout même.

"Tu peux encore avoir tout ce que tu veux". Là, on parle de sentiments qui doivent être réciproques. Ce n'est pas juste une voiture que l'on veut absolument et qu'on va acheter dans une concession automobile. Oui, ce qu'elle veut, c'est lui. Mais lui ? Veut-il d'elle ? ça doit marcher dans les deux sens.

Est-ce que c'est sérieux avec Kerry ? Est-ce qu'il l'aime ? Elle ne veut pas s'immiscer dans sa vie mais elle a besoin de savoir. Savoir s'il ne lui reste pas une chance, même minime, qu'il éprouve encore des sentiments pour elle.

Elle avait réussi à réunir le courage de lui parler. Certes elle n'avait pas pu aller jusqu'au bout mais elle avait fait le plus dur. Le seul moyen d'avancer c'est d'aller au bout. Tout lui dire. Après, il fera ce qu'il voudra de ces aveux. Mais au moins, elle saura.

Parce qu'au fond, tout ce qu'elle veut, c'est de ne pas vivre dans le regret. Ne pas se dire toute sa vie "et si". "Et si je lui avais tout dit", "Et si j'avais été plus courageuse", "Et si je ne m'étais pas seulement contentée d'être satisfaite", "Et si j'avais cherché à atteindre le bonheur"...

La voix de son père résonna encore une fois dans sa tête. "Tu peux encore avoir tout ce que tu veux".

Sam, à haute voix : "Tu as raison papa. Je peux essayer au moins."

Elle devait lui parler et aller jusqu'au bout cette fois-ci, c'était décidé. Elle prit le pichet de thé glacé dans ses mains et leva la tête.

Elle allait se diriger vers le salon mais elle stoppa net. Il était là, dans l'embrasure de la porte. Depuis combien de temps était-il là ?, se demanda-t-elle. Venait-il d'arriver ? L'avait-il observée plongée dans sa discussion intérieure ? Son regard sur elle était tellement doux. Il lui sourit, elle lui sourit en retour.

Jack : "Tout va bien ?"

Sam : "Oui, j'étais juste venue chercher du ravitaillement"

Jack : "Vous avez besoin d'aide ?"

Sam : "Non merci, tout va bien... Tout ira bien".

Jack : "Je n'en doute pas Sam"

Un silence s'installa entre eux, quelques secondes suspendues où ils se regardèrent fixement.

Jack : "Vous venez ? Votre frère raconte à tout le monde des moments gênants de votre enfance".

Elle sourit et se dirigea, avec lui, vers le salon.

Oui, tout ira bien.

Il faudra faire les choses dans l'ordre : dire adieu à son père en présence de ses proches, rompre avec Pete et ensuite faire en sorte d'avoir ce qu'elle veut. Ce qu'elle veut vraiment.