26 septembre 1988
Après un mois de cours, Altaïr s'était petit à petit habitué au rythme de sa nouvelle vie estudiantine. Il se levait tous les jours une heure avant ses camarades de dortoirs afin de pouvoir se préparer tranquillement sans se soucier du regard des autres. Il savait très bien que son corps et ses cicatrices étaient bien trop incriminantes envers Cygnus pour qu'il laisse quelqu'un les apercevoir. Le garçon ne tenait pas à se faire haïr davantage par l'homme. Alors il ne prenait aucun risque.
Une fois prêt, il rejoignait le rez-de-chaussée et s'installait devant l'une des cheminées de la pièce. Il passait le reste de l'heure à bouquiner, confortablement installé dans un fauteuil tout en se réchauffant auprès du feu. Puis, lorsque l'alarme servant de réveil aux autres élèves retentissaient, Altaïr quittait la bâtisse pour rejoindre le bâtiment principal et retrouver la salle à manger.
L'une des valeurs enseignées par l'institut était la discipline et le directeur tenait à ce que chacun de ses étudiants respecte les règles. Ainsi, tous les matins à 6h, une alarme réveillait l'ensemble des étudiants, même s'il n'avait pas cours dès la première heure. Ces derniers avaient ensuite une heure trente pour se préparer et prendre leur petit déjeuner avant que le réfectoire ne ferme ses portes. Les élèves avaient ensuite une demi-heure pour rejoindre leurs salles de classe.
Il arrivait parfois à Altaïr d'avoir l'impression de vivre dans une école militaire. Tous les élèves devaient avoir une coupe de cheveux réglementaires, crâne tondu pour les garçons et queues de cheval ou chignons serrés pour les filles. Les élèves portaient tous un uniforme qu'ils n'avaient pas le droit de modifier ou de personnaliser sous peine de sanction. Les seuls bijoux autorisés étaient les bagues familiales et les chevalières. Les élèves devaient toujours marcher à gauche dans les couloirs, saluer respectueusement leurs professeurs en les croisant, ne pas courir ou crier, ne pas entamer leurs repas avant que le directeur n'ait commencé le sien et il existait encore d'innombrables règles. Cela fatiguait Altaïr par moment.
Le garçon croisa quelques élèves dans les couloirs et les salua d'un simple signe de tête. Une fois au réfectoire, il constata que seul une vingtaine d'étudiants étaient déjà présents. Peu de personnes se pressaient le matin et cela plaisait beaucoup à Altaïr. Lui qui haïssait généralement le silence oppressant du manoir de Cygnus se retrouvait à ne souhaiter que cela la plupart du temps.
Ses oreilles lupines percevaient la plupart des sons se propageant autour de lui, allant d'une discussion lointaine, au martèlement des pas dans les couloirs ou à des sortilèges prononcés avec force. Même dans son dortoir, le ronflement de certains de ses camarades venaient le perturber. Bien sûr, Altaïr avait pensé à créer une bulle de silence autour de son lit qui bloquerait les sons extérieurs. Cependant cela l'avait encore plus angoissé de ne plus pouvoir se fier à son ouïe afin de savoir ce qu'il se passait autour de lui. Alors il n'avait jamais réitéré l'expérience.
Une fois son petit-déjeuner fini, Altaïr se pressa vers la sortie du réfectoire afin de rejoindre sa salle de classe. Les samedis matin étaient réservés aux options, ainsi Altaïr avait donc de huit à dix heures sports de combat et en second temps deux heures d'arithmancie. Il avait longuement hésité entre les quatre options, chacune présentant des avantages et des inconvénients.
L'astronomie avait tout pour être sa matière forte et lui assurer des bonnes notes tout au long de l'année. Cependant Altaïr avait rapidement tiré une croix sur cela puisqu'il était avant tout ici pour étudier, et non se reposer. De plus, il étudiait le sujet depuis des années, d'abord avec Walburga, puis avec Cygnus. Les Black vouaient un étrange culte à cette branche de la magie. Cette matière ne lui apporterait donc aucune nouvelle connaissance avant plusieurs années. Il avait tout de même tenu à s'inscrire aux examens de cette matière, ainsi il pourrait avoir une bonne note sans même avoir besoin de suivre ou réviser cette matière.
Ensuite, Altaïr avait longuement hésité à choisir les sports de combat. Il était un lycanthrope et ses capacités physiques dépassaient celles des sorciers lambdas. Les chances pour qu'un incident se produise dans cette classe était forte et cela risquait de le mettre dans une situation compromettante. D'autre part, cela lui permettrait d'extérioriser les nombreux sentiments qu'il s'empêchait d'extérioriser par habitude en vivant auprès de Cygnus depuis si longtemps. Altaïr décida tout de même de choisir cette option puisqu'elle lui permettrait d'apprendre à maîtriser sa force et ne pas blesser d'autres sorciers par inadvertance.
Enfin, il avait dû se décider entre runes et arithmancie simple. Il avait toujours adoré les mathématiques Moldues et l'arithmancie était ce qui s'en rapprochait le plus chez les sorciers. D'autres part, il n'avait encore jamais eu l'occasion d'étudier les runes, Cygnus savait très bien que ce sujet le passionnerait et il avait par conséquent retiré les livres abordant le sujet de sa bibliothèque.
Finalement, Altaïr décida de choisir l'arithmancie. Cette matière consistait à résoudre des problèmes et avoir un professeur à portée de mains pourrait s'avérer utile s'il venait à bloquer sur une équation. D'autre part, les bases des runes pouvaient facilement s'apprendre en autodidacte, il n'aurait qu'à choisir cette option en troisième année pour la partie pratique.
Lors des samedis précédents, Altaïr n'eut aucune raison de regretter son choix. Le professeur de combat était visiblement un expert dans son domaine et en plus de cela très pédagogue. Peu d'élèves avaient choisi cette option contrairement à l'arithmancie. Pour la plupart des sorciers et encore plus pour les Sang-Purs, se battre à mains nues était considéré comme dégradant et donc inutile.
Or, comme le professeur Krakov leur avait expliqué lors de leur première leçon, la plupart des sorciers étaient complètement désarmés sans leur baguette magique. Lors d'un duel, la fin du combat s'arrêtait là, les deux adversaires se serraient la main et repartaient chacun de leurs côtés.
Cependant, ce n'était pas le cas dans la vraie vie. Certes, il était rare de devoir en venir à la baguette pour des aristocrates ou bureaucrates dans la vie de tous les jours, mais les possibilités n'étaient pas nulles. De plus, il existait des corps de métiers où cela était inévitable comme pour les Aurors, par exemple. Si Voldemort venait à réapparaître comme le croyait tant Cygnus, alors une nouvelle guerre éclaterait et Altaïr savait déjà qu'il y participerait forcément. Que cela se fasse dans un camp ou dans l'autre.
L'adolescent fut brutalement tiré de ses pensées lorsque quelques étudiants pénétrèrent dans la salle et s'installèrent dans un coin de la salle, à même le sol. Ils le regardèrent du coin de l'œil avant de chuchoter quelques mots en ukrainien et de ricaner bêtement. Altaïr haïssait par moment cette diversité culturelle qui caractérisait tant cette école. Il lui arrivait régulièrement d'entendre son nom dans des conversations sans pouvoir en comprendre le sens et cela l'horripilait au plus haut point. A quoi bon servait son ouïe lupine, s'il ne pouvait pas comprendre les conversations qu'il arrivait à espionner.
Krakov ne tarda pas à les rejoindre et ses étudiants s'alignèrent en rang devant lui. Il les analysa quelques instants du regard, vérifiant qu'ils étaient bel et bien tous présents. Satisfait de constater qu'aucun retardataires n'étaient présents, il décida de commencer le cours.
« Nous allons commencer par l'échauffement. Que tout le monde me fasse dix tours de salle. »
Aussitôt, les adolescents se mirent à courir le long des murs. La salle était ridiculement grande pour les vingt élèves qui y avaient cours, les classes d'options étant divisées en de plus petits effectifs que pendant la semaine. Altaïr se plaça au centre de la file et cala son rythme et sa respiration sur ceux de ses camarades.
Il devait continuellement faire attention à ne pas paraître trop à l'aise dans les domaines sportifs et cela s'avérait bien plus difficile qu'il ne l'avait pensé. Ce n'était pas seulement faire attention à ne blesser personne, mais aussi avoir l'air aussi épuisé qu'eux en fin d'heure, ne pas enchaîner les exercices de musculation trop rapidement ou encore faire semblant de ne pas réussir du premier coup les exercices.
Il s'agissait bien plus d'une classe d'acting pour lui qu'une classe de sport.
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Altaïr aperçut dans la bibliothèque les deux garçons qui avaient rigolé dans son dos le matin même. Ils étaient installés en compagnie de quelques autres élèves de la promotion. Il s'approcha d'une fille assise en bout de table, la tête plongée dans une pile de parchemins. Elle ne semblait pas très organisée et plutôt bordélique.
« Excuse-moi. » une fois qu'il avait son attention, il poursuivit. « Tu es bien ukrainienne, n'est-ce-pas ? »
Elle fronça des sourcils quelques secondes, ne comprenant pas immédiatement sa question. Bien que son niveau d'estonien à l'écrit et à l'écoute se soit bien amélioré depuis le début du mois, Altaïr n'avait pas beaucoup pratiqué son oral. Cela avait pour conséquence que son accent était vraiment terrible et les autres étudiants avaient souvent un peu de mal à le comprendre, les rares fois où il leur adressait la parole.
« Oui, pourquoi ?
- Est-ce que tu pourrais me dire ce que veut dire ублюдок з нечистою кров'ю ? » (ublyudok z nechystoyu krov'yu) (nda: Merci Google trad ^^' )
L'étudiante rougit instantanément. Apparemment elle avait compris qu'il s'agissait d'une phrase qu'il avait intercepté dans une conversation parlant de lui. Elle tourna son regard vers ses camarades ukrainiens assis à côté d'elle, espérant que quelqu'un la tire de cette conversation gênante. Cependant, les autres enfants se contentèrent de la fixer en retour, curieux de savoir ce qu'il allait se passer ensuite. Seuls Ivan et Lukas affichaient une expression différente, ils avaient à la fois l'air livide et honteux. Apparemment ces mots venaient d'eux.
« Je sais que ce sont des insultes. » ajouta Altaïr, comme pour la convaincre qu'il ne la tiendrait responsable de rien.
« Bâtard au sang impur. » chuchota-t-elle finalement.
Altaïr resta quelques instants silencieux, analysant sa réponse et cela mis la sorcière d'autant plus mal à l'aise.
« Je ne m'attendais pas à ça. »
Altaïr ne semblait réellement pas comprendre pourquoi est-ce que ses camarades avaient dit cela de lui. Il n'avait pas l'air en colère ou indigné, juste un peu perdu. Alors la jeune ukrainienne prit son courage à deux mains et décida de lui expliquer.
« Tu n'as pas de parents, alors on pensait que… enfin que tu es peut-être un…
- …un bâtard. » termina pour elle Altaïr. « Vous pensez que je suis le fils d'un Black et d'une Moldue ? »
Il tourna cette fois-ci son regard sur l'ensemble de la tablée et le silence qui lui répondit était plus que révélateur. Altaïr n'avait jamais pensé qu'en gardant l'identité de ses parents secrète, Cygnus lui collerait l'étiquette d'un bâtard sur le front. Cependant il comprenait le raisonnement. Les Sang-Purs étaient particulièrement fiers de leurs origines et de leurs alliances maritales. Alors ne pas crier haut et fort qu'un héritier venait de naître au sein d'une famille était plutôt incompréhensible.
« Ma mère est en prison et mon père est mort. A sa mort et comme je ne pourrai de toute façon pas être héritier de sa famille et que celle de ma mère est plus importante, j'ai pris son nom. Ils voulaient attendre la fin de la guerre pour officialiser leur mariage, mais ils n'en ont pas eu le temps. »
Ce n'était qu'un demi mensonge. Aquila était bel et bien en prison quant à James, même s'il était vivant, il aurait pu être décédé que cela n'aurait rien changé pour Altaïr. Enfin, l'intention de départ de leurs grands-parents était effectivement d'attendre la fin de la guerre pour officialiser les choses. Le fait que James jetterait son épouse en prison n'avait simplement pas été envisagé.
Le silence s'alourdit d'autant plus autour de la table. Cependant Altaïr ne comprenait pas vraiment pourquoi ils avaient tous l'air si gênés. Il ne leur en voulait pas. Apparemment tout le monde pensait ainsi ici, alors ce n'était pas vraiment de leur faute.
« Merci, pour la réponse. »
La jeune fille hocha simplement de la tête pour lui indiquer que ce n'était rien. Puis, Altaïr tourna son regard vers les deux garçons qui l'avaient insulté le matin même et souffla simplement en anglais « Always Pure ». Il s'agissait après tout de la devise familiale des Black, ce serait une honte que leur propre héritier ne la respecte pas.
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Mardi 10 octobre 1988
Altaïr était d'humeur exécrable ces temps-ci. Il avait l'impression que tout autour de lui était fait pour l'agacer. Il était devenu le bouc-émissaire de sa promotion simplement parce qu'il n'était pas comme eux, il n'était pas slaves, pas très social, peu bavard et physiquement plutôt singulier.
Bien qu'on ne l'insulte que peu en public, Altaïr pouvait tout de même entendre les ricanements et les messes-basses des autres élèves. Il avait déjà retrouvé certaines de ses affaires dans les toilettes des dortoirs et lorsqu'il avait tenté de s'en protéger en piégeant sa mâle, les professeurs l'avaient grondé pour avoir tenté de nuire à ses camarades. Visiblement, les Black avaient une réputation terrible en dehors de l'Angleterre et même des adultes ne souhaitaient pas avoir à faire à lui.
Avec le recul, Altaïr se demandait si c'était pour cela que Cygnus l'avait envoyé ici. A Poudlard, la plupart des autres élèves n'auraient jamais osé l'embêter par peur des représailles. Mais à Durmstrang, il était loin d'avoir la position sociale la plus avantageuse. Entre les enfants des Ministres, des milliardaires, les princes et les princesses, il était loin d'être le seul héritier riche des environs. Même si cela venait à contrarier Cygnus, ce dont Altaïr doutait fortement, le Lord ne pourrait certainement pas grand-chose pour lui si ce n'était de le retirer de l'école.
Mais de cela Altaïr pouvait s'en accommoder. Il avait l'habitude des brimades et des insultes avec Cygnus. Cependant, ce qu'il ne supportait pas, c'était les insultes que les autres étudiants lançaient sur sa mère. Il n'avait pas fallu très longtemps avant que sa discussion avec les élèves ukrainiens de sa classe ne parvienne aux oreilles des autres élèves. Quelques jours de plus suffirent à ce que tous fassent le lien entre sa mère emprisonnée pendant la guerre et Aquila Black. Or ici, dans l'école d'Igor Karkaroff, un traître de Voldemort, les Mangemorts n'étaient pas très appréciés. Les étudiants étaient loyaux envers leur directeur, tout comme les professeurs.
Petit à petit, Altaïr atteignait les limites de son self-contrôle qui n'avaient jamais été très difficiles à franchir. Et comme si cela ne suffisait pas, il avait reçu ce matin une réponse des plus désagréables à la lettre qu'il avait envoyée à son petit frère. Ou plutôt, il avait reçu deux réponses et certainement pas celles qu'il attendait.
Quelques jours plus tôt, Altaïr avait tenté de reprendre contact avec Thomas. Il s'était naïvement dit que si Cygnus n'était plus là pour surveiller le moindre de ses faits et gestes, alors il serait aisé de correspondre avec son petit-frère. Alors Altaïr avait emprunté l'une des chouettes de l'école afin d'envoyer sa missive vers la demeure des Potter.
Le garçon avait patiemment attendu une quelconque réponse. Son frère aurait pu l'insulter ou lui demander de ne plus jamais lui parler que cela l'aurait plus satisfait que la situation actuelle. Il voulait simplement que Thomas se souvienne que quelque part loin de lui, il avait un frère qui pensait à lui et qui l'aimait malgré la distance. C'était peut-être égoïste de sa part de vouloir à ce point se rappeler à son frère, mais Altaïr n'en avait cure. Il en avait besoin.
Alors lorsqu'il avait vu le hibou de James pénétrer dans la salle pendant son petit-déjeuner, Altaïr s'était empressé d'attrapper la lettre à sa patte. Il déchira fébrilement l'enveloppe, sans faire attention à l'oiseau qui piochait des bouts de bacon directement dans son assiette.
Cependant, le garçon défaillit bien vite. Ce n'était pas la réponse qu'il attendait, bien au contraire. Apparemment, sa lettre n'était même pas parvenue jusqu'à son frère et avait malheureusement atterrit entre les mains de James Potter. Ce dernier lui apprenait cordialement que désormais, toutes lettres écrites de sa main seraient immédiatement brûlées, sans même être lues.
Altaïr resta figé longtemps, très longtemps. Si longtemps qu'il ne vit pas le hibou de Potter s'envoler, ni le réfectoire se remplir petit à petit et ne sentit encore moins une petit chouette se poser sur son épaule. Cette dernière lui picora gentiment l'oreille afin d'attirer son attention, cependant rien n'y fit, Altaïr était dans son monde.
Il en fut pourtant brutalement sorti lorsqu'une main s'abattit sur son avant bras. Cela lui tira un brusque geste de recul qui faillit le faire tomber de sa chaise. Altaïr fixa d'un air complètement perdu son camarade, depuis combien de temps n'était-il plus seul à table ? Il n'avait rien entendu.
« Bon sang Black, occupe-toi de ta chouette, elle est insupportable. » lui demanda, ou plutôt ordonna, le dit camarade.
Altaïr porta alors son regard sur la chouette blanche toujours accroché à son épaule et qui poussait de petits cris afin d'attirer son attention. Lorsque leurs regards se croisèrent, elle lui tendit impérieusement sa patte et à peine la missive décrochée que le volatile s'envola.
C'était bien la première fois qu'Altaïr recevait du courrier en dehors du journal local et de la Gazette anglaise. Il attrapa un couteau propre qui traînait sur la table et l'ouvrit précautionneusement. Altaïr n'avait aucune idée de qui cela pouvait provenir et cela l'intriguait plus que ça ne le rendait méfiant. Il trouva à l'intérieur de l'enveloppe un petit carré de papier. Sur ce dernier, une simple phrase était écrite mais Altaïr en reconnut immédiatement l'écriture.
« Ne refais plus jamais ça. »
Apparemment, Thomas n'était pas le seul enfant dont le tuteur surveillait le courrier. Altaïr ignorait comment Cygnus avait bien pu savoir que son pupille avait essayé de contacter son frère. Peut-être était-ce même James qui avait prévenu Cygnus, même si le garçon en doutait franchement. Il voyait mal l'homme contacter de son propre chef un Black.
Cependant Altaïr n'eut pas l'occasion de penser plus longtemps à comment son tuteur avait bien pu le surveiller à une telle distance. Le petit carré de parchemin s'embrasa subitement entre ses doigts et malgré d'excellents réflexes, il ne put l'éviter lorsque ce dernier sauta sur son bras et en embrasa la manche. Cygnus connaissait très bien sa phobie des flammes depuis l'incendie du manoir Prewett et savait comment le blesser aussi bien physiquement que psychologiquement. Si ces dernières n'étaient pas au bout d'une chandelle ou dans une cheminée, alors Altaïr préférait ne pas s'en approcher.
Altaïr bondit sur ses pieds en même temps qu'il jetait son manteau dont la manche avait entièrement brûlé au sol. Cependant les flammes avaient atteint la manche de sa chemise et commençaient déjà à grignoter sa peau. Visiblement, Cygnus avait ensorcelé le courrier de tel sorte que le feu ne remonte pas plus haut que son bras gauche.
Altaïr paniquait de plus en plus et ne savait plus du tout comment se sortir de cette situation. Lui qui restait habituellement de marbre peu importe la situation, perdait tous ses moyens sans réussir à réfléchir à une solution. Heureusement pour lui, le camarade qui lui avait adressé la parole un peu plus tôt prit les devants et lui renversa une carafe d'eau dessus. N'étant pas certain que cela suffise, il en attrapa une seconde, cette fois-ci remplie de jus de citrouille.
« Merci. » remercia Altaïr en anglais par automatisme.
Il fixait avec horreur sa manche brûlée qui dévoilait désormais sa peau, mais surtout les cicatrices qui partaient de son coude et remontaient jusqu'à son épaule. Il croisa le regard inquiet de son camarade et Altaïr réalisa soudainement qu'il s'était complètement laissé aller. Certainement devait-il paraître misérable, debout au milieu du réfectoire en train de trembler comme une feuille et au bord des larmes.
Altaïr remarqua du coin de l'œil un professeur qui s'avançait à pas rapide vers lui. Il ferma brièvement les yeux, prit trois profondes inspirations avant de se tourner complètement vers lui. Désormais, le garçon avait l'air complètement calme bien qu'intérieurement, une tempête de sentiments se bousculaient en lui. Altaïr tentait tant bien que mal d'ignorer les centaines de regards le dévisageant.
« Black, que vient-il de se passer ?
- Mon courrier était piégé. J'ai oublié de le contrôler avant de l'ouvrir. »
L'enseignant le fixa d'un air réprobateur, comme si c'était de sa faute si quelqu'un avait tenté de le brûler vivant. Ce dernier finit par soupirer avant de lui faire signe de le suivre, visiblement cela ne l'arrangeait pas du tout d'avoir été l'adulte plus proche de lui au moment de l'incident. Il guida Altaïr jusqu'à l'infirmerie et expliqua à la médecin la situation avant de partir et de le laisser seul avec elle.
Cette dernière lui posa quelques questions quant à ses allergies ou à de quelconques réactions aux médicaments classiques avant de lui attraper le bras pour analyser la blessure de plus prêt. Elle grimaça en apercevant la chair brûlée avant de lui rendre son bras. L'infirmière se dirigea ensuite vers l'une des nombreuses étagères recouvrant le mur au fond de la pièce.
Altaïr en profita pour la détailler et réalisa que cette femme ne ressemblait en rien à l'infirmière qui s'occupait habituellement de lui à Ste-Mangouste. Elle était fine et grande, son chignon serré et ses lunettes rectangulaires lui donnaient un air strict que ses lèvres pincées ne faisaient que renforcer. L'infirmière n'avait rien de chaleureux ou d'accueillant, si bien qu'Altaïr était prêt à parier qu'elle ne devait pas avoir la visite de beaucoup d'élèves.
Elle revint vers lui avec plusieurs pommades et potions qu'elle lui fit ingurgiter rapidement. Quelques minutes plus tard, Altaïr sentit ses muscles se décrisper alors que la douleur s'en allait.
« Retirez votre chemise, Mr Black. »
Altaïr hésita. Il n'avait pas réellement le choix, mais cela le mettait terriblement mal à l'aise de se dévoiler ainsi à cette inconnue. Cependant, un claquement agacé de la langue lui fit comprendre qu'il avait intérêt à ne pas lui faire perdre plus de temps. Altaïr débouta alors maladroitement son vêtement, ce n'était pas facile d'une seule main. Heureusement qu'il portait un marcel blanc et n'était donc pas torse nu face à elle. L'infirmière applique la pommade sur les brûlures parcourant son bras.
« Rappelez-moi le nom de votre tuteur. » brisa-t-elle finalement le silence.
« Cygnus Black, madame. Il m'a adopté. »
L'infirmière releva le regard vers son visage afin de découvrir où le garçon voulait en venir. Sa tournure de phrase faisait sous-entendre que ses cicatrices provenaient d'avant son adoption. Bien sûr, étant face à elle et en marcel, elle ne pouvait voir les cicatrices bien plus récentes qui parcouraient son dos. Cependant celles perceptibles par la sorcière étaient en effet bien plus anciennes et ne venaient en effet pas de Cygnus, enfin pour la plupart.
« Dans ce cas, qui était votre précédent tuteur ?
- Lucretia Prewett, née Black, madame. » répondit Altaïr rapidement, sans pour autant donner l'impression de noyer le poisson.
La sorcière plissa des yeux sans le quitter du regard. Puis elle retourna à sa tâche précédente. Altaïr retint difficilement un soupir de soulagement de lui échapper. Il ne savait pas vraiment pour quelle raison il couvrait son tuteur, il ne le méritait pas. Pourtant cela ne le dérangeait pas non plus de faire porter le chapeau à Lucretia, elle avait après tout tenté de le tuer à plusieurs reprises. Cygnus n'avait au moins jamais élaboré une tentative de meurtre à son égard.
En repensant à Lucretia, Altaïr se demanda si elle avait aussi ressenti cette sensation de désespoir et de douleur infinie qui l'avait traversé quelques minutes plus tôt. Il l'espérait. C'était puérile et cruel, mais il l'espérait sincèrement. D'un autre côté, il ne pouvait s'empêcher de penser à Ignatius et cela lui brisait le cœur. L'homme n'avait pas mérité tout cela, son seul péché avait été d'épouser une femme superstitieuse et d'adopter un enfant colérique. Altaïr s'imaginait toujours que l'homme était décédé par asphyxie, à cause de la fumée et non brûlé vif comme sa femme. Altaïr se refusait même à penser le contraire.
« C'est terminé. »
Altaïr tourna son regard vers son bras et réalisa qu'effectivement, l'infirmière avait bel et bien terminé de bander ses plaies. Elle quitta sa chaise et se dirigea vers une autre armoire cette fois-ci et en tira une nouvelle chemise. Elle la tendit à Altaïr qui l'enfila sans poser de question, elle était légèrement trop grande mais cela ne le dérangeait pas.
« Vous devrez prendre cette potion tous les soirs pendant trois jours et celle-ci dès que la douleur revient. Prenez-vous votre douche le matin ou le soir ?
- Le soir, madame.
- Alors tous les soirs et après votre douche, vous passerez cette pommade sur vos plaies pendant une semaine, même si elles disparaissent avant ça. Je vous donne aussi quelques bandages pour les premiers jours, n'hésitez pas à les changer régulièrement. Il ne faut pas que votre bras s'infecte. » lui conseilla-t-elle en lui tendant un sachet en papier contenant ses médicaments.
Altaïr le glissa dans son sac d'école, récupéra son manteau à moitié brûlé et quitta rapidement l'infirmerie avant de rejoindre sa salle de classe. Son cours de botanique avait commencé il y a plus d'une demi-heure.
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Mercredi 11 octobre 1988 (le lendemain)
Tous les lundis, mercredis et vendredis matin, l'ensemble des premiers années avaient cours de sport dans le parc de l'école. On pouvait alors y apercevoir mille cinq cents élèves âgés de onze ans courir autour du lac pendant plusieurs dizaines de minutes, effectuer des exercices de musculation en coordination avec leur professeur ou encore en train de faire du crawl, mais seulement en été pour cette dernière activité.
Ce mercredi n'était en rien différent pour Altaïr si ce n'était pour sa blessure au bras. L'infirmière ne lui ayant fait aucune dispense, il avait supposé que les activités physiques n'étaient donc pas interdites malgré sa blessure. Cependant, son professeur n'était visiblement pas du même avis puisque cela faisait dix bonnes longues minutes qu'il lui criait dessus à cause de son irresponsabilité.
L'élève ne l'écoutait que d'une oreille, préférant observer ses camarades courir à en cracher leurs poumons sous une pluie torrentielle. Ces derniers le regardaient avec envie, bien à l'abri de l'eau sous le parapluie de son professeur qui avait enfin cessé de crier. Le professeur Romano l'avait interpellé quelques minutes plus tôt en l'apercevant au milieu des autres élèves. Apparemment l'infirmière avait prévenu l'homme qu'il ne devait surtout pas courir mais visiblement, cela n'était pas venu à l'esprit de la sorcière d'avertir le premier concerné.
Romano finit par lui invoquer un second parapluie et le congédia. Altaïr ne broncha pas, bien qu'il aurait préféré rester à l'extérieur pour courir avec ses camarades. Il aimait la pluie, il la trouvait rassurante et cela le calmait souvent de sentir les gouttes tomber sur sa peau lorsqu'il était en colère. Or ces derniers temps, Altaïr avait l'impression d'être constamment en colère et se voir dispenser de son cours préféré ne faisait que le contrarier davantage.
Cependant, il ne préférait pas désobéir à son professeur et rejoignit son dortoir afin de prendre une douche chaude avant de se rendre à de potions qui suivraient celui de sport. Altaïr aurait ainsi le temps de préparer en amont son chaudron et ses ingrédients utiles à la préparation d'un filtre de Dragole, le remède de la Dragoncelle.
Leur professeur, Mr Georgiev, indiquait à chaque fin de cours le sujet de la leçon suivante. Cela permettait aux élèves de faire des recherches sur ce thème, bien que l'enseignant approfondissait toujours le sujet en début d'heure.
En arrivant dans l'un des laboratoires réservés aux premiers années, Altaïr remarqua que Georgiev était déjà présent. Cependant ce dernier ne lui porta aucune attention et resta plongé dans sa pile de parchemins, certainement des essais rendus par l'une de ses classes.
Black déposa son sac et son manteau sur un plan de travail au fond de la salle. Lorsqu'il avait rejoint son dortoir la veille au soir, Altaïr avait découvert avec surprise un nouveau manteau d'uniforme posé sur son lit. Visiblement Cygnus avait tout prévu avant d'envoyer sa petite lettre de sermon.
Altaïr se dirigea ensuite vers la réserve afin d'y sélectionner les ingrédients qui lui seraient utiles à la préparation de sa potion. Puis, il retourna à sa table et commença à désosser un crâne de grenouille tout en veillant à ne briser aucun os. Le crâne devait rester parfaitement intact.
Bien qu'il avait adoré préparer des potions avec son arrière-grand-père Arcturus, cette matière était devenue la matière qui lui posaient le plus de problème désormais. Ce n'était en rien lié à son talent dans cette matière puisqu'il parvenait à mémoriser facilement les recettes ou encore à gribouiller sur des coins de parchemins de nouvelles idées de potions. Non, Altaïr aurait facilement pu devenir un excellent potionniste.
Cependant, vivre si longtemps sous le joug de Cygnus ne l'avait pas laissé indemne. Son tuteur lui avait jeté bien trop de Doloris pour que cela reste sans conséquence, bien qu'il ne l'avait jamais torturé jusqu'à atteindre le point de non retour. Cygnus n'était pas comme sa fille Bellatrix, il ne tirait aucun plaisir à observer sa victime plonger dans la folie. Il aimait qu'Altaïr reste pleinement conscient et sain d'esprit.
Mais bien que les sortilèges ne duraient jamais plus de dix secondes et n'altéraient en rien ses capacités mentales, son corps en subissait bel et bien le contrecoups. Cela faisait des mois qu'Altaïr en observait les conséquences et si de prime abord, cela ne l'avait pas réellement inquiété, il en était désormais tout autre.
Le Doloris était un sortilège qui attaquait directement le système nerveux, mais aussi les muscles de la victime. Altaïr avait lu quelques livres à ce sujet et il imaginait pouvoir s'estimer heureux que dans son cas, les effets secondaires étaient de simples tremblements dans ses membres supérieurs ou des crampes qui le prenaient parfois dans son sommeil.
Sa condition tendait même à s'améliorer depuis qu'il ne vivait plus sous la menace de Cygnus. Ces spasmes n'atteignaient plus que ses doigts ou en de rares cas ses jambes lorsqu'il restait inactif trop longtemps. Il lui suffisait alors de trépigner du pied pour qu'en quelques minutes, la douleur et les tremblements disparaissent.
Cependant, ses mains étaient une toute autre paire de manches et l'adolescent avait bien conscience que cet état pourrait être définitif. Certainement que s'il n'avait pas autant apprécié la botanique et les potions, cela ne l'aurait pas tant dérangé. Bien sûr, il pouvait très bien dépoter, remporter, arroser ou planter des plans et des graines, mais il en allait autrement lorsqu'il s'agissait de tailler des pousses ou de récolter avec précisions la sève d'un arbuste.
De même pour les potions, Altaïr avait l'impression de découper encore plus lentement qu'à ses sept ans et cela devait certainement être le cas. Les seules tâches pour lesquelles ses talents dans ce domaine lui étaient encore utiles étaient pour écraser ou broyer des ingrédients ou bien pour touiller ses mixtures. Autant dire que ses notes en théorie se devaient de compenser ses notes de pratique.
Bien que la botanique n'était pas l'une des matières principales du cursus. Les potions étaient quant à elles la matière occupant le plus de créneaux dans son emploi du temps et Altaïr redoutait déjà les notes de fin de semestre. Il misait donc principalement dans les examens écrits pour ces deux matières.
Plongée dans ses pensées, l'étudiant porta moins d'attention à sa tâche et accéléra naturellement le rythme. Mal lui en prit puisque son couteau trancha un peu trop profondément la chaire de la grenouille et quelques liquides répugnants imbiba doucement ses doigts.
Tentant vainement de ne pas s'énerver, Altaïr essuya ses mains sur un torchon avant d'attraper une nouvelle tête de grenouille. Cependant, il perdit à nouveau rapidement patience et cette fois-ci les petits os éclatèrent dans sa main. Altaïr s'énerva et renversa sa table d'un geste de la main sans même s'en rendre compte.
« Fuck ! » s'écria-t-il dans sa langue maternelle.
Un simple « Silence » et un claquement agacé de la langue lui répondit et Altaïr se souvint alors qu'il n'était pas seul dans la pièce. L'air détaché de Georgiev qui n'avait toujours pas quitté ses parchemins des yeux agaça d'autant plus l'adolescent. Ce dernier agita rapidement sa baguette afin de tout remettre en place, usant par la même occasion d'une magie qu'un enfant de onze ans ne devrait pas connaître.
Puis, il attrapa son manteau et détala comme un lapin. Altaïr demanderait une dispense à l'infirmière en prétextant que son bras était trop douloureux pour être utilisé dans une matière aussi précise que les potions.
Il ne remarqua pas le regard discret de Georgiev qui l'analysait d'un air curieux. Cet étudiant n'était vraiment pas banal.
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Samedi 14 octobre 1988
Altaïr était calmement en train de dîner dans le réfectoire lorsque l'un de ses camarades vint s'asseoir à côté de lui. Habituellement, l'adolescent s'asseyait seul en bout de table et la place à ses côtés venait seulement à être occupée s'il n'y en avait plus d'autres de libres. Il dévisagea quelques secondes l'autre sorcier avant d'enfin le reconnaître. C'était le garçon qui lui avait versé une carafe dessus en début de semaine.
Altaïr se contenta de reprendre son repas sans plus prêter attention à sa présence. L'autre garçon se tourna plus franchement vers lui et se tritura les doigts quelque temps avant de prendre une profonde inspiration. Il semblait enfin prêt à aborder le sujet qui l'amenait ici.
« Salut, je suis Lev Kaminski. Je ne sais pas si tu te souviens de moi.
- Tu m'as jeté de l'eau au visage.
- C'est parce que tu étais en feu ! » s'exclama le garçon, rouge de gêne.
Bien qu'Altaïr ne changea pas d'expression, Lev sembla comprendre qu'il ne faisait que le taquiner.
« Je voulais juste savoir si tu allais bien. On m'a dit que tu as loupé les cours de sport et de potion à cause de ça.
- Je vais bien. »
Altaïr ne mentait pas, il se sentait réellement mieux ou en tout cas, il se sentait mieux physiquement. Cela l'avait même contrarié de ne pas pouvoir participer au cours de combat du professeur Krakov le matin même.
Lev hocha simplement de la tête et entama son assiette en silence. Cela surprit quelque peu Altaïr, le garçon était-il réellement venu juste pour lui demander ça. C'était plutôt étrange. Cependant il n'eut pas à attendre cinq minutes de plus avant qu'il ne lui pose une nouvelle question.
« Tu sais qui c'était ?
- Non. »
- Tu mens. » répondit du tac au tac Lev.
Pourtant Altaïr se savait bon menteur. Les professeurs l'avaient cru lorsqu'il leur avait dit cela, ou alors le sujet ne les intéressait tout simplement pas. Altaïr n'était pas l'élève le plus attentif, ni le plus riche et encore moins le plus populaire de son année. Qu'il soit blessé ou non ne changeait rien au fonctionnement de l'école. Peut-être que le personnel n'avait même pas réellement enquêté.
Bien que curieux quant à la certitude de son camarade sur son mensonge, Altaïr ne poussa pas la discussion plus loin. Il n'échangeait que peu de discussion civilisée avec les autres élèves et cela le mettait quelque peu mal à l'aise. Il n'avait aucune idée de ce qui devait être dit ou fait dans ce genre de situation.
Cependant, le silence qui se prolongeait entre eux ne sembla pas déranger Lev qui savourait son plat. Il ne semblait pas vouloir non plus poursuivre la conversation et cela satisfit Altaïr qui décida de ne pas se soucier de cela plus longtemps.
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Samedi 28 octobre 1988
Depuis l'incident du réfectoire, le quotidien d'Altaïr n'allait qu'en empirant. Il avait l'impression de perdre le contrôle sur chaque détail de sa vie et cela le rendait incroyablement irascible. La pleine lune qui aurait lieu le soir même n'arrangeait en rien son humeur.
Ce que Cygnus et lui ignoraient sur le philtre lunaire était que ses effets ne se faisaient pas sentir dans les jours qui suivaient sa consommation. Bien au contraire, les changements pouvaient prendre des mois, voire des années avant d'apparaître et cela n'arrangeait pas vraiment ses affaires. Bien que cela fut d'un immense soulagement de ne plus se réveiller constamment blessé après chaque transformation, cela ne restait néanmoins pas sans craintes.
Déjà lors de la pleine lune précédente, Altaïr s'était transformé dans la crainte que son loup n'obéisse pas à ses deux seuls ordres, les seuls qu'il avait bien voulu écouter « ne tue personne » et « ne quitte pas la forêt ». Il était loin d'avoir suffisamment de connaissances pour se créer une cage aussi protégé que celle qu'il possédait dans les cachots du manoir de Cygnus. Altaïr n'avait donc d'autres choix que de compter sur le maigre contrôle de son loup qu'il possédait lorsqu'il était à Durmstrang. D'autant plus que Cygnus ne voulait avertir personne de sa condition.
Depuis qu'Igor Karkaroff, directeur de Durmstrang et ancien Mangemort, avait dénoncé des dizaines de ses anciens collègues en échange d'une liberté conditionnelle, rares étaient les Sangs-Purs britanniques qui lui faisaient confiance. Cygnus n'en faisait clairement pas partie et cela intriguait d'autant plus Altaïr quant au raison qui l'avait poussé à le placer dans cette école. Il était par conséquent inenvisageable de parler de sa lycanthropie à Karkaroff ou à l'un des membres de son personnel.
Dans quelques heures seulement, il devrait discrètement s'éclipser dans la forêt en veillant à ce que personne ne le suive. Sa vision lupine l'aidait beaucoup dans cette tâche, l'aidant à se déplacer dans le parc et les bois sans avoir besoin de Lumos qui divulgerait autrement sa position.
Il veillait également à ne pas rejoindre son lit tous les soirs, passant certaines de ses nuits dans le salon du rez-de-chaussée. D'autres fois, il s'endormait dans une salle de classe abandonnée qu'il aménageait alors à sa guise. Ainsi il était difficile de faire le rapprochement entre ses disparitions et les pleines lunes.
Préférant ne pas songer plus longtemps à ce sujet qui le préoccupait suffisamment le soir même, Altaïr se replongea dans ses livres. Il était loin d'éprouver des difficultés dans ses classes puisque Cygnus lui avait enseigné la majorité du programme de première et deuxième année. Cependant l'homme lui avait transmis la fâcheuse manie d'attendre de lui-même la perfection. C'est pourquoi Altaïr passait plusieurs heures par jour à revoir des sujets qu'il maîtrisait déjà sur le bout des doigts.
Du mouvement à sa droite lui fit lever les yeux vers l'un de ses camarades qui marchaient dans sa direction. Préférant ne pas avoir à faire pour le moment à Ivan Melnik, l'un des ukrainiens s'étant moqué de lui plus tôt dans l'année sur ses origines parentales douteuses, Altaïr rassembla ses affaires et se leva rapidement. Il ne prit même pas la peine de les ranger dans son sac, glissant simplement ses livres et parchemins sous son bras.
Altaïr eut à peine le temps de franchir le pas de la bibliothèque avant d'être rattrapé. Il avait naïvement pensé qu'en le voyant se lever, le garçon abandonnerait et le laisserait tranquille. Apparemment, Altaïr s'était fourvoyé.
Ivan marcha quelques pas à ses côtés, un sourire moqueur aux lèvres. Mais en remarquant qu'Altaïr ne réagissait aucunement à sa présence, il accéléra le pas quelques instants avant de se planter devant lui. L'anglais tenta de le contourner mais le garçon le bloqua une nouvelle fois.
« C'est vrai que t'as peur du feu ? »
Quelques élèves tournèrent le regard vers eux, friands de potins et excités à l'idée qu'une bagarre éclate d'ici quelques instants. Altaïr l'ignora et fit demi-tour.
« T'es une tapette Black, je suis sûr que ta mère se sent bien mieux là où elle est plutôt qu'à devoir éduquer une chiffe molle comme toi. » insista-t-il méchamment.
Altaïr se figea. Ivan savait où appuyer pour faire mal, c'était bien là l'un de ses rares talents. Lorsqu'il avait laissé échapper que sa mère était en prison depuis la guerre qui avait frappé la Grand-Bretagne dix ans plus tôt, Altaïr n'avait pas pensé qu'il ne faudrait pas longtemps à ces derniers pour retrouver l'identité de celle-ci. Ils vivaient dans une école d'élites où trouver un ouvrage abordant le sujet des familles sorcières et leur arbre généalogique n'était pas difficile à dégotter.
Désormais, le principal sujet des moqueries n'étaient plus sa taille anormalement grande, ses origines anglaises ou son mutisme volontaire, Aquila Black. Sa folle de mère qui avait tué des dizaines, voir des centaines de Moldus et de Nés-Moldus. Celle-là même qui avait préféré le combat à son fils. Altaïr avait toujours ressenti de l'amertume lorsqu'il pensait à sa mère, cependant ces derniers temps cette dernière avait été remplacée par de la colère et de la haine. Si elle n'avait pas été une aussi mauvaise mère, alors Altaïr ne serait pas là à devoir subir les moqueries des autres élèves.
Décidant qu'il s'était laissé faire bien trop longtemps et surtout complètement sur les nerfs, Altaïr craqua. Il avait besoin d'extérioriser ses sentiments et cela venait généralement avec une crise de colère de sa part.
« Incendio »
Le sort était sorti si naturellement de sa bouche que cela effraya quelque peu Altaïr. La dernière fois qu'il avait eu le loisir de produire du feu grâce à la magie, des sorciers étaient morts. Certes cela n'avait été en rien intentionnel, cependant la peur de perdre le contrôle une nouvelle fois ne le quittait pas. Mais Altaïr devait faire taire cette rumeur stupide qui ne faisait que le poursuivre ces derniers temps.
Ivan esquiva de justesse en se jetant sur le côté, cependant Altaïr n'en resta pas là et réitéra son sortilège. C'était de la magie bien trop avancé pour que son adversaire puisse s'en défendre avec seulement trois mois de cours derrière lui. Cependant Altaïr n'en avait cure, l'idée de blesser ce garçon ne le dérangeait pas, il s'en fichait même royalement.
« Incendio ! Incendio ! Incendio ! »
Ivan Melnik était décidément très doué pour l'esquive. Les quelques étudiants présents dans les couloirs s'étaient vivement reculés et apparemment, aucun d'eux n'avait l'air de vouloir s'interposer. Agacé de ne pas réussir à le toucher, Altaïr décida de passer un cran au-dessus. Il n'avait jamais eu le temps de pratiquer ce maléfice, cependant il avait beaucoup lu à ce sujet à la suite de l'incendie du manoir Prewett.
« Feudeym… »
Altaïr se stoppa net dans sa prononciation lorsqu'un étudiant se plaça entre lui et Ivan, les bras en croix et prêt à servir de bouclier à son ami. Le Black le reconnut sans mal, il s'agissait de l'ami de Ivan et qui le suivait à la trace partout où il allait. Lukas Boyko ne l'avait plus embêté depuis leur discussion dans la bibliothèque à propos de ses origines. Altaïr n'avait aucune raison de lui en vouloir.
Il garda son regard fixé dans celui de Lukas quelques instants et cela le fascina tout autant que ça le répugnait d'y lire de la peur. Non, pas de la peur. C'était une profonde terreur qui écarquillait le regard de Boyko. Altaïr baissa doucement sa baguette et Boyko se détendit imperceptiblement.
« Tu devrais apprendre à ton ami à ne pas faire chier plus fort que lui. »
Sa voix était rendue rauque par la présence du loup qui envahissait doucement son esprit. Il le sentait hurlé afin de lui laisser la place et réduire à néant la source du stress qu'il venait de subir. Préférant ne pas rester ici plus longtemps, Altaïr tourna des talons, la tête haute et un sourire fier au coin des lèvres. Il avait enfin pu relâcher un peu de la pression qu'il subissait ces derniers temps.
Le glamour qui protégeait ses iris vacillait sous la pression de sa magie sauvage. Mais Altaïr n'en fit pas grand cas. Il planta effrontément son regard rougeoyant dans ceux de tous ceux qui osaient le défier. Altaïr en avait marre de devoir se cacher.
