16 novembre 1988
Altaïr fixait du regard son matériel de potion depuis cinq bonnes minutes et cela commençait à inquiéter Lev. S'il ne se décidait pas à l'aider à préparer leur potion bientôt, Georgiev allait se rendre compte de son inactivité et surtout, Kaminski n'arriverait pas à tout faire tout seul. Cette potion était faite pour être effectuée à deux, surtout à leur niveau.
C'était la première fois que le professeur optait pour ce mode de fonctionnement. La potion n'était pas difficile à brasser en soi. Elle était même plutôt rapide à faire si on pouvait se fournir les ingrédients déjà préparés. Cependant tout le principe des cours de potions résidaient dans le fait que les étudiants devaient tout faire d afin d'apprendre correctement.
Sachant très bien que personne n'avait envie de se mettre avec le garçon bizarre du fond de la classe, Altaïr avait simplement décidé d'attendre qu'il ne reste plus qu'une personne pour se mettre avec elle. Cependant il ne s'était pas attendu à ce qu'un élève s'approche de lui afin de lui demander de travailler en binôme avec lui.
Altaïr reconnut aisément Lev Kaminski, le garçon avec qui il parlait de temps en temps. Lev était plutôt populaire parmi les autres élèves, tous l'aimaient bien. Il était gentil, intelligent et drôle, bien que sérieux pendant les heures de cours. Alors Altaïr ne comprit pas vraiment ce que le garçon pouvait bien vouloir faire avec lui, d'autant plus qu'Altaïr avait les pires notes de la classe en potions.
C'est donc ainsi qu'il s'était retrouvé à côté de Kaminski à devoir découper plusieurs ingrédients en tout genre. Ne souhaitant pas créer de disputes avec son binôme, Altaïr exécutait simplement les tâches que Lev lui donnait. Heureusement pour lui, il avait simplement dû jeter les ingrédients dans la potion et tourner en quasi continue cette dernière pendant la première demi-heure.
Cependant il fallait maintenant la laisser reposer et Altaïr devait maintenant aider à la préparation des très nombreux ingrédients nécessaires à la suite de la confection de la portion. Le jeune Black avait tout d'abord écrasé des crochets de serpents puis réduit en poudre quelques scarabés. Mais la difficulté était finalement arrivée, Lev lui avait demandé de déveiner un foie de paon, sans l'abîmer bien entendu.
« Tu comptes te bouger bientôt ? » lui chuchota Kaminski.
Cela sembla enfin réveiller Altaïr qui posa son regard sur lui, comme s'il venait de réaliser qu'il n'était pas seul derrière sa table. Il sortit ses mains de sous la table, en dirigea une vers un couteau à lame fine et plaça le foie au centre de sa planche de l'autre main.
Altaïr prit une grande inspiration, tentant vainement de faire abstraction de ses doigts tremblants. Cependant Lev comprit bien vite le souci auquel son coéquipier devait faire face.
Il avait déjà remarqué que par moment, les doigts de l'anglais tapotaient frénétiquement la table, sa cuisse ou encore que ses notes étaient horriblement mal écrites. Mais c'était bien la première fois que Lev le voyait avoir autant de mal à contrôler le tremblement de ses mains.
« Arrête, je ferai la potion aujourd'hui. » le stoppa Lev en lui attrapant le poignet.
Altaïr n'aimait pas être touché et sursauta vivement, tirant son bras loin de son camarade.
« C'est impossible et tu le sais aussi. Si je ne t'aide pas, tu ne finiras jamais la potion.
- Nous n'avons qu'à dire à Georgiev que tu ne te sens pas bien.
- Je me sens bien, ce sont juste mes mains qui font de la merde. »
Lev claqua sa langue contre son palais. Il n'aimait pas les gros. Cependant Altaïr n'avait pas tort, jamais leur professeur ne les croiraient s'ils disaient simplement qu'Altaïr n'était pas dans son assiette.
« S'il y a un nombre impair d'élèves, tu penses qui tu pourras travailler avec un autre groupe ? » Lev hocha de la tête d'un air confus. « Alors j'ai une idée, je compte sur toi pour pousser ton plus beau cri de détresse. » lui conseilla Altaïr.
Avant même qu'il ne puisse comprendre ce dont il parlait, Kaminski vit son binôme agripper le foie d'une main et lever son couteau de l'autre. Altaïr raffermit sa prise sur ce dernier. Lev n'eut pas le temps de réagir que déjà le couteau se planta dans la paume de sa main en traversant le foie de paon afin de simuler un accident. Aussitôt, du sang commença à s'écouler de la plaie en s'étalant sur leur table, les ingrédients et les manches d'Altaïr.
Le cri qui lui échappa n'était pas joué. Kaminski était vraiment horrifié par l'acte de son camarade. Son cri attira les regards de ses camarades et quelques exclamations leur échappèrent également. L'ukrainienne assise juste devant eux, s'était même évanouie en apercevant tout ce sang.
Georgiev fut rapidement à leurs côtés et pour la première fois depuis le début de l'année, Lev découvrit une autre émotion sur son visage : l'inquiétude. Le professeur prit rapidement les choses en main en faisant disparaître d'un simple coup de baguette le contenu des chaudrons ainsi que les ingrédients présents sur les paillasses. Il ne manquerait plus qu'un élève fasse exploser son chaudron à ce moment-là.
Le professeur s'approcha d'Altaïr afin d'inspecter rapidement la plaie. Il retira ensuite le couteau et lança les premiers sorts de soin à son élève. Ce dernier l'observa calmement faire et semblait presque contrarié mais cela, seul Caspar sembla le remarquer. Certainement qu'Altaïr avait peur qu'après ces soins, le professeur ne veuille plus le laisser aller à l'infirmerie et qu'il devrait trouver une autre excuse pour ne pas assister au cours.
Cependant Georgiev ne fit pas cela. Il demanda à Kaminski d'emmener son binôme et la jeune Tamara à l'infirmerie en lançant un sortilège sur la seconde pour qu'elle lévite à leurs côtés jusqu'à destination. A peine furent-ils sortis de la classe que Kaminski se tourna vivement vers Altaïr, son air horrifié toujours collé au visage.
« Mais tu es fou ! Pourquoi t'as fait ça ?
- Tu avais une autre idée ? » se défendit Altaïr.
« Oui ! On aurait pu faire exploser notre chaudron, ou bien faire avec des ingrédients mal préparés. Cela n'aurait pas été si grave que ça au final.
- Et avoir une mauvaise note, hors de question ! »
Kaminski eut du mal à répondre tant il était choqué. Alors comme ça selon Altaïr il valait mieux se planter un couteau dans la main plutôt qu'un zéro dans son bulletin.
- Maudit premier de la classe. » Soupira finalement Kaminski. « … mais c'est vrai que je préfère aussi ça, je crois. » avoua-t-il d'un air gêné.
Après tout il venait de faire la morale à son camarade, ce n'était pas pour le féliciter ensuite. Un léger pouffement à sa droite le fit se tourner vivement vers Altaïr mais son expression était aussi stoïque qu'à l'accoutumé. Cependant Lev était sûr de ce qu'il avait entendu, Altaïr avait rigolé et même si cela n'avait duré qu'une fraction de seconde, c'était bien la première fois que cela lui arrivait.
Finalement, Kaminski commençait à comprendre comment cerner son camarade si intrigant.
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20 décembre 1988
Le bateau ramenant les élèves à leurs parents partirait dans quelques minutes et Altaïr attendait avec hâte que les derniers retardataires quittent le dortoir. Le navire était amarré dans le lac situé au pied de la colline où se trouvait Durmstrang. Ce dernier survolerait une partie du pays jusqu'au port de Tallinn, la capitale du pays, où une partie des élèves rejoindraient leur famille. Puis, le bateau traverserait la mer baltique jusqu'à Copenhague, zone de neutralité sorcière. Là, peu importe à quel point une famille était importante ou bien possédait d'ennemis, ses membres seraient en totale sécurité.
Il n'existait que peu de zone neutre chez les sorciers, mais cela restait nécessaire comme pour assurer aux enfants étudiants dans des écoles étrangères qu'aucune menace ne les attendaient à la sortie du bâteau. Après qu'un prince suédois fut assassiné à son arrivée à Tallinn en 1847, cette mesure avait été prise afin que cela ne se reproduise plus.
Altaïr avait préféré rester à Durmstrang pour les vacances de Noël comme quelques-uns de ses camarades, bien qu'ils ne soient vraiment pas nombreux. Moins d'une vingtaine sur plus de mille élèves dans son année. De toute façon, même s'il était monté à bord du bâteau, Altaïr savait très bien qu'il aurait été coincé à Tallinn ou Copenhague puisque Cygnus n'aurait jamais fait le déplacement pour venir le chercher.
Une fois certain que les derniers retardataires avaient quitté le dortoir, Altaïr s'extirpa enfin de ses couvertures. Le soleil baignait la pièce de ses lueurs hivernales depuis plus d'une heure, mais il avait préféré rester allongé et ainsi éviter ses camarades. La nuit avait été longue pour lui et il s'était endormi alors que la sonnerie servant de réveil aux étudiants allait résonner dans le dortoir. Il regrettait parfois de ne pas avoir de rideau à tirer autour de sa couchette afin de filtrer la lumière, les sons et les odeurs.
Du bruit à l'étage inférieur lui indiqua qu'un autre élève trouvait leurs camarades trop bruyants puisqu'il jurait très peu dignement à propos du raffut que ses amis avaient fait. Altaïr croisa le râleur en descendant les escaliers en colimaçon des dortoirs et reconnut le garçon bien qu'il ne le connaisse pas vraiment.
Viktor Krum n'était pas un très bon étudiant si bien qu'il avait été réparti en début d'année dans l'une des pires classes de première année. Les étudiants avaient été placés en fonction de leurs résultats aux examens de la première semaine de septembre. Sans surprise, Altaïr avait fini dans la première classe. Krum lui avait intégré la quarante-cinquième classe sur un total de cinquante. Autant dire que peu de personne s'attendait à revoir le fils du ministre bulgare des finances d'ici un an. Il allait certainement redoubler à la fin de l'année puisque cela ne s'était pas fait aux examens de décembre. L'étudiant avait obtenu d'un demi point le droit de continuer à Durmstrang.
Altaïr en savait autant sur lui car le garçon traînait souvent avec Lev Kaminski, le garçon qui l'avait aidé à éteindre son manteau après avoir reçu la lettre de Cygnus en novembre. Kaminski et Krum n'étaient pas dans la même classe, cependant ils semblaient se connaître depuis plusieurs années de par leurs parents. A chaque fois qu'Altaïr croisait Kaminski dans un couloir, à la bibliothèque ou au réfectoire, Krum était à ses côtés et le saluait d'un simple signe de tête, comme son ami.
Ils étaient les seuls étudiants à lui adresser la parole de temps en temps en dehors de la jeune ukrainienne qui lui avait traduit les insultes qu'avaient prononcés des amis à elle à son encontre. Tamara Barjow était une fille très gentille et elle avait visiblement décidé qu'afin de lui faire oublier la méchanceté de ses camarades ukrainiens, elle devait devenir son amie. Altaïr plus intrigué par son nom de famille Anglais plutôt que par sa personnalité, mais ne tenait pas à le lui faire remarquer pour le moment. Il était toujours utile d'avoir une personne l'appréciant dans sa classe.
« Bonjour Black. Tu ne rentres pas en Angleterre pour les vacances ? » lui demanda Viktor en descendant le reste des marches à ses côtés.
« Non. »
Altaïr n'était pas bavard et cela mettait mal à l'aise la plupart des personnes qu'il rencontrait. Seul Lev ne semblait pas en être déranger lorsqu'il essayait de lui parler certains matins. Autrement, même ses professeurs le trouvaient trop silencieux et étrange pour un jeune adolescent.
Viktor eut un petit rire nerveux à ses côtés. Certainement devait-il chercher un moyen de s'éclipser sans paraître grossier. Il devait penser qu'il s'agissait de ce qu'Altaïr désirait puisqu'il avait mis fin à la tentative de discussion plutôt abruptement. Altaïr grimaça, il ne voulait pas paraître impoli, il ne savait juste pas comment parler à un autre enfant.
« Et toi ? »
Krum le regarda surpris avant de lui offrir un sourire en coin.
« Je rejoindrai ma famille le vingt-sept, dans une semaine. Ils sont en quarantaine pour l'instant et je ne peux pas les rejoindre.
- Pourquoi ? » se sentit obligé de demander Altaïr.
« Ma mère est médecin dans un hôpital bulgarre. Elle y a été en contact avec un patient très infectieux et ne le sachant pas immédiatement, elle est rentrée à la maison. Même si elle est la seule à avoir eu quelques petits symptômes, juste quelques boutons, tout le manoir a été bouclé pendant deux semaines. Il n'en reste plus qu'une à attendre. »
Un nouveau silence s'installa entre eux, un peu moins lourd que précédemment mais toujours légèrement gênant.
« Ta sœur va bien alors ?
- Comment est-ce que tu sais que j'en ai une ?
- Tu en parles tout le temps à table. »
Viktor lui lança un regard qui voulait clairement dire « oui, mais ce n'est pas à TOI que j'en parle. » Alors Altaïr décida de s'expliquer un peu plus.
« Toi et tes amis, vous parlez fort. Tout le monde pourrait connaître vos vies s'il n'a rien d'autre à faire.
- Alors tu nous écoutais exprès ? » cette fois-ci le ton était clairement accusateur.
« Non. » Altaïr était sur la défensive. « Je n'ai juste personne à qui parler ou à écouter, alors je vous entends forcément, comme tous les autres élèves. »
Altaïr lui lança un regard noir avant de s'en aller. Ils étaient arrivés juste devant le réfectoire, mais il préféra faire demi-tour et aller travailler à la bibliothèque quelque temps. Il irait prendre son petit déjeuner lorsque Viktor aurait fini le sien. Apparemment cela le dérangeait de pouvoir être entendu alors qu'il parlait à ses amis. Et Viktor en avait beaucoup des amis, il connaissait la moitié des premiers et deuxièmes années.
Il entendit Viktor lui crier un « attends ! » au loin, cependant Altaïr avait tourné à un embranchement depuis quelques secondes et Krum devait simplement pensé qu'il ne l'avait pas entendu lorsqu'il ne fit pas demi-tour.
Finalement, Altaïr se sentait plutôt bien. Il avait certes gâché une conversation avec l'un de ses camarades, mais au moins il n'avait plus besoin de ressentir cet étrange sentiment de malaise en étant à ses côtés. Il enviait parfois Krum ou Kaminski, la communication, les rires, les blagues et les discussions animées semblaient leur venir si naturellement. Altaïr devait quant à lui analyser chaque expression, réfléchir à chaque phrase prononcée et envisager quelles réactions pourraient avoir son interlocuteur. Parler était épuisant pour lui, là où chez d'autres c'était aussi naturel que de respirer.
Altaïr se demandait dans ces moments-là si un jour, il arriverait à parler normalement, à avoir un ami, à se marier ou avoir un enfant. Il ne voulait pas voir son nom s'éteindre avec lui, mais cela lui semblait vraiment compliqué avec son caractère. D'autre part, il ne se sentait pas aussi seul qu'il voulait se le faire croire. Altaïr était bien tout seul avec ses livres et sa phobie sociale.
Songeant à peser le pour et contre quant à s'excuser de sa réaction envers Krum, Altaïr jouait distraitement avec la feuille de mandragore coincée sous sa langue.
En arrivant à Durmstrang, Altaïr avait immédiatement dévalisé la bibliothèque de ses ouvrages sur les lycanthropes, tout en veillant à ne pas éveiller les soupçons de la bibliothécaire et des élèves. Certains pays nordiques et d'Europe de l'Est était moins strict sur les lois et tabous pesant sur les loups-garous. Heureusement pour lui, l'Estonie en faisait partie et donc bien plus de livres à ce sujet était disponible ici qu'en Angleterre.
C'est en feuilletant l'un de ses ouvrages qu'Altaïr était tombé sur un extrait racontant la rencontre de son auteur et d'un lycanthrope complet. Tout comme lui, il avait ingéré le filtre lunaire et y avait survécu. Altaïr avait lu des dizaines de fois cette interview, il était rare de tomber sur ce genre de témoignage puisque les loups complets, aussi appelé descendant de Romulus, préférait habituellement rester discret. Attirer l'attention sur soi n'était jamais bon pour un lycanthrope.
Dans cet interview, le lycanthrope disait venir d'Amérique du Sud, de Colombie plus précisément. Il préférait cependant taire son nom et Altaïr le comprenait, le livre datait de plus de deux siècles et à l'époque l'image des loups-garous était bien plus désastreuse qu'aujourd'hui. Heureusement pour ce colombien, il vivait dans une région du monde où ils étaient un peu mieux acceptés qu'en Europe, par exemple.
C'est ainsi qu'Altaïr avait appris qu'il était possible pour un descendant de Romulus de devenir un lycanthrope. Apparemment ce loup-garou colombien avait réussi cet exploit. Il expliquait cependant que cela lui avait pris des années et que ce fut seulement au bout de quinze ans d'essais infructueux qu'il avait réussi sa première transformation.
Cela n'avait pas tant surpris Altaïr, il savait depuis longtemps comment devenir un Animagus, la recette était dans la bibliothèque des Black, bien que cela soit complètement illégal dans son pays. L'une des étapes les plus délicates et importantes de la préparation de la potion servant à se transformer se déroulait pendant une pleine lune. Or cela lui semblait difficile de manipuler fioles et chaudron pendant l'une de ses transformations.
Le colombien expliquait rapidement qu'il arrivait parfois que le loup laisse un contrôle total de son corps au sorcier pendant les pleines lune. Cependant cela était si rare que le sorcier n'avait vécu cela qu'à quatre reprises dans sa vie et ce, malgré la prise du philtre lunaire.
Altaïr enrageait toujours autant lorsqu'il repensait aux dizaines de pages suivantes qui avaient été arrachées de l'unique exemplaire de la bibliothèque. Apparemment un élève raciste ne souhaitait pas que cette retranscription d'interview ne soit découverte par d'autres élèves. Certainement que cela avait complètement dû le chambouler de découvrir que tous les lycanthropes n'étaient pas aussi maléfiques que dans les contes stigmatisant pour enfants.
Tout en observant les étagères remplies de livres de la bibliothèque, Altaïr récitait mentalement les instructions pour devenir lycanthrope. Il connaissait par cœur le protocole et savait parfaitement qu'il ne l'oublierait pas, pourtant il avait toujours aussi peur de tout oublier au dernier moment. C'est pourquoi il se récitait mot pour mot les instructions, afin de tout retenir jusqu'au jour J.
« 1. Conservez une feuille de mandragore dans la bouche pendant un mois entier (entre deux pleines lunes). Cette feuille ne doit en aucun cas être avalée ou retirée de la bouche. Si la feuille est extraite de la bouche, le processus doit être repris à zéro.
2. La pleine lune venue, retirez la feuille et placez-la, baignée de salive, dans une petite fiole en cristal exposée au clair de lune (si le ciel est nuageux cette nuit-là, il vous faudra trouver une nouvelle feuille de mandragore et renouveler l'expérience). Ajoutez à la fiole l'un de vos cheveux ainsi qu'une cuillère en argent de rosée recueillie en un lieu qui n'a été ni exposé au soleil ni foulé par l'homme pendant sept jours entiers. Enfin, ajoutez la chrysalide d'un Sphinx tête-de-mort au mélange et placez-le dans un endroit sombre et calme. Veillez à ne pas le regarder ni le déranger de quelque manière que ce soit jusqu'au prochain orage.
3. En attendant l'orage, suivez les instructions suivantes au lever et au coucher du soleil. Placez l'extrémité de votre baguette magique sur votre cœur et prononcez l'incantation suivante : Amato Animo Animato Animagus.
4. L'arrivée de l'orage peut prendre plusieurs semaines, plusieurs mois, voire plusieurs années. Tout au long de cette période, votre fiole de cristal devra rester au calme et être tenue éloignée des rayons du soleil. Une exposition au soleil provoquera les pires mutations possibles. Résistez à la tentation d'aller voir votre potion tant que l'orage n'aura pas éclaté. Si vous répétez consciencieusement l'incantation matins et soirs comme indiqué plus haut, vous finirez par percevoir un second battement de cœur lorsque vous pointerez votre baguette sur votre poitrine. Ce battement pourra être plus ou moins intense que le premier. Ne changez rien. Continuez à répéter l'incantation aux heures dites, et ce, quoiqu'il advienne.
5. Dès l'apparition du premier éclair dans le ciel, rendez-vous sur-le-champ à l'endroit où vous avez caché votre fiole de cristal. Si vous avez respecté scrupuleusement les étapes ci-dessus, vous y trouverez une potion rouge sang.
6. Rendez-vous aussitôt dans un endroit sûr et suffisamment grand où vous pourrez procéder à votre transformation à l'abri du danger et des regards. Placez l'extrémité de votre baguette magique sur votre cœur et prononcez l'incantation Amato Animo Animato Animagus, puis avalez la potion d'un trait.
7. Si tout s'est passé comme prévu, vous éprouverez alors une vive douleur et votre rythme cardiaque sera deux fois plus rapide et intense. La forme de la créature que vous êtes sur le point d'incarner se dessinera dans votre esprit. Ne tremblez pas. Il est maintenant trop tard pour échapper à la transformation que vous avez désirée.
8. La première transformation est généralement douloureuse et effrayante. Vos vêtements et tout ce que vous portez (bijoux, lunettes) fusionnent avec votre peau pour se transformer en fourrure, écailles ou épines. Gardez votre calme, sous peine de voir votre instinct animal prendre le dessus et de faire quelque chose de stupide (comme tenter de bondir au travers d'une fenêtre ou foncer tête baissée dans un mur, par exemple).
9. Une fois votre transformation terminée, vous devriez recouvrer votre aisance. Nous vous recommandons vivement de ramasser votre baguette pour la mettre en lieu sûr, dans un endroit où vous pourrez la retrouver facilement en reprenant forme humaine.
10. Pour ce faire, formez une image mentale aussi précise que possible de votre corps humain. Cela devrait suffire à déclencher la transformation, mais ne paniquez pas si celle-ci n'intervient pas immédiatement. Avec le temps, vous parviendrez à passer de votre forme humaine à votre forme animale à volonté, et ce, en visualisant simplement la créature en question. Les Animagi les plus aguerris peuvent se transformer sans l'aide de leur baguette magique. »
(extrait tiré du site fandom de Harry Potter, page sur les Animagus)
Cependant Altaïr n'arrivait même pas à passer la première étape, croquant, avalant ou recrachant sa feuille de Mandragore par accident. Il devait alors attendre la pleine lune suivant afin de réitérer le processus. Et quand bien même il y arriverait, Altaïr n'arrivait pas le moins du monde à contrôler son loup. Ce dernier obéissait bien à quelques ordres, mais jamais rien de trop précis ou contraignant. Autant dire qu'il n'était pas prêt de devenir un Animagus.
Altaïr claqua le vieux grimoire qu'il venait de feuilleter, ce qui envoya un léger nuage de poussière vers son visage. Il ne put malheureusement pas retenir son éternuement et quelques secondes plus tard, il observait la feuille de Mandragore qu'il avait expulsée pendant son éternuement. D'un geste de la baguette, l'adolescent la fit disparaître en soupirant.
Il n'était définitivement pas prêt de se transformer.
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25 décembre 1988
Bien que les cours de sports avaient été annulés pendant les vacances, Altaïr tenait tout de même à se dépenser de temps en temps. Faire de l'exercice était l'une des rares activités qui lui permettaient de calmer son esprit et son tempérament colérique. Depuis qu'il avait tenté de brûler vif l'un de ses camarades, plusieurs élèves le fuyaient comme la peste et les rares fois où on lui adressait la parole, Altaïr était bien conscient qu'on lui parlait comme s'il allait exploser à tout moment.
Jusque là, il n'avait pas eu conscience de renvoyer une image à ce point négative et dangereuse. Ignatus ne serait définitivement pas fier de lui, lui qui lui racontait sans cesse à quel point ses années d'école seraient la plus belle période de sa vie. Altaïr n'en profitait pas le moins du monde, si ce n'était pour se réjouir d'être loin de Cygnus.
Avec l'arrivée de l'hiver, le lac était recouvert de glace et la neige rendait ses alentours impraticables. Les étudiants ne pouvaient donc plus courir autour de ce dernier. A la place, les cours de sports avaient été déplacés dans une grande bâtisse servant habituellement aux entraînements de Quidditch. Les élèves pouvaient monter autant d'équipes qu'ils le souhaitaient, tant qu'elle possédait sept joueurs. Il y avait actuellement treize équipes à Durmstrang qui s'affrontaient régulièrement en de petits tournois amicaux, pariant entre eux quelques enjeux enfantins.
Pendant les vacances, le gymnase restait ouvert afin de permettre aux élèves de s'entraîner ou de jouer sans avoir besoin de constamment demander à un professeur de déverrouiller les portes. C'est pourquoi Altaïr pouvait venir y courir tous les matins aussi longtemps que cela lui chantait.
Ce ne fut qu'un peu moins de deux heures plus tard qu'Altaïr stoppa finalement sa course. Grâce à ses capacités lupines, il pouvait fournir des efforts importants sur de longues périodes, cependant cela devenait rapidement un désavantage lorsque le but était au contraire de se fatiguer. Le garçon attrapa sa bouteille d'eau et son sweatshirt qu'il avait laissé à l'entrée du gymnase.
De sa baguette, il écartait la neige qui encombrait l'aller qui rejoignait son dortoir. Les flocons ne cessaient plus de tomber depuis quelques jours et si cela l'avait d'abord émerveillé, Altaïr trouvait désormais cela agaçant. Il neigeait rarement autant en Angleterre. Heureusement pour lui, il n'était plus très sensible au froid depuis que Cygnus avait pris pour habitude de l'oublier dans ses cachots en hiver.
Une fois à son dortoir, il remarqua que les dix-sept autres élèves de sa promotion étant restés à Durmstrang étaient présents dans le salon du rez-de-chaussée. Il porta son regard sur l'horloge murale trônant au-dessus d'une cheminée et remarqua qu'il était déjà dix-heures. Altaïr porta ensuite attention aux petites piles de cadeaux posés devant eux et se demanda vaguement ce qu'ils attendaient pour les ouvrir.
« Sa… Salut. » bégaya timidement Krum après qu'un de ses amis lui ai donné un coup dans les côtes.
« Salut. » répondit simplement Altaïr.
Il ne comprenait pas vraiment la raison de leur comportement étrange. Cependant cela ne l'intéressait pas vraiment alors il préféra simplement traverser le salon pour rejoindre les douches. Altaïr sentait la transpiration et n'avait qu'une envie, se relaxer sous un jet d'eau brûlant.
« Attends Black ! » s'exclama Krum pour le retenir. « En fait on pensait ouvrir nos cadeaux tous ensembles. Les professeurs nous ont même autorisé à faire un petit déjeuner ici. » lui expliqua-t-il en désignant les nombreuses victuailles recouvrant les tables basses.
Altaïr prit le temps de réflexion avant d'acquiescer. Il avait conscience que personne ici ne souhaitait sa présence et Krum devait certainement faire cela pour faire oublier leur légère dispute l'autre matin. Ou bien avait-il pitié de lui, le bulgarre devait très bien savoir que si ce n'était pas lui qui invitait Black, alors personne ne le ferait.
« Vous n'avez pas besoin de m'attendre. Je prends une douche et je viendrai manger.
- A tout à l'heure alors ! » lui sourit Viktor.
Altaïr escalada les marches quatre par quatre et se doucha rapidement afin de ne pas arriver à la fin du repas. Bien qu'il cache son jeu, cela l'avait beaucoup touché d'être invité à une réunion d'étudiants. Même s'il ne participerait certainement à aucune discussion et resterait dans son coin.
Quinze minutes plus tard, il s'installait aux côtés de Krum qui lui faisait signe de prendre le coussin à ses côtés. Les élèves avaient rassemblé plusieurs tables basses de la pièce afin de pouvoir s'installer tous ensembles en tailleurs autour d'elles.
La plupart d'entre eux étaient trop occupés à déballer leurs cadeaux pour remarquer sa présence. Cependant les quelques uns qui l'avaient remarqué semblaient surpris qu'il n'avait pas emmené ses paquets avec lui. Peut-être avait-il préféré les laisser aux dortoirs afin de les ouvrir seuls plus tard.
Krum était un peu déçu qu'il ne participe pas un peu plus à l'activité. Il avait été le seul à vouloir attendre Altaïr et ses camarades lui avaient bien fait sentir qu'ils n'étaient pas du même avis. Les cadeaux étaient apportés au pied du lit des étudiants à neuf heures trente par des elfes de maison et depuis, ils étaient tous installés là à attendre Altaïr et quelques autres lève-tard.
Krum était présent depuis l'arrivée des cadeaux et Altaïr était déjà parti il ne savait où à ce moment-là. Alors il n'avait pas pu ouvrir ses cadeaux avant qu'il ne lui le propose et cela le blessait de constater qu'être tous ensembles pour ce jour de fête ne comptait visiblement pas beaucoup pour Black.
« Tu n'as pas pris tes cadeaux ? » osa-t-il finalement demandé lorsqu'il eut lui-même déballé tous ses paquets.
« Je n'en ai pas.
- Oh pardon, on ne savait pas que les Anglais ne fêtent pas Noël et Yule. » s'exclama une fille à sa droite, ce qui attira l'attention des autres enfants.
« Noël est une fête chrétienne Moldue et c'est de là que découle la coutume sorcière de s'offrir des cadeaux à Yule. L'Angleterre étant un pays chrétien, tout le monde y fête Noël. Je n'ai juste pas de cadeau. » haussa-t-il des épaules.
Cela faisait longtemps qu'Altaïr n'était plus triste de ne pas avoir de cadeau à Noël. Il n'aimait pas Noël depuis que James l'en avait dégouté et il avait clairement fait comprendre cela à Walburga, Arcturus et Ignatus à l'époque. Aujourd'hui, il trouvait que son comportement avait été puérile et Altaïr regrettait bien de ne se souvenir d'aucun des rares Noël où il avait eu des cadeaux. Ceux qu'il avait passé avec ses grands-parents avant d'aller vivre chez James. Altaïr aurait finalement dû faire une liste de souhaits à Walburga comme tous les petits enfants lorsqu'il en avait eu l'occasion.
Mais aujourd'hui, cela n'avait plus d'importance pour lui. Lorsqu'il vivait chez James, Altaïr espérait recevoir des jouets et c'est cela qui le blessait. Or cela faisait des années qu'il n'attendait plus rien, donc il ne pouvait plus être déçu.
Altaïr ne fit pas attention au regard de pitié des autres élèves et enfourna dans sa bouche un autre pancake. Puis il enchaîna avec quelques œufs brouillés et un verre de jus de citrouille. En constatant qu'il ne semblait pas le moins du monde touché par ses propres paroles, les étudiants se détournèrent petit à petit de lui, reprenant leurs discussions et repas.
« Je suis désolée, ce n'était pas très sympa de ma part. » s'excusa finalement Krum.
Altaïr se tourna vers lui et plongea son regard dans le sien. Encore une fois, il n'arrivait pas à interpréter les paroles d'un autre enfant. Il ne comprenait pas pourquoi il s'excusait. Finalement, il décida de jouer la sincérité.
« Je ne comprends pas. »
Cela sembla surprendre Viktor.
« Te demander de venir avec nous, ce n'était pas sympa. Tu ne dois pas avoir envie de voir des gens ouvrir des cadeaux alors que tu n'en as pas. Moi je n'aimerai pas.
- Je préfère ne rien recevoir. Comme ça je suis sûr que personne ne pourra me le reprendre. » son ton était légèrement amer en repensant à son père qui lui avait une fois confisqué ses cadeaux de Noël. « Je n'aime pas les cadeaux, les surprises et les fêtes. Mais merci de m'avoir invité à venir manger avec vous. »
Krum hocha de la tête, visiblement toujours gêné par son indélicatesse.
« Tu ne m'as pas forcé tu sais. Si je n'avais pas voulu venir, je ne l'aurai pas fait. »
Cette fois-ci, Krum lui sourit l'air de dire « bien sûr que je sais ça » et cela amusa Altaïr. Finalement, ils arrivaient plutôt bien à s'entendre tous les deux, malgré leurs caractères opposés.
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Dimanche 13 janvier 1989 (Altaïr à 12 ans)
Altaïr fut surpris en pénétrant dans le gymnase à huit heures du matin d'y découvrir deux garçons en train de se faire des passes. Il reconnut facilement Viktor Krum et Lev Kaminski. C'était plutôt étrange de voir Lev debout à cette heure-ci alors qu'il ne se levait rarement avant midi le week-end. Cependant il se dit simplement que Viktor avait dû vouloir jouer avec quelqu'un et que Kaminski étant son voisin de lit, il avait dû être le candidat idéal.
Les deux garçons ne le remarquèrent pas immédiatement et Altaïr ne fit rien pour changer cela. Le bâtiment possédait un autre terrain d'entraînement légèrement plus petit afin de pouvoir permettre à deux équipes de jouer en même temps. Il se dirigea donc vers le second terrain et s'approcha de la stèle de contrôle au fond de la salle. La magie permettait de faire beaucoup de choses et dans cette salle Altaïr admirait tout particulièrement ses miracles.
Il alluma quelques lumières, augmenta la température de quelques degrés et le béton constituant la salle se métamorphosa en un gazon court et dont la terre meuble n'abimerait pas ses genoux. Altaïr commença par s'échauffer les articulations avant d'entamer sa course à un rythme lent, préférant accélérer petit à petit.
C'était dans ces moments-là qu'il regrettait le plus le walkman que Remus lui avait un jour acheté. Courir avec de la musique dans les oreilles semblait bien plus passionnant qu'avoir pour seuls pensées ses cours de la semaine. Il fut cependant tiré de ses pensées une vingtaine de minutes plus tard lorsque Viktor apparut brusquement devant lui, la tête en bas et son balais dans les airs. Il lui donnait l'impression d'être un petit singe dans cette position. Lev se posa juste à côté de lui et Altaïr s'arrêta finalement.
« Est-ce que tu joues au Quidditch ?
- Quand j'étais petit.
- Quel poste ?
- Batteur. » répondit Altaïr après une seconde de réflexion.
Lorsqu'il vivait chez James, Remus lui avait acheté un kit de Quidditch pour enfant. Avec le recul, Altaïr réalisait qu'il avait dû dépenser toutes ses économies là-dedans et il ne l'avait jamais suffisamment remercié. Bien qu'il s'amusait parfois à jouer au gardien pour stopper les souffles de Thomas ou de remus, il avait toujours préféré frapper de toutes ses forces dans le cognard. Il n'était pas non plus trop mauvais pour viser et les bloquer était un jeu d'enfant pour lui et cela devait d'autant plus être le cas maintenant qu'il possédait une force herculéenne.
« Super, on est déjà sept et on n'a qu'un seul batteur pour le moment. Tu tombes à pic ! » s'exclama Krum.
Lev lui fit signe de le suivre dans la salle d'en face et Altaïr découvrit qu'en effet, quatre autres élèves occupaient le terrain et voltigeaient ensemble dans les airs. Il ne connaissait que Tamara Barjow, les autres étaient de parfaits inconnus pour lui.
« Les gars, je vous présente Altaïr Black. Black, voici Barjow, Petrov, Kovalenko, Kotova et Ivanov » (nda: j'avoue là j'étais pas inspiré pour eux)
Ils étaient tous en première année apparemment et faisaient soit partie de la classe de Lev ou de Krum, sauf pour Barjow qui était dans la classe d'Altaïr. Black n'aima pas beaucoup la façon dont les autres le regardaient, mais il n'y fit pas davantage attention. Il y était habitué depuis le temps.
Rapidement, ils décidèrent de faire un quatre contre quatre sur un terrain réduit. Ainsi chaque équipe possèderait deux poursuiveurs, un batteurs et un gardien. Comme seul Krum était bon dans le rôle d'attrapeur, ils avaient décidé qu'il n'y en aurait pas dans cette partie-là. Alatir fit ainsi équipe avec Lev, Viktor et Tamara contre les trois autres garçons.
Rapidement, ils découvrirent que Krum était aussi doué en pourchassant un souafle qu'un Vif d'Or et Tamara était une très bonne gardienne. Seul Lev semblait avoir un peu plus de mal à suivre la cadence puisqu'il jouait seulement depuis septembre au Quidditch avec Viktor de temps en temps. Quant à Altaïr, il lui fallut quelques temps avant de retrouver ses repères, il était difficile de ne pas frapper de toutes ses forces dans le Cognard.
La matinée se déroula doucement et Altaïr se surpris à aimer cela plus qu'il ne l'aurait aimé. Il avait oublié le sentiment de liberté qui le prenait lorsqu'il montait sur son balais. La sensation que ses problèmes s'envolaient au même moment que ses pieds quittaient le sol. Altaïr déchargé sa frustration sur le Cognard et encore plus d'entendre les rires et les cris d'encouragement de ses coéquipiers.
Il s'envola à toute allure vers le plafond du gymnase afin de rattraper un Cognard perdu mais lorsqu'il se retourna pour observer la batteur adverse et qu'il aperçut le sol, tout son esprit se vida. La sensation de plénitude et de réconfort qui l'enveloppait quelques instants plus tôt le quitta à l'instant même où son regard se posa sur le sol.
Altaïr était haut, incroyablement haut. Ou peut-être pas, peut-être qu'il n'était qu'à cinq ou six mètres. Il ne savait pas, il ne savait plus rien. Il voyait juste le gazon sous ses pieds, une brise artificielle faisant vibrer les brins d'herbe. Des cris résonnaient au loin, mais il n'entendait plus rien, un sifflement assourdissant lui brisait les tympans. Puis, sa vision devint floue et retourner au sol lui semblait comme être une urgence.
Altaïr atterrit en catastrophe et ne fit même pas attention à ses genoux qui avaient râpé avec force le sol. Sa main enserra son vêtement à l'emplacement de son cœur, sa respiration était saccadée mais pas au point de faire de l'hyperventilation, cela au moins le soulageait. Des sueurs froides recouvraient petit à petit son front et sa nuque, il les épongea d'un revers de manche.
Du coin de l'œil, il vit Lev et Viktor se rapprocher de lui en courant, les autres semblaient plutôt se demander si leur présence risquait de le gêner ou non. Altaïr les remercia mentalement de ne pas tous se précipiter vers lui, cela ne ferait qu'accentuer sa crise d'angoisse.
Altaïr n'arrivait à se concentrer sur rien. Son esprit ne faisait que lui rappeler ce vide qui s'étendait quelques minutes plus tôt sous lui, puis son corps qui chutait encore et encore jusqu'à s'écraser au sol. Sa poitrine se serra d'autant plus lorsqu'il y repensa et sa poigne se resserra d'autant plus sur son sweatshirt. Les sueurs continuaient à couler, il sentait ses goutelles de transpiration quitter son front, dévaler ses tempes, rouler dans son cou et se perdre dans son pull.
Puis il eut soudainement chaud, Altaïr sauta sur ses genoux qui faillirent le lâcher face à son brusque changement de position. Il avait besoin d'air, de respirer, de sentir une vraie brise sur son visage et non une artificiellement créée par magie.
« De l'air, de l'air… » marmonnait-il sans fin.
Krum tenta de le soutenir en plaçant un bras autour de sa taille, cependant il se fit brutalement repousser. Dans son angoisse, Altaïr ne savait plus vraiment qui était à ses côtés et où il se trouvait. Ce contact soudain avait donc été identifié comme une menace, Altaïr haïssait être touché par surprise. Finalement, Lev lui présenta simplement son bras et Altaïr s'en servit comme appuie de façon inconsciente, il préférait toucher plutôt qu'être touché.
Une fois à l'extérieur, Altaïr prit une profonde bouffée d'air et quelques dizaines de secondes plus tard, des nausées le prirent et il finit rapidement par rendre son petit-déjeuner. Le front posé contre le mur de brique du bâtiment, il tenta vainement de reprendre son souffle et de réguler son rythme cardiaque. Quelques minutes plus tard, il finit par faire quelques pas sur le côté afin de pouvoir s'asseoir à même la neige contre le mur. Il entoura d'un bras ses genoux et frottait avec frénésie sa poitrine de l'autre main.
La douleur et les nausées ne partaient pas et semblaient même s'intensifier, mais Altaïr n'en avait cure. L'impression de mourir était bien trop forte pour pouvoir se soucier d'autre chose. Puis, deux petites mains agrippèrent celle qui était posée sur son genou et qui enfonçait ses ongles dans ses genoux écorchés par sa chute d'un peu plus tôt.
Altaïr releva le regard vers Lev et fut surpris de découvrir qu'à l'inverse de Viktor, il ne semblait pas paniqué en voyant son état. Ou pas autant qu'il l'aurait imaginé.
« J'ai l'impression de mourir. » extériorisa finalement Altaïr ce qui fit glapir de détresse Krum.
« Tu ne vas pas mourir. » lui assura Lev, sûr de lui.
Altaïr était certain qu'il avait déjà géré une personne faisant une crise d'angoisse, il était bien trop serein pour que ce ne soit pas le cas. Lev détacha sa montre de son poignet et la glissa entre les doigts de son ami. L'anglais vissa immédiatement son regard sur la petite aiguille, il n'aimait pas particulièrement les horloges qu'il trouvait toujours trop bruyantes dans le silence des bibliothèques ou du dortoir. Mais pendant ses crises, cela l'avait toujours aidé d'observer les petites aiguilles se mouver.
« J'ai une sœur qui faisait aussi des crises d'angoisse. Elle s'appelle Klara, elle a déjà vingt ans. On a des mères différentes, notre père et elle ont divorcé lorsqu'elle était encore à Durmstrang. »
Entendre la voix posée de l'autre enfant aidait Altaïr à se détendre et à oublier la peur viscérale de mourir qui lui étreignait le cœur. C'était ironique de constater à quel point mourir l'effrayait alors qu'il n'avait aucune raison de vivre.
« Ils devaient sacrément se détester. » put enfin articuler Altaïr
« Même pas, ils étaient meilleurs amis et ils ont décidé de se marier le temps que l'un d'eux trouve le grand amour. Ils sont tombés amoureux chacun de leur côté à quelques mois d'intervalle. Alors ça ne les a pas dérangé de divorcer. D'ailleurs, l'ancienne femme de mon père est ma marraine. »
Altaïr était fasciné par les histoires de famille qui ne finissaient pas dans la haine et les pleurs. Ses parents aussi avaient été mariés par contrat de mariage, mais aucun d'eux ne l'avait voulu, ni le mariage, ni la promesse d'une liaison éternelle et encore moins lui. Alors découvrir qu'un mariage politique pouvait bien finir, cela le fascinait. Atair éprouvait le même genre de sentiment lorsqu'il remarquait l'alchimie froide liant Narcissa et Lucius Malefoy ou encore ses propres grands-parents autrefois. Le garçon avait du mal à comprendre comment est-ce qu'on pouvait aimer la même personne aussi longtemps.
« C'est une jolie histoire. »
Lev haussa des épaules, ne sachant pas réellement ce qu'Altaïr trouvait joli là-dedans. Pour lui, ses parents avaient simplement été opportunistes et n'avait jamais pris en compte les sentiments de sa sœur dans leur histoire. Bien qu'elle n'en parle pas souvent, Lev savait que cela l'avait blessé de ne pas naître dans un couple amoureux comme tous les autres enfants, mais de « sex friends » comme elle aimait le dire. Lev n'avait jamais compris ce qu'elle voulait dire par là et maintenant qu'il avait réalisé ce que cette expression signifiait, il comprenait comment est-ce que sa sœur interprétait l'histoire de sa naissance.
Les minutes s'écoulèrent, Lev et Viktor parlant de leurs familles à Altaïr puisque cela semblait lui changer les idées plutôt efficacement. Puis, au bout d'une vingtaine de minutes, sa crise avait fini par passer.
« Merci. » souffla-t-il simplement en se relevant.
Il ne savait pas vraiment comment aborder la suite des événements sans être gêné. Habituellement, il gérait seul ses crises d'angoisse et jamais personne n'avait été à ses côtés pour le calmer. Même lorsqu'Altaïr côtoyait encore Remus, il n'avait pas osé lui en parler, voyant cela comme une honte, une faiblesse. Il avait préféré s'isoler à chaque crise, puis faire les recherches nécessaires dans son coin lorsqu'il avait eu l'âge de lire.
« Je devrais retourner aux dortoirs, je vais prendre une douche.
- Je t'accompagne. » exigea aussitôt Lev qui semblait vraiment inquiet. « Tu peux retourner jouer Viktor, si tu veux. »
Krum lança un regard incertain à Altaïr, mais un hochement de la tête de sa part lui indiqua que devoir se coltiner Lev l'agaçait déjà suffisamment comme ça. Alors le jeune bulgarre décida de suivre le conseil de ce dernier et retourna jouer au Quidditch avec ses amis en leur expliquant que tout allait bien maintenant.
Sur le chemin vers le dortoir, les deux garçons n'échangèrent pas un seul mot. Aucun d'eux ne savait si l'autre préférerait changer de sujet ou bien parler maintenant des derniers évènements afin de ne plus avoir à aborder le sujet plus tard. Ce fut seulement en commençant à monter les escaliers menant au dortoir de Altaïr que Kaminski prit finalement la parole.
« Est-ce que ça t'arrive souvent ?
- Ça dépend des périodes, mais ça ne m'arrive pas très souvent pendant la journée.
- Des terreurs nocturnes ? »
Altaïr ne répondit pas et Lev comprit qu'il ne souhaitait pas aborder ce sujet-là. Après tout, c'était à peine s'il s'adressait la parole il y a quelques semaines, voire jours. Alors il ne devait pas être la personne idéale pour les confidences.
« Tu sais si tu as un déclencheur en particulier ? Comme ça je pourrais anticiper la prochaine fois et ne pas être pris par surprise.
- J'en ai pas mal, mais ça n'arrive pas à chaque fois. C'est la première fois que ça m'arrive à balais, d'habitude c'est plus en regardant le sol par une fenêtre.
- Pourquoi ? »
Altaïr se figea. Il fallut quelques secondes à Lev pour le remarquer et s'arrêter à son tour. Il se tourna vers son ami, il était une marche en dessous de lui et ainsi, leurs regards étaient presque à la même hauteur. Cette fois-ci c'était même lui qui le dépassait de quelques centimètres et Kaminski retint difficilement un sourire à cette pensée. La situation était sérieuse et il ne voulait pas qu'Altaïr pense qu'il se moque de lui.
Black plongea son regard dans le sien et Lev remarqua pour la première fois à quel point il avait l'air vide de vie. Jamais encore il n'avait rencontré une personne dont les yeux pouvaient le déprimer autant. Altaïr semblait complètement perdu et détruit de l'intérieur, se demandant certainement ce qu'il faisait là, à parler avec un gars qu'il devait certainement ennuyer.
Mais Lev n'était pas ennuyé. Lev aimait profondément les gens, peu importe qu'il s'agisse d'un enfant, un veillard, une femme, un homme, un connard ou un saint, il avait cette profonde envie d'aider les autres. Et Altaïr était certainement la seule personne qu'il avait jamais rencontré dont l'aura criait aussi fortement « à l'aide » alors que tout son comportement disait le contraire. Altaïr était intriguant et fascinait Lev. Alors non, Lev n'était définitivement pas ennuyé.
Altaïr sembla finalement faire son choix, il passa à côté de Lev et escalada les cinq marches restantes pour rejoindre son dortoir au dernier étage. Maintenant qu'il réalisait l'emplacement de son lit, Lev se dit que le hasard faisait vraiment mal les choses. Il avait le lit le plus proche de la fenêtre du dernier étage alors qu'il avait le vertige, ça n'avait pas de sens.
Black attrapa dans son armoire ses affaires de douche et des vêtements propres avant de se diriger vers les douches communes. Lev hésita à le suivre. Chaque douche avait beau être séparée par une cloison, il avait l'impression qu'accompagner Altaïr jusque là serait bien trop envahissant de sa part.
Altaïr décida finalement à sa place en fermant la porte derrière lui, Lev entendit même le verrou de la porte être enclenché. Visiblement son ami n'avait plus besoin de sa compagnie. Mais alors qu'il s'apprêtait à faire demi-tour, la porte se rouvrit.
« Quand j'avais neuf ans, je suis monté sur le toit de mon manoir. J'ai sauté et un elfe de maison m'a stoppé dans ma chute alors que j'étais à moins d'un mètre du sol, en fait, je le frôlais. »
Puis la porte se referma, laissant un Lev bouche-bée face au pan de bois. Il ne s'était pas attendu à ça. Il avait imaginé une basique chute d'un dos de cheval ou encore une perte de contrôle d'un balai pendant l'enfance. Mais jamais Lev n'avait imaginé une réponse aussi alarmante et triste. Altaïr avait essayé de mourir.
Ses crises d'angoisse ne devaient que lui rappeler cet instant où le sol s'était rapproché de lui avec vitesse. Lev n'arrivait même pas à imaginer à quel point cette vision pouvait être traumatisante.
Un frottement contre la porte lui indiqua qu'Altaïr venait très certainement de s'adosser contre la porte. Peut-être qu'il n'en revenait pas de ce qu'il venait d'avouer à Lev, ou bien faisait-il une nouvelle crise ou alors, il voulait juste s'adosser quelques instants afin de faire le point sur ses émotions.
« Je resterai dans le salon, si tu as envie de parler de ça, des cours, de ta crise, d'autre chose ou juste si tu ne veux pas être seul. On n'est pas obligé de parler si tu ne veux pas, mais je veux juste que tu saches que si t'as besoin de quoi que ce soit, je serai là. »
Lev se sentait stupide à parler à une foutue porte. Il ne savait même pas si elle était assez fine pour laisser passer sa voix. D'autant plus qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il devait dire ou pas dans ce genre de situation.
« Pourquoi ?
- Parce qu'on est amis. » répondit Lev du tac au tac.
Un silence se fit, puis Lev entendit un reniflement. Altaïr pleurait. Il n'en connaissait pas la raison exacte, mais cela le mit mal à l'aise en connaissant la fierté et le stoïcisme que le garçon s'entêtait à maintenir en public. Lev avait l'impression de lui voler son intimité.
« Merci. Je te rejoindrai. »
La voix était basse et Lev eu un peu de mal à l'entendre correctement. La gorge nouée d'Altaïr n'arrangeait rien, en plus de son fort accent anglais. Il devenait urgent qu'il travaille un peu son oral et pas seulement son écrit en estonien. Peut-être qu'il pourrait aider Altaïr dans cette matière en échange de quelques conseils en métamorphose, se dit-il en rejoignant le salon, comme promis.
Altaïr attendit que la porte du dortoir claque derrière Lev avant de s'effondrer derrière la porte, des larmes coulant le long de ses joues. Mais ce n'était pas des larmes de tristesse ou de désespoir, loin de là.
Pour la première fois de sa vie, Altaïr pleurait de joie. Il avait un ami. Un ami qui n'était pas un elfe de maison. Un ami humain, un ami sorcier. Un vrai ami, qui avait son âge et qui était gentil avec lui. Un ami qui se souciait de lui. Un ami à qui il pouvait parler. Un ami qui l'avait aidé. Altaïr avait un ami, son premier ami.
Altaïr avait l'impression que son cœur allait exploser de joie dans sa poitrine.
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NDA février 2022
Je viens de finir d'écrire ce chapitre et franchement, pendant le dernier paragraphe, j'avais les larmes aux yeux. Je suis une tapette XD Mais ça fait du bien de voir Altaïr heureux pour une fois.
