Chapitre 13 : Y'a quelque chose qu'hier encore n'existait pas
Elda soupira en entrant pour la dernière fois de l'année dans la Grande Salle. Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis la fin tragique de la troisième tâche du Tournoi des Trois Sorciers, et l'ambiance à Poudlard était devenue pour le moins morbide. Les élèves se regardaient avec une sorte de sidération, comme refusant de croire que l'un d'eux venait de mourir de façon inexplicable. C'était surtout palpable chez les Poufsouffle. Il était fréquent de voir des amis de Cedric parler et se retourner, comme pour avoir l'avis du jeune homme qui ne le leur donnerait plus jamais. Cho Chang ne s'était plus montrée depuis que le cadavre de son petit-ami avait été enterré.
La Gazette du Sorcier n'avait pas parlé de cet évènement, relatant en quelques lignes perdues au milieu du journal que Harry avait gagné. Même Rita Skeeter restait muette, craignant sans doute qu'Elda lui retombe dessus pour la livrer à Dumbledore.
Elda regarda les tentures noires remplaçant les couleurs habituelles de la Maison qui gagnante de la coupe des quatre Maisons.
On dirait une veillée funéraire… Et c'est en partie de ta faute.
La jeune fille secoua la tête, parfaitement consciente que c'était en partie vrai, même si à l'origine c'était l'auteure de Harry Potter qui avait tué Cedric Diggory.
_ Ça va, Sang-de-Bourbe ?
_ Oui.
Elle adressa un sourire rassurant à Malefoy. Son meilleur ami ne l'avait presque pas quittée depuis qu'elle était sortie de l'infirmerie, et il était évident qu'il s'inquiétait pour elle. Quoi de plus normal, sa culpabilité la rongeait comme un acide et elle en avait perdu son sourire si éblouissant.
_ Que vas-tu faire cet été ?
_ Je vais demander à Dumbledore si je peux rester à Poudlard. Je n'ai nulle part ailleurs où aller, pas même une épouvantable famille Dursley. Il me trouvera bien un endroit où dormir !
_ Je suis désolé… Je ne peux pas t'héberger. Si ça ne tenais qu'à moi…
_ Je sais, ne t'inquiètes pas, Drago. Et pour être franche, je préfère que tes parents ignorent mon existence, surtout maintenant. Ta mère a bon fond, je l'aime bien, mais ton père… Il ne doit en aucun cas savoir que j'existe, il pourrait en parler à une certaine personne qui voudrait me zigouiller dans l'heure.
Malefoy se mordit la lèvre, parfaitement conscient de qui parlait Elda.
La jeune fille s'installa à sa place habituelle sur le banc de la table des Serpentard, entre Malefoy et Krum. Le jeune slave lui manquerait, l'année prochaine. Elle avait beaucoup sympathisé avec lui, à manger chaque jour en sa compagnie. Il était gentil, comme garçon, ce que Ginny n'avait pas manqué de remarquer.
Ça ne devrait pas changer trop de choses à l'histoire, elle a eut des copains avant de se mettre avec Harry.
Elda mâchonnât son repas sans grand enthousiaste, observant les élèves.
A la table des Gryffondor, Harry scrutait avec attention la table des professeurs, notamment Rogue, et s'interrogeant visiblement sur son rôle dans l'histoire. Il doutait de lui, et ce serait le cas pendant les prochaines années à venir. Aux yeux du jeune homme, il restait un Mangemort qui attendait son heure, qu'importe la confiance que Dumbledore plaçait en lui.
Espèce d'idiot, c'est pour les yeux de ta mère qu'il a tout sacrifié, tu n'as pas le droit de douter de lui.
Elda sentit sa poitrine se serrer douloureusement.
Pour Lily…
_ Sang-de-Bourbe ?
La jeune fille secoua la tête et béni Dumbledore qui se leva à cet instant, lui évitant des pirouettes de phrases pour rassurer son ami sans mentir.
_ Voici donc venue la fin d'une autre année… Il y a beaucoup de chose que je voudrais vous dire, ce soir. Mais je dois d'abord rendre hommage à un garçon de grande qualité qui aurait dû être ici pour partager ce banquet avec nous. Je vous demande de vous lever et de porter un toast en l'honneur de Cedric Diggory.
Elda se leva avec les autres, son verre à la main. Elle se rassit ensuite et écouta Dumbledore continuer de parler, dépeignant un portait plus que flatteur de Cedric, sa voix calme étant le seul bruit troublant le silence religieux couvrant la Grande Salle.
Cette manie de ne jamais dire de mal des morts…
La jeune fille fut l'une des rare à ne pas être saisie de panique lorsque Dumbledore décida de révéler à ses élèves le nom du sorcier qui avait assassiné leur camarade.
Lord Voldemort.
Que Harry avait affronté seul cette nuit funeste qui aurait dû être une fête pour célébrer la fin du Tournoi des Trois Sorciers. Tournoi qui devait apporter l'entente entre trois pays si différents, permettre aux jeunes sorciers de se rencontrer et de lier de solides liens d'amitiés.
Si les peuples pouvaient s'entendre, ça se saurait. L'être humain est incapable de respecter la différence du voisin.
Elda écouta Dumbledore continuer de parler calmement, jusqu'à ce qu'il libère finalement ses élèves.
Jamais la fin d'un diner de fin d'année n'avait été aussi silencieuse et sombre. La jeune fille se mêla aux condisciples de sa Maison pour quitter la Grande Salle.
_ Elda, venez avec moi.
Elle se retourna et se retrouva face à Rogue.
_ Où ça ?
_ Dumbledore voudrait vous parler de cet été.
Un sourire étira les lèvres de la jeune fille et elle s'éloigna avec son professeur, tapotant au passage l'épaule de Malefoy pour le saluer.
_oOo_
Dumbledore regarda Elda et Rogue entrer dans son bureau et se diriger vers lui.
_ Merci d'être venus aussi rapidement… Elda, j'ai cru comprendre que tu n'avais aucun endroit où passer l'été.
_ Oui. Au début je m'étais dit que je pourrais rester à Poudlard avec Hagrid, j'aurais été ravie de lui tenir compagnie, mais je me suis rappelé qu'il ne sera pas là cet été. Vous lui avez confié une mission, avec Madame Maxime.
_ Tu es au courant de ça aussi… C'est impressionnant. Je t'avoue être assez curieux de savoir jusqu'où va ton savoir.
_ Pour résumé, Hagrid va partir à la rencontre des géants pour tenter de faire ami-ami avec eux avant Voldemort. Quant à la suite, je n'en dirais pas plus.
Dumbledore sourit, ses yeux brillant d'amusement derrière ses lunettes en demi-lunes. Elda savait garder ses secrets, tout comme Rogue. Rien d'étonnant donc à ce qu'ils s'entendent si bien, et le directeur le voyait sans difficulté. C'était cette entente improbable qui lui avait soufflé la réponse qu'il cherchait, à savoir, comment mettre Elda en sécurité pendant les vacances estivales.
_ Severus, je voudrais que vous preniez Elda chez vous durant l'été.
Le sombre professeur ne tenta même pas de dissimuler sa surprise à cette proposition qu'il n'avait pas vu venir.
_ Pourquoi ?
_ C'est simple, Severus. Cette jeune fille a besoin d'être avec quelqu'un en qui elle a toute confiance, et vous aussi. Et puisque je suis prêt à parier ma main qu'elle sait tout du rôle que vous jouez, il n'y aura pas de problème. Elle pourra même vous apporter un soutient inattendu.
Rogue jeta un regard à son élève, qui lui répondit d'un sourire éblouissant devant lequel il se retrouvait incapable de lui refuser quoi que ce soit. Ça aussi Dumbledore le savait. Il savait aussi qu'il commençait à y avoir quelque chose dans les yeux noirs de Rogue qui n'existait pas avant. Jusqu'à quel point l'apparition soudaine d'Elda allait-elle l'influencer ? Le directeur voulait le savoir, découvrir ce qu'éclairerait la vive lumière de son sourire à la toute fin.
Et surtout, serait-elle celle qui pourrait tous les sauver ?
_ Severus, puis-je compter sur vous pour prendre soin d'Elda ?
_ S'il le faut, elle peut venir.
_ Elda, es-tu d'accord ?
_ Oui !
Dumbledore inclina la tête en souriant doucement. Le visage de la jeune fille rayonnait et, devant cette expression, le directeur de Poudlard eut le sentiment d'avoir prit la bonne décision.
_oOo_
Le lendemain était une magnifique journée d'été. Les élèves de Poudlard se massaient sur le quai de la gare de Pré-au-Lard, trainant leurs lourdes valises. Le Poudlard Express les attendait pour les ramener chez eux.
Un peu plus tôt dans la journée, les élèves de Beauxbâtons et de Durmstrang étaient repartis dans leurs pays respectifs, après des adieux chargés d'émotions et de promesses de se revoir un jour.
Harry s'approcha d'une Ginny attristée par le départ de Krum.
_ Dis-moi, tu sais où est Elda ? J'ai aperçut Malefoy et d'autres Serpentard, mais pas elle.
_ Elda ? Elle est passé ce matin, tu n'étais pas là. J'étais en train de discuter avec Hermione et Luna. Elle ne repart pas en Poudlard Express avec nous, Dumbledore lui a trouvé un endroit où passer l'été. C'est dommage, je suis sûre que maman aurait été enchantée de l'accueillir !
_ Je n'en doute pas.
Ils montèrent dans le train et s'installèrent dans un compartiment avec Ron, Hermione, Fred, George, Luna et Neville.
Lorsque le train s'ébranla, Harry en ressenti un pincement au cœur. Il ressentait toujours ça en quittant Poudlard. Dumbledore avait tenu à ce qu'il retourne chez les Dursley avant de pouvoir aller chez les Weasley. Il ignorait pourquoi mais savait qu'il était inutile de discuter.
Le groupe d'amis parvint à faire abstraction des sombres évènements du Tournoi des Trois Sorciers pour bavarder avec animation.
Ils étaient environ à mi-trajet lorsque la porte de leur compartiment s'ouvrit sur Drago Malefoy. Harry et lui se toisèrent froidement, jusqu'à ce que le jeune homme blond se décide à prendre la parole.
_ Nous n'avons rien en commun, Potter. Sauf Elda. Je ne veux plus jamais la voir triste comme elle l'a était ces derniers jours, ou comme lorsque nous nous disputons. Ça me tue de te dire ça, mais je te propose une trêve, dans la mesure du possible. Pour une raison qui m'échappe, elle t'aime bien, alors…
Harry l'observa avec étonnement. Il ne s'attendait pas à ça de la part de Malefoy même si, en y réfléchissant bien, ce n'était pas la première fois qu'il le voyait faire des concessions pour Elda.
_ Tu es vraiment son ami, en fait… Je peux te demander pourquoi ?
_ Le jour où elle a été envoyée à Serpentard, elle m'a tailladé la main pour me demander la différence entre mon sang et sien. Tu sais ce qui m'a plu, ce jour-là ? Elle ne me jugeait pas, et n'a pas essayé de me faire de leçon de morale. Si j'avais eut les arguments qu'il fallait pour lui démontrer que je lui étais supérieur, elle l'aurait accepté. Mais voilà, je n'avais aucun argument à lui soumettre. C'est ça que j'aime chez cette fille, elle accepte que l'on pense différemment d'elle, ne cherche pas à nous convaincre qu'on se trompe du moment qu'on a des arguments qui se tiennent. Et puis elle a un foutu caractère ! Mais… Je ne veux pas la voir changer.
_ Donc, parce que Elda t'a pratiquement conquit ce jour-là, et parce qu'elle m'apprécie, tu as décidé de faire une sorte de paix avec moi, Malefoy ?
_ Ne me force pas à répéter, Potter.
Harry regarda Malefoy lui tendre la main et eut le sentiment d'être revenu quatre ans en arrière, lorsqu'ils s'étaient rencontrés pour la seconde fois à bord de ce même train, la première fois ayant été chez Madame Guipure. Ce jour-là aussi, Malefoy lui avait tendu la main, en lui conseillant de choisir de meilleurs amis que Ron. Harry avait refusé de lui serrer la main, il n'avait pas besoin d'aide pour savoir qui étaient les gens douteux.
Il douterait sans doute toujours de Malefoy, sauf de son attachement à Elda, leur seul point commun.
Le jeune homme brun se leva et prit la main tendue du blond, acceptant cette fois de la serrer. Leur trêve serait fragile, ils le savaient, mais au moins ils ménageraient leur chère amie.
_ En parlant d'Elda, tu sais où elle est partie, Malefoy ?
_ Chez Rogue, d'après ce qu'elle m'a dit.
_ Rogue ?! La pauvre…
_ Tu es vraiment lent, Potter…
_oOo_
Pendant que ses amis voyageaient en train jusqu'à Londres, Elda avait droit à son baptême de transplanage.
Et c'était horriblement désagréable.
Elle avait eut l'impression que le morceau de ferraille lui ayant déchiré le ventre lors de l'accident qui avait tué ses parents avait fait son grand retour pour finir le travail.
_ Vous vous en sortez plutôt bien. La plupart des sorciers vomissent la première fois qu'ils transplanent.
Elle releva un visage au teint verdâtre vers Rogue et esquissa un léger sourire tremblant.
_ Si j'avais mangé ce matin, c'est ce qui serait arrivé… ça vous a fait ça aussi, la première fois ?
_ Je me suis senti mal, oui. Mais avec l'habitude, ça passe.
_ Le Détraqueur, ce n'était rien comparé à ça…
Elda se redressa, vérifia que ses jambes supporteraient son poids et observa avec attention l'endroit où elle se trouvait.
Une rivière aux eaux sales serpentait entre des berges couvertes d'ordures et de mauvaises herbes dans une campagne perdue. Une monstrueuse cheminée d'usine déchirait l'horizon. Elda sut immédiatement où elle se trouvait et n'hésita pas un instant avant de gravir une colline qui la mena jusqu'à une vieille balustrade séparant l'eau chantante malgré la saleté d'une étroite rue pavée. Les maisons s'alignaient dans les rues de ce qui avait été sans aucun doute une ville peuplée par les ouvriers de l'usine. Maintenant, tout semblait décrépit et si quelques passants n'avaient pas été présents, Elda aurait put se croire dans une ville fantôme. Cela dit, les passants avaient des allures si sinistres qu'ils auraient très bien put en être, des fantômes.
J'adore cet endroit.
_ C'est par là.
La jeune fille suivit Rogue dans des rues pavées et sales, entre des maisons tout aussi crasseuses, jusqu'à une rue s'appelant l'impasse du Tisseur.
_ Je ne sais pas ce qui est passé par la tête de Dumbledore… Faire vivre une jeune fille dans un tel dépotoir…
_ Professeur Rogue, si vous aviez vu l'orphelinat où j'ai grandit, vous auriez l'impression d'être dans un paradis, ici. C'est votre maison, là-bas ?
_ C'est le lieu où j'habite lorsque Poudlard est fermée.
_ Moi non plus je n'ai jamais eut d'endroit que je pouvais considérer comme ma maison.
Rogue observa la jeune fille dont le ton dépourvu d'émotion contrastait avec sa voix enjouée habituelle. Elle avait un regard trop sérieux pour une fille aussi jeune. Même lui, à son âge, était encore capable de dire qu'il avait un ''chez lui'' relatif.
Il guida Elda jusqu'à une maison tout aussi sombre que ses voisines, tout au fond de l'impasse. Il sorti sa baguette et tapota la poignée de la porte, déverrouillant les sortilèges dont il avait entourée la maison pour repousser les voleurs, nombreux dans cette ville sombre. Il ouvrit la porte et s'écarta pour laisser entrer sa jeune élève en se demandant à nouveau quelles étaient les intentions de Dumbledore. Cette maison était à l'image de la ville entière, délabrée, sombre, sale…
_ Vous verriez un inconvénient à ce que je fasse un peu de ménage, ici ? Si je dois y vivre cet été…
Elda avait déjà commencé à observer le décor, les murs couverts de livres reliés de cuirs, les meubles branlants et la poussière recouvrant tout.
_ Vous n'êtes pas ici pour travailler.
_ Alors dites-vous que j'adore faire le ménage et que ça sera mon passe-temps. Vous ne voudriez pas me priver de mon plaisir ? Si ?
Le professeur soupira avec l'impression de s'être fait avoir. Elda n'avait pas son pareil pour obtenir ce qu'elle voulait, d'une façon où d'une autre.
_ Ah, et, professeur Rogue, je voudrais deux choses cet été. La première, c'est que vous continuiez à m'enseigner l'art des potions. Et la seconde, qui sera à compléter en premier et le plus vite possible, je dois apprendre le sortilège du Patronus. Je vais en avoir besoin très vite, parce que je crois que je vais tenter quelque chose d'assez fou.
_ C'est-à-dire ?
Elda plissa les yeux d'un air particulièrement sournois, un léger sourire ornant ses lèvres.
_ Les Détraqueurs… Est-ce que quelqu'un a un jour tenté de les voir tels qu'ils sont ?
_ Les… voir ?
_ Ça n'a pas d'importance si vous ne comprenez pas ce que je veux dire. Pour l'instant. Alors ? Vous seriez d'accord ?
_ Ça ne pourra que vous être utile, compte tenu des évènements.
Elda sourit, ravie. Elle souffla sur une mèche bouclée tombant devant ses yeux et regarda une grosse araignée ramper au plafond.
Ça va être un été formidable !
