J'ai comme l'impression que ça fait des heures qu'on marche. je sais que le temps ici passe différemment, mais le fait que le paysage soit identique tout du long me désoriente et perturbe mes sens. Les seules choses qui ressortent du paysage sont les squelettes laissés ici et là, ainsi que d'autres cadavres presque intacts. Enfin, si on laisse de côté le fait qu'ils semblent totalement desséchés, comme si tous les liquides avaient été absorbés de leurs corps. Y'a vraiment un problème de plomberie dans le coin ...

On voit de temps en temps des créatures, elles sont assez agressives, mais un seul grognement de Mikasa les garde à distance, comme si une hiérarchie avait été établie il y a des siècles et qu'il ne valait mieux pas la déranger sous peine de représailles. De plus ça vaut mieux pour elles... Les quelques vampires, zombies, loups-garous et momies savent que le venin de la sirène leur est tout aussi mortel que pour un simple... Mortel.

J'entends des bruits de pas derrière nous. Ils sont rapides et malgré les avertissements de la sirène, ils ne se sont pas arrêtés, au contraire, leur vitesse ne fait qu'augmenter. Je vois trois énormes bêtes passer devant nous et nous encercler. Par précaution, on se met tous les trois dos à dos. J'entends un cri à ma droite et je vois Léo se faire plaquer au sol par un énorme loup couleur sable. Des loups-garous, génial...

Je couvre mon corps avec ma magie afin de le protéger comme une armure en beaucoup plus... Offensive. Peu de temps après le deuxième loup me saute dessus, mais ma magie le repousse, l'envoyant contre un arbre, plusieurs mètres plus loin totalement assommé. Outch, j'aurais pas aimé être à sa place.

Le dernier loup est couleur rouille, il se change devant Mikasa. L'homme à la place est grand dans le mètre quatre-vingt avec les cheveux poivre et sel, des petits yeux perçants vert et les canines à découvert. Sa peau est hâlée et de nombreuses cicatrices ornent son corps comme un tableau de chasse. Certainement un alpha. Il sourit d'un faux air aimable.

- Hey Mikasa ! Ça fait un bail ! À ce que je vois, tu as été plutôt chanceuse lors de ta chasse. A ce qui paraît une poignée d'humains à débarqués, avec les gars, on s'est éclatés à les traquer, ça faisait des siècles qu'on n'avait pas aussi bien mangé. C'est génial, maintenant, la flemme nous prend pour chasser les autres alors, sois mignonne et donne-nous tes humains !

Le regard de Mikasa se fait blaser.

-Sérieusement, les gars. Vous n'avez qu'à vous bouger le cul. En plus, je suis sûre que vous avez plus qu'assez mangé, laissez-en aux autres. Comment tu crois que je fais comment pour me nourrir ? Je n'attends pas que ça me tombe tout cuit dans le bec. Ces deux-là ne sont pas à manger. Je les aide. Ils sont sous ma protection ! Alors ne t'avises pas à les attaquer de nouveau !

L'homme qui a pris la parole juste avant rétorque.

- Ah ouais ? Et les aider à quoi ? Tu m'expliques ? Comme si, t'avais besoin de faire ça pour pouvoir les manger, on sait tous les deux que ton venin est suffisamment puissant pour les mettre ko en moins de deux.

-Rappelle-toi que mon venin est tout aussi efficace sur toi ! Remballe tes crocs et repars avec ta meute et tout ira bien.

L'homme grogne mécontent.

- Donne moi autre chose Mikasa ! Ca ne suffit pas !

Je commence à m'agacer aussi et à modeler quelques boules de magie pures. Mikasa tourne sa tête vers moi et me fait un léger signe de tête pour la laisser gérer ça. Je serres les dents et relâche ma magie dans l'air.

- On connaît peut-être un moyen de ressortir vivant d'ici.

Le loup sur Jean lève la tête dans sa direction. Il en profite pour se dégager et sortir sa machette. Le loup grogne et saute sur lui. Le chasseur lui tranche la tête à la vitesse de l'éclair, ne laissant pas le temps à l'autre de réagir. Je me place à côté de la sirène lorsque je vois l'homme se mettre à grogner et se transformer à moitié. Ses jambes sont transformées en pattes, tandis que des griffes sont apparues sur le bout de ses doigts. Sa tête est presque entièrement transformée, ses canines dégueulent de sa bouche, ses oreilles sont devenues celles du loup et ses yeux sont devenus dorés. Lorsqu'il parle sa voix est plus rauque et il est devenu compliqué de le comprendre à cause de ses crocs gênant sa diction.

- Oh ? Voilà qui est intéressant. Et comment comptes-tu faire ? Parce que là, j'ai qu'une envie, c'est de déchiqueter le bâtard qui a buté mon louveteau. Te fous pas de ma gueule ! Faire copain-copain avec ceux qui nous traque ! Ca ne va pas bien ma pauvre fille.

Mikasa hausse les épaules et ne semble pas remarquer la colère de l'homme. Elle lui rétorque l'air de rien.

- Allons Marco, jusque-là, on s'est plutôt bien entendus. Alors pourquoi essaies-tu de me la faire à l'envers. Sachant que ta meute nous a attaqués. Jusque-là je vous appréciais tous les quatre, enfin tous les deux maintenant, mais pas de là à risquer la vie de mes amis, y a aucune chance que ça arrive.

Marco grogne au rappel des membres mort de sa meute, mais hoche la tête en direction de la sirène. Le loup assommé revient tranquillement vers nous et se place à droite de l'homme.

-Peut-être qu'on vous a attaqués, mais tu connais la faim ! On a rien pour se nourrir et chasser devient de plus en plus difficile. Allez partage ton repas !

Mikasa transforme ses mains pour qu'elles deviennent palmées et griffues couvertes de venin.

-Quand je dis non, c'est non ! Pas la peine d'insister ! La seule chose que vous savez faire, c'est de vous goinfrer à longueur de temps. Démerdez-vous !

L'homme recule en voyant les mains de la sirène, le loup grogne sur Mikasa en guise d'avertissement.

-Tu sais ce que mon venin est capable de faire alors mets une muselière à ton cabot avant que j'en fasse mon affaire !

L'alpha grogne et le loup se place derrière lui.

-Nous ne pouvons pas chasser ! Le Reaper nous a pris notre territoire ! On n'a plus rien ! On a dû laisser Daz derrière nous, il est mort de faim. Quand on a voulu aller chercher son corps, il avait disparu ! Aide-nous, juste cette fois-ci...

Mikasa semble s'adoucir en entendant ça, mais ne baisse pas sa garde.

-Pourquoi ne pas rejoindre une autre meute ?

L'homme ne répond pas. Amatis s'énerve.

-Oh, je vois trop de fierté pour perdre ton statut d'alpha. Au lieu de prendre soin de ta meute, tu ne penses qu'à ton statut... Déplorable.

-Comme si tu pouvais comprendre ! La seule chance qui nous reste de survivre, c'est le cannibalisme ! Et je me refuse à manger les nôtres... Notre espèce perd de plus en plus les pédales à cause des morts répétées. On ne meurt jamais vraiment au purgatoire ! Lorsque la mort nous prend, ce n'est qu'un court repos, avant de nouveau ouvrir les yeux en étant un peu plus fou que la vie d'avant ! Tu sens la folie te grignoter de l'intérieur. Avec elle vient la faim, toujours de plus en plus grande et toujours de plus en plus difficile à combler. Alors, laisse-moi me nourrir pour faire reculer juste un peu le gouffre sans fond qui me consume !

Le visage de Mikasa se détend et son regard s'attriste.

- Je le sais tous ça mon ami, tu le sais, je suis la dernière sirène vivante au purgatoire, sur terre, ils ne sont plus qu'une poignée. Alors ne vient pas faire comme si, je ne comprenais pas... Je suis désolée pour Daz... Mais je ne peux pas faire ça. Je suis désolée, Marco.

Elle se met à ricaner avant de poursuivre le regard dans le vide.

- Oh, je sais aussi ce que la mort fait... Je suis déjà morte trois fois, mais je sais que la prochaine sera la bonne. Je me sens faiblir et la prochaine fois, le néant viendra me chercher. C'est pour ça que j'espère finir mes jours sur terre, entourée du peu d'amis qu'il me reste. Je connais la faim, mais je ne cède pas, je suis plus forte que ça et surtout je ne gâche pas le peu que j'ai !

Elle nous pointe Jean et moi du doigt.

- Alors j'en suis désolée, mais je ne vous les laisserai pas ! Je ne peux pas vous aider ! Pas cette fois. Marco, tu sais que d'habitude, je le fais avec plaisir, mais là, cette fois-ci, je me dois d'être égoïste. J'ai besoin de garder le faible espoir de revoir mes amis et sortir d'ici. Par contre, je peux te faire une promesse...

Le grognement furieux et douloureux de l'homme coupe Amatis.

- Et que peux-tu nous promettre ? Dans un endroit où seul le désespoir et la douleur comptent ? Hein ! Il n'y a aucun espoir de sortir d'ici et tu le sais aussi bien que moi ! Berce-toi d'autant d'illusion que tu veux, mais je ne suis pas aussi désespéré pour m'accrocher à de vagues paroles d'humains.

La jeune femme s'approche et lui pose une main sur l'épaule.

- Marco, je peux te promettre de venir vous chercher tous les deux lorsque tout sera en place.

L'homme se retire de la poigne et secoue la tête.

-Non, ne promet rien dont tu n'as aucune preuve. Partez.

On ne bouge pas d'un pouce. L'homme se met à crier.

-Partez, avant que je ne change d'avis !

On acquiesce et part en courant, toujours en suivant Amatis. La curiosité me pousse à lui demander pourquoi ils nous ont laissé partir.

-Marco avait le même espoir que moi, il y a quelques siècles, maintenant la folie le consume. Je pense juste qu'il comprend pourquoi je fais ça. Après, c'est difficile à dire. Par contre, je ne suis pas convaincu qu'il ne viendra pas se venger pour la mort de Joe.

Je hoche la tête en signe de compréhension et ralentis mon pas pour être aux côtés de Jean.

-Comment va ton torse ?

Il tire le côté de son haut et me montre les traces de griffures ainsi que le gonflement sur sa poitrine. C'est moche à voir. J'appelle Mikasa et lui dis qu'on doit s'arrêter le temps de soigner Jean. Cependant, il ne semble pas d'accord.

-Non, Eren ne fait pas ça. Tu dois garder ta magie un maximum, on ne sait pas quand on pourra se poser, ni ce qu'on va croiser sur notre route. On a besoin que tu sois à pleines capacités.

Je soupire et secoue la tête.

-Ça ne me prendra pas beaucoup de magie, je te le promets, maintenant, laisse-moi te guérir.

Il retire son haut et je laisse ma magie parcourir sa blessure, la guérissant rapidement. Il se rhabille et nous nous remettons en chemin.

Nous marchons encore quelques heures, plusieurs créatures ont tenté de nous attaquer, nous avons pu rapidement régler le problème. Nous sommes à bout de force et devons lutter à chaque nouveau pas, mais l'endroit est si dangereux que nous ne pouvons pas nous arrêter n'importe où. Alors nous continuons encore et encore, jusqu'à ce que l'un de nous ne s'écroule sous la fatigue. Avec Mikasa, nous avons épuisé nos réserves magiques, nous laissant presque sans force d'attaque. Suite à une nouvelle attaque, nous décidons de nous poser et de nous sustenter. Nous protégeons rapidement l'endroit où nous nous trouvons et instaurons des tours de garde. Mikasa prend le premier tour, pendant que Jean et moi en profitons pour prendre un repos bien mérité.

Lorsque l'on lève le camp, nous n'avons aucune idée du temps qui s'est écoulé. Difficile de se repérer avec ce ciel éternellement gris, où ni jour, ni nuit ne cohabitent. Nous reprenons rapidement la route après un repas frugal. Plus on avance et plus une chose qui devrait être impossible ici se produit. Le temps se réchauffe. Peu à peu, nous pouvons ressentir une légère brise. L'air tendu que Mikasa arbore me pousse à croire que nous nous approchons du Reaper.