Chers tous,

Voici la suite de "Os-cultation" et des mésaventures médicales de Dean.

J'ai longtemps hésité à choisir le moment de la coupure de cette partie, j'espère que vous ne la trouverez pas trop maladroite.

Une nouvelle fois, je vous suggère quelques rapides notes explicatives concernant les quelques pages qui suivent mais rien de vital pour comprendre le récit :)

Je vous souhaite une agréable lecture et vous salue,

ChatonLakmé


En préambule, quelques informations.

Folsom Field est le nom d'un stade de football américain situé sur le campus de l'université de Colorado-Boulder. Il a été construit en 1924 et c'est dans son enceinte qu'évolue l'équipe de football des Buffaloes depuis la même date. Comptant près de cinquante quatre milles places, Folsom Field accueille aussi de nombreux concerts.

Costco (de son nom complet Costco Wholesale Corporation) est une société de commerce œuvrant dans la grande distribution sous la forme de gigantesques entrepôts dont l'accès est garanti par le paiement de frais d'adhésion annuels. On peut y trouver de tout en de très gros conditionnements.

La thalassophobie désigne plus largement la phobie des profondeurs, quelles soient marines ou non.

Stephen Hawking (1942-2018) est un physicien britannique, théoricien et cosmologiste (une grande partie de son travail est fondée sur l'étude des trous noirs). Atteint d'une forme rare et précoce de sclérose latérale amyotrophique qui l'a laissé entièrement paralysé mais d'un esprit toujours parfaitement vif, il a notamment été un brillant professeur de mathématique de l'université de Cambridge. Ses apparitions publiques et ses publications de vulgarisation des sciences en ont fait une célébrité, y compris dans le milieu de la pop culture (il apparaît ainsi dans plusieurs épisodes des Simpsons).


Os-cultation

o0O0o o0O0o

Deuxième partie

o0O0o

Quand Sam gare doucement l'Impala devant l'école d'ostéopathie de Boulder, Dean est recroquevillé sur le siège passager, les dents si serrées que sa mâchoire semble bloquée. Alors que son frère les arrête enfin contre le trottoir, la voiture a un imperceptible balancement, presque sensuel, et le jeune homme enfonce ses ongles dans ses cuisses pour tenter d'en absorber l'effet dévastateur dans son corps endolori. Le résultat est bien pire et il halète discrètement de douleur.

Dean entend vaguement son frère sortir de l'Impala, exactement comme il le devine contourner le capot plus qu'il ne le voit réellement faire et il accepte sans un mot sa main tendue dont les longs doigts s'enroulent autour de son coude pour le hisser prudemment. L'effort lui paraît si démesuré qu'il sent une fine sueur glacée venir nacrer ses tempes et, levant difficilement la tête pour observer le bâtiment, il déglutit en voyant ses modestes quatre étages.

Il y a forcément un ascenseur.

Il doit y avoir un ascenseur.

— « La clinique est au rez-de-chaussée », lui indique Sam après avoir verrouillé la voiture avec soin, son bras venant enlacer le sien pour le soutenir gentiment. « Juste sur la droite quand on entre dans le hall. »

Dean opine sèchement et se dégage mollement de la prise de son frère dans un mouvement d'orgueil. L'amour-propre est quelque chose de très douloureux à cet instant mais il est endurant.

— « Je peux marcher Sammy », lui dit-il sans aménité. « Bordel, je ne veux pas entrer là-dedans alors que tu me soutiens comme un grabataire. Je peux marcher. »

Sam opine lentement et retire sa main sans protester mais le jeune homme la sent encore non loin de lui, discrète et légère, prête à l'aider avant même qu'il ne le demande. Ou pour le faire gentiment avancer s'il en était incapable.

Guidé par son frère, Dean passe les portes et le hall d'accueil en les remarquant à peine.

La douleur qui vrille son corps et son esprit lui donne l'impression de plonger dans une mer de souffrance dans laquelle il peine sincèrement à garder la tête hors de l'eau. Dans laquelle il commence sincèrement à se noyer et se retrouve incapable de nager avec son bras gauche inutile.

Le brouhaha étudiant du vestibule disparaît lentement tandis que les deux frères passent le seuil de la clinique, sa double porte grande ouverte sur leur droite.

Tout ce que le châtain remarque à leur arrivée sont les jolies chaises de couleur placées contre les murs en salle d'attente. Dans sa vision un peu trouble, elles sont des tâches éclatantes, si vives dans la masse de contours uniquement brouillés qui l'entoure que Dean se demande avec inquiétude s'il commence à avoir des hallucinations.

Mais plus il avance dans la pièce avec Sam, plus leurs formes se précisent et deviennent tangibles.

Le jeune homme inspire légèrement d'un air un peu souffreteux en songeant à combien il a envie de s'y laisser tomber.

Dean exhale finalement un petit souffle tremblant de bonheur quand il sent Sam l'y accompagner gentiment. Son frère l'aide d'une main à s'asseoir tandis que, désemparé et une main crispée sur un dossier en plastique, le châtain ne sait pas comment procéder pour ne pas trop souffrir dans la manœuvre.

— « Reste ici, je m'occupe de tout », lui indique le blond tout en fouillant familièrement dans la poche intérieure de sa veste pour en sortir son portefeuille. « Je te prends ça, j'ai besoin de tes papiers d'identité et de ta carte d'étudiant. »

Le jeune homme se contente de dodeliner de la tête tout en se recroquevillant imperceptiblement sur la petite assise dure. Vraiment très dure.

Il a beau se tortiller difficilement, Dean ne trouve aucune position plus confortable qu'une autre alors il abandonne et se contente se croiser lentement les jambes devant lui, appuyant sa cheville sur son genou avec autant de dignité que sa situation actuelle lui permet. Il préfère ignorer qu'un observateur indiscret se demanderait s'il n'est pas un peu stupide pour agir de la sorte.

Le châtain tente de s'appuyer doucement contre le dossier mais l'aiguille chauffée à blanc qui vient piquer ses reins le fait grogner avant même qu'il ne l'effleure alors il reste droit et raide.

Devant lui, Dean distingue vaguement le grand corps un peu dégingandé de Sam qui s'entretient avec les étudiants assurant l'accueil à la clinique, présence démesurément rassurante à cet instant.

Il rougit légèrement en voyant son frère se tourner vers lui pour le désigner discrètement.

Le jeune homme sent les regards de ces inconnus venir effleurer son front peut-être avec curiosité et il enfonce légèrement sa tête entre ses épaules. Dean trouve cette situation presque aussi malaisante que la fois où un couple de quatrième année, après une très longue observation depuis les gradins du Folsom Field qui avait fait chauffé ses joues, lui avait proposé de venir partager une nuit en leur compagnie. Ils avaient soufflé à son oreille écarlate combien ils le trouvaient mignon et sexy tandis que leurs mains étaient douces sur ses flancs et son ventre en une caresse invitante. Le châtain s'était retrouvé incapable de répondre, torturé par sa gêne et son impuissance de jeune niaiseux qui venait tout juste de perdre sa virginité avec un béguin de vacances d'été.

C'est peu ou prou la même sensation et il déteste ça.

Autour de lui, Dean entend des portes s'ouvrir et se fermer doucement sur des patients tandis que des étudiants traversent la salle d'attente, entrant ou sortant de consultation. Le jeune homme remarque qu'ils portent la même blouse bleue et des chaussures en caoutchouc un peu ridicule mais que ces dernières ne couinent pas.

C'est un peu moins amusant que cela devrait l'être.

— « Je suis content de te voir Sam », entend-il soudain devant lui. « Non pas que je sois heureux que tu souffres ou que ton frère se sente mal, ce n'est pas ce que je voulais bien, c'est – Je suis content de te voir, tu as l'air en forme. »

Dean esquisse un léger rictus moqueur entre ses dents serrées.

C'est le salut le plus embrouillé et maladroit qu'il a entendu. L'entrée en matière est terrible mais la voix, elle, est agréable, d'un grain grave et légèrement rauque qui la rend pourtant douce comme du velours aux oreilles du châtain. Elle serait presque semblable à un baume apaisant si la douleur ne pulsait pas aussi fort dans ses tempes.

Le jeune homme se contente de fermer fortement les yeux pour tenter de se concentrer à nouveau sur l'essentiel soit avoir l'air aussi naturel que possible quand tout son corps n'est que souffrance.

— « Bonjour Castiel », répond Sam dans un sourire. « Je te remercie vraiment de pouvoir nous accueillir en urgence. Dean ne l'avouera jamais mais il a vraiment mal. Je ne suis même pas certain qu'il parvienne à articuler un mot tant il a gardé les dents serrées sur la route. »

— « La ferme Sam ! », aboie brusquement le jeune homme d'un ton mauvais.

Le châtain se sent rougir à son orgueil ainsi malmené devant l'étudiant dont son frère lui a déjà tant vanté les mérites.

Le jeune homme un peu plus âgé que lui qui a une voix si attirante et des mains magiques.

Dean a toujours été sensible aux modulations d'une belle voix.

C'est en se concentrant sur celle de Mr. Johnson, son professeur de mathématique remplaçant à Grantsville High School, qu'il a découvert que les hommes ne le laissaient pas indifférent. Il lui était si facile de se toucher dans son lit d'adolescent en songeant à cet homme, trentenaire plutôt séduisant, en train de lui murmurer des choses à l'oreille. Il l'imaginait aussi caresser gentiment l'intérieur de sa cuisse de son pouce pour l'inviter à continuer à se faire du bien, sa barbe frottant contre ses joues encore imberbes.

Le châtain aime aussi les belles mains.

Ce n'est toutefois qu'en pleurant un peu dans son lit au départ de Mr. Johnson pour un autre établissement avec sa fiancée que Dean a réellement compris.

Il aimait les garçons et faisait le deuil de son premier amour.

Le ricanement de Sam lui fait froncer les sourcils. Il a vraiment envie de supplanter la douleur horrible de son dos pour lui adresser un beau doigt d'honneur et avoir le plaisir de l'entendre s'étrangler.

— « Il est vrai que tu te portes tellement bien », rit son frère tout en se rapprochant de lui. « Donne-moi la main, je vais t'aider à te lever et à marcher. Où est-ce que je te le mets Castiel ? »

— « Bordel Sam, tu ne me mets nulle part… », jure Dean tout en roulant des yeux à ses paroles.

Le jeune homme rejette son aide d'un geste un peu trop brusque qui lui fait monter les larmes aux yeux bien malgré lui et, prenant appui sur l'assise de la chaise, il se hisse maladroitement sur ses pieds, un peu chancelant.

Le châtain inspire doucement tout en s'appuyant sur le mur afin de se rasséréner et de cesser de voir le monde toujours autour de lui.

Il sent Sam tout proche de lui et Dean tente de se rebiffer mais son frère enroule à nouveau ses doigts autour de son coude pour l'entraîner lentement mais fermement vers une salle de consultation sur leur droite. Pas d'échappatoire possible et la voix de Castiel résonne encore dans sa tête alors peut-être que le châtain cède. Un tout petit peu. Juste piqué par la curiosité.

Le blond le fait asseoir d'autorité devant un petit bureau et Dean distingue vaguement son frère y caler ses reins avant de croiser ses bras sur sa poitrine tout en le regardant.

— « Je te laisse avec Castiel et pour l'amour de Dieu, mets-y du tien », lui dit Sam tout en pointant un doigt menaçant devant lui. « Tu as l'air franchement pitoyable et tu as besoin d'aide. Je vais faire un tour dans le quartier et reviendrai dans une heure pour te prendre et te ramener au campus. »

— « Pour me prendre… », chantonne distraitement Dean tout en dodelinant de la tête. « Tu rends les choses vraiment trop faciles Sammy… »

Le blond roule des yeux d'un air exaspéré et avance une main pour pincer son nez entre deux doigts, le faisant couiner.

— « Ne fais pas le con, s'il te plaît », lui intime une dernière fois Sam tout en cherchant son regard. « Fais au moins un essai et fais-le bien ou je te promets que j'appelle maman dès que nous sortons d'ici. »

Dean déglutit légèrement.

La voix déterminée de son frère le refroidit et le frisson qui remonte le long de son dos n'a rien à voir avec la douleur de son dos.

Voir Mary Winchester gagner le campus de Colorado-Boulder dans le vieux break familial pour lui tirer les oreilles serait autrement plus mortifiant que de se ridiculiser devant l'étudiant.

Le châtain lève mollement la tête vers Sam pour le regarder et plonger ses yeux dans les siens par bravade mais c'est inutile. Dean sait que son frère le fera et il cède une nouvelle fois. Les prunelles bleues de sa mère brûlent parfois d'une manière effrayante quand son instinct de maman louve se réveille.

— « D'accord », acquiesce Dean, les dents serrées. « Une heure et tu me ramènes au campus. Après m'avoir offert à déjeuner. »

— « Je doute que tu aies la force de manger quoi que ce soit après ta séance avec Castiel mais je te le promets », ricane Sam tout en se redressant. « À plus tard Dean. »

Le blond serre précautionneusement son épaule en un petit geste de réconfort avant de quitter la pièce. Sur le seuil, Dean l'entend échanger quelques mots avec l'étudiant, resté poliment dans l'embrasure de la porte afin de leur laisser un peu d'intimité.

Le jeune homme se concentre sur leur discussion, sur la voix de Castiel afin de détourner un peu ses pensées de la douleur qu'il a l'impression de sentir pulser jusqu'à la racine de ses cheveux.

Le châtain sent son esprit s'éclaircir lentement et il rouvre péniblement les yeux pour observer la salle de consultation.

Le mobilier est sobre mais de bon goût. Une table de consultation dont le matelas semble incroyablement moelleux, un bureau avec un laptop ouvert, un paravent dressé dans un angle de la pièce et des chaises. Dean doit reconnaître que la sienne est bien plus confortable que celle sur laquelle il se tortillait dans la salle d'attente. Les murs sont peints d'un ocre très léger, doux et agréable, qui met en valeur des photographies encadrées de paysages, probablement achetées en plusieurs exemplaires au rayon décoration d'un Costco.

Cela lui fait mal de l'admettre mais il se sent plutôt à l'aise dans cette atmosphère calme et sereine.

Dean entend la porte s'ouvrir lentement dans son dos et le jeune homme se redresse brusquement sur sa chaise pour se donner une contenance. Le mouvement provoque un tel élan de douleur dans son corps qu'il ne peut s'empêcher de se recroqueviller sur lui-même tandis que ses doigts se crispent d'une manière spasmodique sur les accoudoirs de sa chaise pour s'appuyer sur quelque chose.

Sur n'importe quoi.

Le froissement de la blouse de l'étudiant lui indique que ce dernier se rapproche de lui et Dean tente une nouvelle fois de se redresser, sans succès. Il étouffe un gémissement un peu pitoyable et frustré entre ses dents serrées.

Il a tellement honte de son allure.

— « Ne te sens pas obligé de faire bonne figure devant moi », lui dit doucement Castiel. « Tu peux prendre la posture qui est la plus supportable pour toi, je ne te jugerai pas même si cela signifie que tu dois te coucher par terre et me parler depuis le sol. »

Le châtain exhale un rire désagréablement étranglé. Le jeune homme ne sait pas encore qu'il rencontre un maître en dissimulation de ce qu'il ressent, Dean ne quittera pas cette chaise sur laquelle il parvient encore à tenir assis. Jamais.

— « Je peux t'aider à t'allonger si tu en as besoin », reprend gentiment Castiel sans la moindre moquerie. « Tu veux me donner la main pour te relever ? »

— « Bordel non », grogne légèrement le châtain tout en secouant la tête. « Je peux… rester là. Assis. »

Castiel se contente de passer à côté de lui sans une remarque, sans un rire malgré son apparence probablement parfaitement pitoyable. Le froissement de sa blouse l'accompagne comme une invitation douce et le jeune homme tente de ne pas y prêter une trop grande attention.

Dean pose distraitement son regard sur ses reins tandis que l'étudiant contourne le bureau pour s'asseoir au petit bureau. Malgré le brouillard qui noie ses yeux et le sang battant à ses tempes, il songe distraitement que Castiel, dont la voix est si attirante, semble aussi avoir un beau corps. Le jeune homme baisse toutefois la tête d'un air un peu buté quand il est sur le point de croiser le regard de son interlocuteur. Une manière comme une autre de lui faire comprendre qu'il n'a aucune envie d'être là et qu'il maudit Sam. C'est puéril mais Dean s'en moque, ça contente de sale gamin qui ricane à l'intérieur de lui.

— « Tu ne veux probablement pas l'entendre mais Sam a bien fait de prendre rendez-vous pour toi », continuent le jeune homme tout en ouvrant le capot du laptop. « Tu as de la chance que j'étais en train de jouer à Candy Crush sur mon portable quand il m'a envoyé son message. J'ai pu lui répondre immédiatement. »

— « Ouais, quelle chance », grince Dean d'un ton moqueur.

Le châtain ne veut pas réellement être aussi peu avenant mais malgré les paroles douces de l'étudiant, il reste sur la défensive. Hors de question de s'effondrer devant lui ou toute autre personne et le jeune homme enfonce plus fort encore ses ongles dans les accoudoirs de sa chaise.

La première impression qu'il a ressenti tandis qu'il l'attendait dans la petite salle de consultation aux couleurs douces et aux photographies de paysage s'évanouit.

Dean ne se sent ni apaisé ni en confiance.

Castiel n'ajoute pas un mot et seul son pianotement lent et appliqué sur le clavier de l'ordinateur ponctue le silence qui règne entre eux. Le bruit est semblable à celui que fait John Winchester quand il est obligé de faire face au vieux modèle HP familial, ronchonnant contre les nouvelles technologies.

Chez l'étudiant, c'est plutôt mignon et Dean se sent un peu moins d'humeur à agir comme un rustre.

— « … Tu étais à quel niveau ? Dans Candy Crush », lui demande soudain Dean tout en se raclant la gorge.

— « Au niveau trente-deux », lui répondit Castiel sans interrompre son activité. « Je te remercie de t'en soucier. »

Le châtain se contente de hocher lentement la tête tout en fermant légèrement les yeux.

Bon sang, il a tellement mal.

Il n'a aucune idée de ce que signifie ce niveau sur le jeu de Castiel car les seules applications auxquelles il s'intéresse sont celles de courses de voiture ou de tir sur des zombis. Dean n'a jamais fait s'empiler de petits cubes de gelée de couleur pour les faire disparaître. Il trouve cela un peu stupide, les couleurs trop saturées et la musique exaspérante mais il garde le silence.

— « Est-ce que tu y joues aussi ? », reprend doucement Castiel. « Le niveau vingt-neuf était difficile, les fruits tombent plus vite et il y a des pièges. »

— « Ouais, sans doute », ricane le châtain tout en relâchant lentement l'emprise de ses doigts sur le rembourrage un peu mou de sa chaise pour se redresser lentement. « … Je n'ai pas encore eu l'occasion d'essayer. »

— « Veux-tu que je te note le nom sur un papier ? », lui propose obligeamment son vis-à-vis. « Il est payant mais je peux te parrainer et tu auras une réduction. Je trouve que c'est un jeu qui fait utilement passer le temps entre deux cours. »

Cette fois, c'est trop.

Dean s'étrangle à moitié et il relève brusquement la tête pour dire ces quatre vérités à Castiel.

Qu'il se moque de ce jeu stupide comme du premier boxer qui a remplacé dans sa garde-robe d'adolescent ses slips de petits garçons. Il veut juste en finir malgré la manière dont la voix de l'étudiant sonne joliment à son oreille et oublier tout ça.

Le jeune homme a envie de lâcher une bordée de jurons, de se redresser vigoureusement pour tourner les talons (s'il en était capable) mais Dean se fige. Et cela n'a rien à voir avec la douleur lancinante dans son dos.

Comme au ralenti, il voit Castiel relever lentement la tête vers lui pour le regarder tout en lui souriant aussi avec douceur. Et ce sourire résonne comme sa voix. Dean sent ses paroles acides mourir instantanément sur ses lèvres trop pincées tandis que ses joues chauffent doucement.

En découvrant qu'il préférait les charmes des hommes aux attraits des femmes, le châtain est devenu physionomiste. Il sait apprécier un beau visage et reconnaître un beau corps, même dans une foule. Il est même doué pour ça alors Dean se demande avec effarement comment il a pu le manquer dans les rues qui cernent le campus de Colorado-Boulder.

Castiel a une voix agréable mais il est également plus que charmant.

Vraiment, vraiment beau.

Le jeune homme papillonne un instant des yeux comme pour éclaircir sa vision et sa vive première impression. Peut-être n'est-elle que le fruit de son esprit embrumé par la souffrance, que Castiel n'est pas réellement aussi séduisant. Sa tentative est un échec et Dean a envie de baisser les yeux quand les prunelles céruléennes de son vis-à-vis plongent dans les siennes avec une intensité qui frôle l'impolitesse. Ou l'échange de regards le plus étrange et agréablement chaud qu'il a eut depuis longtemps.

Ils sont si bleus. Bleus comme Dean n'en a jamais vu, bleu comme il s'imagine les eaux de l'océan Pacifique à défaut d'y être déjà allé, rehaussant une peau pâle et des cheveux noirs pour former le plus délicieux des contrastes.

Le jeune homme baisse lentement la tête pour regarder les mains de Castiel qui ont arrêté de pianoter sur le clavier du laptop.

Elles sont belles aussi, fines et soignées et le châtain mordille ses joues. Sans doute que la peau est douce et il sent un léger frisson remonter le long de son dos en imaginant brièvement sa paume se poser sur l'intérieur de sa cuisse nue. Comme Mr. Johnson quand Dean se tripotait dans son lit d'adolescent.

Castiel est si beau que soudain, Dean se sent tout petit devant lui et aussi intimidé que lorsqu'un beau blond de deuxième année l'avait dragué lors de sa première soirée à Colorado-Boulder. Cela ne lui était jamais arrivé auparavant.

Plongé dans ses pensées, le jeune homme observe distraitement le mouvement des mains de Castiel, la manière dont il enlace ses doigts devant lui, avant de se sentir rougir quand le brun lui adresse un petit sourire désolé.

— « Tu détestes ce jeu, n'est-ce pas ? », lui demande doucement le jeune homme.

— « Qu – Quoi ? », croasse légèrement Dean.

Il a complètement oublié le sujet de leur conversation avant que cette histoire de difficile niveau vingt-neuf ne lui revienne. Ah oui, ce stupide Candy Crush que Castiel aime tant.

— « Candy Crush. Tu ne l'aimes pas », répète obligeamment le jeune homme avant de secouer la tête. « Oublie ce que je t'ai dit, c'était stupide. Reprenons depuis le début et la raison de ta visite à la clinique. Je m'appelle Castiel, je suis en dernière année d'ostéopathie et je vais m'occuper de toi si tu le veux bien. »

Le châtain se mordille les joues, en proie à une étrange nervosité. Il craint d'avoir déplu au jeune homme, d'avoir été trop moqueur mais ensuite Castiel dit qu'il va s'occuper de lui, un sourire aux lèvres, et Dean resserre légèrement ses cuisses l'une contre l'autre. Oh oui.

Il pourrait faire une allusion un peu déplacée à cet instant mais il se contente de fixer un peu stupidement les lèvres du brun.

Fines et délicatement rosées, une légère fossette se creusant dans sa joue tandis qu'il sourit encore. L'ombre est délicate, à peine marquée, et elle semble douce comme du velours, faisant picoter le bout de ses doigts à l'idée de l'effleurer délicatement. Fascinant et charmant.

Dean voit toutefois le joli petit creux disparaître lentement tandis que le sourire de Castiel s'affaisse légèrement et que le brun fronce les sourcils. Une très légère ride d'expression se creuse entre ses sourcils sombres et le châtain déglutit doucement. La caresser de ses lèvres pour l'effacer serait une très bonne chose aussi.

— « Je peux comprendre que tu aies des a priori, Sam m'a dit que c'est ta première fois après tout », reprend le brun tout en grattant distraitement le tapis de souri de son ongle. « Mais on dit en général que je suis plutôt doué dans ce que je fais… »

Dean marmonne un juron entre ses dents serrées.

Il va faire de la vie de son frère un enfer pour l'avoir associé dans la même phrase avec les mots première fois devant ce si beau garçon. C'est humiliant même si le brun pense sans doute à tout autre chose à cet instant qu'au fait que Dean pourrait être un bon amant avant de l'expérience plutôt qu'un puceau maladroit.

Le châtain soupire doucement et s'installe aussi confortablement que possible sur la chaise, les mains serrées sur ses genoux.

— « Je ne voulais pas… Je ne doute pas de tes compétences », dit-il maladroitement. « Je sais que tu l'es. Sam dit que tu vas être le major de ta promotion. »

— « Ton frère est gentil », lui répond Castiel avec une humilité que Dean sait ne pas être feinte. « Il est souvent difficile de faire confiance mais si tu essayes de me parler de ce qui t'amènes à la clinique, dans le meilleur des cas je pourrais peut-être te soulager et dans la pire configuration qui soit, tu pourras demander à Sam de te payer le déjeuner et le dîner pour le dérangement. »

Le châtain sourit légèrement en coin. Humour un peu pince sans rire mais adorable.

Dean se redresse lentement contre le dossier de sa chaise, inspirant brusquement quand la douleur a une fulgurance le long de sa colonne vertébrale, de ses reins à sa nuque.

Il discerne vaguement la belle silhouette de Castiel esquisser un geste pour se lever dans l'optique de se rapprocher de lui avant de se figer, semblant hésiter sur ce qu'il peut se permettre ou non de faire pour tenter de le soulager.

— « Tu es sûr que tu ne veux pas t'allonger par terre ? », lui demande à nouveau le brun, toujours à moitié levé.

Dean secoue lentement la tête.

— « … Je ne suis pas certain d'arriver à me relever », avoue-t-il entre ses dents serrées. « Juste – Tu peux m'aider à retirer ma veste ? Je ne peux pas… »

Le jeune homme jette un regard noir à ses manches, comme en colère que le vêtement ne tombe pas seul et il frémit imperceptiblement quand il sent les mains de Castiel se poser sur lui avec une infinie précaution pour l'aider.

Le châtain le remercie d'un sourire un peu tordu et tente de retrouver une contenance tandis que le jeune homme se rassoit souplement derrière le bureau.

— « Peux-tu me dire la raison de ta venue à la clinique ? », reprend poliment Castiel. « Sam a juste indiqué que c'était très urgent, une « question de vie et de mort » si je me souviens bien. »

Dean roule des yeux. Fichue drama queen. Le jeune homme gratte distraitement la toile de son jean d'un ongle.

— « J'ai… un peu mal au dos », lâche-t-il du bout des lèvres avec mauvaise grâce. « J'ai dû faire un faux mouvement à la salle de sport du campus. C'est stupide mais pas dramatique, ça arrive tout le temps. J'ai juste besoin… d'un peu de temps. »

Castiel tape lentement sur le clavier de son ordinateur et Dean se tortille légèrement sur sa chaise. Il a l'impression d'être convoqué chez un professeur à cause d'une mauvaise note.

— « De combien de temps penses-tu exactement avoir besoin ? », lui demande le brun d'un ton dubitatif. « Sam m'a dit que tu avais mal depuis plusieurs jours mais si je peux me permettre, je pense que tu souffres depuis bien plus longtemps que cela. Je le vois même si tu fais très bien semblant. »

Le châtain enfonce légèrement sa tête entre ses épaules tout en se renfrognant et Castiel sourit en coin. La fossette se creuse à nouveau et Dean est très brièvement distrait. Oui, vraiment comme du velours. Ou peut-être du satin, il a lu un jour une comparaison semblable dans un roman à propos de la peau de l'héroïne.

Dans le fond, le jeune homme s'en moque, il perçoit difficilement la différence entre les deux étoffes. Elles sont juste douces, exactement comme il imagine cette petite fossette.

— « Alors Dean, depuis combien de temps ? », répète le jeune homme.

— « … Je ne sais plus exactement… Longtemps, plusieurs semaines », avoue le châtain tout en fronçant les sourcils. « J'ai très souvent des contractures musculaires, je soulève du poids à la salle et j'y vais presque quatre à cinq fois par semaine. C'était beaucoup moins douloureux avant mais depuis quelques jours c'est plus… compliqué. »

Castiel hausse légèrement un sourcil avant de regarder à nouveau son ordinateur et de reprendre ses notes.

— « Et pourquoi viens-tu aujourd'hui ? »

— « Parce que Sam m'a obligé ? », tente le châtain d'une voix innocence.

Dean se sent déraisonnablement puissant quand il entend Castiel rire. C'est un son adorable et très joli.

Le regard clair que pose le brun sur lui l'oblige à faire lentement tomber ses barrières.

Il n'a pas envie de mentir.

Dean pourrait se convaincre que tout cela est le fruit des photographies de paysages de la salle de consultation et de son ambiance un peu feutrée mais c'est parfaitement faux. C'est juste parce que Castiel le regarde, qu'il lui sourit et qu'il est si beau.

— « … Parce que je ne parviens même plus à bouger mon foutu bras gauche depuis ce matin », grogne-t-il finalement d'une voix sombre. « Et que la douleur m'empêche presque de réfléchir. Putain. »

Le jeune homme passe une main nerveuse dans ses cheveux, y crispant ses doigts presque douloureusement. Il se sent misérable et frustré, incroyablement impuissant face à sa situation. Dean veut juste cesser de souffrir et trouver enfin un peu de repos tant la douleur l'abrutit et l'épuise.

— « Je vois », se contente de dire sobrement Castiel. « Peux-tu m'en dire plus sur cette douleur ? Où elle est située, son intensité, son rythme, son type. Est-ce une brûlure ? Des picotements ? Des pulsations ? Est-ce qu'elle est continue ou plus diffuse ? Fulgurante peut-être ? »

Dean écarquille légèrement les yeux et il enfonce sa tête entre ses épaules.

— « Je – J'en sais rien », marmonne-t-il, peu habitué à poser des mots sur ce qu'il ressent. « Ça fait mal. Tout le temps. Ça brûle et – et ça pulse parfois. Ça pulse si fort que je sens le sang battre à mes tempes. J'en ai même putain de mal aux cheveux parfois. Et c'est dans mon dos, autour de mon épaule gauche », précise enfin Dean tout en relevant les yeux sur Castiel.

Le brun opine lentement, continuant à prendre des notes avec soin.

Dean donnerait cher à cet instant pour parvenir à lire l'écran et les mots du jeune homme, soudain vaguement inquiet à l'idée de voir les mots « incapable de décrire précisément sa douleur ou de la quantifier » ou « s'exprime difficilement sur son ressenti ». « Se tient mal sur sa chaise et boude comme un enfant ».

« Pas séduisant du tout. »

Le jeune homme se mordille nerveusement les joues tout en se sentant rougir et il se redresse légèrement tout en bombant inconsciemment le torse.

Dean se sait très attirant, sexy également quand il ne se tord pas de douleur. Un peu absurdement, il veut que Castiel le voit également de la sorte et un peu moins comme son patient souffreteux et ronchon.

— « La douleur dans mon dos est continue, de jour comme de nuit », reprend-il tout en fronçant les sourcils pour se concentrer sur ses sensations. « C'est comme un… nœud sous mon omoplate, un nœud… énorme. Putain de gros même. »

Dean coule un petit regard en coin à l'étudiant et le brun l'encourage à continuer d'un sourire. Le jeune homme se sent absurdement rassuré par les prunelles céruléennes qui l'observent avec attention.

— « Au début, il n'y avait que dans mon dos », poursuit le châtain. « Maintenant, je sens des trucs dans mon épaule, ma nuque et mon bras. Et ça… brûle. »

— « Tu sens aussi tout cela en permanence ? », lui demande Castiel.

Le châtain acquiesce lentement, les dents serrées.

— « Cela doit te peser énormément… Souffrir en continu peut être épuisant », murmure le jeune homme. « As-tu déjà pris des médicaments pour te soulager un peu ? Récemment ou non ? »

— « … De l'oxycodone », avoue Dean avec gêne. « Il y a une semaine et la dernière fois il y a deux jours. J'ai fini la plaquette qu'on m'avait donné. »

— « Est-ce que cela t'a soulagé ? »

— « Que dalle. »

Le grognement du jeune homme passe difficilement la barrière de ses lèvres serrées.

Il sait que le médicament est très puissant, l'étudiante de son dortoir qui a accepté de lui donner ce fond de boîte lui a fait promettre les yeux dans les yeux de respecter strictement la posologie.

Dean pensait sincèrement que cela pouvait être une bonne idée mais devant Castiel, il a l'impression d'avoir pris la pire des drogues sans avoir réussi à atteindre son but.

C'est ridicule.

Relevant timidement les yeux sur le jeune homme, Dean est surpris de le voir le regarder d'un air vaguement incrédule.

— « L'oxycodone a réellement été sans effet ? », lui demande-t-il tout en faisant cesser le ballet de ses doigts sur son clavier. « C'est… un peu inquiétant Dean, c'est un antalgique extrêmement puissant. Plus que la morphine. »

— « Il paraît ouais. »

Le châtain se contente de hausser légèrement les épaules, vaguement inquiet en voyant les beaux traits de Castiel se froisser légèrement tandis que le jeune homme fronce les sourcils.

— « Je ne pense pas que tu veuilles l'entendre mais tu aurais dû venir consulter bien plus tôt », lui dit doucement le brun. « Les douleurs sur lesquelles on a du mal à poser des mots sont souvent le signe de traumatismes chroniques. Ils sont plus longs et plus complexes à résoudre. »

— « Mais t'es bon dans ce que tu fais, non ? », lui rétorque brusquement Dean à brûle-pourpoint.

Son ton est un peu sec, plus qu'il ne le voudrait, mais voir l'inquiétude de Castiel à son sujet commence réellement à tordre quelque chose de laid dans son ventre.

Sa propre appréhension se transforme lentement en peur en se demandant s'il n'en a pas trop fait en repoussant sans cesse sa douleur dans les tréfonds de son obstination. L'idée qu'il ait pu réellement se blesser fait couler une goutte de sueur glacée le long de son dos et il gigote inconsciemment sur sa chaise.

Dean est solide mais la maladie le met réellement mal à l'aise, au moins autant que l'idée d'une chambre d'hôpital. C'est probablement lié à la grave bronchite de Sam quand il avait quatre et que le petit garçon qu'il était allait le voir à Saint-Marc Hospital, les larmes aux yeux en regardant tous les tuyaux qui l'entouraient et qui pour certains sortaient de son nez. Sam si petit et fragile dans son lit en service pédiatrique, si blanc qu'il semblait se confondre avec les draps et même s'y noyer un peu.

Il y a des images qu'on ne peut oublier.

Castiel semble gêné, un peu blessé aussi peut-être d'entendre la méfiance presque moqueuse qui semble suinter de ses paroles, et Dean sent sa gorge se serrer légèrement.

— « … Je suis un étudiant appliqué mais je suis encore un étudiant », lui répond humblement le rbun tout en gardant les yeux rivés sur l'écran de son laptop. « Ne t'inquiète pas, un professeur est toujours présent à la clinique et si je ne parviens pas à t'aider, il me remplacera. »

— « Excuse-moi, je ne doute pas de toi », reprend le châtain d'un ton contrit. « C'est juste que j'ai à peine fermé l'œil de la nuit et bordel, j'ai juste – j'ai vraiment mal mec. »

Le brun lui adresse un petit sourire d'excuse de l'autre côté du bureau, un sourire plus joli tout en fossette et Dean emmêle distraitement les doigts dans le tissu de son jean.

C'est une vision bien plus agréable à voir et plus rassurante que ses sourcils froncés par sa maladresse.

— « Je n'aurais pas non plus dû te faire des reproches », admet le jeune homme tout en posant ses mains sur les accoudoirs de sa chaise de bureau. « Je ne suis pas à ta place et chacun à sa manière de réagir à la douleur. C'est la raison pour laquelle les coachs des Buffaloes imposent à leurs joueurs de venir nous voir au moins une fois par an. À cause des entraînements répétés et des matchs, ils ont aussi des difficultés à mettre des mots sur ce qu'ils ressentent, un peu comme toi. »

Dean se renfrogne légèrement malgré l'air doux de Castiel. Alors qu'il est en tête-à-tête avec le brun, il n'a aucune envie d'entendre celui-ci lui parler des autres patients dont il s'occupe et moins encore des sculpturaux athlètes de l'équipe de natation.

Le châtain n'aime pas trop l'eau non plus, sans doute la raison pour laquelle il n'est jamais allé voir l'océan Pacifique. Sam rit en disant qu'il a peur quand il ne voit pas ses pieds. Thalassophobie lui a-t-il appris avec satisfaction. Son frère venait d'ouvrir son livre de psychologie pour la première fois.

Il répond au jeune homme dans un rictus un peu tordu et se redresse en voyant le brun repousser doucement sa chaise du bureau.

— « Ce que tu m'as dit m'aide déjà beaucoup tu sais », lui dit-il gentiment Castiel tout en se levant souplement. « Mets-toi en sous-vêtement maintenant. »

— « Je – Je te demande pardon ? », lui demande Dean tout en sentant ses oreilles chauffer légèrement.

Il est plutôt fier de ne pas avoir croassé un simple « Quoi ? », horrible et un peu vulgaire

Castiel lui sourit et, dévoilant un petit lavabo caché par un discret rideau beige sur sa gauche, il entreprend de se laver les mains avec soin. Le châtain remarque distraitement la délicate odeur un peu fleurie de la mousse blanche et nacrée qui couvre ses doigts, mais la demande du jeune homme résonne toujours bruyamment à ses oreilles.

— « Peux-tu enlever tes vêtements pour moi s'il te plaît ? », répète gentiment Castiel tout en lui jetant un petit regard pour appuyer son propos. « Je ne peux pas te toucher correctement à travers du tissu et cela complique mon diagnostic. Je dois toucher ta peau nue pour comprendre ce qui ne va pas Dean. »

C'est le truc le plus clinique, froid et étrangement sexy qu'on lui a demandé ces derniers temps. La demande est adorablement polie et pragmatique mais elle lui dit que le brun doit le voir à demi-nu.

A besoin de le voir à demi-nu.

Dean n'est pas un garçon égoïste et il aime bien fait plaisir aux gens qui l'entoure, il n'est pas contrariant quand il y met du sien. Et Castiel a besoin.

Le châtain sent la chaleur gagner sa nuque tandis qu'il se lève lentement à son tour en guise d'acquiescement. Il peut enlever ses vêtements pour Castiel, pour lui permettre de toucher sa peau nue de ses belles mains. Oui, il a même envie de le faire et Dean se sent vaguement honteux. Le jeune homme garde les yeux rivés sur la nuque blanche du brun qui lui tourne le dos pour lui laisser un peu d'intimité avant de marcher lentement jusqu'au paravent et il y disparaît après un dernier regard derrière lui.

Le jeune homme considère un instant la petite chaise et, les dents serrées d'agacement, il finit par s'y asseoir à contre-cœur pour commencer à se déshabiller. Il a besoin de s'appuyer à quelque chose en même temps qu'il se contorsionne le plus discrètement possible pour retirer son tee-shirt puis son pantalon.

Dean s'appuie précautionneusement sur le dossier pour se relever et considère un instant ses vêtements entassés sur le sol en un petit tas informe. Il entend Castiel s'activer doucement en de petits bruits feutrés de l'autre côté du paravent, dépliant ce qui suppose être une protection en papier sur le matelas de la table d'auscultation.

Le châtain fronce les sourcils et se baisse rapidement pour récupérer ses affaires et les plier avec soin, serrant les dents sous le soudain afflux de sang qui vient pulser douloureusement dans ses tempes au mouvement.

— « Est-ce que tu as besoin d'aide Dean ? »

Le jeune homme sursaute violemment, heurtant un montant du paravent de son coude et manquant de le faire chuter et il s'empresse de le rattraper d'un geste maladroit.

— « Pour faire quoi ? », lui demande-t-il un peu stupidement tout en arrangeant ses chaussettes sur ses chaussures.

Dean pousse l'ensemble sous l'assise de la chaise du bout de son pied, un léger frisson remontant le long de son dos en entendant le rire doux et léger de Castiel, semblable à une caresse tiède et agréable.

— « Veux-tu que je t'aide à te déshabiller ? », reprend le brun et le châtain a l'impression d'entendre son sourire. « Tu sembles avoir un peu de difficulté… »

Le jeune homme grogne légèrement pour cacher sa gêne et il racle ostensiblement les pieds de la chaise sur le sol en un son bruyant et légèrement désagréable. Il n'est pas impotent et Castiel semble le comprendre car il rit doucement sans ajouter un mot.

Dean regarde rapidement autour de lui, les doigts agrippés à l'élastique de son boxer. Il cherche machinalement un miroir du regard, juste pour vérifier l'ordre de ses cheveux ou son allure générale. Le jeune homme triture machinalement le bord de son sous-vêtement, l'abaissant légèrement et tirant sur les jambes afin de le lisser. Juste pour… Le jeune homme ne sait pas réellement pourquoi mais les petits bruits étouffés qui lui parviennent de l'autre côté du paravent chatouillent quelque chose dans son ventre.

La situation ne pourrait pourtant pas être plus ridicule et, les sourcils légèrement froncés de contrariété, Dean achève finalement de tirer sur son sous-vêtement sur ses cuisses, bombe le torse et quitte son refuge un peu dérisoire avant de faire face aux yeux si surprenants de Castiel sur lui.

Sur toute sa peau nue. Rien que sa peau nue.

Le châtain se mord légèrement les joues.

— « Tu n'as pas à t'inquiéter des motifs de ton sous-vêtement, j'en ai vu d'autres tu sais », reprend doucement le brun tout en lui tournant toujours le dos. « J'en porte aussi des ridicules parfois. J'en ai même un avec des motifs d'abeilles. Mes camarades me l'ont offert pour mon dernier anniversaire en racontant une histoire de dard et de fleur. Je n'ai pas compris ce dont il s'agissait mais je l'aime vraiment beaucoup. Il est bleu et très confortable. »

Dean crispe légèrement ses doigts sur le rebord du paravent, vaguement hébété.

Le jeune homme observe le dos de Castiel tandis que le jeune homme, les reins légèrement cambrés, se penche pour ajuster avec soin la protection hygiénique sur le matelas.

Il préfère prudemment faire comme s'il n'avait pas non plus compris lui-même le sous-entendu malicieux des amis du brun.

Hors de question de lui expliquer que l'appendice des abeilles est une manière de parler de sa propre extrémité et que la fleur est…

Dean ne peut pas faire ça.

Le jeune homme se mordille les joues tout en continuant à observer le dos du brun en silence avec ce qu'il espère sincèrement être de la discrétion parce qu'il serait mortifié d'être surpris en pleine contemplation sensuelle de son futur praticien.

Il se demande brièvement si les étranges paroles de Castiel sont une perche tendue vers lui, une manière de tenter de lui faire comprendre qu'il le trouve peut-être aussi séduisant que Dean le pense de lui, malgré son corps tordu par la douleur et ses sourcils perpétuellement froncés.

Que c'est peut-être une proposition, une manière de le draguer un peu étrange mais curieusement adorable, faite d'application à base de cubes de gelée colorée et de sous-vêtements un peu stupides.

Le châtain sent ses reins picoter agréablement et il tire distraitement sur une jambe de son boxer, peut-être juste pour le baisser un peu plus et souligner le V séduisant de son bas-ventre. Dean sait qu'il a de beaux abdominaux.

Toutefois, quand Castiel se tourne lentement vers lui, le jeune homme se sent juste profondément ridicule dans ses errements un peu sentimentaux.

— « Peux-tu t'approcher de moi s'il te plaît ? »

Le châtain obéit sans ajouter un mot.

Le regard céruléen du jeune homme lui chatouille agréablement la peau mais il ne provoque pas d'étincelle.

Son attention est clinique, professionnelle, parcourant son corps et ses muscles pour commencer à établir un diagnostic.

Elle n'a rien de celle d'une personne intéressée, que ce soit pour un simple café ou une nuit de plaisir.

Dean sent ses épaules durement contractées d'affaisser imperceptiblement sous l'effet de la déception et cela n'apaise en rien sa douleur.

Il rejoint Castiel à quelques pas du petit bureau et porte une nouvelle fois la main à l'élastique de son boxer avant de figer son geste, les oreilles un peu chaudes. Le brun le regarde, ne quittant pas son corps des yeux et Dean se sent un peu vulnérable, perdu dans sa douleur et sa fatigue.

— « Mets-toi face à moi s'il te plaît, bien droit et les bras le long du corps », lui demande doucement le jeune homme.

Le châtain s'exécute sagement, décroisant les bras qu'il avait faits mine de replier sur sa poitrine comme pour se dissimuler un instant de l'éclat trop bleu et trop beau des yeux de Castiel.

Il voit le jeune homme s'approcher de lui, suivi par le léger bruissement de sa blouse et soudain, sa déception s'évanouit.

Quelque chose passe dans le regard du brun, un éclat fugitif et à peine perceptible dont le seul vestige est la manière dont il se mordille un peu nerveusement les lèvres.

Dean bombe légèrement le torse.

Les yeux de Castiel se font un peu moins expérimentés et un peu plus timides tandis qu'ils parcourent sa peau dorée, ses muscles puissants et ciselés qu'il travaille avec soin plusieurs fois par semaine.

Le jeune homme étend soigneusement les bras le long de son buste, veillant à rester bien droit et il sourit imperceptiblement en entendant Castiel se racler discrètement la gorge.

— « C'est – C'est très bien, merci », lui dit-il dans un souffle. « Regarde devant toi et tiens-toi comme tu le fais depuis que tu as mal. N'essaye pas de te redresser ou de te tenir de la manière que tu penses la plus normale. Il est important que tu sois naturel et sincère avec moi, d'accord ? »

- « Ouais. » Dean roule légèrement des yeux. « Je dois juste rester aussi tordu que Stephen Hawking et à peine moins grimaçant. »

Castiel relève brièvement la tête avant d'incliner la tête sur le côté, les sourcils légèrement froncés par l'incompréhension.

— « Qui est Stephen Hawking ? », lui demande-t-il avec intérêt.

— « Tu es sérieux ? » Dean le considère d'un air vaguement interdit avant de ricaner. « Je suis persuadé que je pourrais te trouver une application plus intéressante que Candy Crush et qui t'expliquera à quel point les trouvailles de ce mec en font un des plus grands génies de notre siècle. »

— « Ce serait très aimable de ta part. Donne-t-il des conférences ? », poursuit Castiel tout en dardant ses prunelles céruléennes sur lui.

— « … Il est mort en 2018 », lui rétorque le jeune homme tout en haussant un sourcil malicieux.

— « Oh, je suis désolé », lui répond Castiel et Dean roule brièvement des yeux. « Ne bouge pas s'il te plaît, je dois regarder – Je dois te regarder. »

Le châtain hausse imperceptiblement les épaules en signe d'accord.

Il sent le jeune homme tourner lentement autour de lui et, quand Castiel passe devant lui, Dean ne peut s'empêcher un peu puérilement de contracter ses abdominaux pour en souligner le relief. Le brun a les sourcils imperceptiblement froncés, l'air concentré et, quand il relève lentement les yeux sur lui, le jeune homme le voit cligner un instant des yeux avant de rougir doucement.

Dean trouve la manière dont ses pommettes se colorent de pourpre absolument charmante. Ses longs doigts blancs tirent distraitement sur la boutonnière de sa blouse pour l'arranger inutilement tandis qu'il détourne brièvement le regard avec gêne.

Le châtain sourit affectueusement. Castiel est charmant et adorable.

— « Tu… Tu as vraiment un très beau corps. Très harmonieux », murmure-t-il doucement. « Tu travailles à la salle de sport, c'est ça ? »

— « Oui, quatre à cinq fois par semaine », répète lentement Dean.

— « Ah oui. … Tu me l'as dit tout à l'heure », marmonne distraitement le brun.

Castiel écarquille légèrement les yeux, comme surpris par son compliment un peu audacieux, cette appréciation esthétique qui dépasse son diagnostic de professionnel en devenir.

À cet instant, Dean s'en moque parce que le brun tire sur l'ourlet de sa blouse bleue comme pour en chasser un pli invisible et que cela ressemble bien trop à sa propre gêne quand il s'acharnait sur son boxer. Le jeune homme a envie de l'aider sans trop savoir comment faire. Peut-être en tendant une main pour arranger un peu inutilement son col à la base duquel il croit voir un léger faux-pli. Le tissu devrait y être agréablement tiède, posé contre la peau blanche de Castiel, s'il y laissait un instant errer ses doigts.

Dean serre légèrement les poings afin de contenir son envie, comme pour étouffer le picotement qu'il sent au bout de ses doigts, et il plonge dans les prunelles céruléennes du brun quand ce dernier ose à nouveau le regarder.

Un léger silence vient envahir le bureau, à peine troublé par les bruits étouffés de l'activité de la clinique autour d'eux et le châtain déglutit.

Il se sent plus que nu malgré son sous-vêtement gris.

En face de lui Castiel semble danser brièvement d'un pied sur l'autre avec gêne avant que le rose de ses joues ne s'évanouisse et que son regard ne se fasse à nouveau acéré et un peu froid. Il recommence à l'observer en silence avant de repasser dans son dos sans un bruit.

— « Hum. Peux-tu t'enrouler vers l'avant en laissant pendre tes bras devant toi s'il te plaît ? »

Le jeune homme rit doucement à la question parfaitement incongrue avant de sursauter brusquement.

Castiel vient de poser les mains sur lui.

C'est la première fois. C'est léger, délicat, à peine perceptible.

Elles suivent du bout des doigts le tracé de sa colonne vertébrale avant d'appuyer légèrement sur ses reins en une invitation à se pencher en avant.

Dean pense sincèrement rougir comme un adolescent alors qu'il s'exécute en silence, la présence du brun presque incandescente dans son dos.

Juste, tout juste derrière lui.

— « Excuse-moi, j'ai peut-être les mains un peu froides », dit doucement Castiel avec un petit rire d'excuse qui n'arrache qu'un léger soupir au châtain. « … Et Stephen Hawking est tordu ? Et il grimace ? Pourquoi ? »

La tête en bas, Dean s'oblige à inspirer profondément pour contenir les gémissements de douleur qui se bousculent derrière la barrière de ses lèvres serrées. Les muscles autour de son omoplate semblent l'enserrer sans pitié comme pour tenter de la briser en même temps qu'une langue de feu court le long de sa colonne vertébrale.

— « Il est – » Le jeune homme se racle légèrement la gorge pour éclaircir ses pensées. « Il était malade, un truc grave dont j'ai oublié le nom mais qui l'a rendu complètement paralysé. Il ne se déplaçait qu'en fauteuil et utilisait un ordinateur pour communiquer. Il est même apparu dans un épisode des Simpsons. Tu ne vois vraiment pas à quoi il ressemble ? »

Dean tourne légèrement la tête afin de tenter de trouver le regard de Castiel dans son dos, ignorant le sang qui bat désagréablement à ses tempes. Le jeune homme devine plus qu'il ne voit les mouvements du brun, suggérés par les bruissements de sa blouse bleue et il sourit légèrement en voyant finalement Castiel pencher légèrement la tête sur le côté afin de le regarder à son tour.

— « Les Simpsons ? C'est cette série animée avec des personnages jaunes n'est-ce pas ? », lui demande le brun d'un ton adorablement incertain. « Je ne les ai jamais regardés. Pourquoi sont-ils de cette couleur d'ailleurs ? »

Le châtain est tellement stupéfait qu'il fait mine de se redresser mais la main de Castiel appuie doucement sur ses reins pour l'inviter gentiment à garder la même position. Dean pourrait sincèrement trouver ça assez chaud comme geste mais il est trop éberlué par ce qu'il vient d'entendre alors il s'exécute sagement, son regard cherchant toujours celui du brun.

— « Sérieusement ? Les Simpsons sont un monument de la culture populaire des États-Unis mec ! », ricane-t-il. « Arrête donc de jouer à ce jeu stupide avec des cubes de gelée et organise-toi une soirée pizza et Simpson. Tu ne peux pas ne jamais avoir regardé un seul épisode et être bientôt diplômé. C'est… impossible. »

Le jeune homme frissonne doucement en sentant les doigts de Castiel courir à nouveau délicatement sur lui, suivant le relief des muscles de son dos, effleurant ses trapèzes contractés et il se penche imperceptiblement un peu plus en avant. La main douce que promène le brun sur son corps douloureux l'invite pourtant étrangement à l'abandon.

Dean incline un peu plus la tête vers le sol, satisfait de sa souplesse qui lui permet d'effleurer sans peine ses orteils du bout de ses doigts. Sans doute que les trop solides joueurs de l'équipe de football sont incapables de faire ça quand Castiel le leur demande.

— « Tu peux te redresser s'il te plaît. Déroule-toi lentement pour que je puisse bien observer le mouvement de tes vertèbres », lui dit doucement le brun tout en retirant sa main de son dos douloureux. « Je ne suis pas certain de comprendre dans quelle mesure mon diplôme est corrélé au fait de regarder un dessin animé mais je vais y réfléchir. C'est probablement un bon conseil. »

— « Évidemment. Tes camarades de promo ici vont tous me remercier », lui répond Dean tout en se relevant lentement.

Le jeune homme déglutit lentement, sentant Castiel se tenir toujours dans son dos. Il est si proche de lui que le châtain pense sentir son souffle effleurer doucement sa nuque et il serre distraitement les poings tout en veillant à rester droit et aussi naturel que possible.

— « Je n'ai rien remarqué d'étrange sur ta colonne vertébrale, elle est parfaitement alignée », reprend le brun du même ton clinique. « Mais tes épaules sont complètement décalées. La gauche est extraordinairement haute par rapport à l'autre et je sens – »

Castiel vient à nouveau poser sa main à plat sur son dos, si proche du nœud douloureux que Dean siffle d'inconfort.

— « Oui, je sens que tout ton côté gauche est en torsion vers l'avant et en direction de ton épaule opposée. Tu tentes de compenser inconsciemment la gêne en faisant supporter plus de tensions dans la moitié droite de ton buste », explique le brun et le jeune homme ne peut que se contenter d'acquiescer lentement. « Peux-tu essayer de me montrer où se trouve le nœud dont tu me parlais plus tôt ? »

— « Un jeu d'enfant… », grogne légèrement Dean.

Le jeune homme se contorsionne avec prudence, tâtonnant lentement dans son dos du bout de ses doigts. Il pense parvenir à effleurer la zone mais la douleur est si puissante et diffuse sous sa peau qu'il est certain que sa précision laisse à désirer. Les dents serrées, il palpe plus fort autour de son omoplate, à côté, au-dessus et en dessous sans parvenir à trancher et à donner une réponse claire à Castiel dont il sent le regard attentif suivre son geste.

Il déteste se sentir aussi impuissant, y compris pour une chose aussi triviale que de dire simplement il a mal.

— « C'est… par là », marmotte-t-il d'un ton piteux. « En dessous de mon omoplate gauche, sous la pointe. Plus ou moins. Ouais, je crois », achève Dean tout en appuyant si fort qu'un éclair blanc brouille brièvement sa vision.

— « Doucement, ne te blesse pas », lui intime gentiment Castiel tout en effleurant ses doigts pour lui demander d'arrêter. « C'est… ici ? »

Le châtain sent le jeune homme le palper avec précision, suivant le jeu de muscles et de tendons dont il ignorait l'existence jusqu'à cet instant mais ce n'est pas encore là. Il se contente de secouer lentement la tête.

— « Non, c'est – Plus en dessous et – Oui, là. C'est plus proche de cet endroit », informe-t-il Castiel, les yeux fermés pour mieux se concentrer sur ses sensations. « Un peu plus sur la gauche je crois. … Oui. Oh, merde oui, c'est – tu l'as. Juste là. »

Dean ne peut contenir son gémissement de douleur tandis qu'il se plie légèrement en deux, soudain vaguement nauséeux. Le jeune homme cherche à tâtons le dossier de la chaise faisant face à celle du bureau afin de s'y appuyer tant la douleur lui vrille les tempes.

Le châtain aurait été le premier à ricaner s'il avait surpris de telles paroles ambiguës derrière une porte mais à cet instant, il a juste envie de se laisser tomber sur le sol pour se rouler en boule et attendre que Sam vienne le chercher dans l'Impala.

Il avance maladroitement la main sans toutefois y parvenir et ses yeux se remplissent de larmes d'exaspération et de douleur.

Il a besoin de s'appuyer sur quelque chose et il en a besoin maintenant.

Dean frémit violemment en sentant finalement la main de Castiel venir sur poser sur la sienne et le châtain s'y agrippe fermement. Tant pis pour le dossier de la chaise. Il s'accroche aux doigts du jeune homme et se concentre sur sa respiration en de longues et lentes inspirations, remarquant à peine que Castiel le guide gentiment jusqu'à la table d'auscultation sans plus le toucher.

— « Est-ce que tu vas bien ? », lui demande-t-il avec inquiétude.

— « Ouais, c'est – » Dean lâche la main de Castiel pour s'agripper au matelas. « C'était là. Tu avais littéralement le doigt dessus mec. »

Sa plaisanterie tombe à plat car le brun ne fait que le regarder avec attention, fouillant ses traits pour tenter de lire plus aisément sa douleur. Dean tente de lui sourire autrement que par une grimace horrible et il sait qu'il échoue lamentablement alors il se redresse lentement.

— « Ça va », répète-t-il. « Je suppose qu'il vaut mieux que tu saches où se trouve précisément la source de la douleur plutôt que mes vagues indications. C'était juste… inattendu. »

Comme sa rencontre avec cet improbable étudiant, si beau et aux références populaires quasiment inexistantes.

Castiel se mordille légèrement les joues puis, hochant imperceptiblement la tête, Dean le voit contourner la table d'auscultation pour se placer dans son dos. Le jeune homme le suit et s'assoie prudemment sur le bord du matelas.

— « La séance ne va pas être agréable Dean, je suis vraiment désolé », l'informe le brun d'une voix lourde de regrets. « J'aimerais ne pas te faire mal mais si ce que je pense avoir vu quand tu étais debout se confirme maintenant, ça va être – »

Le châtain tend maladroitement une main derrière lui pour chercher à tâtons celle du jeune homme et, sentant sa chaleur, il presse gentiment ses doigts.

— « Sincèrement, j'admire Stephen Hawking, je le trouve cool mais je préfère autant cesser de lui ressembler et être plus… moi », lui dit-il d'un ton malicieux. « Ce n'est pas grave si cela me permet d'arrêter de serrer les dents. »

Castiel lui adresse un petit sourire et la fossette réapparaît dans sa joue, juste à la commissure de ses lèvres.

L'ombre délicate est vraiment jolie et peu importe qu'elle soit de velours ou de satin, Dean a vraiment envie de se pencher en avant pour y déposer sa bouche.