- Je devrais être rémunérée pour tous les rendez-vous pour lesquels je te prépare.

Lauren sourit à Suzanne dans le miroir de la salle de bain des Poufsouffles. Cette dernière fit mine de souffler d'épuisement, puis alla chercher une broche en argent représentant un renard, symbole des Yaxley, et l'accrocha à la cape que sa sœur porterait pour se protéger du froid encore hivernal.

- Si seulement ce n'était pas toujours des faux rendez-vous, marmonna-t-elle.

- Et toi, tu y vas avec qui finalement ?

- On y va entre copines ! fit joyeusement la Poufsouffle. Holly n'avait personne, alors on s'est dit que ce serait plus sympa d'être ensemble.

Lauren regarda autour d'elle. Les camarades de dortoir de Suzanne s'animaient gaiement, se prêtant robes, colliers, bracelets. Leurs rires et leurs gentilles chamailleries faisaient un vacarme tel qu'ils les empêchaient presque de s'entendre. Cela lui semblait être un autre monde, éloigné des ports de tête sages, des rires discrets et des discussions à voix basse. Comment la Maison Serpentard était-elle devenue si à part ?

- Tu sais, tu n'es pas obligée de t'appliquer autant, protesta-t-elle en voyant sa sœur hésiter entre six teintes parfaitement identiques de rouge à lèvre.

- Parce que Lupin ne mérite pas que tu te fasses belle pour lui ? répliqua Suzanne d'un ton autoritaire. Des filles tueraient pour être à ta place. Pourquoi lui, d'ailleurs ?

- Longue histoire...

- Toujours des longues histoires avec toi...

Lauren surveilla avec inquiétude l'expression de sa sœur. Elle s'était parfaitement remise de son attaque, mais elle craignait qu'elle n'ait encore des cauchemars. Elle n'avait pourtant pas le courage de lui poser la question. Rongée par la culpabilité, Lauren se contentait de faire surveiller sa sœur par les habitants des tableaux.

- Terminé ! s'exclama finalement Suzanne.

Elle s'inspecta rapidement. Ses longs cheveux châtain étaient noués en une tresse complexe qui retombait sur son épaule. Sa lourde cape noire, fermée par la broche des Yaxley, cachait une robe en velours d'un vert très sombre. C'était bien. Sobre.

En traversant la Salle commune des Poufsouffle, Lauren croisa Margaret Williams, que Regulus avait finalement invitée pour la Saint Valentin. Cette dernière lui adressa un regard suspicieux qui dériva sur Suzanne, rendant l'aînée soudain très nerveuse. Puis la Serpentard salua sa sœur et gagna l'entrée du château.

Elle y trouva Regulus, justement, qui lui adressa un hochement de tête.

- Je l'ai croisée, elle ne devrait pas tarder, l'informa-t-elle.

- Merci.

- Elle est très jolie.

Il se frotta le front avec irritation, dissimulant dans un même temps son rougissement.

- Et elle fait partie de ta liste de suspect, complèta-t-il pour se donner une contenance.

Lauren acquiesça sans quitter la porte du château du regard.

- Quatrième dans la liste, en fait.

- À ce point ?

Mais elle n'eut pas le temps de répondre à son interrogation car Lupin venait d'arriver. Plus consensuel, il avait adopté la couleur bleue nuit. Loin d'être fringuant, il paraissait toutefois nettement moins fatigué qu'à l'accoutumé.

- Désolé pour le retard, fit-il en arrivant à son niveau. Peter avait des problèmes de dernière minute.

- C'est Potter qui t'a dit de me dire ça ? s'amusa-t-elle alors qu'il prenait un air faussement innocent. Je sais très bien que c'est lui, qui est en difficulté. En tout cas, Evans est libre aujourd'hui, il arrivera sûrement à la trouver à la Bibliothèque et passer pour un garçon studieux.

Il rit doucement et ils se mirent en route pour Pré-au-Lard après que Lauren eût fait un signe d'encouragement à Regulus. Le Gryffondor avançait à petits pas, mains derrière le dos, sa démarche rappelant celle d'un vieil homme. Ils se turent pendant tout le trajet, et lorsqu'ils arrivèrent au village rempli de couples se tenant la main, Lauren désigna les allées.

- Alors, par quoi commence-t-on ? Madame Pieddodu ?

Remus fronça les sourcils d'un air vaguement dégouté qui la fit rire.

- Ne fais pas semblant, c'est drôle comme tous les garçons prétendent détester ce lieu alors qu'ils rêvent tous d'y emmener une fille.

Le garçon réprima un sourire.

- Va pour Madame Pieddodu, alors ! s'exclama-t-il en lui présentant son bras auquel elle s'accrocha.

Ils s'installèrent au milieu des angelots dorés et des nappes rose bonbon. Quelques tables plus loin, ils saluèrent de la main Peter Pettigrow, dont la compagnie de la fameuse Madison n'avait pas l'air de l'amuser tant que ça.

- Je suis tout de même un peu mal à l'aise que tu sois ici avec moi plutôt qu'avec Shingleton, fit Remus en consultant le menu.

- On n'y serait pas allés ensemble, de toute façon.

- Et tu avais des choses à me demander, ajouta-t-il avec un regard entendu par-dessus sa carte.

- Oui, répliqua Lauren sans se démonter.

- À propos de Sirius, termina-t-il.

Elle laissa passer une seconde et croisa les doigts sur la table.

- Oui.

Remus soupira légèrement, une expression malicieuse sur le visage.

- Et moi qui pensais avoir mon premier rendez-vous de Saint Valentin...

Lauren ferma son menu et le regarda droit dans les yeux.

- Tu en auras d'autres. Des vrais.

- J'en doute.

- Tu ne devrais pas, riposta-t-elle avec une arrogance feinte. Je suis très douée en Divination.

- Surtout quand tu réalises tes propres prédictions, s'amusa-t-il.

Elle demeura pourtant très sérieuse.

- Mais celle-ci, c'est toi qui la réaliseras. Plus tard.

Il haussa un sourcil sceptique et ils commandèrent des pâtisseries ensorcelées.

- Que veux-tu savoir sur Sirius ? demanda Lupin une fois la serveuse partie.

Lauren ne pensait pas que leur conversation serait si franche mais elle en fut satisfaite. Elle se doutait qu'elle ne serait pas capable de tromper un sorcier aussi clairvoyant que Remus.

- Commençons pas sa demande secrète pour aujourd'hui. Il a dit que je pourrais lui être utile mais il n'a pas précisé comment.

Le Gryffondor eut un sourire énigmatique.

- Ça viendra.

- Quand ? Où ?

- D'après toi ?

Lauren rassembla les informations qu'elle avait glanées sur Sirius Black ces derniers jours.

- Après ça, je suppose, dit-elle en désignant d'un geste le salon de thé. Et... loin de Pré-au-Lard. La Forêt Interdite ?

Le léger sourire de Lupin acheva de la préoccuper.

Les pâtisseries arrivèrent. Les deux adolescents ne purent s'empêcher de sourire avec émerveillement.

- Tu sais, reprit le garçon en entamant sa tarte au chocolat, tu devrais poser directement tes questions à Sirius.

- Il se méfie de moi.

- Je crois qu'il a ses raisons.

- Mais tu n'es pas aussi hostile, toi.

Il acquiesça sans dire un mot.

- Tu ne m'as jamais menacé, dit-il à voix basse après un moment. Sur ma... condition. Tu aurais pu t'en servir pour me faire chanter.

- Je peux toujours.

- Mais tu ne le feras jamais. Pourquoi ?

La Chouette dut réfléchir un instant.

- Je préfère éviter les problèmes.

Elle avait vaguement conscience de ne pas dire toute la vérité.

Un nouveau silence s'installa. Il n'était pas exactement embarrassé, mais Lauren avait besoin d'avancer dans son investigation. Elle fut pourtant devancée par Remus.

- Je crois que je sais pourquoi tu espionnes Sirius, déclara-t-il. Enfin plutôt... pour qui tu l'espionnes.

Lauren devait le reconnaître, elle s'y attendait. Après tout, un rendez-vous avec La Chouette était l'assurance de trouver quelques réponses. Pourtant, cette simple déclaration l'oppressa, comme si un serpent s'enroulait autour de sa poitrine.

- Ah oui ?

- Alors à moi de faire les déductions, annonça Remus avec un air satisfait.

- Fais donc, l'encouragea-t-elle en s'efforçant d'adopter un ton détaché.

Elle se concentra sur son muffin violet et se composa une expression neutre. Il était hors de question que Remus apprenne que Regulus lui demandait d'espionner son frère.

- Ce n'est pas quelqu'un de Gryffondor, commença-t-il, sinon Peter serait au courant.

- Peut-être...

- Et il ou elle doit être au moins en Quatrième année.

Lauren grignota un bout de son muffin sans dire un mot, mais le serpent se mettait déjà à serrer, bloquant sa respiration.

- C'est quelqu'un que tu connais très bien, sinon tu te donnerais pas autant de mal.

Elle haussa un sourcil, toujours silencieuse. Le garçon s'approchait pourtant un peu trop de la vérité.

- Ça ne peut pas être ta sœur, elle est trop jeune.

La Chouette s'efforça d'inspirer lentement pour faire disparaitre cette sensation d'oppression.

- Et Jamila... j'ai cru comprendre que Sirius était trop incontrôlable pour elle.

Il la regardait désormais avec une lueur de triomphe dans les yeux. Lauren ne dit rien, paralysée, comme si le serpent l'avait piquée. Il ne restait plus que Regulus.

- Je pense que c'est toi, l'admiratrice secrète de Sirius.

Lauren s'étouffa cinquante-sept longues secondes avec sa tartelette. Elle toussa, se racla la gorge, but un grand verre d'eau. Se mordit la joue pour réprimer son fou-rire, et s'efforça d'adopter une expression mystérieuse, ses yeux pétillants devant aider l'affaire.

- Alors ? insista Remus en essayant de la déchiffrer.

Elle se contenta de sourire et dut partir aux toilettes pour faire éclater son fou-rire.

Alors qu'elle regagnait sa table, elle fut interpelée par une voix féminine à l'intonation faussement réjouie.

- Veerman !

Elle se retourna pour trouver Margaret Williams, assise face à Regulus. La Poufsouffle passa ses doigts dans ses longs cheveux auburn, la tête inclinée, la considérant avec un mépris qui dut surprendre même le garçon supérieur qu'était Regulus Black.

- Alors comme ça, tu es avec Lupin ? demanda-t-elle en désignant le Gryffondor plongé dans ses pensées à quelques tables d'eux.

Lauren échangea un regard avec Regulus. Ce dernier, secouant légèrement la tête et fronçant les sourcils, semblait lui signifier de se méfier. Elle acquiesça donc simplement.

- Je vois que tu ne perds pas ton temps, avec les garçons, ajouta Margaret d'un air entendu.

Lauren haussa les sourcils en saisissant le sous-entendu. Elle n'en fut pas vexée; tout au plus amusée. Elle jeta un œil à sa montre. Quatre heures huit de l'après-midi.

- Je ne perds jamais mon temps, déclara-t-elle d'un ton léger.

Et elle tourna les talons sans manquer le rire étouffé de Regulus dans son dos.

Lauren regagna enfin sa propre table en chassant les angelots qui se mettaient en travers de son chemin comme des mouches agaçantes. Elle s'assit en poussant un long soupir.

- Alors ? s'enquit Lupin en secouant la tête comme pour sortir de ses pensées. J'ai raison ?

La sorcière mit un instant à se rappeler de leur conversation. Elle se contenta de hausser les épaules et rangea serviettes et couverts comme pour se préparer à partir.

- Je dois m'assurer que Jamila ne traumatise pas Londubat, déclara-t-elle en détachant sa cape du dossier de sa chaise.

Remus l'imita.

- Je ne m'inquiète pas pour Frank, dit-il d'un ton amusé en se levant, il saura se débrouiller tout seul.

- Je sais... concéda-t-elle après réflexion. Ce garçon a-t-il ne serait-ce qu'un défaut ?

Il déclara sincèrement et sans la moindre hésitation :

- Aucun.

- Excepté celui d'être assez fou pour passer la Saint-Valentin avec Jamila, termina joyeusement Lauren.

Une fois dehors, Remus désigna la rue menant au Chaudron Baveur. Lauren fit mine de resserrer ses bras sur elle pour se tenir chaud, mais elle fut surprise de sentir la main de du garçon attraper la sienne.

Une seconde plus tard, les maisons biscornues du village étaient remplacées par les lumières, les voitures, un immense fleuve et de longs immeubles. Lauren réprima une forte nausée et s'agrippa au bras de Remus, avant de tourner sur elle-même, désorientée. Le Gryffondor lui adressa un regard désolé.

- Où sommes-nous ? parvint-elle finalement à bredouiller.

Les klaxons des voitures l'agressaient, contrastant avec le calme de Pré-au-Lard, et toutes les odeurs de la ville envahirent ses sens. Un pigeon s'envola à côté d'elle, la faisant sursauter.

- Là où tu seras utile pour Sirius, expliqua calmement Remus.

Lauren s'écarta vivement de lui.

- Tu m'as kidnappée ! réalisa-t-elle, sous le choc.

- Ne sois pas si dramatique, Veerman, fit une voix dans son dos.

Elle se retourna pour trouver Sirius, parfaitement joyeux dans des vêtements moldus, sa veste en cuir sur le dos et un sac à dos sur l'épaule. Quatre heures vingt-trois.

- Où est-ce que vous m'avez emmenée ? paniqua-t-elle tandis qu'un homme en costard la bousculait et qu'une femme en poussette lui roulait sur les pieds.

- Il serait assez utile que tu reconnaisses maintenant, parce que tu es là pour ça.

- Là pour...

Lauren s'efforça de calmer sa respiration. Elle prit du recul, chercha un sens à cette situation. Tout allait bien. Sirius Black était imprévisible mais Lupin était quelqu'un de raisonnable. Il lui fallut neuf secondes pour reconnaitre au loin le Tower Bridge sur le fleuve.

- Londres, souffla-t-elle avec un certain soulagement.

Elle connaissait la ville. Elle y avait grandi, après tout. Et les deux Gryffondors avaient davantage l'air de touristes que de kidnappeurs.

- Et pourquoi je vais vous être utile, au juste ?

Lupin s'avança vers elle avec un geste apaisant de la main.

- Sirius a besoin de toi pour trouver un lieu moldu. Mais avant, poursuivit le garçon, il nous faut retirer de l'argent. Des pounds.

Quatre heures vingt-quatre. La Chouette les considéra successivement, tentant de percer leur nonchalance. Mais ils étaient tout à fait sérieux.

- Non, répliqua-t-elle fermement. Ramenez-moi à Pré-au-Lard.

- Tu avais promis de m'aider en échange, fit remarquer Sirius.

- Mais c'est illégal ! siffla Lauren. On ne devrait même pas être ici, il est formellement interdit de transplaner pendant les dates de cours. Est-ce que vous... est-ce que vous réalisez seulement ce que vous êtes en train de faire ?

Elle avait beau essayer, elle ne comprenait pas comment les deux Gryffondors pouvaient trouver normal le fait de l'emmener de force à des kilomètres de Poudlard. La chaleur de la ville la faisait transpirer sous sa cape.

- Dis-moi, La Chouette, rit Black en plongeant ses mains dans ses poches, tu croyais vraiment que les Maraudeurs suivaient le règlement de l'école ?

- Je... non mais enfin...

- On ne fait rien de grave, Lauren, intervint calmement Lupin. On a juste besoin de toi pour des détails techniques de la vie moldue. Ton père est bien né-Moldu ?

Elle hocha la tête avec appréhension.

- Et bien voilà, ma mère aussi, et le père de Peter est de Sang-Mêlé, mais aucun de nous n'a jamais vraiment vécu chez les Moldus.

Alors que le père de Lauren, après son divorce, était retourné à ses habitudes non magiques qu'ils partageaient désormais avec ses filles.

La sorcière prit onze secondes pour réfléchir. Elle était dans un endroit qu'elle connaissait, et la demande des garçons était sans danger. Elle n'avait pas son permis de transplanage, il lui était donc impossible de rentrer seule à Pré-au-Lard. Le choix s'imposa désagréablement à elle.

- Est-ce que vous avez une carte bancaire, au moins ? céda-t-elle avec humeur.

Ils eurent une mine réjouie qui lui fit regretter sa décision.

- On a ça, fit Sirius en lui tendant fièrement un portefeuille en cuir de bonne facture.

Elle le prit avec précaution.

- Vous l'avez volé ?

Les deux Gryffondors éclatèrent d'un grand rire qui fit se retourner les passants.

- C'est aux parents de James ! s'exclama Lupin.

Lauren haussa un sourcil.

- Alors vous volez les parents de Potter ?

- Ils sont riches !

- Ah bah dit comme ça, c'est tout de suite plus moral, grommela-t-elle.

- Ils ne s'en rendront même pas compte...

Elle décida que son éthique n'était plus à cela près.

- Vous connaissez leur code de carte bleue, au moins ?

Ils échangèrent un regard perdu.

- Comme un mot de passe avec la Grosse Dame ? risqua Remus.

- Je... non, conclut la sorcière avec dépit. Laissez tomber.

Elle éplucha le contenu du portefeuille. Sans grande surprise, elle trouva un petit papier où était inscrit un simple mot : « Chudley ». Ils cherchaient donc une date associée au club de Quidditch.

- Une idée ? fit-elle.

Sans surprise, Lupin n'y connaissait rien. Plus étonnamment en revanche, Sirius non plus. Il marmonnait qu'il préférait jouer que suivre des matchs - auxquels Lauren se doutait que sa famille ne lui donnait pas le droit d'assister. Lauren se résolut donc à fouiller ses propres souvenirs.

Et elle remercia intérieurement Suzanne pour ses longs monologues barbants sur le Quidditch. Une seule date pouvait correspondre, et c'était l'antique année où les Canons de Chudley avaient gagné pour la dernière fois la coupe. Elle lui revint brutalement, comme reviennent parfois des informations superflues. 1892.

Elle inséra la carte dans le distributeur et tapa le code.

- Vous voulez combien ?

- Alors... euh... beaucoup.

- Beaucoup comme dix paquets de Chocogrenouille ou comme une voiture ? demanda-t-elle en tentant de cacher son agacement.

- Un peu entre les deux.

Ce qui donnait une fourchette assez large.

- Va pour deux cents pounds, alors.

Elle frissonna légèrement en retirant une telle somme. Elle ne retirait jamais d'argent au distributeur, à vrai dire. Elle avait simplement observé son père, ou sa famille moldue le faire, mais jamais on n'aurait laissé la gamine qu'elle était avoir entre ces mains tant d'argent.

- Alors c'est tout ? s'étonna Sirius quand elle lui tendit le portefeuille et les billets.

Il était déçu, et en effet, cela n'avait rien à voir avec les montagnes russes de Gringotts.

- C'est tout. Autre chose ? demanda Lauren, pressée de retourner à Pré-au-Lard.

Les passants la considéraient étrangement, dans sa tenue de sorcière, et Lupin en robe attirait encore plus l'attention. Quoique Sirius et ses airs de mannequins remportait sûrement la palme.

- Il nous faut une carte de la ville.

La jeune fille fronça les sourcils.

- Tu habites à Londres, toi aussi, non ? Pourquoi est-ce que tu ne pourrais pas t'orienter seul ?

L'expression légère, presque enfantine de Sirius, s'assombrit. Non, Black n'avait peut-être jamais quitté la demeure familiale. Certainement pas pour le Londres moldu.

- Où est-ce qu'on trouve une carte ? demanda Lupin pour rompre le malaise.

- N'importe où. Un supermarché. L'office du tourisme. Une station essence. Un bureau de...

- Va pour la Station d'Essence, la coupa-t-il.

- Bien. Alors...

La Chouette n'avait pas la moindre idée d'où trouver une station essence, et les fit donc arpenter les rues pendant quelques trente-huit minutes.

- On tourne en rond, soupira Lupin quand ils retrouvèrent le distributeur de billets.

Lauren grimaça.

- Désolée, j'ai un très mauvais sens de l'orientation...

- Comme Regulus, nota Sirius.

Sa déclaration fut suivie d'un silence surpris. Il réajusta sa veste en cuir sur ses épaules. Ils s'accordèrent finalement pour demander à un automobiliste à l'arrêt la bonne direction.

- Là ! s'exclama Lauren lorsqu'ils aperçurent l'enseigne.

Les deux Gryffondors échangèrent un regard satisfait.

- Parfait, fit Remus. Reste ici, on revient dès qu'on a terminé.

- Je ne peux pas venir avec vous ?

- Non, répliqua fermement Sirius. Et n'insiste pas, je peux tout à fait te stupefixier.

C'est sur cette menace angoissante qu'ils laissèrent La Chouette sur le bord du trottoir. Elle aurait pu les suivre discrètement. Ils ne s'en seraient certainement pas rendu compte. Mais Lauren était trop angoissée pour risquer quoi que ce soit. Elle attendit donc.

Mais bientôt, l'angoisse la prit à nouveau. Elle était loin, si loin de Pré-au-Lard. Suzanne était sans la protection des tableaux du château. Et s'il lui arrivait quelque chose ? Et si les deux Maraudeurs l'avaient éloignée de Poudlard pour s'en prendre à sa sœur ?

Ils la retrouvèrent trente-trois minutes plus tard dans un état second.

- Ça va ? lui demanda gentiment Lupin.

Lauren cligna des yeux. Elle remarqua que Sirius était légèrement déséquilibré par le sac à dos, signe qu'un objet d'un certain poids y avait été mis.

- Non. Où est-ce que vous voulez aller, maintenant ? Qu'on en finisse...

- Hatchards, la librairie préférée de Lily. On y trouve des livres signés par les auteurs.

La Chouette s'en trouva bouche-bée. Toute cette folie pour que Potter puisse offrir son cadeau à Evans ?

Ils mirent encore beaucoup trop de temps à trouver la librairie. Et tandis que Lupin discutait avec le vendeur, Lauren, appuyée contre un rayonnage, observait le magasin. Elle vit Sirius se pencher sur le présentoir des livres dédiés à la mécanique. Elle pensa à ce que le lycanthrope lui avait dit. Peut-être avait-il raison. Peut-être devait-elle demander directement à Black ce qu'il cachait. En quelques pas, elle le rejoignit pour lui faire face.

- Alors comme ça, c'est moi ton admiratrice secrète ? se moqua-t-elle en espérant entamer une réelle conversation avec lui.

Il ne leva même pas les yeux sur elle et elle put ressentir toute l'hostilité qu'il éprouvait à son égard.

- Ce sont les déductions de Lunard, pas les miennes, fit-il d'un ton détaché.

- Et quelles sont tes déductions ?

- Tu t'ennuies. Tu veux être populaire. Une fille t'a offert un gros contrat. Honnêtement, j'en ai aucune idée et je ne suis pas intéressé d'en savoir plus. Tout ce que je sais, c'est qu'il vaut mieux se méfier de toi.

Elle eut un rire ironique.

- Dit celui qui vient de me kidnapper et de me menacer en pleine rue, releva-t-elle en s'efforçant de ne pas céder à l'agressivité.

Sirius se redressa enfin et appuya ses mains sur la table où étaient exposés les livres.

- Je préfère que tu ne restes pas trop avec Regulus, déclara-t-il froidement.

- Tu es déjà jaloux ? s'amusa faussement Lauren.

- Je suis sérieux, Veerman. Je veux que tu t'éloignes de lui.

- Pourquoi ?

- Il mérite mieux qu'une amie comme toi.

Cette simple assertion la fit trembler de fureur. Comme il se sentait supérieur, Sirius Black. Comme il était bon, et juste, courageux, et surtout si supérieur. Il rejetait sa famille, il rejetait Serpentard, il rejetait son éducation mais il était tout cela, plus pleinement que n'importe qui. Lauren planta ses yeux dans les siens, perpétuellement orageux en sa présence.

- Et peut-être qu'il mérite mieux qu'un frère comme toi, dit-elle durement.

Ils se défièrent du regard jusqu'à ce que la voix de Remus se fasse entendre, les faisant à peine sursauter.

- Trouvé ! Le libraire m'a dit « c'est un roman engagé », alors ça devrait lui convenir. Tout va bien ?

Sirius enfonça ses mains dans ses poches après un dernier regard de mépris pour La Chouette.

- Rentrons, ordonna-t-il simplement.

Ils se mirent à chercher un endroit discret pour transplaner - chose peu aisée à cinq heures cinquante-trois de l'après-midi un samedi.

- Là ! proposa Lupin en désignant deux énormes poubelles qui auraient vaguement pu les dissimuler tous les trois.

- Déjà pris, nota Lauren en désignant le couple qui s'y embrassait. Ils aiment les endroits romantiques, ceux... - Pardon !

Un homme de taille moyenne venait de la bousculer. Elle esquiva son regard mauvais et s'attarda un instant sur son short de basket bizarrement assorti à sa chemise. Ses cheveux huilés étaient plaqués sur son crâne. Étrange... Elle balaya alors la foule du regard et remarqua un nombre important d'individus particulièrement mal habillés.

- On est entourés de sorciers, chuchota-t-elle aux deux garçons qui la considéraient d'un air intrigué.

- Et alors ?

- Alors ce n'est pas normal. Ce quartier n'est fréquenté que par des Moldus.

- Il y a peut-être un rassemblement ? proposa Remus.

- Mais un rassemblement de quoi ? s'inquiéta Lauren.

Ils s'arrêtèrent net lorsqu'ils comprirent son insinuation. Les trois adolescents se collèrent alors à la devanture d'une chocolaterie, sur leurs gardes. Il leur apparut bientôt très clairement qu'un nombre important de sorciers aux intentions non identifiées quadrillaient le secteur.

- On part, déclara La Chouette. Maintenant.

- Non, répliqua aussitôt Sirius. Si ce sont des Mangemorts, les Moldus sont en danger et nous devons les protéger.

Lauren éclata de rire tant la bravoure du Gryffondor lui parut absurde.

- Lupin, raisonne-le, par pitié.

Remus tendit le cou pour regarder le croisement de la rue, là où les sorciers semblaient tous se diriger.

- On reste pour vérifier que tout va bien, décida-t-il finalement. Si la situation s'envenime, on part.

La foule se faisait de plus en plus compacte. Lauren ne se sentait pas l'âme d'une héroïne. Elle agrippa la manche de Lupin et parla très rapidement.

- Je peux vous donner ce que vous voulez. Vous voulez quoi ? La pire peur de Mulciber ? J'ai. Le petit secret d'Evans ? J'ai. J'ai tout. Dites-moi ! Lupin ?

Il y eut le rire jaune de Black dans son dos et elle se tourna sur lui.

- Tu crois qu'on en a quelque chose à faire, de tes petites histoires ? On est en pleine guerre, Veerman, et une attaque va peut-être avoir lieu ici même. À quoi servent tes manipulations ridicules maintenant ?

Elle aurait aimé lui dire que justement, le monde magique était en guerre, et que des adolescents n'y avaient pas leur place. Que la menace était trop grande, qu'ils étaient trop jeunes. Elle aurait aimé lui dire qu'elle n'aurait jamais le courage d'y faire face. Mais au moment où elle ouvrit la bouche, une immense explosion éclata à une quinzaine de mètres.

Dans un superbe reflexe, les deux sorciers élevèrent simultanément un puissant bouclier autour d'eux. Il protégea les Moldus alentours, mais des maléfices se mirent à fuser. Il y eut le silence, puis des cris, des chocs sourds, et Lauren tenta une dernière fois de raisonner Lupin.

- Ramène-nous à Pré-au-Lard et je préviendrai Dumbledore, promit-elle d'une voix forte perçant à peine le vacarme. Lui seul pourra y mettre fin.

Ils durent s'accroupir pour se protéger des éclats. Le Gryffondor réfléchissait. Six heures, huit minutes, treize secondes. Il finit par empoigner son poignet, ainsi que celui de Sirius, et ils disparurent dans un tourbillon de fumée.

L'arrivée au petit village sorcier fut un choc. L'atmosphère joyeuse, amoureuse, insouciante, les laissa un instant hébétés. Puis Lauren se releva et courut.

Lupin la regarda s'éloigner tout en luttant contre son ami déterminé à retourner au combat. Il s'étonna lorsqu'elle passa devant le Chaudron Baveur sans s'arrêter. Il se sentit stupide quand il la vit poursuivre son chemin et entrer... dans le salon de thé de Madame Pieddodu. Vingt secondes plus tard, son armée d'angelots dorés envahissait les rues de Pré-au-Lard. Et de leur petite voix fluette, ils clamaient cette phrase bizarrement télégraphique :

- Attaque de Mangemorts à Saint James's Palace. Besoin de renforts immédiatement.


J'espère que ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à laisser une petite review, ça me fait toujours énormément plaisir :)