Hey !
Et voilà un nouveau chapitre ! J'arrive enfin à faire des trucs pas trop longs, c'est chouette. Il faut juste que s'arrête de corriger au dernier moment. Et que j'évite de les rallonger en relisant.
Merci à Mijoqui pour sa review sous l'OS précédent !
Bonne lecture !
Le poids d'un regard
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– Demyx m'a dit que vous aviez passé la nuit ensemble.
– Et tu crois toujours tout ce que Dem dit ?
– Non. Mais je sais quand il ment.
Aqua soupire. Vanitas ne l'aime pas, elle en a conscience. Et elle comprend pourquoi. Ça ne lui rend pas la tâte plus facile.
Comme toujours, il se cache derrière un rire méprisant.
– Oh, je vois. Madame croit qu'elle a découvert quelque chose d'important ? Bah désolé de te décevoir, mais c'est pas nouveau. T'as un siècle de retard sur tout le monde. Et ça te regarde pas, aussi. J'entre dans ta chambre quand Larx te baise, moi ?
– Je ne te parle pas de sexe.
Ça, elle s'en moque. Elle sait que leur rockeur a eu le loisir de partager bien des lits, de toute sa longue immortalité. Même a elle, il a fait des avances. Des avances touchantes, auxquelles elle n'a jamais donné de suite.
Non, ce qui a éveillé son intention - et son inquiétude - c'est qu'il n'est cette fois pas question d'une partie de jambes en l'air.
– Vous êtes restés au salon.
– Le lit est trop dur. On a voulu tester le canapé. Pas le meilleur endroit pour faire ça, si tu veux mon avis.
– Vanitas.
Elle soupire. Pourquoi faut-il qu'il rende toujours les choses aussi difficiles ? Est-ce qu'il ne pourrait pas, pour une fois...
Ça fait cent ans, bon sang.
Enfin, il se tourne vers elle. Et ce n'est pas pour lui sourire.
– Quoi ? Oui, on a passé la soirée à causer au salon. Et ? T'arrêtes pas de râler comme quoi je sors jamais de ma chambre. Tu devrais être contente, non ?
– Je le suis.
– Genre. T'as vu ta gueule ?
– C'est vrai.
Elle ne ment pas. Depuis des décennies que Vanitas reste enfermé ici, à lorgner la nuit par la fenêtre, elle est rassurée de voir qu'il s'ouvre à nouveau. Enfin, elle devrait l'être.
Le problème, c'est que cette sortie coïncide avec l'arrivée de Riku. Évidemment, elle l'a remarqué. Elle n'est pas la seule.
– Pourquoi maintenant ? elle demande.
Il la fixe. Silence. Les secondes s'égrainent - et même quand on a plusieurs siècles, elles sont toujours aussi longues. Elle peut voir toutes les émotions qui traversent son minois, comme autant de pensées qu'il pourrait lui cracher en pleine face. Dégoût, amusement, mépris. Un mélange qui lui serre la gorge.
Il le sait, hein. Il sait ce que ça lui fait, quand il la regarde comme ça. Le poids de ses yeux sur elle.
– A ton avis ?
– Je t'ai posé une question, ce n'est pas pour-
– T'as déjà la réponse. T'es d'une hypocrisie, Aqua.
Il siffle.
– Pas besoin de se demander pourquoi c'est à toi que Xemnas file les rênes quand il se barre.
Ça la touche. Moins qu'avant, mais c'est douloureux. Elle se dit qu'elle le mérite, et ça calme la brûlure qui la traverse. Mais bon sang.
– Je voulais juste-
– Quoi ?
Oui, quoi ? Qu'est-ce qu'elle voulait ? Qu'est-ce qu'elle cherchait, en ouvrant cette porte ? Elle ne sait pas. Une forme de rédemption, peut-être. De pardon. Mais Vanitas ne pardonne pas, tout comme Sora est incapable de rancune.
Et pourtant, elle essaie encore.
– Fais attention, elle ajoute cependant.
– Gna gna gna.
– Je suis sérieuse. Riku et Sora sont liés.
– Pour ce que ça vaut.
– Tu connais les règles du manoir.
Un regard noir monté sur une grimace plein de mépris. Elle s'y attendait, mais ça reste désagréable. Elle déglutit. Il faut qu'elle calme ses émotions. Le bien être de la communauté avant tout, c'est sa devise. Elle doit veiller à ce que leur fragile équilibre n'éclate pas sous l'impulsion du caprice d'un des leurs.
– Oui.
La réponse claque comme une porte. Et ce regard si dur. Aqua voudrait disparaître. Ne pas avoir à s'occuper de ça. Elle ne sait même pas quoi dire. Elle voudrait tellement, pourtant, trouver quelque chose qui le touche, lui tendre la main. Effacer ce miasme noir où Vanitas s'est englué. Il fait partie des leurs. Mais chaque fois qu'elle approche les doigts de cet oursin, ses aiguilles menacent sa peau.
– Et t'imagines pas comme je m'en balance, de vos règles.
Elle ne sait pas par quel bout le prendre. Et elle songe, parfois, qu'il n'y a tout simplement pas de bout. Aucun angle. Vanitas est une sphère lisse.
– Tu sais ce qui t'attends si tu t'en prends à lui.
Elle voudrait que ça ne sonne pas comme une menace.
– Que je m'en prenne à lui ?
Que Vanitas ne ricane pas comme il le fait, la tête renversée sur le bord du lit. Ses cheveux suspendus comme autant de lianes.
– Qu'est-ce qui te dit qu'il en a pas envie, hein ? T'en sais quoi ? T'es pas à sa place.
– Il n'est pas venu ici pour toi.
Elle voudrait, surtout, ne pas faire de cette main tendue une claque sèche qui déforme la grimace du noiraud. Mais ça se termine toujours comme ça. Ce mépris dans son regard, et cette lignée de dents enragées. Cette gueule de chien prêt à mordre, ça devrait lui faire peur. Mais ça lui fend le cœur.
Parce qu'elle comprend. Cette douleur cuisante qu'on rallume comme une vieille bougie. Cet espoir. Et c'est à elle de l'éteindre.
Pourquoi ?
– Je sais ce que tu ressens, mais-
– Non.
Et chaque mot que Vanitas prononce est un écho qui se répète à l'infinie.
– Tu sais pas ce que j'ressens.
Une berceuse qu'elle connaît trop bien.
– Tu crois que tu sais ce que ça fait, mais tu te plantes.
Elle déglutit.
– T'as pas la moindre putain de petite idée de ce que c'est. Et me ressors pas ton histoire, j'l'ai assez entendue.
– Ce n'est pas en t'enfermant là-dedans que tu-
– Tu m'as enfermée là-dedans !
De sa gorge, un râle de bête. Un cri comme un coup qui la touche, qu'elle encaisse dents serrées. C'est là sur son visage, sur ses traits déformés, une colère animale qui menace d'éclater. Une rancœur qu'il jette comme un énorme bidon qu'on balance au milieu de l'incendie, avec cet espoir fou, ce besoin de savoir qu'on est pas le seul à brûler.
Elle sait ce qu'il essaie de faire. Elle comprend.
– Alors va bouffer ta bonne conscience et fous-moi la paix !
Comme elle comprend, encore une fois, qu'elle ne peut rien faire pour lui. Et elle l'oubliera encore, quand ça fera moins mal. Elle reviendra. A nouveau, elle se blessera.
Elle abandonne la chambre sur cette dernière image, ce tableau de rancune. La porte se ferme, et il n'y a plus qu'un long couloir qu'elle traverse. Des pas qui se répètent. Un silence plein de pensées. Elle voit derrière les vitres une nuit éternelle, qui l'accompagne depuis si longtemps. Un ciel triste et profond. Bleu d'abysse. Contre le mur, elle s'appuie. Pousse le rideau.
Nimbée sous les étoiles, elle comprend pourquoi Vanitas passe des heures à fixer les astres. Cette solitude confortable qui s'installe face au monde endormi. Ça la prend, cette vieille nostalgie, et elle repense à toutes les nuits qu'elle a usées à fixer la lune sans craindre le soleil qui arriverait. Ça remonte, maintenant.
– Aqua ?
Une petite voix lui fait tourner la tête. Elle oublie ses étoiles et croise un regard qui lui rappelle le ciel du jour, qu'elle n'a pas contemplé depuis des années. Deux pupilles sombres et un sourire simple.
– Il te faut quelque chose ?
Roxas secoue la tête. Ça fait danser ses cheveux comme une botte de foin qu'on s'amuserait à secouer.
– Du tout.
Son timbre est toujours un peu plus grave que ce à quoi elle s'attend. Chaque fois qu'elle l'entend, elle s'en étonne. Elle doit inspirer, avant chaque sourire. Prendre sur elle quand il s'approche.
– T'as l'air claquée, il ajoute en s'approchant.
– C'est rien.
– Encore Vanitas ?
Il est futé. Il l'a toujours été. Un esprit aiguisé monté sur deux fines guibolles - qu'Axel regarde toujours d'un peu trop près. Un coup d'œil vers son cou, et elle remarque deux pointes rosies qui viennent pigmenter sa peau.
Apparemment, le rouquin s'est pris un casse-croûte.
Elle n'aime pas ça. Mais elle n'a pas son mot à dire, alors elle se tait. Même si c'est dur.
– Il est compliqué, en ce moment.
Parfois, elle voudrait faire comme le corbeau. Envoyer valser les convenances et déchainer sa peine sans s'inquiéter des conséquences pour le monde qui recevra ses échos. Seulement, si elle craque, personne ne prendra le relais. Alors il faut ravaler sa peine et tenir. Et espérer qu'un jour, tout sera fini.
– Il est toujours compliqué, Roxas note.
– Il a ses raisons.
– J'imagine.
Il imagine oui, puisqu'il ne peut pas savoir.
– Tu devrais te reposer. Les humains dorment, la nuit.
– Pas tous les humains.
– Tu n'es pas du genre couche-tard.
Elle sent qu'il la regarde et c'est toujours aussi déstabilisant. Cette petite tête, et la curiosité qui dort dans ses yeux. Ça lui donne envie de tendre la main pour retrouver sa joue.
Alors elle se tourne à nouveau vers la fenêtre.
– Une exception de temps en temps, ça ne peut pas faire de mal.
Elle sourit. Sans joie, mais ça lui vient comme ça. Elle caresse le verre ancien du bout des doigts.
– Les exceptions ne sont plus des exceptions, quand on les répète trop souvent.
Il hausse les épaules. Sans le voir, elle l'entend. Ce faible bruissement que ses oreilles attrapent. Un frottement. Le raclement serré dans sa gorge qui raisonne alors qu'il déglutit. Le souffle bref qui s'échappe de ses narines chaque fois qu'il vide ses poumons. Et même ce petit bruit humide qui sort de ses lèvres comme il les ouvre et referme aussitôt.
Elle ferme les yeux alors qu'il s'éloigne.
C'est toujours une épreuve de le laisser partir.
xoxoxox
Merde.
La tête enfoncée dans son oreiller, Riku cherche le sommeil que son rythme de vie fracassé lui interdit. Il ferme les yeux. Compte jusqu'à dix. Arrête de compter. Ouvre les yeux. Regarde le plafond. Réalise qu'il n'a pas fermé les volets, et que l'ombre des branches traverse la vitre. Un jeu d'ombre qui ternit le rideau.
Il le savait qu'il aurait dû faire attention. Se lever plus tôt, mettre un réveil, ce genre de chose. Quel crétin. Ne pas passer la moitié de la nuit sur une console avec Sora et Demyx - et l'autre là, Axel ? Ou Reno. Il ne fait toujours pas la différence entre les deux. Ils sont tellement roux.
Ça ne veut rien dire. Ses pensées sont complètement éclatées. Il est beaucoup trop tard pour essayer d'établir un raisonnement cohérent.
Alors il ferme encore les yeux, et il essaie de dormir.
Mais, encore, il voit ce visage illuminé par deux iris jaunes.
Et les siens s'exposent à nouveau à l'ombre découpée de la pièce.
Riku.
Cette manière qu'il a d'articuler son prénom, ça le tue. C'est comme un coup de ciseau, un bruit sec et précis qui laisse une trace nette à l'intérieur de lui. Riku. Deux syllabes qu'il détache. Riku. Un ensemble qui roule dans sa bouche.
Riku. Vanitas le dit, et il n'a jamais autant eu l'impression d'exister.
Riku.
Bordel.
Il ne devrait pas y penser autant. Sauf qu'il le fait. Comme un ado boutonneux qui bave sur le mec qu'il croise tous les jours dans les couloirs du collège. Il y revient incessamment. Une obsession qui ramène tous les détails de la pièce vers un seul et unique visage. La silhouette des arbres lui rappelle sa tignasse, le vent souffle dehors comme il siffle quand on l'amuse. Le dossier carré d'une chaise dans un coin imite la forme de ses épaules - et il croit, un instant, que Vanitas s'est assis là. Mais la pièce est vide, et les murmures qui habitent les murs ne sont que de pâles copies de sa voix.
Vanitas est là. Dans sa tête.
Et il ne devrait pas y être.
Ça le retourne, comme au début de la fac, quand il ne pensait plus qu'à Sora. Il se sent à nouveau idiot, à nouveau balancé comme un glaçon dans un mixeur. A nouveau comme un gamin, et Riku n'aime pas se sentir comme un gamin. Perdu, à la merci d'émotions qui écourtent ses nuits. Il a eu trois conversations avec Vanitas, et voilà que...
Il souffle dans son oreiller.
Si ça se trouve, c'est un truc de vampire. Une espèce de technique de prédation. Vanitas est beau et attirant et obsédant parce que c'est un chasseur et qu'il est une proie. Et une proie attirée par son prédateur, c'est un repas déjà servi. Possible qu'il ait eu le béguin pour Sora pour les mêmes raisons. Oui. Ils se rendent naturellement irrésistibles pour le chasser. Il y a bien une histoire du genre dans Twilight, non ?
C'est que ça tient la route, cette connerie.
Est-ce qu'ils peuvent vraiment faire ça ? Demyx n'a pas cet effet sur lui. Ni Axel - ou Reno. Peut-être que c'est conscient ? Sora aura joué avec lui un temps avant de le laisser tranquille. Il est chafouin, ça lui ressemblerait bien. Mais il est aussi naïf. Si ça se trouve, il ne fait pas exprès. Ça lui ressemblerait encore plus. Et puis, ça expliquerait cet effet solaire qu'il a sur les gens. Il attire les amis comme le miel attire le vinaigre.
Non. Les mouches. Comme le miel attire les mouches. Ou les abeilles ?
Il est beaucoup trop fatigué.
Vanitas, en revanche, il le fait exprès. C'est voulu, et ça l'enrage. Il doit s'amuser comme un petit fou. Oh, oui. C'est typiquement le genre de petit con qui s'éclate à faire tourner les gens en bourrique. Il faut bien se distraire après des siècles d'ennui, hein ?
Quelle peste.
Mais six cents ans, quand même. C'est si vieux.
Et si Sora se lassait vraiment de lui ? Peut-être que leur amitié n'est qu'un énième passe temps. Un moyen comme un autre d'écourter l'éternité qu'il traverse.
Bon sang. Jamais il ne réussira à s'endormir.
Mais il faut bien. Alors il ferme les yeux, encore. Et il compte, encore. Et il se maudit et maudit les pensées qui le traversent. Le torrent dans sa tête.
Et les minutes passent.
Les ombres se mélangent. Son corps tremble et se mêle aux draps, avalé dans un typhon de sueur. Ses bras lourds se ramollissent, ses yeux collés refusent de s'ouvrir et quand ils s'ouvrent, encore, la chambre n'est plus la chambre. C'est à nouveau ce cagibi d'étudiant et son père attend de l'autre côté de la porte. Il a sa mère morte au téléphone, mais Riku ne veut pas lui parler. Plus jamais. Il préfère regarder par la fenêtre la neige qui tombe et s'invite bientôt dans son lit, puisqu'il n'y a plus de plafond.
La neige. Partout. Une couverture chaude et froide qui l'enterre. Un goût étrange dans sa bouche. Une voix. Le ciel qui doucement devient bleu. Un cri. La lumière qui grandit, s'étale.
Il ouvre les yeux, secoué par le jour qui s'invite dans sa chambre. Sa vraie chambre. Avec un toit.
Le jour est là sans qu'il l'ait vu se lever. Il a dormi, alors. Pourtant la fatigue demeure. Elle englue ses paupières. Écrase son corps contre le matelas, alourdi par une angoisse étrange.
Un sentiment qui s'est glissé sous sa peau.
Riku déglutit. Il y a des matins comme ça, où d'étranges rêves le font se sentir incroyablement triste.
La main fébrile, il cherche son téléphone.
7h 12.
C'est mieux que 13h passé, il suppose.
Bonus
Extrait du Règlement. (paragraphe 7 à 12)
Il est interdit de mordre les humains sans leur accord, qu'ils soient ou non liés à un vampire. Toute chasse ne peut avoir lieu qu'à l'extérieur du manoir.
Les chasses ont lieu dans un périmètre éloigné du manoir, de manière à ce que les traces éventuellement laissées ne puissent mener jusqu'au clan.
Les proies doivent êtres choisies selon les critères suivants:
- elles sont simples à maîtriser et ne sont pas en capacité de prévenir leurs congénères.
- elles sont sur une tranche d'âge / dans un état où la morsure ne représente pas un danger pour leur vie.
- elles ne présentent pas déjà de trace de morsure, sur aucun endroit du corps.
- elles sont dans un état qui facilitera l'effacement de leurs souvenir, ou qui, cas échéant, invalidera leur discours si elles venaient à conserver la mémoire de cet événement.
Les proies ne doivent pas être éliminées au cours de la chasse. Si cela devait tout de même se produire, le patriarche actuel du manoir doit immédiatement être prévenu. Le corps doit alors être dissimulé, afin de ne pas tomber entre les mains des autorités compétentes.
Les vampires ne doivent pas révéler leur véritable nature aux proies qu'ils choisissent. Le secret ne peut être rompu que dans l'objectif d'un pacte entre l'humain et le vampire, auquel cas l'autorisation du patriarche - ou, cas échéant, de la personne dépositaire de l'autorité au moment des faits - devra être accordée en amont de toute initiative.
Et voilà.
Pour le Bonus, j'avais écrit ça sur un coup de tête et je me suis dit que, tant qu'à faire, autant l'intégrer dans la fanfic ? Le fonctionnement du manoir sera peut-être un peu moins flou, comme ça.
A la semaine prochaine !
