Troisième week-end de février 1983 (Harry a toujours 6 ans)

Comme chaque dimanche matin, Harry et Thomas se rendirent chez leur oncle Remus pour passer la journée avec lui. L'adulte les avait cherchés chez eux pour ensuite prendre le Magicobus jusqu'à son appartement situé en plein cœur de Londres. Il était déconseillé de transplaner avec des enfants et Remus ne tenait pas à rendre malade l'un d'eux. De plus, Thomas aimait beaucoup s'accrocher à son oncle pour éviter de se faire bousculer par la conduite brusque du chauffeur.

Une fois à l'appartement, les deux enfants déposaient rapidement leurs affaires dans leur chambre qu'ils se partageaient avant de rejoindre Remus dans le salon pour jouer à un jeu. Comme Thomas était encore petit, les possibilités étaient restreintes, mais cela ne les dérangeait pas. Heureusement, ce dernier faisait encore des siestes l'après-midi et cela permettrait à Harry de jouer lui aussi à ses jeux de société préférés pendant ce temps-là.

Pour le midi, les trois garçons se firent de simples sandwichs à manger sur le canapé devant la télé. Remus avait enregistré des épisodes de Heidi et bien que Harry aurait préféré regarder un épisode de Heckle et Jeckle, il laissa son cadet choisir. Enfin, il ne savait pas vraiment si ce dernier comprendrait l'histoire dans tous les cas, mais il semblait beaucoup aimer le générique de Heidi.

Pour le dessert, il y aurait des glaces au chocolat et à la pistache. Il n'y avait pas de télé ou d'autres appareils électriques au manoir Potter et cela déplaisait beaucoup à Harry. C'est pourquoi il insistait toujours pour passer un peu de temps devant celle de Remus.

Soudain, les deux enfants se jetèrent sur leurs jambes et déposèrent leurs sandwichs sur la table. Remus, sentant que les choses allaient devenir amusantes, attrapa l'appareil photo qu'il laissait toujours à portée de main lorsque les deux frères étaient chez lui. Les deux enfants se tinrent les mains et commencèrent à danser au rythme du générique. Thomas adorait danser et dès qu'il entendait une note de musique, il se mettait à se trémousser.

Remus rangea discrètement son appareil photo en souriant. Apparemment son album photo allait encore accueillir quelques photos. A la fin de la chanson, Thomas et Harry se rassirent sur le canapé de part et d'autre de leur oncle. Ce dernier les serra fort contre lui et ils reprirent le visionnage de la cassette.

Cependant, moins d'une heure plus tard, Remus remarqua que le plus jeune commençait à piquer du nez et décida de le mettre au lit. Il plaça quelques sorts sur le garçon afin de s'assurer qu'il ne puisse pas tomber du lit ou qu'il soit prévenu en cas de cauchemars. Par la suite, Harry lui proposa de jouer une partie de Monopoly pour enfant et d'attendre le réveil de Thomas pour regarder la fin de l'épisode.

Un peu après 16h, Thomas fut réveillé par une douce odeur de chocolat chaud et de pancakes. Apparemment, les deux autres sorciers avaient décidé de préparer le goûter en attendant son réveil. Une petite pile de pancakes trônait déjà sur la table et Remus semblait assurer à Harry qu'il y en avait assez alors que Harry jurait le contraire.

Ce fut Thomas qui mit fin au débat en exigeant de faire cinq pancakes de plus. Après tout l'argument de Remus qui voulait que son grand-frère n'aurait plus faim pour le dîner était invalide puisque Harry avait toujours faim. Cela vexa Harry pour une raison étrange.

Le reste de la journée se déroula dans la joie et la bonne humeur. Si bien que les trois sorciers s'endormirent pêle-mêle dans le canapé confortable de Remus. Ce dernier dut les emmener jusqu'à leur chambre en plein milieu de la nuit lorsqu'il se réveilla.

Harry n'ayant pas le sommeil aussi lourd que son cadet, il se réveilla en se sentant porté. Le garçon se blottit un peu plus contre son parrain en accrochant ses bras autour de son cou. Remus ressera en retour un peu plus sa prise autour de son petit corps en lui souriant tendrement.

Lorsque l'enfant lui demanda d'une petite voix s'il pouvait dormir avec eux ce soir, le lycanthrope n'eut pas le cœur de lui refuser cela et s'allongea à de l'autre côté de Thomas qu'il avait allongé entre eux. Harry passa une de ses bras par-dessus son frère pour attraper la main de son parrain. Il était rare qu'il se montre aussi affectif et Remus profita pleinement de ce moment privilégié que lui offrait le garçon.

Devant son frère, Harry voulait toujours se montrer fort et sans faiblesse. Même lorsqu'il s'était cassé un bras après que Thomas lui ait sauté dessus quelques temps plus tôt n'avait pas su le faire pleurer. Remus était fier de lui et de le voir aussi protecteur, cependant cela l'inquiétait parfois qu'il cache déjà ainsi ses sentiments à son jeune âge. Ce n'était pas normal. Mais avec son vécu, peut-être que finalement, cela n'était pas si anormal que cela.

« Merci. » souffla doucement le garçon.

Remus ne comprit pas vraiment la raison de ce merci. Si c'était pour la journée en général, ses délicieux pancakes ou bien si c'était pour avoir accepté de rester dormir avec eux. Mais Lupin n'avait pas besoin de connaître la réponse à cette incertitude. Après tout, tout cela était naturel pour lui et aucune de ses actions du jour ne méritait de réel merci. Peu importait le motif, il avait forcément fait ce geste méritant des remerciements naturellement et sans réfléchir plus loin.

« Je t'aime Harry, tu n'as pas besoin de me dire merci. »

Harry rouvrit ses paupières à moitié endormies pour les plonger dans celle de son parrain. Leurs regards se plongèrent l'un dans l'autre et Harry envoya un sourire resplendissant à Remus, malgré la fatigue évidente qui tirait ses traits quelques minutes plus tôt.

« Moi aussi je t'aime. » déclara-t-il avec ferveur après quelques secondes en rougissant comme une pivoine.

Remus fut quelque peu surpris de la réponse de l'enfant. Bien qu'ayant lui-même l'habitude de câliner, à embrasser et à couver d'amour les deux garçons, il était rare que Harry lui rende ses paroles affectives, préférant les actions plutôt que la parlote. Sur ce point, il avait tout pris de sa mère.

Décidant de couper court à l'embarras du garçon, Remus se releva légèrement pour pouvoir lui embrasser le front tout en lui murmurant un doux « bonne nuit louveteau » à l'oreille. Puis, il ferma les yeux en serrant toujours la petite main chaude de son filleul.

« 'Nuit Lunard. »

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Début mars 1983 (Harry 6 ans)

Harry était installé dans la bibliothèque en compagnie du professeur Miller lorsque les portes de la pièce s'ouvrirent en grand. Les deux sorciers fixaient d'un air étonné l'enfant qui venait de pénétrer dans la pièce pour se jeter en pleure dans les bras de son frère. Ce dernier essaya tant bien que mal de quitter sa chaise pour pouvoir s'agenouiller devant son frère, mais Thomas avait une poigne sacrément forte pour quelqu'un d'aussi fin et il lui fallut un peu de temps pour réussir à s'en défaire.

Une fois face à son cadet, Harry plongea son regard métallique hérité de sa mère dans celui émeraude de son cadet. La souffrance y brillait ainsi que la peur et Harry en comprit rapidement la source en avisant le sang recouvrant le coude et les genoux de son frère ainsi que ses vêtements déchirés à ces endroits-là. Il le fit s'asseoir à la place qu'il occupait précédemment, lui retira son pantalon et son manteau et remonta la manche de son pull tout en veillant à ne pas toucher ses plaies.

« Borgy. » Aussitôt un elfe apparut à leur côté. « Borgy, pourrais-tu me ramener une bassine d'eau, une serviette, des nouveaux vêtements pour Thomas et le kit de premier soin ? Et aussi un chocolat chaud s'il te plaît. »

L'elfe de maison s'inclina avant de disparaître. C'était le grand-frère de Moby de près de trente ans, ce qui expliquait qu'il semblait bien plus vieux qu'elle. Pour les elfes trente ans n'étaient pas grand-chose, mais avec l'âge la santé se dégradait rapidement.

C'est pourquoi la famille ne faisait pas beaucoup appel à Borgy, afin de ne pas l'épuiser inutilement. La seule tâche qu'il avait à sa charge était les quelques plantes situées dans une serre au fond du jardin qu'il refusait de quitter. Des années plus tôt, Euphemia Potter lui avait demandé de l'aide pour s'occuper de toutes ces fleurs et ni Harry, ni James n'avait eu le courage de lui retirer cet ordre.

Moins d'une minute plus tard, le vieil elfe réapparut devant lui avec tout ce qu'il lui avait demandé.

« Merci Borgy, tu peux retourner dans tes quartiers ou dans les serres. » L'elfe disparut. « Maintenant, raconte-moi ce qu'il s'est passé ? » exigea Harry de son petit-frère.

« Le ballon était dans l'arbre. Je pouvais pas le laisser là ! » s'exclama l'enfant en se concentrant pour faire des phrases malgré la douleur.

Pendant que Thomas parlait, Harry lui avait donné une potion contre la douleur et il commença à nettoyer les plaies avant de les désinfecter. Il passa par-dessus une pommade cicatrisante avant de les recouvrirent de pansements.

« Pourquoi n'as-tu pas appelé Moby pour t'aider ?

- Elle fait le manger. Je veux pas l'embêter. J'ai pas pensé à Borgy. J'ai monté dans l'arbre…

- On dit … je suis monté dans l'arbre.

- Je suis monté dans l'arbre mais la branche a fait crac et j'ai boumé. »

Harry soupira. Son petit-frère était un vrai casse-cou et pour ce trait de caractère, il avait tout pris de son père. Une fois le garçon rafistolé, il l'aida à se rhabiller avec ses nouveaux vêtements. Les anciens étaient bons pour devenir des torchons ou finirent à la poubelle.

Thomas resta quelque temps dans la bibliothèque en compagnie de son frère et du vieux professeur. Cela lui permit de se réchauffer en dégustant un bon chocolat chaud ainsi que de continuer l'un des coloriages qu'il avait commencé pendant la semaine.

Cependant ce moment de calme ne dura pas longtemps et moins de vingt minutes plus tard, le petit garçon renfila ses gants, son bonnet et attrapa le chaud manteau qu'il avait abandonné plus tôt. Bien qu'il fût troué, il n'en avait pas d'autres à mettre pour l'instant. Puis, il retourna jouer dehors sans prendre garde aux recommandations de son frère qui lui criait de ne pas courir dans le manoir.

Lorsque Thomas disparut derrière les lourdes portes de la bibliothèque, Harry ne put s'empêcher de soupirer. Il était prêt à parier que dans peu de temps, Thomas allait à nouveau faire une mauvaise chute et le chercher en pleurant. C'était toujours ainsi avec lui.

Ce ne fut qu'une fois que Harry remarqua qu'il était à nouveau seul avec son professeur qu'il réalisa ne pas s'être comporté comme un héritier et cela devant témoin, qui plus est. Il s'était agenouillé devant son cadet, avait soigné un enfant alors que des elfes de maisons étaient présents, venait de crier et en plus, il avait perdu son masque de Sang-Pur pour laisser place à toute son inquiétude. Harry rougit jusqu'à la pointe de ses oreilles.

« Les circonstances sont atténuantes. Votre frère est encore trop jeune pour comprendre si votre comportement devenait soudainement plus froid envers lui. Vous avez très bien agi. » sourit Miller.

Pas très habitué à recevoir des compliments de la part du vieil homme, Harry rougit d'autant plus tandis qu'un léger sourire en coin étirait ses lèvres. Sa seule fierté était son frère et entendre quelqu'un qu'il respectait lui dire qu'il avait été un bon aîné lui réchauffait le cœur.

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30 mars 1983

Par moment, Harry avait l'impression que son crâne allait exploser sous la pression de ses sentiments.

Tout d'abord, son cœur se serrait comme si une poigne invisible tentait de l'écraser. Puis, la pression se relâchait pour laisser son organe battre follement. Le sang pulsait dans ses tempes et ses doigts se mettaient à le démanger alors que sa vision s'étrécissait. Dans le même temps, son esprit se vidait, éclipsant toute émotion autre qu'une colère noire et dévastatrice.

Cela pouvait lui arriver n'importe quand et pour n'importe quel motif. Parfois, il suffisait d'une dispute avec son père ou bien une tâche compliquée qu'il n'arrivait pas à faire. Que ce soit de la tristesse, de la frustration ou de l'agacement, toutes ses émotions négatives finissaient immanquablement par se transformer en colère dans son esprit. Harry avait pris l'habitude de gérer tout cela à l'écart de Thomas ou Remus, il ne voulait pas les inquiéter.

Pourtant cette fois-ci, il savait bien qu'il ne pourrait cacher son tempérament excessif à son parrain. La terrible déception qu'il ressentait envers lui-même se changeait peu à peu en rage et lui brouillait doucement les sens.

Il ne se souvenait plus de la raison et il s'en fichait à ce moment-là. Son esprit se focalisait seulement sur cette colère qui embrouillait tous ses sens. Il avait vaguement conscience que Remus se tenait là, devant lui et les bras sur les hanches. Pourquoi avait-il l'air si déçu et mécontent ? Harry ne s'en souvenait plus.

Le garçon qui paraissait imperturbable pour toute personne extérieur leva son regard vers son parrain. Il semblait en colère, très en colère. Son visage était rouge, ses sourcils froncés et ses lèvres se tordaient pour lui crier ses reproches. Mais ce qui lui brisa définitivement le cœur, ce fut le regard emplis d'inquiétude de Remus.

Remus était inquiet. Mais ce n'était pas pour lui, Harry en était certain. Non, Remus était inquiet pour Thomas. Mais la raison, il n'arrivait pas à s'en souvenir. Harry savait que c'était de sa faute, il le savait parce que Remus lui criait dessus. Pourtant, l'homme ne l'avait encore jamais grondé aussi sévèrement, peu importe les bêtises qu'il faisait.

Soudain, un flash traversa l'esprit de Harry. Une casserole chaude qui lui tombait sur les pieds de son cadet. Le cris de douleur et les pleurs qui suivirent envahirent soudainement son esprit comme s'il revivait la scène. Harry se retint de plaquer ses mains sur ses oreilles tant le cri avait été persant.

Oui, il s'en souvenait maintenant. Remus faisait à manger mais avait dû s'absenter quelques instants pour récupérer un colis que le facteur venait de livrer. Harry avait chahuté avec Thomas dans la cuisine. Ils avaient bousculé la gazinière et la casserole remplie d'eau bouillante avait glissé de son brûleur. Harry avait vu la scène comme au ralenti. Par un réflexe inespéré, il avait réussi à la dévier de sa trajectoire initiale, à savoir la tête de son petit frère.

Cependant, il n'avait pas pu éviter tous les dégâts et la casserole avait rebondi sur les pieds de son cadet. Il l'écarta d'un vif coup de pied. Aussi rapidement qu'il le put, Harry porta son petit frère jusqu'à la salle de bain et alluma le jet d'eau tiède pour refroidir sa brûlure qui colorait désormais ses pieds et le bas de ses jambes à cause des éclaboussures.

Il arrosa par la même occasion son avant bras, son torse et le pied avec lequel il avait poussé la casserole chaude. L'eau s'était déversée sur lui lorsque Harry avait tenté de protéger son petit-frère. Cependant, l'adrénaline et l'inquiétude l'empêchait de ressentir une quelconque douleur pour le moment.

Une fois son frère quelque peu calmé, Harry lui demanda s'il pensait pouvoir tenir lui-même le jet d'eau. Une fois certain que Thomas avait compris qu'il devait continuer à refroidir sa brûlure, Harry quitta finalement la douche. Il jeta sur le sol son short et son T-shirt afin de ne pas tremper tout l'appartement de Remus avec ses vêtements imbibés d'eau.

Il alla rapidement enfiler une nouvelle paire de chaussettes, un jogging et un pull fin avant de ramener des affaires pour son frère et de les poser sur le rebord du lavabo. Cette douche froide les avait bien refroidi malgré le beau temps, c'est pourquoi il avait cherché des habits un peu plus chauds que les précédents.

« Est-ce que tu veux encore un peu rester là ou est-ce que ça va?

- Encore du froid. » marmona Thomas.

« Très bien, je reviens dans deux minutes. Je suis très fier de toi, tu es très fort. » le rassura Harry en lui embrassant le front, content qu'il ait cessé de pleurer à chaude larmes.

Le garçon attrapa deux serviettes sur une étagère afin d'éponger le sol de la cuisine. L'eau avait eu le temps de refroidir quelque peu et n'était plus que tiède. Harry éteignit tout d'abord le gaz en tournant les boutons dans tous les sens jusqu'à ce que tous les brûleurs soient éteints. Puis, il épongea le sol en essorant ses serviettes dans l'évier à l'aide d'une chaise.

C'est alors qu'il remarqua que Remus mettait beaucoup de temps pour revenir. Après tout, il vivait au treizième étage avec un ascenseur en panne plus de dix mois par an. Cela était donc normal que Remus prenne du temps pour revenir. Mais ce n'était jamais aussi long.

Finalement, Harry préféra rejoindre son frère plutôt que de partir à la recherche de Remus. Il n'avait aucune envie que Thomas quitte la douche et mette de l'eau partout.

Remus arriva finalement moins de cinq minutes plus tard, un énorme carton dans les bras, ce qui expliquait son retard. Le pauvre, il avait dû grimper les longs escaliers en portant cet encombrant colis. Lorsqu'il pénétra dans son appartement, Remus fut plus que surpris de découvrir son appartement entièrement silencieux. Cela n'arrivait que rarement avec les deux frères Potter et encore moins à l'heure du repas.

En découvrant sa cuisine en désordre, la casserole où cuisait ses brocolis dans l'évier et des serviettes humides entassées sur sa paillasse, Remus n'eut aucun mal à s'imaginer ce qu'il venait de se passer ici. Inquiet quant à la santé de ses neveux, le sorcier traversa le couloir afin de rejoindre leur chambre. Ne les y trouvant pas, il ouvrit la porte juste à côté et soupira de soulagement en les découvrant dans la salle de bain.

Cependant, ses inquiétudes refirent bien vite surface en apercevant les pieds rouges par endroits du frère cadet. Harry ne semblait pas avoir été touché et fouillait désormais l'armoire à pharmacie, certainement afin de trouver un baume pour les brûlures. Mais Remus à cet instant voyait simplement un petit garçon de six ans, perché maladroitement sur le rebord du lavabo et qui fouillait dans une armoire où diverses potions fragiles, coûteuses et pour certaines dangereuses étaient stockées.

N'écoutant que ses instants, Remus attrapa l'enfant par la taille et le posa par terre, sans remarquer sa grimace de douleur de ce dernier. Harry n'avait pas apprécié le contact de ses vêtements sur sa peau encore sensible. En remarquant le regard réprobateur de son parrain, Harry préféra faire tête basse et se laissa pousser dans le couloir.

« Va m'attendre dans le salon. » lui avait ordonné Remus et le petit garçon n'avait pas osé désobéir à son parrain.

Il était si rare de le voir en colère que Harry se sentait complètement perdu. Cependant il préférait ne pas contrarié l'adulte d'avantage et attendit bien sagement dans le salon le retour de son parrain.

Ce dernier arriva une quinzaine de minutes plus tard et après lui avoir rapidement expliqué que Thomas s'était écroulé de fatigue après sa crise de larmes, Remus avait commencé à le gronder.

« Thomas m'a dit que vous jouiez à la bagarre dans la cuisine. Combien de fois t'ais-je dit de ne pas courir ou de faire des gestes brusques près des casseroles ? Je t'avais demandé si je pouvais te faire confiance et te laisser surveiller Thomas pendant quinze minutes ! Je t'avais fait confiance Harry et tu n'as pas du tout tenu parole. Tu me déçois vraiment beaucoup. »

Remus avait plongé son regard dans celui de son filleul et le manque de réaction de ce dernier l'enrageait d'autant plus. Avait-il aussi peu d'autorité sur Harry pour que même en lui expliquant à quel point il l'avait déçu, ce dernier ne réagisse pas.

« Est-ce que tu comprends au moins à quel point ça aurait pu être dangereux pour Thomas. Et si la casserole lui était tombée sur le corps ou la tête ? Les brûlures auraient pu être bien plus graves. En plus de ça, tu crois que je n'ai pas vu que tu as essayé de nettoyer la cuisine avant que je n'arrive ? Tu comptais faire quoi ? Cacher tout ça pour que je ne l'apprenne pas ? Et surtout, je t'ai déjà dit des dizaines de fois de ne jamais fouiller dans les pharmacies à potions. C'est dangereux ! »

Cette fois-ci, Harry avait le regard rivé sur le sol et ses doigts tremblaient légèrement. Certainement était-il sur le point de pleurer, se dit Remus. Pourtant, il ne comptait pas se laisser embobiner. Harry avait véritablement mis Thomas en danger et il devait le comprendre. Remus ne changerait pas d'avis et resterait donc ferme.

« Je suis désolé. Est-ce que je peux rentrer à la maison ? »

En entendant sa voix enrouée, Remus failli craquer et le prendre dans ses bras pour le réconforter. Son filleul était un enfant adorable et il se laissait rapidement embobiner par sa petite bouille désolée. Cependant, cette fois-ci, cela ne fonctionnera pas.

« Oui, mais tu resteras dans ta chambre jusqu'au dîner. Je vais prévenir Moby de ta punition, alors tu n'as pas intérêt à essayer de jouer à droite ou à gauche une fois au manoir. »

Harry hocha vivement de la tête et appela Moby de sa voix toujours aussi tremblante. Remus donna ses instructions à l'elfe de maison avant de laisser son filleul partir.

Après avoir nettoyé sa cuisine, Remus s'affala dans son canapé en poussant un gros soupir. Il culpabilisait affreusement. Certes, Harry n'était encore qu'un enfant, pourtant il savait déjà ranger sa chambre ou le salon lorsqu'il y mettait le bazar. Cela n'aurait donc pas dû être très dur pour lui de nettoyer un peu mieux la cuisine s'il avait réellement voulu lui cacher la vérité.

Laisser les serviettes humides en évidence n'était pas quelque chose que Harry aurait fait. Il aurait au moins fait l'effort de la cacher au fond du panier à linge. De plus, il avait très bien agit en mettant les pieds de Thomas sous l'eau et en cherchant à appliquer le plus rapidement possible un baume désinfectant et cicatrisant sur sa plaie.

Mais ce qui gênait le plus était de ne même pas avoir vérifier si Harry n'était pas non plus blessé. Sous le coup de la colère, Remus avait simplement présumé que s'il ne s'était pas plaint, c'est que Harry n'avait pas de blessure. Mais avec le recul et en connaissant le caractère de son filleul, Remus savait que même blessé, il n'aurait peut-être rien dit pour ne pas les inquiéter d'avantages, lui et Thomas.

« Moby ! » Remus dû attendre quelques secondes que l'elfe apparaisse. « Est-ce que tu pourrais vérifier que Harry va bien ? Je passerai dans la journée demain pour lui parler.

- Très bien Monsieur Lupin, je lui dirai. » lui sourit la vieille elfe en s'inclinant.

Lorsque Moby réapparut dans la chambre de Harry, elle ne fut pas surprise de découvrir la chambre en désordre. Avec le temps, elle avait dû apprendre à gérer les crises de son jeune maître. Si au départ, cela l'avait beaucoup effrayé de le voir s'énerver ainsi et perdre son sang-froid, désormais Moby savait très bien que même en colère, jamais Harry ne tenterait de la blesser volontairement. La vieille elfe avait simplement besoin de s'assurer de ne pas être dans la trajectoire des objets que le garçon lançait contre les murs.

Ce genre de scène arrivait souvent dans sa chambre ou parfois même dans un couloir désert. Harry ne perdait jamais le contrôle devant son frère ou son parrain, certainement qu'il considérait cela comme une faiblesse. De plus, il avait fait promettre à Moby de n'en parler à personne. Alors, à moins que James qui restait son premier maître, même devant Harry qu'elle adorait, ne lui demande des comptes, jamais Moby ne pourrait parler de cela à quiconque.

Alors Moby gardait cela pour elle, espérant secrètement réussir à convaincre son jeune maître d'en parler à un adulte afin qu'il puisse l'aider à traverser cette épreuve. Elle n'aimait pas le voir frapper les murs ou son propre corps de ses petits poings. De plus, cela se voyait à son expression que ce trop plein d'émotions le faisait également beaucoup souffrir.

Dans ces moments-là, Harry relâchait toute la pression qu'il accumulait petit à petit. Frapper, lancer et casser lui permettait d'apaiser les sentiments colériques, de mélancolie et d'injustice qui s'accumulaient sans qu'il ne puisse les extérioriser autrement. Harry avait toujours été dans le contrôle, jamais il ne se laissait aller, que cela soit devant Remus, son frère et encore moins face à son père qui ne tolérait aucun de ses écarts.

Cette fois-ci, c'était la déception et la culpabilité qui le rongeait. Il avait déçu Remus, il avait trahi sa confiance, il avait mis en danger son frère et il se haïssait pour cela. Une boule voyageait sans cesse de son estomac à sa gorge, lui oppressant la poitrine et lui donnant l'envie de se frapper de toutes ses forces. Il savait par avance que taper sa poitrine ne servirait à rien, cela ne soulagerait en rien la douleur et le malaise qui le prenait.

Pourtant, Harry n'avait pas le recul nécessaire à son jeune âge pour comprendre cela. Alors il grattait encore et encore de ses ongles coupés court sa poitrine, si bien que bientôt du sang tâchait ses doigts alors que de lourds sanglots lui échappaient enfin. Tentant vainement de déloger cette boule qui lui pesait sur le cœur.

Sachant pertinemment que Harry commençait petit à petit à se calmer, Moby s'approcha de lui comme on pourrait approcher un animal blessé. Avec des gestes lents et légers, elle commença à appliquer le baume sur les parties visibles de son corps. Elle demanderait à Harry de se déshabiller lorsqu'il serait complètement calmé.

Petit à petit, Harry se détendit entre ses doigts bien qu'ils savaient tous les deux qu'il n'était pas apaisé de tous ces sentiments tumultueux pour autant. Bien qu'il haïssait ses crises, Harry aimait beaucoup ces moments de calme et de sérénité que lui offrait Moby. Elle était un exemple de sagesse et ses gestes apaisants lui faisaient du bien.

Moby ne parlait jamais pour ne rien dire et savait très bien quand se taire. Elle était donc la personne la plus à même à le calmer sans prendre le risque de l'agacer d'avantages. Bien qu'étant considéré comme un enfant intelligent et malin, Harry fonctionnait la plupart du temps à l'instinct et ce dernier ne le trompait pas souvent lorsqu'il se décidait à l'écouter. Or cet instinct le guidait toujours vers Moby dans ses moments de faiblesse et jamais, il n'avait encore eu à regretter cela.

Il fallut du temps à Harry pour retrouver un semblant de contrôle sur la situation. Ses pensées se mirent à fonctionner à nouveau avec un peu plus de logique et ses membres lui obéirent sans rechigner lorsqu'il tenta de se décrisper un peu. La douleur qui avait été jusque-là reléguée au second plan revint en force et une grimace de douleur tirait ses traits alors qu'il se déshabillait.

Moby, bien consciente de ses efforts pour ne pas fondre à nouveau en larmes, lui tendit gentiment une potion contre la douleur avant de commencer ses soins. Cinq minutes plus tard, les effets se firent sentir sur le corps de l'enfant et ce dernier indiqua à l'elfe qu'elle pouvait lui appliquer les pommades.

En remarquant l'état de son petit protégé, Moby se dit qu'elle aurait deux mots à dire à Monsieur Remus Lupin. Certes il était un sorcier et un proche de son maître, mais sur ce coup-là, il n'avait pas assuré. Harry était dans un état catastrophique, aussi bien émotionnellement que physiquement. Diverses brûlures recouvraient sa peau délicate et des tremblements dûes aux frottements de l'air sur celle-ci agitaient ses membres. Pauvre garçon.

Une fois l'enfant soigné, elle lui recommanda d'aller se coucher. Elle fut surprise qu'il lui obéisse du premier coup. Harry n'aimait pas dormir et détestait aller tôt au lit ou bien se lever tard. Malgré son jeune âge et le peu de responsabilité qu'il avait, Harry trouvait déjà que cela ne faisait que gâcher du temps qu'il pourrait passer à faire autre chose.

Un sourire triste au coin des lèvres, elle lui apporta une tasse de chocolat chaud et quelques biscuits qu'elle posa sur sa table de chevet. Doucement, elle passa une main dans les cheveux ébouriffés du garçon. Ce dernier leva un regard interrogateur à son encontre, ne comprenait pas la raison de ce geste.

Moby savait très bien qu'il était déplacé pour un elfe de toucher ainsi l'un de ses jeunes maîtres. Mais Harry n'avait personne d'autre à qui se confier ou bien pour le réconforter. Elle doutait que sa petite carrure et ses mains osseuses puisse lui insuffler un quelconque sentiment de protection, mais c'était déjà mieux que rien et tout ce qu'elle pouvait lui offrir.

« Est-ce que le jeune maître Harry veut parler de ce qu'il s'est passé à Moby ? » demanda l'elfe gentiment.

« A cause de moi, Tommy a été blessé.

- Sans vouloir offenser le jeune maître, Moby pense que ce n'est pas la faute du jeune maître Harry. Le jeune maître à lui aussi été blessé.

- Si Moby, c'est de ma faute. » renifla l'enfant en s'enfouissant sous ses couvertures. « Si j'avais fait plus attention, ça ne serait pas arrivé. Je savais qu'on devait rester dans le salon, mais j'ai quand même poursuivi Tommy dans la cuisine. J'aurai dû l'appeler pour qu'il en sorte tout de suite au lieu de poursuivre le jeu dans la cuisine. Remus m'avait demandé de faire attention et je ne l'ai pas fait. Je l'ai déçu.»

L'enfant craqua à nouveau et fondit en larmes. Moby posa sa petite main là où elle pensait être l'épaule de l'enfant sous le drap afin de le réconforter.

« Je suis certaine que Monsieur Remus Lupin était tout simplement très inquiet pour les jeunes maîtres, sa colère n'était pas contre le jeune maître Harry mais envers Monsieur Lupin lui-même. De plus, le jeune maître ne doit pas oublier que la pleine lune est proche, Monsieur Remus Lupin est très sensible et s'est emporté plus rapidement qu'à la normal »

Moby rationalisait parfaitement la situation. Elle savait qu'elle avait raison. Après tout, Remus lui avait demandé de prendre soin de Harry à peine quelques minutes après son départ. Il n'était déjà plus en colère envers son filleul. Elle en était certaine.

Pourtant, Harry ne semblait pas vouloir se déculpabiliser et sortit avec rage de sous sa couette. Son regard rageur se posa sur son elfe et son ton froid lui fit mal au cœur. Bien que Moby sache que son jeune maître avait du mal à gérer ses émotions fortes, elle n'oubliait que ses paroles crues cachaient souvent un petit fond de vérité.

« Mais arrête de me parler. Tu n'es qu'un elfe, ne parle pas au nom d'un sorcier. Comment pourrais-tu savoir ce que pense Remus, n'oublie pas ta place Moby. Et ne le prend pas de haut parce qu'il est un loup-garou. Je déteste quand tu mets tout sur le dos de la maladie ! »

Sa magie s'était mise à crépiter au bout de ses doigts et Moby s'écarta vivement. Certes, le jeune maître ne s'en prenait habituellement qu'à des bibelots ou des oreillers, mais il n'était tout de même pas bon de tenter le diable en se trouvant à portée de main.

« Sors de ma chambre » Moby lui lança un regard incertain, ce qui agaça davantage le garçon. « Exécution ! »

Moby ne réfléchit pas plus et poppa loin du jeune Harry. Visiblement, sa colère ne serait pas aussi facile à calmer qu'à l'accoutumée. Cependant, elle savait très bien que dès le lendemain, tout cela serait oublié.

Remus arriverait certainement au manoir dès l'aube afin de ramener Thomas et s'assurer que Harry allait bien. Puis, le plus jeune des Potter détendrait l'atmosphère avec des blagues ou bien en suppliant pour jouer à un jeu. Finalement, Remus et Harry redeviendront aussi complices que quelques jours plus tôt. Et enfin, Harry se présente devant elle quelques minutes avant l'heure du repas avec un joli bouquet de fleurs cueillies dans le jardin.

Oui, tout se passerait bien et rentrerait dans l'ordre, comme toujours. Moby le savait.

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Dimanche 1er mai 1983

Harry était tranquillement assis sur le rebord de sa fenêtre, observant quelques oiseaux en train de se désaltérer dans une petite fontaine que Thomas avait installée avec leur père quelques semaines plus tôt. Ses doigts tapotaient sur ses cuisses le rythme de la musique vibrant le long des murs de la pièce.

Il appréciait tout particulièrement de se vider la tête ainsi, avant qu'il ne soit l'heure de la leçon du week-end avec son père. Miller ne faisait pas de cours le week-end et les mercredis, arguant qu'il fallait donner un peu de liberté aux enfants pour que ceci reste concentré en semaine et non se perdre en rêvasseries.

Cependant James n'était pas le moins du monde d'accord avec cette vision, son fils ne méritait pas un tel repos et aurait donc plusieurs devoirs de sa part ces jours-là. De plus, il veillait à observer les résultats qu'il avait fait dans chacune des disciplines que Harry avait travaillé pendant la semaine. En effet, Miller écrivait un rapide compte-rendu après chaque leçon et James veillait à vérifier qu'il ne mentait pas.

Soudain, la pièce fut silencieuse. Son morceau venait de se terminer et connaissant parfaitement l'ordre des musiques sur sa cassette, il se réjouissait déjà d'entendre la suivante, sa préférée. Bien que cela ne soit pas vraiment connu par la population sorcière, il était possible depuis quelques années de faire fonctionner les appareils électroniques dans un milieu magique. Cependant la mise en place de ce système était encore très coûteuse et demandait plusieurs semaines à mois, selon la taille de l'objet, de travaux que ce soit sur les appareils eux-mêmes ou bien sur la pièce dans laquelle on voulait les installer.

C'est ainsi qu'après plus de trois mois d'insistance infructueuse auprès de son père, Remus avait pris pitié de lui et lui offert son tout premier Walkman. Harry avait sauté de joie. Il ne recevait jamais de cadeau de son père, Remus était le seul à penser à lui pour son anniversaire.

Cependant, seulement pouvoir écouter de la musique le dimanche chez son parrain était rapidement devenu frustrant pour l'enfant. Alors, il avait réussi à convaincre ce dernier d'utiliser sa clé pour chercher de l'argent dans sa voûte d'héritier afin de payer la sensibilisation magique de l'appareil Moldu. Evidemment, Remus avait refusé mais grâce à une fabuleuse astuce appelée plus communément chantage, Harry avait fini par convaincre son parrain.

Apparemment, Remus ne voulait pas que James apprenne qu'il était celui qui avait donné une potion teintant les cheveux de Thomas en vert et argent pendant une semaine un mois plus tôt. Encore aujourd'hui, James ignorait encore si la faute revenait à Remus, Harry, Neville Londubat qui avait été présent ce jour-là ou bien à Thomas lui-même qui avait fouiner dans son bureau ce jour-là. Peut-être qu'une vieille potion du temps des Maraudeurs y traînaient encore, c'était une possibilité.

Cependant en voyant à quel point la blague avait mis en rogne James, les trois enfants avaient promis à Remus de ne jamais le dénoncer. Lorsque son parrain lui avait parlé de cette promesse, Harry haussa simplement des épaules en avouant avoir croisé les doigts. Après cela, Remus avait longuement pesté à propos de « gênes Serpentards refoulés » et d' «héritiers de Maraudeurs en carton ». Harry n'y prêta cependant pas plus attention puisque Remus accepta finalement de chercher de l'argent pour lui à la banque puisque que James ne devait pas être au courant.

Depuis, Harry pouvait aussi bien écouter de la musique dans le monde Moldu que dans le monde magique grâce à son walkman, ses cassettes et son casque. Selon Harry, ce simple petit plaisir pouvait être appelé la raison de son bonheur absolu. Bien que Remus ne comprenne pas vraiment pourquoi son filleul aimait autant la musique, il était heureux de le voir être aussi content juste grâce à ce petit objet.

Harry dut s'interrompre une nouvelle fois dans sa contemplation du paysage lorsque la porte s'ouvrit rapidement avant de se refermer en un claquement sonore. Tournant un visage paniqué vers l'origine du bruit, Harry se détendit rapidement en remarquant qu'il s'agissait seulement de son frère et non de son père. Peut-être qu'il devrait demander à Moby d'installer un sortilège d'alarme sur le couloir afin qu'il soit prévenu de l'arrivée de son père si un jour il se rendait dans sa chambre. Ainsi, il aurait le temps de ranger son Walkman.

Harry ne bougea pas de sa place sur le rebord de fenêtre, observant Thomas fouiller dans les tiroirs de son bureau afin de trouver son livre de coloriage et ses crayons. Puis il s'approcha de son frère et s'assit à ses pieds. Harry laissa une main glisser dans la chevelure de son frère, jouant avec sa chevelure folle. Il commença alors calmement à lui expliquer ce qu'était cette machine à musique en lui plaçant le casque sur la tête, tandis que son frère terminait le coloriage d'un dragon qu'il avait débuté quelques jours plus tôt.

Malgré son jeune âge, Thomas ne dépassait presque pas des contours, cependant il avait encore du mal à accorder les couleurs. C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent à observer un dragon aux yeux roses, aux écailles rouges et kakis et aux flammes bleues et jaune prendre vie. Après tout, il s'agissait d'un coloriage magique ce qui signifiait qu'une fois terminé, ce dernier s'animait quelques secondes et cela à chaque fois que le livre serait ouvert à cette page.

Soudain, Thomas changea brusquement de sujet. Apparemment le fait qu'il n'avait pas participé au repas de Pâques avec lui et James l'avait quelque peu perturbé. D'autant plus que la veille au soir, Thomas l'avait cherché dans toute la maison sans avoir réussi à lui mettre la main dessus et qu'aujourd'hui, des cernes creusaient ses joues encore juvéniles.

« Est-ce que c'est… heu, tu vois, à cause de… de ta maladie ? » demanda timidement Thomas.

Harry releva soudainement son regard vers son cadet qui ne le remarqua pas, trop concentré à choisir son prochain dessin. Harry adorait son petit-frère, pourtant dans ces moments-là il haïssait sa manie de fourrer son nez dans ce qui ne le regardait pas du tout.

« Comment le sais-tu ? » cracha-t-il froidement.

Ce fut seulement à ce moment-là que Thomas comprit son erreur, ce qui le fit baisser la tête encore davantage. Cependant, ce qu'il prenait pour de la colère chez son frère était en réalité la peur du jugement et du rejet. Harry était terrifié à l'idée que son petit frère puisse le rejeter en apprenant sa condition.

« Papa et oncle Remus parlait dans le bureau. J'ai bloqué la porte avec un bâton et j'ai … j'ai entendu de quoi il parlait. Mais un tout petit peu, Moby m'a vu et m'a grondé. Mais je n'ai presque rien entendu ! » s'exclama-t-il rapidement comme pour se faire pardonner. « J'ai juste compris que tu avais une maladie et Remus devait t'emmener pour la nuit… Et aussi que…peut-être tu ne pourras plus rester l'héritier. » souffla-t-il finalement, incertain.

A ces mots, ce fut comme si un coup de poignard traversait le cœur de Harry. Il n'était pas au courant de cette partie-là. Alors comme ça son problème de fourrure qui n'arrivait qu'une nuit par mois l'empêchait de se tenir à la tête de la famille. Quelle excuse pitoyable. James était vraiment ignoble d'utiliser ce prétexte, alors même que son meilleur ami était un lycanthrope.

« Eh bien, j'imagine que c'est le moment de tout te raconter. »

Harry descendit de son perchoire et s'installa à genoux devant son petit-frère. Il plongea son regard gris et ambre dans celui émeraude de son cadet, puis il prit une profonde inspiration et lâcha la bombe.

« Je suis un loup-garou. »

Thomas qui ne s'attendait pas du tout à cela ne put empêcher un léger mouvement de recul ainsi qu'un frisson de peur de parcourir son échine, cette réaction provoqua chez Harry un ricanement amer. Bien sûr que son frère avait peur, c'était normal. Il détourna finalement le regard et se recula pour s'asseoir en tailleur.

« J'ai été mordu quand j'avais deux ans, lorsque le manoir Potter a été attaqué pendant la guerre. Papy et Mamy sont morts cette nuit-là, et moi j'ai été mordu par Fenrir Greyback.

- Et papa et maman, ils étaient où ? » demanda timidement le plus jeune, intimidé par le ton froid de l'autre.

« Je ne vivais pas avec eux à ce moment-là. A cause de quelques problèmes, c'était mieux pour moi de rester avec Papy et Mamy.

- Comment est-ce qu'ils sont morts ?

- Tu es encore un peu trop petit pour savoir ça Tom.

- Je suis pas petit ! » s'indigna le petit garçon.

- 3 ans c'est petit le mioche. » se moqua gentiment Harry alors que Thomas se mettait à bouder.

Harry observa la mine boudeuse du plus jeune, un sourire tendre au coin des lèvres. Il espérait vraiment que la nouvelle de sa condition n'allait pas les éloigner.

Après quelques minutes de silence, Thomas se souvint enfin de la raison qui l'avait poussé à rejoindre son frère. Mais la découverte de la machine à musique, son coloriage et la maladie de Harry lui avaient fait oublier ce détail.

« Oh mince, j'ai oublié, je suis venu pour te dire que papa t'attendait dans la bibliothèque depuis dix minutes pour tes leçons du matin. Il a avancé l'horaire. » s'exclama-t-il soudainement en sautant sur ses pieds.

Harry ne put empêcher un soupir désespéré, son frère était un étrange spécimen. Cependant il ne réussit pas à lui en vouloir lorsqu'il remarqua son air paniqué et désolé. Harry voulut lui tapoter la tête pour lui montrer son pardon comme à chaque fois que Thomas faisait une bêtise, cependant la crispation de ce dernier à son contact lui fit retirer vivement sa main de sa chevelure. Apparemment Thomas aussi avait des préjugés sur la lycanthropie malgré son jeune âge.

Essayant tant bien que mal de ne pas montrer sa douleur face à ce rejet inconscient de son cadet, Harry préféra se diriger vers son armoire pour y prendre une chemise noire et de l'enfiler par-dessus son t-shirt. Il prit également une paire de baskets dans son armoire avant de se tourner vers son frère.

« Quand tu auras fini de colorier, appuie sur ce bouton pour éteindre la musique et n'oublie pas de bien fermer la porte de l'armoire d'accord ? » Thomas hocha vivement de la tête « Ah et aussi, ce sera notre petit secret, ne le dis surtout pas à Jam… à papa. » finit-il avec un petit clin d'œil complice.

Harry quitta finalement la pièce. Aussi rapidement que possible, il détala en direction de la bibliothèque qui se trouvait deux étages plus bas. Là-bas, il découvrit son père en train de faire les cent pas entre la première rangée de livres et le bureau de son fils. Lorsque le son de la porte qui se ferme arriva à ses oreilles, James releva un visage rouge de colère vers son fils aîné.

« Il me semble pourtant que nous avons vu les principes qu'un Noble se doit de suivre. » Une première gifle fit tourner la tête de Harry. « Tu dois être ponctuel. » Une deuxième. « Tu ne dois jamais courir ou avoir l'air d'avoir fourni un effort physique avant de rencontrer quelqu'un. » Une troisième. « Tu dois être présentable, fais-moi le plaisir de fermer correctement cette chemise et de la rentrer dans ton pantalon. » Une quatrième. « Et enfin, quel est cet accoutrement, quel genre d'héritier porte des baskets. » s'égosilla James comme s'il était sur le point d'exploser.

La cinquième et dernière gifle sembla cependant réussir à lui faire perdre un peu de ses rougeurs. Cette fois-ci, Harry sentit parfaitement le goût métallique du sang dans sa bouche. Une main portée à sa lèvre lui indiqua que cette dernière était fendue, une autre griffure ornait sa joue à cause d'une des bagues que son père portait.

Harry se garda bien de lui faire remarquer que selon ces principes, un Sang-Pur n'avait pas à s'égosiller. James prit le temps de reprendre son calme avant de poursuivre.

« Bien, va t'asseoir et lis le chapitre huit de « Métamorphoses matérielles ». Je t'interrogerai ensuite sur tes devoirs et sur l'ensemble du livre. Cette après-midi tu iras faire des tours de terrain pour te punir de ton retard. »

Harry se contenta de hocher de la tête et se mit au travail. Il espérait seulement avoir le temps de monter dans sa chambre pour enfiler un short et un t-shirt pour braver la chaleur suffocante de ce mois d'août.

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Thomas jouait dans la véranda avec son père à la bataille explosive lorsqu'il aperçut par la fenêtre Harry en train de courir malgré le soleil qui brillait dans le ciel. Il paraissait épuisé et la sueur tâchait son front et son débardeur bien. Apparemment il n'avait pas encore terminé les tours de terrain que lui avait donnés son père. Alors que Thomas allait faire un signe vers son frère afin de l'inviter à les rejoindre, son geste fut interrompu par la voix claquante de son père.

« Non Tom, Harry est puni pour l'après-midi, il doit apprendre à ne pas être en retard. »

Ne pouvant se rebeller contre l'autorité parentale de James, Thomas se contenta de serrer ses poings plus fortement autour de ses cartes et de détourner son regard de son aîné. C'était de sa faute encore une fois si Harry était puni. C'est lui qui avait oublié de dire à son frère que leur père l'attendait le matin même.

Pourquoi est-ce que son papa était si gentil avec lui, mais si injuste avec son frère ?