– Je suis vraiment désolé, Sasuke, vraiment, nous –
– J'ai compris, Naruto. Je sais. Arrête de bavasser et profites-en, ce n'est pas comme si tu nous avais rabâché les oreilles pour avoir enfin une mission intéressante, fit mine de plaisanter Sasuke avec sa nonchalance habituelle, un brin cynique.
Malgré ses paroles, son visage un peu crispé traduisait sa déception. Il en connaissait les raisons et n'y pouvait rien. A cause de sa réintégration récente et dans la volonté de ne pas choquer la population, moins prompt à lui pardonner sa trahison que ses proches, ses supérieures refusaient encore de lui assigner ce genre de missions. Il devait d'abord se montrer digne de confiance aux yeux de l'ensemble de ses supérieurs et de ses collègues. La mission était relativement simple ; elle consistait juste à se rendre au village du Pays du Sable, Suna, pour apporter un document important en mains propres à Gaara, le Kazekage actuel ; en même temps, Sakura s'était portée volontaire pour assurer une formation de deux semaines à leurs med-nin. Bien qu'elle ne fût donc 'que' d'ordre diplomatique, l'interdiction s'appliquait dans ce cas-là aussi. Par conséquent, Naruto et Sakura n'étaient que tous les deux, ce qui leur convenait.
Enfin, c'aurait été mieux si leur ami avait pu les accompagner et l'équipe sept être au complet.
– Et puis, cela vous changera un peu, acheva-t-il en croisant les bras, ne montrant pas l'amusement qu'il ressentait à voir Naruto s'agiter, partagé entre la gêne et l'enthousiasme.
– Ca, je ne te le fais pas dire ! s'écria ce dernier avec entrain.
– On l'aura compris, Naruto, soupira Sakura en ajustant son sac sur son épaule. Nous devrions y aller, à présent. Cela fait déjà dix minutes que nous aurions dû partir.
– Pour dix minutes près, s'esclaffa l'Uzumaki avant de s'exclamer joyeusement en direction du brun : Souhaite-nous bonne chance !
Puis, comme pour réfuter ses propres paroles, il se détourna aussitôt de lui et après un signe de la main, il sauta pour disparaitre entre les arbres.
Il n'avait ni laissé le temps à Sasuke de répondre, ni à Sakura de parler. Après une brève salutation, elle ne tarda pas à rejoindre son compagnon. Tous deux s'éloignèrent rapidement de Konoha, laissant derrière eux leur camarade planté près des portes du village, même après qu'ils eurent disparu de son champ de vision depuis plusieurs minutes déjà. Cependant, la vie ne cesserait pas durant leur absence et trois semaines, c'était long à attendre, alors il se décida finalement à quitter sa position et à retourner à l'intérieur des murs, sous le regard inquisiteur des gardes en faction.
De leur côté, les deux amis louvoyèrent en silence sur les branches des arbres, attentifs à leur environnement mais plutôt sereins. Cela faisait déjà plusieurs semaines que la forêt qui entourait Konoha était redevenue à peu près sûre – enfin, autant qu'elle l'avait été autrefois dans sa meilleure période – alors ils ne craignaient rien de spécial. Cependant, ils étaient des ninjas en mission et transportaient des documents importants et confidentiels ; aucune négligence n'était permise.
Il leur fallut deux jours pour gagner le désert du Pays du Sable, et un troisième pour atteindre Suna elle-même. Ces moments furent l'occasion pour eux de se retrouver, puisqu'à Konoha, Sakura travaillait essentiellement à l'hôpital et Naruto sur les chantiers, ils se voyaient donc peu ces dernières semaines. Malgré cela, leur complicité n'avait pas décru. Se retrouver ainsi, après tant de temps, à partager ces simples moments était grisant. Même s'ils se hâtaient d'arriver à destination, le trajet fut agréable.
Les vieilles habitudes revenaient avec une facilité déconcertante.
Une fois dans le village, ils furent rapidement abordés par des ninjas du Sable. Ces derniers les amenèrent au bâtiment du Kage et les laissèrent en présence de Gaara, qui les accueillit avec un enthousiasme discret.
– Vous avez fait plutôt vite, à ce que je vois, fit-il en prenant place derrière son bureau.
Il tendit le bras pour récupérer les deux rouleaux que lui donnait Sakura une fois qu'elle les eût extraits de son sac à dos.
– Votre voyage a été sans embûche ?
– Oui, nous n'avons rien rencontré sur notre chemin, Kazekage-sama, répondit poliment Sakura.
Comme il s'agissait d'une réunion privée, Naruto ne se gêna pas pour faire l'impasse des protocoles.
– Alors, comment ça va ici ?
Si auparavant, Sakura s'en serait indignée, à présent la scène la fit sourire. L'amitié des deux Jinchuurikis était touchante, d'autant plus que tous les deux avaient vécu le même rejet et ressenti le même sentiment d'exclusion, même si cela s'était manifesté de manière plus violente pour Gaara. Se lier avec quelqu'un qui avait vécu la même chose avait été bénéfique pour tous les deux – même si la différence était surtout visible chez Gaara, qui avait pris Naruto pour modèle selon certains points de vue.
Elle garda donc le silence et les laissa discuter tant que sa propre intervention n'était pas requise. Ce fut surtout Naruto, très bavard, qui parla, relatant l'avancée de la reconstruction du village avec entrain – et se plaignant au passage des missions ennuyeuses qu'on lui assignait, même s'il n'en ignorait pas la nécessité et le concédait. Il n'obtint pas de réel soutien de son ami qui s'en amusa. Cependant, Sakura sombra vite dans l'ennui, malgré les brefs moments d'amusement que Naruto lui accordait, et Gaara s'en rendit vite compte. Il finit par couper court à leur échange avec diplomatie en leur proposant de les mener à leurs appartements ; il leur suffirait de terminer de parler sur le trajet.
– Concernant votre mission ici, nous en discuterons plus amplement demain, lorsque je vous présenterai l'équipe, ajouta-t-il à l'adresse de Sakura qui acquiesça en retour. Une fois que vous vous serez reposés.
– Comme si nous avions –
– Je vous remercie, Kazekage-sama, assura-t-elle en plissant les yeux à l'adresse de Naruto, trop 'frais', encore, pour accepter du repos.
Il fit la grimace mais n'osa pas répliquer. Ainsi se retrouvèrent-ils seuls une fois lesdits appartements atteints. Pendant quelques secondes, ils ne surent quoi faire d'eux-mêmes et se contentèrent de contempler le salon spacieux. Cependant, Naruto ne tarda pas à prendre ses aises ; il s'affala sur le canapé avec un soupir de bien-être, après avoir jeté son sac dans un coin de la pièce. Sakura l'imita quelques secondes plus tard, mais son sac fut posé contre le pied de la table basse.
Finalement, ils se retrouvèrent assis côte à côte sur l'énorme sofa beige. Et aussitôt, un sentiment de déjà-vu enfla en eux, chaleureux, et il était plus que bienvenu. Les missions ensemble, dans la nature ou dans des lieux comme ceux-ci, leur avaient réellement manqué ; ils se revoyaient quelques mois plus tôt avec Kakashi puis avec Yamato et Sai. C'était réconfortant.
– Gaara sait comment inviter, se réjouit Naruto en s'enfonçant davantage dans les coussins pour en tester le confort. C'est juste génial ici !
– Tu as à peine vu le salon et testé le canapé, répliqua Sakura d'un ton amusé, cependant le luxe de la pièce laissait deviner que les autres n'étaient pas en reste.
Si l'aménagement était spartiate et la décoration sobre, essentiellement dans les tons beiges, or, orange et ocre, le tout assurait une ambiance confortable et tout respirait la qualité.
– Ah ! Ça, c'est une invitation à visiter tout le reste !
– Je n'ai pas –
Mais déjà, Naruto se levait telle une tornade et disparut derrière la première porte qu'il ouvrit, qui donnait sur la chambre à coucher. De là où elle se trouvait, elle perçut des exclamations enthousiastes, ce qui ne l'informa guère sur le contenu de la pièce.
– Rassure-moi, les lits sont séparés, n'est-ce pas ? fit-elle soudain d'un ton inquiet alors que la pensée la frappait soudain.
Comme Naruto avait hérité du côté pervers de son maitre, elle préférait ne pas se risquer à dormir avec lui si cela n'était pas nécessaire – même si elle se doutait qu'il fît quoi que ce fût de répréhensible envers elle, sauf peut-être l'observer sous la douche, mais il n'avait pas intérêt au nom de son intégrité physique. De toute façon, la salle d'eau devait, en toute logique, être séparée des autres pièces par une porte qu'il était possible de fermer à clé. Cela la prémunirait contre ce genre d'incident.
– Bah viens voir si tu veux le savoir !
Sakura roula des yeux avant de se lever pour gagner la chambre à son tour. Comme le salon, la chambre était aménagée avec goût mais sobriété et assurait le confort de ses occupants. Elle fut rassurée lorsqu'elle aperçut les deux lits simples baignés de lumière. En apercevant les fenêtres, elle ne put s'empêcher de s'en approcher pour regarder le paysage au-dehors. La vue donnait sur les bâtiments de terre et plus loin, se profilaient les murailles puis les dunes de sable, vagues dorées ondoyantes sous le soleil couchant qui lui donnait des teintes orangées. C'était magnifique, et la jeune fille resta béate devant cette vision pendant quelques secondes, bien qu'elle la connût déjà. Elle ne s'en lasserait jamais, même si elle ne s'imaginait pas vivre là pour autant. Ce n'était rien comparé à l'affection qu'elle entretenait pour son propre pays.
– Sakura ?
La voix de Naruto la fit sortir de ses pensées et elle se tourna vers lui, intriguée. Lui-même la fixait avec un drôle d'air, le visage soudain sérieux, mais elle ne sut comment l'interpréter.
– Ca va, Naruto ?
Celui-ci hocha lentement la tête, brièvement dans ses pensées, avant d'en ressurgir pour lui sourire, effaçant la gravité qu'il arborait précédemment. Sakura en fut troublée. Elle avait l'impression que le jeune homme revêtait un masque, et en même temps non. C'était étrange.
– Tu en es sûr ?
Naruto rit.
– Bien sûr ! Bon, j'ai faim ; que dirais-tu d'aller manger ?
– Pourquoi pas, fit-elle tandis qu'ils quittaient tous deux la pièce.
Elle se dirigea vers son sac pour fourrager à l'intérieur et prendre son portefeuille. Elle rejoignit ensuite Naruto, qu'elle retrouva en train de fouiller sa grenouille avec une grimace dépitée. Il cessa au bout de quelques secondes pour prendre un air malheureux et leva les yeux vers elle. Elle secoua la tête, amusée.
– Encore fauché, hm ? Je suppose que ce n'est pas aujourd'hui que tu me paieras le restaurant ! fit-elle en riant.
Son rire mourut entre ses lèvres lorsqu'elle vit les épaules du jeune homme s'affaisser et son visage se détourner, honteux.
– Bah en fait… je ne peux même pas m'inviter moi-même, alors…
Sakura haussa les sourcils, surprise. Pourtant, il ne lui semblait pas qu'il eût beaucoup fréquenté Ichiraku ces derniers temps. Mais comme elle le voyait moins souvent, sans doute n'avait-elle pas eu l'occasion de le voir dépenser son salaire.
– Je peux payer, pour cette fois, lui proposa-t-elle.
Même si la somme qui lui restait n'était pas mirobolante, elle était encore en mesure de payer pour deux et elle trouvait dommage de ne pas profiter de cette première soirée ensemble. La formation des med-nins commencerait dès le surlendemain et elle serait dès lors occupée toute la journée. Sans compter qu'ils n'avaient pas de courses et qu'avec la fatigue, leur motivation n'était pas au rendez-vous.
Le regard du jeune homme s'éclaira avant de se faire songeur :
– Mais –
– Il n'y a pas de mais qui tienne ! C'est moi qui invite, cette fois ! Tu auras bien d'autres occasions de le faire plus tard, fit-elle avec un clin d'œil avant de reprendre la direction de la chambre, chargée de son sac à dos. Mais avant cela, je vais me laver et me changer !
C'était un détail qu'ils avaient omis jusque-là mais elle se sentait lasse et sale. En cet instant, elle ne rêvait plus que d'eau chaude relaxante et de savon moussant.
Naruto n'eut pas le temps de protester que, déjà, la jeune fille récupérait une tenue de rechange. Laissant le reste près du lit, elle ouvrit la porte de la salle de bain et la referma derrière elle. Avec un haussement d'épaules, il se rassit et attendit. Ce ne fut pas long et bientôt elle réapparut, lavée et habillée. Ses vêtements sales avaient été jetés dans un panier à cet effet.
– A ton tour !
Naruto rechigna un peu mais obtempéra. Enfin propres et frais, ils quittèrent leurs appartements en quête d'un restaurant.
– Gaara t'a donné quelques adresses ? tenta-t-elle, bien qu'elle devinât la réponse avant même qu'elle ne fût donnée.
– Non, fit-il après un instant de réflexion, nous n'en avons jamais parlé. Je devrais lui demander, tiens.
Sakura haussa les épaules.
– Hm, pas sûre qu'il puisse nous être d'une grande aide, cela dit… Je ne sais pas s'il fréquente réellement des restaurants.
– Et pourquoi pas ? J'y vais bien régulièrement, moi !
Sakura rit en pensant au culte qu'il rendait aux nouilles d'Ichiraku, en partie dû au fait qu'il ne savait cuisiner que des nouilles préparées.
– Oui, c'est sûr ! confirma-t-elle pour clore le débat. Nous devrions peut-être demander à Temari.
– Quoi, tu la vois ? Elle est où ?
Sakura fronça les sourcils avant de comprendre où il voulait en venir.
– Que – Non ! C'est juste que – enfin, nous lui demanderons plus tard ! Pour le moment, par contre, je suppose qu'il nous faudra nous débrouiller seuls.
– Tiens, celui-là a l'air pas mal, fit Naruto d'un ton joyeux en pointant du doigt une petite façade, toute simple, qui ne payait pas de mine.
Cependant, l'odeur était alléchante, alors elle acquiesça. Ils s'en approchèrent et lorsqu'ils firent face à la devanture, elle découvrit que leur spécialité était les ramens. Le constat l'amusa. Sacré Naruto…
Cependant, tandis que ce dernier louchait sur les différents bacs présentés au comptoir, elle vérifia que les prix restaient abordables. Pas qu'elle fût radine mais ses moyens restaient limités, et il leur fallait tenir deux semaines – même s'ils étaient techniquement les invités de Gaara et que Naruto était son ami, lui imposer ce genre de frais lui paraissait un peu dérangeant.
– Ca semble correct, marmonna-t-elle pour elle-même tandis que Naruto la tirait pour la trainer à l'intérieur.
Ils s'installèrent à une table et attendirent. Comme il y avait peu de monde à cette heure, un serveur vint rapidement prendre leur commande. Le service fut effectué tout aussi promptement.
La soirée leur rappela un peu les moments passés ensemble à Ichiraku, même si aucun d'eux ne l'évoqua de vive voix et que, selon Naruto, 'leurs nouilles n'étaient pas aussi bonnes'. Ils préférèrent rire, plaisanter et échanger, comme l'année écoulée, depuis le retour de Naruto, leur avait appris à le faire. La guerre derrière eux et leur camarade revenu au village, les soucis semblaient lointains et leurs épaules s'étaient allégées. Tout leur paraissait si naturel.
Ainsi, pas un instant ils ne se firent la réflexion qu'il manquait quelque chose ou quelqu'un. Pas un instant ils ne regrettèrent l'absence de Sasuke, à laquelle ils ne pensaient plus.
