3 février 1989 (Altaïr en 1ère année)

Les jours qui suivirent sa crise d'angoisse, Lev et Viktor ne quittèrent pas Altaïr du regard, comme s'il risquait de s'effondrer au moindre courant d'air. Altaïr hésitait entre leur dire en face que leur comportement l'agaçait ou bien continuer ainsi pendant les mois à venir afin de ne pas perdre leur amitié. Ne sachant pas quelle option était la bonne à prendre, l'adolescent prit une troisième option bien plus facile à choisir; la fuite.

Le matin, cela n'avait rien de compliqué puisqu'Altaïr était toujours dans les premiers à arriver au réfectoire alors que les deux bulgares étaient dans les derniers. Pendant les heures de cours, il en était de même puisque leurs horaires étaient différentes des siennes, mais ils avaient visiblement réussi à embobiner Tamara Barjow puisqu'elle lui jetait fréquemment des regards indiscrets.

Cependant le problème survenait à la fin de la journée. Altaïr avait beau se cacher à la bibliothèque, dans le salon des premières années, au gymnase ou dans son dortoir, Lev et Viktor finissaient toujours par le retrouver. Finalement, le jeune Black avait fini par s'enfermer tous les jours jusqu'à l'heure du couvre-feu dans une salle de classe du troisième étage. Puis, il rejoignait son dortoir afin de ne pas attirer l'attention de leur professeur principal.

Altaïr faisait suffisamment le mur avec les pleines lunes et les quelques autres sorties nocturnes qu'il s'accordait afin de ne pas attirer l'attention sur les dates de ses absences. Il ne pouvait donc pas se permettre de ne plus rejoindre du tout son lit. De plus, le matelas fourni par l'école était étrangement confortable et il lui manquait rapidement.

Cependant, les Bulgares comprirent rapidement son petit jeu et décidèrent de se lever eux aussi en avance ce matin-là. Altaïr fut plus que surpris de les découvrir, assis sur un canapé faisant face à l'escalier et à moitié somnolant. Lorsqu'ils l'aperçurent, ils lui firent signe de s'approcher d'eux et le Black n'eut d'autre choix que d'obéir. Il s'installa dans un fauteuil leur faisant face et jeta un coup d'œil à l'horloge, il restait une demi heure avant que les autres étudiants ne se réveillent.

« Tu nous évites » commença de but en blanc Viktor sous le regard noir de Lev.

« Oui » répondit-il tout aussi sincèrement.

Les deux garçons le fixèrent d'un air éberlué avant d'échanger un regard un peu perdu. Visiblement, ils ne s'attendaient pas à ce qu'il soit aussi honnête avec eux. Lev semblait être du genre à se faire des centaines de scénarios dans sa tête avant de prendre une décision, mais apparemment aucun d'eux ne prenait en compte qu'Altaïr n'aimait pas les conflits. Il savait très bien qu'il avait un tempérament sanguin. Alors Altaïr préférait ne pas énerver ses camarades puisque cela l'énerverait certainement en retour.

« Je croyais qu'on était ami, pourquoi tu as fait ça ? » demanda cette fois-ci Lev.

« Vous m'agacez à me surveiller toute la journée avec un air inquiet. Je sais gérer mes crises d'angoisse, je n'en ai pas beaucoup et quand bien même ça venait à arriver, vous ne pouvez rien faire pour les empêcher. Alors ça ne sert à rien de me suivre comme ça. »

Les deux Bulgares échangèrent un regard gêné. Ils n'avaient pas eu conscience que leur comportement pouvait être aussi agaçant et leurs inquiétudes aussi visibles.

« Désolé, on ne recommencera plus. »

Altaïr hocha simplement de la tête, acceptant volontiers les excuses de ses amis.

« Mais la prochaine fois que quelque chose te dérange, dis le nous directement. Ça nous fera gagner du temps. » sourit Lev.

« Et des heures de sommeil. » bailla Viktor.

Altaïr hocha simplement de la tête. En effet, cela semblait bien plus simple avec ces deux-là d'aller droit au but.

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10 mars 1989

Altaïr occupait chaque week-end et mercredi après-midi une salle de potion inoccupée afin de s'améliorer en pratique. Cette matière restait son plus gros point faible et Cygnus lui avait envoyé une terrible beuglante lorsqu'il avait reçu ses résultats de fin de décembre. L'homme lui avait fait savoir que ses notes parfaites dans ses autres matières n'étaient pas une excuse pour se relâcher en potions et qu'il avait plutôt intérêt à se reprendre.

Alors Altaïr avait libéré un maximum de son temps libre afin de se consacrer à la confection des potions. Il avait remarqué qu'en répétant le même geste des centaines de fois, alors il arrivait à s'accommoder de ses tremblements et à trouver les marges d'erreur qu'Altaïr pouvait se permettre d'avoir en fonction de chaque ingrédient.

Bien sûr, utiliser autant d'ingrédients n'était certainement pas gratuit. Mais puisqu'aucune plainte de Cygnus ne lui était parvenue, Altaïr supposa que son tuteur préférait voir ses notes s'améliorer plutôt que de perdre quelques Gallions. Cela soulageait quelque peu Altaïr de ne pas avoir à voler les ingrédients, de devoir les chercher lui-même dans la nature environnante ou encore de devoir trouver l'argent pour se les procurer tout seul.

Son professeur de potion, Georgiev, ne semblait pas déranger par ses nouvelles habitudes et le laissait s'entraîner dans son coin. Pendant les week-end, Altaïr appréciait utiliser sa propre salle de classe qui était alors inoccupée et son enseignant occupait parfois son propre bureau. Ce dernier corrigeait généralement quelques copies ou devoirs et le garçon trouvait toujours aussi étrange de le croiser aussi souvent dans sa salle de classe. Les autres professeurs préféraient habituellement travailler dans leurs propres bureaux ou dans leurs appartements. Presque aucun n'avait de salle de classe attitrée, Georgiev était l'exception à la règle.

Sa présence ne dérangeait pas Altaïr et le rassurait même certains jours. Georgiev était un bon professeur, bien que silencieux et ne s'exprimant jamais pour ne rien dire. Il trouvait toujours le bon conseil à donner et qui aiderait au mieux ses étudiants. De plus, contrairement aux autres classes où voir un chaudron déborder ou exploser était arrivé à quelques reprises, jamais cela ne s'était produit dans sa classe. L'enseignant arrivait à garder son attention sur tous les chaudrons en même temps et parvenait à prévenir chaque accident avec brillaud. Altaïr ne comprenait pas comment il pouvait surveiller trente élèves et leurs chaudrons en même temps, mais il était soulagé d'avoir ce potionniste pour professeur.

Malgré les quelques années qui le séparaient de l'accident de potion qui lui avait valu quelques cicatrices sur son bras, Altaïr angoissait toujours autant à l'idée que son chaudron lui explose une nouvelle fois. A chaque ingrédient qu'il jetait dans sa mixture, il redoutait de s'être trompé d'ingrédient ou de dosage.

Rater une potion était courant, mais il était bien plus rare qu'elle explose. Altaïr le savait, seul les potions instables présentaient ce type de risque et personne ne demanderait à un premier année d'en préparer une. Pourtant il ne pouvait empêcher d'être constamment prêt à bondir sous un bureau ou à quitter la pièce en courant.

Mais Altaïr savait qu'il devait s'améliorer dans cette matière et il n'était pas du genre à reculer devant ses peurs. Alors il continuait de s'entraîner sans relâche et son acharnement commençait à porter ses fruits. Altaïr avait enfin dépassé la moyenne à son dernier TP.

Aujourd'hui, il ne comptait pas confectionner une potion, mais simplement préparer quelques ingrédients. Georgiev avait prévenu ses étudiants que la potion qui les attendait le mercredi suivant prendrait les trois heures de cours à être préparé. Cette fois-ci, pas le temps de recommencer s'il se trompait à une étape et encore moins de traînasser lors de la préparation des ingrédients.

Une élève avait demandé s'il était possible de préparer certains ingrédients en avance et après réflexion, Georgiev leur avait permis d'apporter avec eux l'émincé de pousses de pisse-lion, les escargots de Vénétie vivants et leurs coquilles intacts mais tous deux séparés, les crochets de serpent commun en poudre et enfin des baies de gui épluchées. Cependant les élèves qui voulaient préparer leurs ingrédients en amont devraient le faire devant leur professeur le dimanche précédent le cours. Il voulait s'assurer que personne ne triche en demandant à un élève plus âgé de le faire à sa place.

Peu d'élèves avaient voulu gâcher leur dimanche enfermé dans une salle de potion et seuls cinq d'entre eux, dont Altaïr s'était présenté à leur professeur après le déjeuner. Ils avaient tous terminé de remplir leurs bocaux en moins de deux heures et bientôt, il ne restait plus que le jeune Black enfermé dans la pièce avec son professeur.

Altaïr avait rapidement préparé la poudre puisqu'il s'agissait simplement d'écraser des crochets et cela ne demandait aucune précision ou délicatesse de sa part. Emincer quelques plantes ne lui posait plus trop de problèmes à force d'entraînement, alors cette étape ne pris pas non plus trop de son dimanche après-midi.

Cependant les coquilles des escargots et les petites baies de gui étaient incroyablement fragiles entre ses doigts, sans compter le mucus d'escargot qui rendait ses doigts glissant ou encore les baies qui lui échappaient et roulaient sous sa table. Cela n'aurait pas été grand chose si seuls une dizaine d'escargots étaient nécessaire, mais Georgiev avait demandé à ce qu'à eux trente, les élèves refassent le stock de l'infirmerie en baume pour soigner les brûlures.

Durmstrang accueillait des milliers d'élèves étudiant au-dessus de chaudrons, se disputant dans les couloirs, jetant des sortilèges offensifs en cours ou apprenant à s'en défendre parfois en vain. Alors il n'était pas rare que l'infirmière accueille plusieurs patients présentant quelques brûlures tous les jours. Les stocks n'étant pas inépuisables, il avait été décidé que les renflouer serait un excellent exercice pour les élèves de l'école.

Alors Altaïr ne se retrouvait pas à devoir préparer une petite poignée d'ingrédients comme à son habitude, mais plus de cents escargots et deux kilogrammes de petites baies rouges. Ce qui le dépitait certainement le plus était de constater qu'il s'approchait à peine de la moitié alors que cela faisait trois heures qu'il était assis devant sa table de travail.

Deux élèves toquèrent à la porte et Georgiev ouvrit cette dernière d'un geste de la baguette sans quitter à un seul instant son livre. Apparemment il avait terminé ses corrections et s'était rabattu sur une lecture afin de s'occuper. Deux garçons passèrent leurs têtes dans l'entrebâillement de la porte et Altaïr reconnut immédiatement Viktor et Lev. Ils le rejoignirent rapidement et s'installèrent sur devant son plan de travail en attrapa les chaises posées devant deux autres tables.

« Tu en as encore pour longtemps ?

- J'ai fait la moitié. »

Viktor lui lança un regard dépité alors que Lev lança un regard étonné à son plan de travail. Altaïr plaçait chaque ingrédients utilisable dans des bocaux en verre et jetait dans une grande bassine en bois ceux qu'il ne pourrait pas ajouter à sa potion. De l'autre côté de la table, deux bassines plus petites contenaient les baies et les escargots qu'il lui restait à préparer.

« Comment peux-tu avoir autant de déchets ? Même moi je suis plus doué que ça en potions. » s'étonna Krum.

Altaïr se renfrogna quelque peu. Le garçon était dans une classe bien moins forte que lui et ses résultats scolaires étaient plutôt dans la moyenne. Altaïr quant à lui excellait dans tous les domaines. Savoir que même un élève basique le surpassait dans cette matière heurtait sa fierté.

« Je suis nul pour ça, je n'y peux rien. » marmona-t-il dans sa barbe.

Comprenant que le sujet était sensible, Lev ne poursuivit pas la discussion, préférant changer de sujet.

« Est-ce que tu penses avoir le temps de nous aider ? Viktor a un exposé en anglais et moi un contrôle de botanique demain. »

Altaïr observa ses bassines avant de soupirer fortement. Il avait promis à ses amis de les aider et il n'aimait pas rompre ses promesses. D'autant plus que ces derniers étaient plutôt sympa avec lui et Altaïr ne voulait pas leur faire ce coup bas.

« Sinon, on peut t'aider avec ça. Le prof ne verra rien, il ne fait que lire. Et après tu auras le temps de nous aider. » chuchota Krum.

Mais étant les seuls occupants de la pièce, Altaïr était pratiquement sûr que Georgiev l'avait lui aussi entendu. Le sourire en coin qui étira ses lèvres quelques secondes confirma ses doutes. Les deux bulgares étant dos à ce dernier, ils n'avaient pas pu le voir mais Altaïr était certain de ne pas avoir rêvé. Pourtant le silence du professeur persista et le garçon interpréta cela comme l'autorisation de recevoir un peu d'aide.

Pourtant Altaïr se refusait à ne pas finir cette tâche tout seul. Certainement de la fierté mal placée, mais il était hors de question de céder aussi rapidement à la facilité. Il se plongea quelques instants dans ses pensées avant de finalement trouver une solution à leur problème. Altaïr attrapa les bocaux déjà remplis et les déposa sur la table derrière lui et fit de même avec les trois grandes bassines. Il ne garda face à lui qu'un bocal de baies de gui à moitié plein, un bol rempli de baies à trier et un autre vide qui lui servirait de poubelle. Ainsi il n'occupait plus qu'une petite partie de sa table et les deux autres sorciers pourraient travailler à côté de lui.

« Vous avez vos cours avec vous ? » Ils hochèrent de la tête. « Je vais vous aider en même temps que je fais ça. Est-ce que ça vous va ?

- Pas de soucis. » lui sourit Lev.

« Yudina, fait une liste des points de ton cours que tu ne comprends pas. Je te les expliquerai ensuite un par un. Krum, est-ce que tu as déjà écrit quelque chose ?

- Oui, je me suis fait un texte de départ mais je n'arrive pas à trouver ce qui ne va pas. » soupira Krum. « En plus je suis nul en anglais, je suis sûr qu'il y a plein de fautes.

- C'est déjà ça, donne moi ton script. »

Altaïr s'essuya les mains sur un torchon et survola du regard ce que Viktor avait écrit. Il nota mentalement les fautes d'orthographes, les erreurs de conjugaison ou ses maladresses liées à son manque de vocabulaire à corriger. Puis, il chercha dans ses souvenirs quelques anecdotes sur le Quidditch qu'il avait dû lire afin d'enrichir l'exposé de son ami. Sans surprise, Viktor avait choisi son sport préféré comme thème pour son devoir.

Une fois sa lecture terminée, il attrapa la plume que Viktor avait en main et numérota les lignes de son texte de cinq en cinq. L'autre garçon le regardait d'un air curieux mais Altaïr n'y prêta pas attention. Lorsqu'il eut numéroté toutes les lignes de cinq en cinq, il rendit son parchemin à Krum et reprit son activité précédente.

« On va procéder en deux étapes. La première sera de corriger ce que tu as déjà écrit et ensuite je te donnerai des idées pour compléter ton texte et atteindre les cinquante centimètres de parchemin. »

Viktor hocha de la tête, ravi qu'Altaïr prenne le devant. Il n'était pas doué dans les domaines scolaires et se retrouvait rapidement perdu devant ses devoirs, ne sachant jamais par où commencer.

« Ligne 1, mot numéro 7. C'est how many, pas how much, tu parles de quelque chose que tu peux compter. Ensuite, même ligne, mot numéro 13. Utilise renouveler plutôt que refaire.

- Comment on dit ça ?

- Renew. R-E-N-E-W » épela Altaïr.

Les vingt minutes suivantes, il corrigea ainsi chaque maladresse de son ami en lui expliquant chaque erreur et n'hésitant pas à lui réexpliquer plusieurs fois une règle de grammaire ou de conjugaison si cela se montrait nécessaire.

« Prends un parchemin, je vais te donner quelques idées de livre à consulter à la bibliothèque. »

Altaïr se creusa l'esprit quelques instants avant de finalement commencer sa liste.

« Pour ta partie sur les risques du sport, tu peux donner quelques exemples d'accidents célèbres. Il y en a dans "Le Quidditch à travers les âges" de Kennilworthy Whisp dans le chapitre 7 de la page 257 à 266. Le reste du chapitre n'est pas très intéressant. Dans ta conclusion, tu peux aborder les controverses qui sont encore d'actualité autour du Quidditch…» Altaïr réfléchit quelques instants avant de reprendre. « Je ne sais pas s' il y a les anciens exemplaires du magazine «Quidditch et politique» à la bibliothèque. C'est une revue hebdomadaire anglaise où des journalistes et des politiciens abordent les enjeux politiques et économiques liés aux tournois et à l'organisation des différentes Coupe du monde, exemple. Sinon, je connais une autre revue appelée « Les néophytes » qui aborde chaque semaine un thème différent pour y initier leurs lecteurs. Ils ont fait un article sur le Quidditch quelques semaines avant notre rentrée à Durmstrang. Ça doit être dans les numéro 560 ou 570 je pense. Mais comme dit, ce sont des revues anglaises alors je ne sais pas si la bibliothécaire les a, sinon tu pourras juste les évoquer vaguement. »

Krum prenait frénétiquement des notes tout en écoutant attentivement son ami. Dix minutes plus tard, il quittait la pièce pour chercher les livres dont Altaïr lui avait parlé. Lui qui avait mit presque deux heures à écrire ses trente lignes se sentait plutôt honteux. Grâce à son ami, il avait le double de notes en moins d'une demi-heure.

Une fois Viktor partit, Altaïr décida de consacrer son temps à Lev cette fois-ci. Il fut surpris de découvrir que ce dernier le dévisageait avec un mélange de curiosité et d'admiration.

« Tu as appris tous ces livres par cœur ?

- Au début c'était juste un exercice, mais c'est devenu une habitude avec le temps. Bref, tu as besoin d'aide pour quelle partie ? » changea-t-il de sujet.

« Je dirai que j'ai surtout eu des problèmes pendant la dernière leçon. Je ne comprends pas du tout comment choisir entre la méthode de Saïdi ou celle de Küss pour déterminer l'âge d'une plante grâce à sa sève. »

Altaïr commença alors à lui expliquer les avantages et les désavantages de chaque méthode tout en illustrant ses propos en lui parlant de certaines plantes. En même temps, il rinça ses bols dans une bassine d'eau clair un peu plus loin et les remplit cette fois-ci d'escargot. Altaïr avait enfin fini d'éplucher ses baies et il fut quelque peu surpris de constater que s'occuper l'esprit avec d'autres sujets de conversation lui avait facilité la tâche contrairement à ce qu'il avait initialement pensé.

Ses gestes étaient devenus mécaniques et ses tremblements ne l'entravaient presque plus. Visiblement, focaliser toute son attention sur ses mains n'avait pas été la meilleure des méthodes.

Altaïr était satisfait de constater que cette séance de travail de groupe lui avait aussi été bénéfique. Dès son prochain cours, il tenterait de se libérer l'esprit en songeant à d'autres de ses cours. Peut-être que cela l'aidera à avoir de meilleurs résultats.

Bien qu'un peu plus d'une heure plus tard, Altaïr et Viktor avaient terminé leurs propres travaux, les garçons décidèrent de rester encore un peu dans la salle de potions. Ils avaient complètement oublié la présence du professeur Georgiev et s'étaient entièrement focalisés sur la botanique de de Lev.

Les deux bulgares buvaient chaque parole d'Altaïr et cette matière leur sembla soudainement bien plus intéressante qu'elle n'en avait l'air quelques heures plus tôt. Altaïr ne faisait pas souvent part de ses sentiments, si bien que ses deux amis arrivaient rarement à deviner s'il appréciait vraiment passer du temps avec eux ou bien s'ils ne faisaient que le coller. Ou encore si l'anglais appréciait les activités dans lesquelles ils l'entrainaient parfois. Mais à cet instant, il était évident qu'Altaïr était un passionné de botanique.

A dix-neuf heures, le clocher à l'entrée de Durmstrang sonna au loin l'ouverture du réfectoire pour le dîner. Les garçons se rendirent alors soudainement compte qu'ils avaient fini par passer toute l'après-midi à travailler. Ils lancèrent un regard gêné au professeur qui avait cessé de lire depuis un moment pour écouter lui aussi le cours improvisé d'Altaïr. Certainement qu'il n'avait pas voulu laisser son élève et ses deux amis sans surveillance dans sa classe.

Alors que les garçons allaient enfin quitter la pièce afin d'aller dîner, Georgiev interpella Altaïr. Il fit signe à ses amis qu'il les rejoindrait plus tard à table. Une fois seul dans la pièce, le professeur quitta enfin son siège, fit le tour de son bureau et s'adossa nonchalamment à ce dernier. Altaïr sursauta lorsque la porte claqua derrière lui.

« Mr Black, j'ai contacté votre tuteur à propos de la réunion parents-professeurs. »

Altaïr se tendit immédiatement. Georgiev était son professeur principal en plus d'être le responsable de filière des premières années. Ce dernier avait prévenu sa classe deux semaines plus tôt quant à cette fameuse réunion qui aurait lieu pour les élèves de son année le dernier week-end de mars. Chaque étudiant devait alors envoyer le formulaire de participation à leurs parents qui se chargeraient ensuite de le retourner à l'école.

Cependant, Altaïr avait repoussé encore et encore le moment où il enverrait sa lettre à Cygnus. Si bien que deux semaines plus tard, l'invitation de ce dernier était encore au fond de son cartable.

« Il m'a dit n'être au courant de rien.

- Je pensais que cela ne l'intéresserait pas. Il n'aime pas beaucoup sortir, et c'est un long voyage. » improvisait Altaïr.

« Apparemment, ça l'intéresse bien plus que vous ne le pensez. Votre tuteur m'a assuré vouloir rencontrer tous vos professeurs. »

Le regard de Georgiev s'était fait perçant et l'analysait de la tête au pied. Il avait visiblement deviné qu'Altaïr avait intentionnellement évité de mettre son tuteur au courant de la réunion. Cela arrivait tous les ans puisque la plupart des élèves des classes inférieures tentaient tant bien que mal de masquer leurs mauvais résultats autant que possible. De même pour les enfants se faisant passer pour des travailleurs acharnés fassent à leurs parents, mais une fois que ces derniers rencontraient leurs professeurs, ils réalisaient que leurs enfants étaient des plus turbulents.

Cependant Altaïr n'avait aucune raison de ne pas vouloir présenter ses professeurs à son tuteur. Il était un garçon brillant, le meilleur des premiers années, studieux et son comportement était exemplaire dans ses classes. Pas de bavardages intempestifs ou de relâchement malgré ses bonnes notes. Même face aux difficultés qu'il rencontrait dans sa classe, Altaïr ne se laissait jamais abattre et fournissait d'autant plus d'efforts. Si Georgiev devait lui trouver un seul défaut, ce serait peut-être de ne pas lever suffisamment la main en classe et d'attendre d'être interrogé pour participer.

Alors si Altaïr n'avait aucune raison de craindre le témoignage de ses professeurs, alors le problème venait forcément de son tuteur et cela était bien plus problématique. Peut-être était-ce seulement la honte d'être accompagné par un vieil homme alors que tous les autres enfants seraient avec leurs deux parents. Mais le professeur en doutait. Altaïr ne semblait pas accorder tant d'importance à l'image qu'il renvoyait devant les autres enfants.

Alors ses inquiétudes venaient de l'image que ses enseignants auraient de Cygnus Black. Georgiev ne connaissait pas cet homme et ne l'avait jamais vu auparavant. Ils vivaient dans des pays bien trop éloignés pour que même par hasard, ils tombent l'un sur l'autre. Mais d'après le directeur Karkaroff qui lui avait parlé à quelques reprises au sein des Mangemorts, Cygnus n'était pas quelqu'un d'agréable. Igor lui avait même soufflé un jour qu'il plaignait le garçon pour être tombé sous la tutelle d'un tel sorcier arrogant et imbu de lui-même. Apparemment la folie des Black ne l'avait pas épargné.

Georgiev avait toujours soupçonné que l'enfance du garçon n'avait pas dû être banale au vu de son comportement. Altaïr était bien trop calme, réservé et méfiant pour que cela soit dans sa nature. Il avait dû vivre une enfance compliquée et après un court entretien avec l'infirmière de l'école, il découvrit qu'elle était du même avis. Cependant, le garçon lui avait apparemment raconté que Cygnus l'avait adopté il y a moins de quatre ans. Ainsi, Georgiev ne pouvait aucunement avancé avec certitude que l'homme était la cause du comportement du garçon.

« Est-ce que vous parlez anglais ? »

La question sortit subitement Georgiev de ses pensées. Il avait suffisamment de temps libre pour penser à tout cela plus tard, pour l'instant il devait rester concentré sur sa conversation avec le garçon.

« Je n'ai pas pratiqué depuis un moment, mais je me débrouille.

- Et les autres professeurs ?

- Je pense que oui. Sauf peut-être Mrs Pavlović. » réfléchit Georgiev. « Pourquoi ? »

- Cygnus ne parle pas d'autres langues couramment alors la communication peut être difficile. Est-ce que je suis autorisé à rester pendant l'entretien pour traduire si nécessaire ?

- C'est rare qu'un aristocrate ne parle pas plusieurs langues. » songea le professeur.

« Juste quelques mots de français. »

Altaïr était très amusé de constater qu'un éminent potionniste tel que Georgiev trouve quelque chose de critiquable chez Cygnus. Altaïr était au moins supérieur à son tuteur dans l'apprentissage des langues et cela le faisait jubiler.

« La plupart des parents laissent leurs enfants les accompagner. Nous leur laissons ce choix, alors si votre tuteur est d'accord cela ne posera aucun souci. » le rassura finalement le potionniste.

Altaïr fut bientôt relâché par son professeur. Mais alors qu'il rejoignait le réfectoire, le garçon finit par brusquement changer de direction. Il ne voulait voir personne et ses deux amis risquaient de lui poser pas mal de questions. Alors le jeune Black rejoignit simplement son dortoir et s'enroula en boule au fond de ses couettes, tentant vainement d'oublier ses angoisses.

Altaïr était terrifié en imaginant à quel point Cygnus devait être furieux de ne pas lui avoir parlé de cette réunion. Il avait sincèrement pensé que cela ne l'intéressait pas et qu'en constatant l'absence de réponse, son professeur lui en demanderait la cause à lui et non directement au concerné.

Altaïr espérait simplement que la présence de nombreux adultes ce jour-là calmerait la colère de Cygnus et qu'aucune punition ne l'attendrait. Le sorcier savait très bien que son comportement n'était pas digne d'un bon tuteur. Or il tenait bien trop à sa liberté durement achetée à la fin de la guerre, pour se permettre de tout ruiner en frappant un enfant en plein jour. Même si cela se faisait dans un autre pays.

Altaïr espérait sincèrement que Cygnus ne pourrait pas le punir et qu'il oublierait tout cela d'ici son retour au manoir en juillet.

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Dimanche 31 mars 1989

Avec le recul, Altaïr se trouvait incroyablement naïf d'avoir pensé que Cygnus ne pourrait pas le punir dans l'enciente de l'école.

Les parents d'élèves étaient arrivés au fil de la journée aux horaires que l'école leur avait attribués. Comme ils arrivaient par Cheminette, il était nécessaire d'encadrer les heures d'arrivées afin de ne pas créer d'attroupement trop importants dans le grand vestibule de l'école.

Les parents de Viktor étaient arrivés tôt dans la matinée, mais les professeurs de leur fils avaient apparemment matière à se plaindre et leurs rendez-vous s'étaient quelque peu éternisés. Apparemment Viktor était plutôt bavard dans ses cours en plus de ne pas fournir assez de travail personnel afin de progresser correctement.

Altaïr et Lev n'attendaient pas leurs tuteurs avant quatorze heures, Cygnus avait préféré venir l'après-midi plutôt que de se lever tôt dans la matinée. Il avait donc travaillé à la bibliothèque quelques heures avant de rejoindre le réfectoire. Là, il y retrouva Lev et Viktor qui avaient déjà commencé leurs déjeuners.

Lev n'avait pas l'air très stressé. Ses professeurs l'appréciaient et ses notes étaient plutôt bonnes, bien que rien d'exceptionnel. Il était un élève plutôt standard, bon un peu partout, une seule matière où il ne s'en sortait pas et une autre où il excellait. D'autant plus qu'il était attentif en cours et faisait tous ses devoirs très consciencieusement. Les enseignants n'avaient aucune raison de se plaindre de lui et Lev le savait.

Viktor quant à lui semblait mitigé entre le désespoir et le soulagement. Sa mère avait visiblement bien pris les choses et avait convaincu son mari de ne pas lui confisquer son balai. Le jeune Krum y tenait plus que tout au monde et cela l'aurait complètement démoralisé de ne plus pouvoir voler avec pendant le reste de l'année scolaire. Après tout, il passait actuellement plus de temps en train de voler que dans la bibliothèque.

« Tout ça, c'est parce que nos profs leur envoient nos notes avant leur arrivée. Si mon père n'avait pas vu mon cinq en métamorphose, il n'aurait pas été autant en colère. » rouspéta-t-il en accompagnant ses camarades vers le hall d'accueil.

« Attends, tu veux dire que nos notes ont été envoyées ? » s'exclama Altaïr.

Il était rare de le voir perdre son sang-froid et cela surprit ses deux amis. Ils le regardèrent bizarrement quelques secondes, comme s'ils n'arrivaient pas à croire qu'Altaïr n'était pas au courant de cela. Mais face à son air perdu et légèrement paniqué, Lev décida de lui expliquer les détails de la réunion parents-professeurs qu'il ignorait visiblement.

« Dans l'invitation pour les réunions qu'on a donné à nos parents, il y avait une lettre d'information expliquant le déroulé de la journée, comment venir jusqu'ici, les dates et les horaires qui leurs étaient attribués. Nos parents ont aussi reçu une liste des professeurs qui souhaitent les rencontrer et lesquels pensaient que cela ne serait pas nécessaire. Par exemple, j'ai des facilité en anglais alors la prof n'avait pas vraiment besoin de parler à mes parents. Par contre celle de botanique les a presque supplié de la laisser remonter les bretelles devant eux. » s'amusa Lev.

« Et il y avait nos notes avec cette invitation ?

- Non non, ils ne les ont reçu qu'il y a trois jours. C'était pour qu'ils aient tous nos résultats allant de notre premier contrôle à notre tout dernier.

- Ils ont aussi reçu un bref récapitulatif par matière. Comme ça ils savent ce qu'on a fait en classe cette année. C'est pour mieux préparer les entretiens. » rajouta Krum.

Altaïr perdit toutes ses couleurs au fil des explications de ses amis. Il n'avait pas du tout prévu cela. Déjà que ses notes de potions à l'examen de décembre n'avaient pas plu à Cygnus, il allait être encore moins ravi cette fois-ci. A force de se concentrer uniquement sur cette matière, Altaïr avait finalement réussi à progresser ces trois derniers mois.

Cependant il n'avait plus eu beaucoup de temps libre à consacrer à ses autres matières et ces scores parfaits de début d'année n'étaient plus totalement les mêmes. Bien qu'il ne soit jamais loin des cent pour cent, Altaïr perdait parfois quelques points bêtement suite à des étourderies pendant les contrôles. Étourderies facilement évitable s'il avait eu un peu plus de temps pour réviser.

« Ils y ont vraiment envoyé toutes nos notes ? » déglutit difficilement Altaïr.

Il avait rarement l'air aussi inquiet et cela perturba quelque peu ses amis. Altaïr ne partageait pas souvent ses sentiments et jamais aussi clairement. Il lui arrivait d'afficher un sourire en coin ou de froncer des sourcils, mais il n'y avait jamais d'étalage distinct d'émotions.

« De quoi tu t'inquiètes, tu es le premier de votre classe ? » se moqua gentiment Viktor en essayant vainement de détendre l'atmosphère.

« Je ne suis plus le premier. Barjow est passée devant moi dans le classement en début de semaine.

- Quoi ? Mais non ! » s'exclama Krum. « Je suis passé devant le tableau d'affichage juste avant avec mes parents. Tu étais en haut de la liste des premiers années. »

Altaïr fronça des sourcils, incertain de comprendre la situation. Le tableau d'affichage était mis à jour chaque lundi matin par les professeurs. Or il l'avait vérifié pour la dernière fois lundi après-midi, son contenu n'avait donc pas pu être modifié entre-temps.

« Barjow ! » cria Lev en apercevant la fille un peu plus loin dans le hall.

Elle semblait elle aussi attendre ses parents qui ne devraient pas tarder à arriver. En les apercevant, Barjow se rapprocha d'eux et ils lui expliquèrent la situation.

« Ah oui, Mr Georgiev a fait modifier le classement mardi soir. Notre professeur de russe a mélangé les notes de notre classe. Je n'ai pas eu cent mais soixante-deux. Comme Mr Georgiev ne voulait pas laisser d'erreur apparente pendant la visite de nos parents, le directeur l'a autorisé à le modifier avant d'attendre le lundi. »

Lev et Altaïr ayant respectivement pris les cours d'anglais et d'estonien, ils n'étaient donc pas au courant de l'erreur effectuée par la professeur de russe.

« Si les lettres avec nos notes ont été envoyées il y a trois jours, ça veut dire qu'elles ont été envoyées mercredi et que l'erreur n'y apparaît pas ? » lui demanda-t-il avec espoir.

« Oui, mes parents ont reçu mon bon classement. »

Barjow ne semblait pas très touché d'avoir perdu la première place même si c'était lié à une erreur. Altaïr s'était quant à lui sentit dévasté en pensant être deuxième. Le garçon admirait le détachement que Barjow avait vis-à-vis de ses notes. Il aimerait pouvoir agir comme elle. il trouvait cela admirable.

Les quatre enfants continuèrent à discuter quelques minutes avant que les cheminées ne s'allument. De l'une d'entre elle sortit la mère de Lev, rapidement suivie de son mari. Lev se précipita vers sa famille en entraînant Viktor avec lui. Les Krum étaient de bons amis du couple Yudina et ils connaissaient donc Viktor depuis sa naissance. Les deux garçons avaient pratiquement été éduqués ensemble.

Lev fit signe à Altaïr et Barjow de les rejoindre et les deux étudiants obéirent timidement. Ce n'était pas rien que de rencontrer la Ministre de la défense bulgare et son mari qui était connu pour être l'un des duellistes les plus talentueux d'Europe. Cependant les deux adultes ne se montrèrent en rien arrogant et discutèrent chaleureusement avec les amis de leur fils.

Altaïr réalisait enfin à quel point il ne jouait pas dans la même cour que ses amis. Viktor et Lev étaient des enfants de Ministres, soient les personnes les plus importantes de leur pays. Barjow était quant à elle la fille d'une des chanteuses les plus célèbres du monde magique et d'un ancien champion de Quidditch. Elle passait sa scolarité à Durmstrang uniquement pour éviter les journalistes et les fans de ses parents.

Lui n'était rien comparé à eux. Dans son pays, il avait eu l'impression d'être l'un des enfants les plus importants de son pays et pourtant ici, il n'avait aucune influence. Certes, un jour il prendrait son siège au Magenmagot, mais jamais il n'aurait autant d'influence sur le monde que les parents de ses amis.

Altaïr fut cependant tiré de ses pensées lorsqu'il aperçut du coin de l'œil Cygnus sortir d'une cheminée. Il s'excusa poliment auprès de ses amis et des parents de Lev avant de rapidement rejoindre son tuteur.

Cygnus l'avait également repéré et avançait d'un pas raide dans sa direction. Sa main droite tenait sa canne qui claquait froidement contre le sol carrelé du hall, tandis que de sa main gauche, il froissait avec fureur quelques parchemins. Le sorcier s'arrêta à quelques mètres de lui, le laissant le rejoindre en le toisant froidement de son air supérieur si caractéristique.

« Tu peux m'expliquer ça ? » lui cracha-t-il en lui lançant les papiers à la figure.

Altaïr se baissa pour ramasser les parchemins tombés au sol en essayant de ne pas faire attention au sourire satisfait qui étirait les lèvres de Cygnus alors qu'il s'agenouillait presque à ses pieds. En ramassant les feuilles, le garçon comprit rapidement qu'il s'agissait de ses notes et qu'apparemment, même en étant le premier de sa promotion, son tuteur n'était pas satisfait.

« Je suis désolé. »

Altaïr regretta immédiatement ses paroles, Cygnus quant à lui semblait s'enrager. Les enfants et les adultes autour d'eux semblaient mal à l'aise mais aucun d'eux n'intervint dans la dispute. Ce genre de scène arrivait souvent et ce n'était certainement pas le premier adolescent à se faire enguirlander aujourd'hui.

« Tu me caches cette réunion avec tes professeurs, tes notes en potions sont misérables et en plus de ça, tu négliges tes autres matières ?

- Ce n'était pas mon intention. Je pensais simplement que vous préféreriez utiliser votre temps autrement. Et je fais de mon mieux en cours. » tenta vainement de s'expliquer Altaïr.

La gifle partit toute seule et fut si violente que la nuque d'Altaïr avait bruyamment craqué en se tournant si rapidement. Sa joue le brûlait, mais le garçon ne réagit pas. Il ne souhaitait pas faire de scandale, lui passerait le reste de sa scolarité ici contrairement à son tuteur.

« Ne sois pas insolent avec moi.

- Je m'excuse Monsieur. »

Cygnus hocha finalement de la tête, bien que son regard lui indiquait clairement qu'il n'en avait pas fini avec lui. Le sorcier commença à marcher en direction de la sortie du hall et Altaïr lui emboîta le pas. Il attrapa le planning que son tuteur lui tendait et comprenant ce qu'il attendait de lui, il le guida jusqu'au lieu de leur premier entretien.

Altaïr entendit quelques parents chuchoter à leur passage, essayant de vérifier si leurs enfants ne fréquentaient pas cet étudiant qui semblait être un véritable perturbateur. Il devait être un très mauvais élève pour énerver à ce point l'homme qui semblait être son grand-père.

« Est-ce que tu connais ce gamin ?

- J'espère que tu n'es pas son ami ?

- Ne prend pas exemple sur lui mon poussin. »

Cela le blaissa plus qu'il ne l'aurait imaginé. Altaïr n'était pas un mauvais élève, loin de là. C'était Cygnus qui était un mauvais tuteur, cependant personne ne semblait vouloir le voir. Tous fermait les yeux, il était bien plus simple de détourner le regard plutôt que d'affronter ce vieil homme et de lui expliquer que giffler son pupille n'était pas la bonne façon de l'éduquer. Mais Altaïr connaissait les adultes et leur logique, il ne s'attendait plus à grand-chose de leur part de toute façon.

Même le père de Lev avec qui il avait discuté un peu plus tôt fronçait des sourcils en le dévisageant désormais. Heureusement pour son égo, ses amis prirent sa défense.

« Est-ce qu'il a de si mauvaise note que ça ?

- Non, c'est le premier de la promo.

- Le premier ? » répéta-t-il d'un air ébahi, comme s'il n'en revenait pas.

Cela fit beaucoup de bien à Altaïr de croiser le regard de Lev et Viktor qui semblait réellement s'inquiéter pour lui. Même Tamara Barjow lui fit un petit signe encourageant de la main. Discrètement, Altaïr leur répondit par un sourire et un clin d'œil, il ne voulait pas les inquiéter. Il était habitué au caractère difficile de Cygnus et s'était attendu à des salutations du genre.

Altaïr prit finalement une profonde inspiration, se redressa légèrement et reprit ses airs distants habituels. Il ne voulait pas montrer à quel point Cygnus avait une forte emprise sur son mental. Altaïr ne voulait pas avoir l'air faible et encore moins soumis. Alors il ne laisserait rien paraître quant à l'angoisse qui lui enserrait le cœur en présence de son tuteur.

Finalement, les premiers entretiens se passèrent mieux que ce qu'Altaïr aurait pu espérer. Ses professeurs parlaient tous anglais et il n'intervenait que rarement pour traduire un mot qui ne leur revenait pas. Cygnus quant à lui avait pris son faux sourire de politicien et tentait de se montrer sous son meilleur jour.

Cygnus savait très bien que les professeurs ne l'appréciaient pas et qu'étant tous sous la coupe de Karkaroff, ils seraient ravis de lui causer du tort à la moindre occasion. Cependant, son dernier entretien en compagnie de Georgiev ne s'était visiblement pas passé comme prévu. Altaïr n'avait pas pu suivre son tuteur à l'intérieur du bureau, Cygnus lui demandant d'attendre devant la porte.

Il avait beau avoir collé son oreille contre la porte, Altaïr n'entendit pas un son provenant du bureau de son professeur. Le garçon ne mit pas longtemps à comprendre que l'un des deux hommes avait lancé un Silencio afin de protéger leur discussion. Certainement Cygnus puisqu'il était le seul des deux à savoir pour sa lycanthropie.

En sortant du bureau, Cygnus semblait hors de lui mais aussi très calme et cela terrifia Altaïr. Un Cygnus haineux et colérique était habituel, mais un Cygnus parfaitement maître de lui n'annonçait rien de bon.

« Mon horaire de départ n'est que dans une quarantaine de minutes, que dirais-tu de me montrer ton dortoir ? » proposa Cygnus sur un ton qu'il voulait certainement gentil.

Pourtant Altaïr était terrifié. Cygnus n'était pas du genre à lui accorder de son temps libre. S'il le voulait, il pourrait très bien écourter sa visite et partir plus tôt. Le personnel en charge des arrivées et des départs le laisseraient certainement utiliser une Cheminée en dehors de son horaire attribué. Pour Altaïr, cela ne pouvait vouloir dire qu'une seule chose, son tuteur avait quelque chose en tête et cela ne sentait pas bon pour lui.

Il réussit à faire perdre un peu de temps à son tuteur sans que ce dernier ne le remarque en leur faisant emprunter quelques détours. Altaïr espérait seulement qu'une fois arrivé dans son dortoir, Cygnus décrète qu'il n'avait plus assez de temps et décide de partir sans rien faire. Le garçon ne fut jamais aussi heureux que d'avoir choisi un lit au dernier étage du bâtiment des premiers années. Cygnus n'était plus tout jeune et grimpait les marches incroyablement lentement.

Cependant, même avec tous ces détours et escaliers, Altaïr réalisa avec terreur qu'il restait encore vingt-cinq minutes à Cygnus, quinze si on comptait le temps qui les séparait du hall d'entrée. Une fois devant son lit, Altaïr se tourna vers son tuteur et attendit avec anxiété le premier sort. Il avait très bien comprit que Cygnus n'était pas heureux du tout de sa discussion avec Georgiev, discussion à propos de son pupille et donc ce dernier était inéluctablement devenu l'objet de sa fureur.

« Doloris. »

Le sortilège dura plus longtemps qu'à l'accoutumée. Cygnus ne dépassait jamais les dix secondes et pourtant, cette fois-ci Altaïr réussit à compter jusqu'à vingt-trois. C'était la seule façon qu'il avait trouvé de ne pas perdre pied lorsque Cygnus lui lançait ce maléfice, compter les secondes jusqu'à la levée du sort.

« Oh putain ça fait du bien. » jubila cruellement Cygnus. « Tu n'es qu'un petit con, Altaïr. J'espère que tu es heureux, cet enfoiré sait pour toi et ta foutue maladie. T'as de la chance qu'il ne t'ait pas dénoncé à Karkaroff sinon tu aurais pu dire adieu à ta petite tête d'incapable. »

Cygnus hurlait et tempêtait en tous sens. Altaïr quant à lui tentait tant bien que mal de rester conscient et de comprendre ce que son tuteur lui reprochait. Ses oreilles bourdonnaient désagréablement et son esprit refusait de se concentrer sur la discussion, préférant lui rappeler la douleur qui le parcourait.

Petit à petit, Altaïr arrivait à comprendre des bribes de phrases entre deux sortilèges et à recoller les morceaux. Il était terrifié à l'idée d'avoir été découvert en tant que loup-garou. Il avait pourtant été discret et n'avait jamais senti personne autour de lui pendant ses transformations. Mais d'un autre côté, Georgiev était un sorcier expérimenté et pouvait très certainement camoufler ses odeurs, ses bruits et sa présence grâce à la magie.

Peut-être qu'ils s'étaient croisés une nuit où le potionniste cherchait des ingrédients dans la forêt, mais Altaïr ne croyait que peu à cette hypothèse. Il gardait la plupart de ses souvenirs de transformation et ne se souvenait pas avoir rencontré quiconque dans la forêt si ce n'était quelques animaux.

Il y avait certainement d'autres moyens de le démasquer. Georgiev avait pu découvrir qu'il faisait le mur à chaque pleine lune, cependant Altaïr le faisait si souvent qu'il ne pensait pas que le lien soit si évident que ça. Ou bien avait-il remarqué son teint pâle à l'approche de la pleine lune, même s'il tentait tant bien que mal de le cacher.

Altaïr ignorait totalement ce qui l'avait trahi, cependant il en n'avait cure pour l'instant. Tout ce à quoi il pouvait penser était à la douleur qui le traversait de part en part.

« Et comme si ça ne suffisait pas, tes notes sont en baisse. Je t'ai vu parler avec d'autres élèves en arrivant. Tu préfères faire copain-copain plutôt que de réviser. »

Altaïr grinça des dents. Ses notes n'avaient baissé que de quelques demi-points par-ci, par-là. Il n'y avait clairement pas de quoi dramatiser.

« Si tu n'as pas les scores maximaux dans chacune de tes matières aux examens finaux, tu pourras dire adieu à la lumière du jour cet été. »

Altaïr voulut se redresser pour s'excuser de son comportement, le supplier de ne pas le punir. Mais il n'en eut pas le temps, de nouveaux sortilèges l'atteignirent de plein fouet. Il haïssait les cachots du manoir de Cygnus, il y avait vécu tant de mauvais souvenirs. Il ne voulait plus y retourner, plus jamais.

Lorsqu'enfin Cygnus s'arrêta pour le quitter, Altaïr aperçut seulement un elfe de maison s'approcher de lui avant de s'évanouir. Son nez était obstrué par l'odeur du sang et il ne put même pas reconnaître quel elfe exactement allait prendre soin de lui.

« Derry, rend le présentable, mais ne le soigne pas. Pas de potions non plus pour lui. Il se débrouillera. » ordonna Cygnus avant de quitter le dortoir.

L'elfe connaissait cet ordre aussi bien qu'il le détestait. Il savait très bien ce que son maître voulait, Altaïr devait être lavé et recevoir les premiers soins, mais rien de plus. Le garçon devait simplement ne pas être en danger de mort. Ensuite, Derry devrait lui lancer des glamours afin de masquer les dégâts.

Cependant, comme son maître n'était pas présent pour surveiller ses soins, Derry se permit de glisser quelques baumes anti douleurs dans la table de nuit de l'enfant ainsi que plusieurs bandages. Cygnus lui avait interdit de lui donner des potions, pas des baumes. Cependant Derry ne pourrait pas l'aider pour surmonter les effets secondaires des Doloris. Puis, il le glissa sous ses couvertures et jeta un sortilège de chaleur sur ces dernières afin que le garçon ne se refroidisse pas. Il ne manquerait plus qu'il tombe malade.

Cygnus quant à lui se pressa de rejoindre le hall dans lequel il était arrivé deux heures trente plus tôt. Sur le chemin, il croisa quelques connaissances lointaines mais ne prit la peine de ne saluer aucune d'entre elles. Il voulait simplement quitter cet endroit au plus vite. Cygnus ne voulait pas que quiconque puisse lui demander où son pupille qui était censé lui servir de guide se trouvait.

Heureusement pour lui et malheureusement pour le garçon, personne ne le retint ou découvrit dans quel était ce dernier se trouvait.

Cygnus quitta Durmstrang, un sourire fier aux lèvres et totalement impuni. C'était dans ce genre de situation qu'il se sentait plus libre que l'air. Il avait berné une dizaine d'enseignants et aucun d'entre eux ne le soupçonnait de frapper son pupille, c'était bien le signe que le garçon le méritait.

Cygnus jubilait de sa liberté