Hey !

Et voilà le chapitre de la semaine ! pas très long, mais j'aimerais bien garder ce volume pour les suivants. C'est plus rapide à relire :')

Là y a pas mal de trucs qui ont été mis en place. Il reste encore deux trois éléments à amener, mais bientôt ça va commencer à bouger !

Merci à Mijoqui pour sa review sous le chapitre précédent !

Bonne lecture !


Comprendre, ou croire comprendre

.

Il manque du monde dans le hall, mais le nombre de têtes familières n'en reste pas moins impressionnant. C'est la première pensée qui traverse la tête de Riku alors qu'il descend les escaliers. La masse est plus maigre qu'au jour de son arrivée, pourtant, ils sont nombreux à avoir délaissé leur chambre. Il en déduit que Kairi est apprécié.

Il déglutit.

Les gens ne sont pas à proprement parler en train de l'attendre. Ils discutent autour d'une table, s'amassent sur les escaliers, s'activent sur une console et tournent les pages d'un bouquin - Ienzo en l'occurrence, qu'il reconnaît, le pif perdu dans ses pages. Demyx est parti, mais Naminé s'essaie à la harpe dans un coin de la pièce. Une mélodie délicate l'enveloppe et s'envole comme un oiseau, une nuée de papillons qui volètent dans la pièce. Xion reste à ses pieds, lovée au sol, en adoration

– Elle a passé le portail !

Et près de lui, Sora trépigne. Il a enfilé son plus beau pantacourt, un tee-shirt Space Invaders - dire qu'il a connue la sortie des premiers jeux de la série, Riku peine à le concevoir - et il marche pieds nu sur de somptueux tapis rouges, l'œil pétillant.

Oeil qui glisse régulièrement vers l'écran de son téléphone.

– Ça veut dire ?

– Qu'elle arrive dans moins de cinq minutes !

Cinq minutes, bien.

Il scrute son propre poignet, où dorment deux petites marques rosies. D'imperceptibles perles. C'est minuscule, pas de quoi laisser une cicatrice. Surement que d'ici deux ou trois semaines, on y verra plus rien.

Est-ce que Sora l'aura à nouveau mordu, d'ici-là ?

– Calme toi Roméo, elle arrivera pas plus vite si tu piailles.

Axel - dont il a enfin retenu le nom - agite son doigt dans les airs. Il va pour ajouter quelque chose. N'en a pas le temps.

– Tu as peur qu'il te fasse de la concurrence ?

Ce timbre.

Riku se tend. Pas besoin de se retourner, la joie qui s'étale sur le visage de Sora lui rapporte qu'il a bien entendu. Il serre les poings. Garde les yeux fixés sur la porte d'entrée. Comme si cette poignée de mots ne roulait pas encore au creux de son oreille.

– Eh !

Outré - ou faussement outré, ce qui revient sans doute au même - Axel agite sa main.

– Tu sais Van, je commence à regretter le temps où tu restais enfermé dans ta chambre.

– Et moi celui où t'existais pas. Est-ce que je le fais remarquer chaque fois que tu l'ouvres ?

Des pas qui descendent et s'approchent. Le doublent. Toujours, Riku ignore ce souffle froid qui passe contre sa peau.

– Bonsoir.

Ça fourmille à l'intérieur de lui.

– Salut.

Quelqu'un répond. trop tard, il comprend que c'est lui.

– Tu regarde jamais les gens quand tu leur parles ?

– Seulement ceux qui le méritent.

– Oh. Je vais me vexer, tu sais ?

Sa voix s'enfonce en lui comme un hameçon. La corde tire. Il déglutit. Ses mots pleins de rires, comme des aiguilles sur sa peau. Il serre la rampe qu'il agrippe.

Définitivement, il ne lui fera pas le plaisir de lever la tête pour lui.

– Eh, Van !

Comme s'il l'oubliait soudain, le noiraud descend ce qu'il reste de marches pour rejoindre son frère. Si sa tenue noire n'a rien à voir avec la dégaine de geek du chiot joyeux, ils ont les mêmes pieds nus. Une peau froide qui s'avance sur le moelleux des tapis.

Deux reflets d'un miroir aux couleurs déformées.

Comme il les observe, Riku réalise qu'il a levé les yeux pour lui, encore. Merde.

– T'es venu ? Sora s'égaille.

– On t'entend jusqu'à l'autre bout de l'aile, Vanitas lâche.

Ça sonne comme un reproche, pourtant, l'humain sent qu'il n'en est rien.

– On s'est pas vu depuis Noël !

Parce que les traits du corbeau se détendent. Ses bras, enveloppés dans les manches d'une chemise souple, gagnent ses hanches dans un élan décontracté.

– J'avais compris.

– Eh. Tu pourrais te réjouir avec moi !

Il lève une main pâle qui vient contre la joue de Sora. Allonge ses doigts pour les glisser dans sa tignasse. Et ça les fait sourire, tous les deux. Pas de la même manière, mais... Mais c'est chaud, et Riku sent la méfiance grimper d'un coup. Cette expression, là, sur le visage de Vanitas, ça ne peut pas être sincère. Définitivement.

– Profite bien.

– J'y compte !

Leur voix se répondent au-delà des mots, comme un écho. Un prolongement de ces phalanges pâles gardées contre cette peau mate. Ce lien affiché sous ses yeux, l'étudiant sait d'office qu'il ne pourra jamais le comprendre. C'est hors de sa portée, un tableau qu'il ne peut qu'observer sans en déceler les secrets. Et ça lui serre le ventre. Une jalousie mauvaise qu'il ne comprend pas plus qu'il ne la contrôle.

Son ventre se tord, comme la main de Sora rejoint celle de son frère.

Autour d'eux, personne ne réagit. A croire que c'est normal, ça. Vanitas qui sourit comme si tout allait bien. Comme s'il ne cachait pas quelques plans troubles derrière son air adouci. Les gens parlent et jouent, la musique de Naminé tremble à l'autre bout de la pièce. Tout va bien.

Et puis la porte s'ouvre.

Toute la lumière du ciel plonge droit sur le visage de Sora alors que Saïx passe l'entrée. Il pousse le battant qui vient claquer contre le mur et, dans son ombre, un visage aux traits marqués apparaît. La lumière du lustre vient découper sa trogne, alors qu'elle secoue ses cheveux plein de pluie. Un bleu océanique surplombe son nez.

Pour la première fois, Riku croise le regard de Kairi.

xoxoxox

– Alors c'est toi Riku !

Sa voix est aussi claire que celle de Naminé, mais sa diction est bien moins appliquée. Elle parle comme Sora, aussi vite qu'elle pense. Si ce n'est qu'elle agrémente ses phrases de rires artificiels, la tête penchée.

– C'est ça.

– Enchantée !

Elle a pris le temps d'étreindre Sora, et de saluer tous ceux qui sont venus l'attendre. Aussi, le gris est allé s'installer à part, dans un coin de la pièce. Pas au salon - Vanitas aurait pu le suivre et alors, qui sait ce qui se serait passé - mais il a trouvé un fauteuil libre en face du canapé où les deux tourtereaux, siègent désormais. Il se sent plus à l'aise, maintenant que la masse de monde s'est tassée.

– De même.

Lui qui s'inquiétait de la voir arriver, il trouve ça étrangement facile de lui sourire. Comme si, de par sa présence, Kairi dénouait les chaînes d'angoisses qu'elle avait elle-même scellées.

Enfin, non. C'est Vanitas qui a commencé, avec ses histoires de… Il ne veut pas penser à ça maintenant.

– Alors, qu'est-ce que ça fait de passer ses vacances au milieu d'une bande de vampires ?

Tous ces mots incongrus qui sortent de sa joyeuse bouche. C'est toujours bizarre pour Riku, de voir ces créatures parler si simplement de ce qu'il a longtemps pris pour un mythe fascinant. Leurs mondes se cognent, mais il est seul à ressentir le choc.

– Ça change de ce que je connais.

– J'imagine ! Tu fais quoi d'habitude ? Vacances en famille ? Tu vas à la mer ?

– Non.

Il aurait sans doute aimé, plus jeune.

– Mon père travaille trop pour ça.

– Oh oui, Sora m'a dit. Militaire ?

– Ex-militaire.

Des médailles plein la baraque. Des coups de fils, parfois. Mais quand il passe, c'est juste pour remplir le frigo avant de l'abandonner à nouveau. La fin de sa carrière n'a pas signé celle de ses absences. Riku a passé plus de temps avec ses nourrices qu'avec cet homme.

– Alors ? Tu supportes toujours Sora, même après trois semaines collé à lui ?

– J'ai l'habitude.

– Je vous entends, le brun s'offusque.

– C'est l'idée, chaton.

Tiens. Dans sa tête, Riku a toujours comparé Sora à un chien. Sans doute à cause de cette manie qu'il a de faire la fête aux gens qu'il aime quand il les croise, comme un petit chiot bondissant sur les cuisses de son maître. Un chat, pour lui, c'est trop subtile.

Il le pense sans aucune méchanceté.

Les deux amoureux se glissent des regards entre les mots. Tout bref qu'il soit, il y a toujours un contact entre eux. Des mains qui s'effleurent, un genoux collé. Une mèche à remettre en place. Sora lui a dit, un jour, que les sens des vampires étaient plus développés que ceux des humains. Qu'est-ce que ça fait de toucher quelqu'un qu'on aime, dans ces conditions ?

– Sora m'a énormément parlé de toi. Son ami humain de la fac, elle ajoute et il ne sait pas ce qu'il doit penser de cette appellation. C'est cool de voir que t'existes vraiment.

– Je t'avais montré des photos !

– T'aurais pu prendre des clichés de n'importe quel lourdaud de ton université.

– Et pourquoi j'aurais fait ça ?

– Pour qu'Aqua te lâche la grappe.

Elle rit et se tourne vers lui, agite sa main pour lui faire signe de s'approcher.

– Avant, il passait ses nuits collé aux écrans. C'est pas comme si ça pouvait lui faire du mal, mais bon. Elle aime pas qu'on reste cloîtré comme ça. On a pas votre rythme de vie, alors si on fait pas gaffe, on a vite fait de s'enfoncer dans une route pas très saine.

– Je vois.

Lui aussi, il est ravi d'apprendre qu'il n'est pas l'ami factice de Sora. Il croit. N'empêche qu'il l'imagine bien, l'autre, passer sa journée le cul enfoncé dans son lit. Une paille pleine de sang au bout des lèvres.

– Déjà c'était cool qu'il tente la fac, mais qu'il t'ai rencontré, c'est encore mieux.

– Je...

Qu'est-ce qu'il doit répondre ? Merci ? C'est un peu plat comme réponse, non ? Aucune idée. Elle affiche ses jolies dents blanches juste sous son nez, et il n'a pas la moindre idée de ce qu'elle attend de lui.

Est-ce qu'elle mord Sora ? Et inversement ? Ça se fait, dans les couples de vampires ?

– Enfin ! Si t'es arrivé avec lui, je suppose que t'as déjà eu le temps de rencontrer Vanitas.

– En effet.

Sa voix le durcit. Involontairement.

– Oh. Je te demande pas si ça s'est bien passé, hein ?

C'est sans doute marqué sur sa tête, oui. Elle n'arrête pas de sourire pour autant.

– S'il t'embête trop, dis-le moi. Il m'écoute plus que son frère. Et il t'embêtera, alors j'insiste.

– Pour l'instant...

Il ne se voit vraiment pas lui parler de sa nuit dernière. Ce serait gênant surtout pour une première rencontre. Il a suffisamment honte comme ça.

– Et en parlant de lui, il ferait mieux d'arrêter d'écouter aux portes. C'est malvenu d'espionner les conversations des gens, tu sais ?

Un ricanement fuse droit depuis l'escalier qui les surplombe. Riku sursaute.

– J'espionnais pas. Tu savais que j'écoutais.

– Même.

– C'est bon. Vous étiez pas non plus en train de parler de vos MST.

– Comme si on pouvait en avoir.

– Lui, oui.

Dans la lumière tremblante d'une bougie, le visage de Vanitas se découpe. Son nez pointe, fendu d'une ombre noire qui vient envelopper son œil. Sa tignasse brille de blanc dans l'ombre charbonneuse qui la compose. Fermes, ses doigts glissent le long de la rampe alors qu'il s'approche pour les rejoindre et dans son dos, c'est une version de lui immense qui rampe contre les murs, sans cesse déformée par les meubles qu'il croise.

Il arbore un sourire délicieux.

Riku réalise, trop tard, qu'il s'est entièrement tourné vers lui.

– J'en ai pas, il lâche, tout ridicule que ce soit.

– Ravi de l'apprendre.

Les r roulent contre son palais comme de doux ronronnements qui se répercutent en lui. Un reste d'accent.

– Vany, Sora geint.

– Quoi ? Je dérange ?

– On est entre potes, là

C'est adorable comme le vampire couine - et rassurant, de savoir qu'il n'est pas le seul à trouver que le noiraud est de trop.

– Et tu m'inclus pas dans le groupe ?

– T'es mon frère.

– Laisse-le, la rouquine coupe. Y a de la place pour trois sur ce canapé.

Ah. Sa sympathie pour Kairi vient de baisser de six points. Il s'enfonce dans son fauteuil.

– Je voudrais pas déranger, Vanitas déplore.

– Tu déranges pas. Viens.

– Mais ! le vieux gamin proteste.

– Lui non plus, je l'ai pas vu depuis Noël. Laisse-moi profiter.

Sa parole fait loi. Sitôt ces mots prononcés, Sora n'ose plus se plaindre. Enfin. Pas verbalement. Il croise les bras, mais il ne dit rien, et il ravale sa grimace.

De son côté, Riku est tendu comme le string qu'il a enfilé, un soir de nouvel an beaucoup trop arrosé. Il ne sait pas s'il est en colère, effrayé ou attiré par la présence du corbeau. Il sait, en revanche, qu'il ne doit rien en montrer.

– Alors ? Tu as fait bon voyage ?

Vanitas lâche ces mots comme il dépose son corps près de celui de Kairi. Le geste est léger, toute son attention portée sur elle. Est-ce qu'il va se tenir à carreau, comme il l'a - plus ou moins - fait en présence de Demyx ? On dirait.

Bien. Riku ajoute l'hypocrisie à la liste de ses défauts.

– C'était long !

– Fallait pas partir étudier aussi loin, aussi.

– J'ai déjà fait le tour des facs du coin. J'avais besoin de changer.

– Mm. Si ça vous amuse, les études.

Là-dessus, Riku est d'accord. S'il avait le choix, il ne retournerait sans doute jamais à la fac. Alors enchaîner les licences et autres joyeusetés sur une éternité... Non, il ne comprend pas.

Sûrement parce qu'il n'est pas à leur place.

– Faut bien s'occuper, Kairi lâche.

Elle passe un bras autour des épaules de Sora, lequel vient tendrement poser sa tête près de la sienne. Définitivement, impossible de se tromper sur la nature de leur relation. Il ne les a pas vu s'embrasser, pas encore. Mais il y a toute cette tendresse qui glisse entre eux comme un ruisseau. Un monde qu'ils partagent chaque fois que leur main se touche.

Et ça lui serre le cœur.

C'est brusque comme ça l'écrase. Il détourne les yeux, tombe sur Vanitas. Vanitas qui, suivant le même chemin, croise son regard.

Pas de moqueries, de perles suaves. Juste un or infini qu'il sent peser sur lui. Une bouche inexpressive, à peine déformée par la main qui appuie contre sa joue. Il pense, Riku comprend. Il traverse un univers qui lui est inaccessible.

Et puis, son masque se meut. Imperceptiblement. C'est un œil qui se plisse, à peine. Un soin de lèvre renfrogné. Son poings qui se serre. Sa gorge qui remue. Une aiguille qui s'enfonce.

De la douleur.

Ou de la jalousie ? Il doute. Est-ce que la présence des deux amoureux le bouscule ? De voir son frère, son autre lui-même, sa tête sur l'épaule de Kairi, on dirait que ça l'irrite. Ça lui fait quoi, de savoir qu'il ne sera jamais la personne la plus importante à ses yeux ? Qu'il y a des gens qui comptent autant - peut-être plus - que lui ? Riku y pense et il se dit que cette même jalousie pourrait être la cause de son odieux comportement. Le premier familier de Sora après des siècles d'exclusivité. Oui. Ça se tient. Ça expliquerait, aussi, pourquoi le noiraud s'est soudain mis à sortir depuis son arrivée.

Il serre les dents.

Donc, Vanitas est un petit con jaloux. Soit. Maintenant qu'il sait d'où vient le problème, Riku va s'empresser de le régler.


Et voilà ! Vani s'est un peu calmé. Pour mieux embêter Riku par la suite, peut-être ?

A la semaine prochaine !