Hey !
Encore un chapitre, toujours dans les temps. Bon, il me reste plus des masses de réserve donc je vais me bouger pour l'écriture, mais ça devrait le faire !
Plus ça va, moins ça va pour Riku. C'est un peu drôle.
Un gros merci à Lae et Mijoqui pour leurs reviews ! Vous êtes cools. Très cools.
Bonne lecture !
Confrontation
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La nuit cogne contre ses tempes. D'une façon, il a sommeil. Et d'une autre, ce même sommeil l'emplit d'une énergie explosive. Ses yeux lourds refusent de se fermer, entravés par le poids d'un épuisement sec. Ses mirettes furètent d'un bout à l'autre de la pièce comme il cherche dans chaque recoin l'indice qui trahira sa présence. Dormir, ce sera pour plus tard. Et cette nuit, il pourra le faire sur ses deux oreilles. Dormir.
La langue du gris claque contre son palais. Il se rappelle par vague de la longue discussion qui s'est étalée entre eux. Eux, c'est Kairi, Sora, Vanitas et lui. Mais surtout Kairi et Sora. Des mots, des mots et encore des mots. Et à un moment, il n'a plus vraiment écouté. Et le temps a passé. Il fait nuit maintenant, ou alors il fait matin, et il est déjà tôt. Une heure d'insomnie. De levé, pour certain. Mais pas de couché.
Mais non. Il est le seul qui dort, ici. Le seul qui se couche.
Il devrait, d'ailleurs. Aller se coucher. Il pourrait se lover sous la couette et régler demain cette histoire. Mais demain encore, il y aura du grabuge. Le chef rentre, et Riku le sent, s'il veut mettre Vanitas au pied du mur, il doit le faire ce soir. Régler l'histoire avant que d'autres histoires ne s'ajoutent.
Alors il reste planté au milieu d'un salon vide, qu'Axel a quitté en compagnie de Roxas. Il est là, à attendre son rendez-vous. Parce que Vanitas va venir, hein ?
Mais bien sûr, Vanitas ne vient pas. Depuis qu'il a lâché leur groupe pour retrouver sa chambre, son ombre a abandonné les murs.
Bien bien. Si le vampire ne vient pas à lui...
Il l'a invité à visiter sa chambre en cas de besoin, hein ? Alors Riku se lève. L'autre bout de l'aile Ouest il a dit ? De toute façon, il n'y en a que deux. Et l'une se trouve être celle où il réside - et ou, en l'occurrence, Vanitas ne réside pas. Alors il traverse le salon et il grimpe les escaliers, ceux qui montent à l'opposé de sa chambre. Il y a du bruit, autour. Des voix qui lui parviennent, comme celle de Larxene qui tape la discute avec ce type nébuleux. Un éternel adolescent qui ne lui inspire rien de bon. Cheveux blancs, sourire chafouin. Son nom ? Il ne sait plus, et il n'a pas le temps de d'attarder. Pour l'heure, il l'appelle simili-Vanitas - dans sa tête, uniquement.
Un couloir ombré, des rideaux éternellement tirés. Sur les murs, des tableaux qu'il ne prend plus la peine de regarder. Et des photos au milieu. D'humains, bien sûr. Des familiers qu'il n'a jamais croisés. Morts, sans doute. Ou partis. Deux époques s'entrechoquent. Peinture et cliché. Des années d'écart. Le murmure grinçant d'un courant d'air vieux comme le monde, et l'envoûtement électrique d'une musique qui s'échappe d'une chaîne hifi.
Et, intemporelle, un bruit de pas.
Riku se tourne.
Soudain, un visage qui s'écarte d'un mur comme s'il s'en extirpait, un corps qui s'échappe des fondations du manoir. Un fantôme, presque. Mais non, c'est juste Vanitas, Vanitas et son sourire harpie.
– Sauf erreur de ma part, ta chambre est de l'autre côté.
– Je sais.
Le froid glisse dans ses mains comme ses jambes s'évaporent sous lui. Il ne sait par quel miracle il tient encore debout, mais il n'a pas de doute quant à l'origine de ce nœud qui s'enroule en lui. Vanitas est fautif, pas de doute là-dessus. En témoigne la joie mauvaise qui tranche sa face.
– Je te cherchais.
– Oh ? Tu as reconsidéré mon invitation ? Dans ce cas je t'en prie, ma chambre est juste là.
– Non.
Il répond comme on claque une porte, mais le souffle nourrit les étincelles dans les mirettes de son interlocuteur. Un rictus, sur sa bouche, que les lumières du couloir déforment en rire de citrouille.
– Si si, je t'assure. C'est la porte du fond.
– C'est pas ce que je voulais dire.
Il rit. Et ça, ça veut dire qu'il a perdu la première manche.
En bon conquérant, Vanitas s'approche et lui tourne autour, déjà trop près. Il a ce pas souple de spectre qui laissent croire que ces jambes ne bougent pas. Ou qu'elles bougent trop vite, et ça revient au même. Vanitas n'est pas humain, ça se sent juste dans ses pieds.
S'il lui jette de l'ail au visage, est-ce qu'il s'enfuira en courant ?
– Je sais, Riku.
Sa voix tremble. Glisse, comme de l'eau, et lui remplit la tête. Et c'est comme si elle avait toujours été là, en lui.
Il déteste ça, cette impression, comme si Vanitas était partout. Etait tout. Alors que c'est un pauvre petit con - jaloux de surcroît - qui se tient près de lui. Une chauve-souris qui se fait plus grande qu'elle n'est.
– Mais le fait est que tu es ici.
– Pas pour tes beaux yeux.
– Je prends quand même le compliment.
Serrer les poings. Ne pas perdre patience.
– Fous-moi la paix.
– Volontiers. Mais c'est toi qui traines devant ma chambre.
Oui. Pour lui transmettre un message. Mais pour ça, il faut des mots, et des mots qui ne sonneront pas comme une plainte ridicule. Vanitas serait trop heureux de savoir la place qu'il prend dans sa tête.
– Ce que t'as dit sur Sora, il commence. C'est faux.
– Mm, rappelle ce que j'ai dit ? J'ai la mémoire courte. Tu sais, six siècles d'existence à retenir, ça laisse pas la place aux détails.
– Il m'oubiera pas, même si Kairi est là.
– Oh, ça.
– C'est pas le genre de type qui abandonne ses amis. Il se lasse pas des gens, c'est-
– Ça aussi, je le sais déjà.
Et- Hein ? Non. Ce n'est pas la réponse qu'il attendait.
– C'est mon frère, je te signale. Je le connais mieux que toi.
Mais. Riku ne sait pas ce qu'il en pense, parce que ses pensées viennent d'entrer en collision dans sa tête. Une nébuleuse se répand. Il y a une erreur quelque part.
– C'est toi qui l'a dit.
– Oui. Pour t'emmerder.
L'emmerder.
– Pardon ?
– T'es tellement attaché à lui. Ça t'a foutu en pétard, c'était trop drôle à voix. Mais c'était juste une mauvaise blague, mec. Bien sûr que Sora te mettra pas de côté, ça fait deux ans qu'il bassine Kai' à ton sujet.
Il serre les poings. Donc, Van s'est joué de lui. Sciemment.
– Pourquoi t'as fait ça ?
– Mm, te mentir ?
Et l'autre s'éloigne épaules haussées. L'envie lui vient de les empoigner pour précipiter une rencontre contre le mur. A travers la fenêtre. Il imagine le bruit du verre, et le sol en dessus, trop proche.
– C'est long, l'éternité. On s'occupe comme on peut.
– C'est tout ?
– Quoi, ça te tenait à ce point à cœur ?
Bien sûr que ça lui tenait à cœur ! Et il le savait, forcément qu'il le savait, parce qu'il n'aurait pas tapé droit dans ses incertitudes sans les avoir préalablement étudiées. Il avait capté, et ça l'amusait de tirer sur la corde fragile tendue à l'intérieur de lui.
Ça l'amuse encore. Il n'y qu'à voir ça tête.
– T'es jaloux ? C'est mignon.
– Non.
Sa langue claque. L'écho meurt contre ses dents serrées.
– Toi, t'es jaloux.
Et c'est pour ça qu'il s'amuse, comme il fait, à semer la discorde entre eux. Avec ses sales petites piques, ses magouilles et ses combines moisies, à glisser ça et là les allusions qui fracassent sa confiance. Il croit qu'il ne le voit pas faire ? C'est pitoyable. Vraiment pitoyable.
Et Van doit le savoir, parce que son sourire se fissure. Au milieu de ses lèvres, un doute blessé surgit comme ses yeux s'éteignent.
– Tu crois ça ?
Il a touché quelque chose. Son égo ou ses sentiments, allez savoir. Tant qu'il tient son bout, il ne va pas se priver de tirer du plus fort qu'il peut. Que le vampire comprenne. Il ne se laissera pas faire.
Riku aussi, il sait faire mal.
– Oui.
A son tour d'avancer vers lui.
– T'es jaloux parce que ça t'emmerde de voir ton frère s'intéresser à quelqu'un d'autre que toi.
L'étonnement. Un instant, Riku pense que les sourcils de Vanitas forment une belle courbe. C'est comme une photo prise en douce, une expression qui refuse d'afficher face au reste du monde. Et c'est peut-être ce qu'il a vu de plus sincère chez lui depuis qu'il est arrivé, la surprise.
Mais alors revient ce rictus qu'il connaît.
– T'es pas le premier ami de Sora, tu sais ?
– Non. Mais c'est la première fois qu'il décide de se lier à quelqu'un.
– Certes.
Et à nouveau l'ombre. L'étonnement s'efface et ses dents, de nouveau dévoilées, brillent sous la lumière artificielle du couloir. Nonchalamment, le noiraud s'élève et s'installe sur une table, jambes croisées. Il a même le culot de regarder ses ongles.
Pour éviter son regard.
– Pour ce que ça vaut.
– Fais pas genre.
– Je fais pas genre. Un lien, c'est un lien. D'ici cent ans, tu seras mort, et Sora passera à autre chose.
– Ça c'est ce que tu dis.
– Merci d'énoncer des évidences, Riku. Qu'est-ce que le monde ferait sans toi.
Il déteste cette manière qu'a Vanitas, d'éviter le sujet comme un serpent glisse sur le sable. Suave, il penche à peine la tête alors qu'il inspecte sa main droite. Ses doigts s'articulent dans un mouvement souple, comme une caresse au vent.
Riku les imagine glissant sur son épaule.
– Pas la peine de nier. Tout le monde a remarqué que tu te comportais bizarrement depuis mon arrivée.
– T'as fait passer un sondage dans le manoir ? Félicitations. Je connais peu de gens qui ont autant de temps à perdre. Et pourtant on en a, du temps.
– C'est parce que-
– C'était ironique.
Ses nerfs s'affolent. une boule de colère - et d'autre chose qu'il ne veut pas nommer - gronde sous sa peau. Un frémissement s'échappe et court jusqu'à ses poings serrés chaque fois que Vanitas ouvre la bouche.
– Tu fuis, il lâche.
– Moi ?
– Oui.
Il s'avance.
– Tu fuis parce que ça t'emmerde, que son frère ait enfin choisi quelqu'un.
– Cause toujours.
– C'est pour ça que tu te mets entre nous.
– Entre vous ?
Le vampire ricane.
– Arrête, on dirait que t'en pinces pour lui, là.
Un coup. Pas vraiment, pas physiquement. Mais ça remonte le long du ventre de Riku et, si mince que puisse être le tremblement qui secoue ses bras, Vanitas le remarque. Evidemment.
– Oh, mais c'est peut-être le cas ?
Un intérêt nouveau anime son regard alors qu'il tourne la tête. Encore, la lumière fend son visage de longues ombres. Des traits qui s'étirent comme des plissures, des rides. Des années qui lui sautent à la face, chassées par un sourire d'enfance cruel.
– Qu'est-ce qui te plait chez lui ? Sa tête de chiot, ses yeux ? Sa naïveté ? C'est vrai, y en a qui aiment ce genre de truc. Sa gentillesse, peut-être ? Ce serait horriblement cliché. J'espère que tu as meilleur goût.
– Je suis pas amoureux de Sora.
Plus maintenant.
– Allez Riku, pas de secrets entre nous.
– C'est vrai.
Il déteste ce son bref qui sort de sa bouche alors qu'il claque sa langue contre son palais. Et puis, des secrets ? Comme s'il allait venir se confier à Vanitas. Pour que l'énergumène laisse glisser la rumeur au manoir, non merci.
Mais les rumeurs, justement, peu importe leur fond de vérité. Le fourbe peut faire courir les bruits qui l'intéressent, et il vient de lui donner un morceau de choix. Pas que ce soit gênant. C'est faux. Enfin, ce n'est plus vrai. Mais merde.
– Quoi, t'as peur que je lui répète ?
Plus l'autre déblatère, plus l'envie lui vient de refermer ses doigts autour du col de sa chemise défaite.
– Y a rien à répéter.
– C'est vrai que ça plaît, le côté tignasse ébouriffée. C'est sauvage. Tu l'agrippes, quand il te mord ?
– J'aime pas Sora !
Sa voix frappe contre les murs, lui revient comme une balle. Merde. Ce n'est pas ce qu'il voulait dire. Mais c'est la faute à l'autre, l'autre qui se rit de lui et s'amuse sous son nez de la gaffe qu'il a provoquée, ses jambes indécemment croisées.
– Pas comme ça.
– Le pauvre. Ça lui ferait de la peine, s'il t'entendait.
La peur le prend, il se retourne. Scrute le couloir. Mais le vide lui répond. Personne. Sora n'est pas dans les parages - bien heureusement. Du soulagement, et aussitôt, la rancune revient au galop.
– On a pas idée de crier ce genre de trucs dans les couloirs, tu sais ? N'importe qui pourrait l'entendre.
– Arrête, je sais qu'il est pas là.
– Il a l'ouïe affutée.
– Pas à ce point.
– Comment tu pourrais savoir ? T'es juste un humain. T'as pas idée de tout ce qu'on perçoit.
Il ment, encore. Pour le déstabiliser. Hein ? Et quand bien même, si Sora avait entendu, il aurait compris. Que Riku ne disait pas ça contre lui, que c'est Vanitas qui le fait tourner en bourrique, Vanitas et son ricanement sec, sa petite langue qui passe sur ses lèvres comme il se régale du spectacle.
Sa langue rose. Souple.
Le gris se reprend. Il est venu ici pour une raison. Une seule.
– Laisse-nous tranquille.
– Nous ?
– Tu m'as compris.
– Ecoute, c'est toi qui te pointes devant ma chambre.
– Et c'est la dernière fois. Alors arrête de jouer avec moi.
– Dommage. C'est amusant.
Non. C'est horripilant - même si c'est sans doute ce que Vanitas trouve amusant.
– On pourrait bien s'entendre si t'étais pas aussi coincé, Riku.
– Je n'ai pas envie de m'entendre avec toi.
Il le fusille du regard. Et donc, le regarde. Trouve à nouveau ses yeux qui le font trembler. L'image de cette bouche sanguinolente lui revient, alors qu'il passe à ses lèvres. Les filets rouges séchés contre sa peau. Le sourire d'extase.
Ça recommence. Mais cette fois, il ne le laissera pas faire.
– Tu me fais de la peine.
– Arrête.
– Je suis sérieux.
– Arrête de faire ça.
Il entend le bruit de ses propres pas qui raisonne alors qu'il se plante devant lui. Là où la peau de Vanitas est encore plus blanche, et si proche. Si fragile. En apparence.
– Quoi, de parler ?
– Non.
– Alors va falloir être plus précis.
– Tu sais de quoi je parle.
Il appuie ses mots comme une lame sous sa gorge. Mais la seule ligne qu'il trace, c'est le sourire de Vanitas. Cet éclat qui s'allume comme il comprend quelque chose que Riku ne saisit pas.
– Du tout.
Et ses mots, dans leur ton, veulent dire leur contraire.
– De quoi tu m'accuses ?
Il sait. Il sait, le fourbe. Evidemment qu'il sait, puisque c'est de sa faute. Ce vide à l'intérieur qui lui donne envie de lui sauter dessus, tant pour l'étranger que pour le sentir là, tout proche, sous ses doigts. Ce besoin qui pulse contre ses tempes, fait raisonner sa voix dans un écho infini à l'intérieur de lui. Comme au jour de leur première rencontre, ses jambes ne sont plus qu'un ensemble de coton qui tient miraculeusement, par il ne sait quel prodige. Son corps flotte, effacé. Est-ce que c'est la colère qui lui fait cet effet ? Il ne sait pas. Son corps ne lui appartient plus. C'est un typhon de sensations qui se mêlent et n'en font plus qu'une, indéfinissable.
– Ne fais pas semblant.
– Je sais pas quels pouvoirs tu me prêtes, mais tu te fais des idées.
Si proche, Vanitas lève la main et la tend. Vers lui.
Il la pose contre sa joue.
Riku la sent caressante, une peau aussi froide que celle de son frère. Le sang là-dessous est une mer gelée, cachée sous une surface de glace. Une rivière d'hiver. Et pourtant, quand il se tient devant lui, quand il ramène son visage à sa mémoire...
– Arrête, il tonne sec.
Mais il ne bouge pas. La paume fraîche ramène son visage vers celui du vampire. Il se sent scruté, piqué par deux globes d'or qui courent partout sur sa face. Une chasse au moindre détail que l'autre mène. Son pouce appuie sur son nez, doucement, caresse la peau sous ses yeux. Celle que la fatigue flegmatique des vacances ramollie.
– J'insiste, Riku.
Son nom, dans sa bouche, c'est un autre monde. Une langue qu'il ne connaît pas et qui, pourtant lui semble familière. Comme un vieux savoir tassé sous des années de mémoire.
– Mais tu te trompes.
Il parle et son souffle passe sur sa peau, pour la première fois. Un murmure des siècles, toujours cette même odeur de cendre. Et dans les yeux de Vanitas, il voit des années enterrées. Un temps qui a passé et passe encore, des civilisations éteintes, des époques mortes. Il voit un garçon tellement vieux.
– Je ne fais absolument rien.
Ses mots se détachent et s'envolent dans le silence du couloir. Riku, brusquement, frappe la main qui le retient.
En vain, la force de Vanitas est bien supérieure à la sienne. Mais comprenant le message, le vampire éloigne sa paluche et redresse sa tête. L'humain se recule, titube, tombe. Le cul sur le parquet. Comme si son équilibre ne tenait qu'aux doigts qui caressaient sa joue.
Contre son torse, le talisman rebondit. Il roule sous le tissu qui l'abrite et s'arrête, contre son cœur emballé.
– Me touche pas.
Il le dit, mais peut-être qu'il ne le pense pas. Au moins, Vanitas a la décence de l'écouter.
– Je sais pas ce que tu m'as fais, mais-
– T'es têtu, hein ? le buveur de sang grimace. Je t'ai rien fait. Rien. Niet.
– Tu mens.
– Peut-être. T'es pas obligé de me croire.
Il pose sa main contre le bijou qui le protège. Inspire. S'il est en danger, Sora arrivera. S'il a un problème... Mais il n'aura pas de problème. Il a délivré son message - tout du moins, il a essayé. Et Vanitas ne semble pas vouloir l'entendre. Qu'est-ce qu'on peut faire, contre un type qui laisse glisser les mots comme la pluie sur sa peau ?
– Je suis pas ton jouet.
– J'ai prétendu le contraire ?
Oui, à sa manière. Merde. Il n'en peut plus. Sa trogne lui sort pas les yeux, son timbre mielleux lui donne envie de s'enfoncer des clous dans les oreilles. Et il pourrait bien, s'il s'attarde trop, finir par coller une baffe inutile contre sa joue de pierre. A éviter. C'est lui qui en ressortirait blessé. Il se redresse, ramasse ce qu'il lui reste de fierté et jette un dernier regard vers son interlocuteur. Noir, le regard. Avec tout ce qu'il a de hargne au fond de lui.
Mais la hargne lui a toujours fait défaut. Ce n'est pas nouveau.
Et quand il l'observe, quand il le voit disparaître alors qu'il s'éloigne, il regrette sa lâcheté. Il fuit. Et il n'aurait pas dû. Il a perdu.
Sur sa joue, le souvenir de la main de Vanitas reste.
Il croit se rappeler des mouvements tendres de son pouce. Pourquoi ce geste ? Surtout, pourquoi l'avoir attiré si près de lui ? Est-ce qu'il comptait le mordre ? Le lien qu'il partage avec Sora l'en a empêché ? Ça fait partie des règles, de ce qu'Aqua lui a dit. Mais Vanitas n'est pas du genre à respecter les règles. Pas besoin d'être un génie pour le comprendre. Ça l'amuse sans doute, de les outrepasser.
C'est le talisman. Il l'a protégé, d'une manière ou d'une autre.
– Riku ?
Il fait un bond. Un vrai. Un sursaut qui lui vaut l'étonnement d'Aqua, alors qu'il redresse la tête vers elle, effaré.
– Désolée. Je ne voulais pas te faire peur.
– Y a pas de mal.
Il réalise qu'il serre serre son bijou, le relâche aussitôt.
– Ça va ? la vampiresse plisse les yeux. Tu fais une sacrée tête.
Elle s'approche, et ses pieds nus ne font pas de bruit.
– On dirait que tu as vu un fantôme.
– Presque.
Après tout, les vampires appartiennent eux aussi à la catégorie des morts pas vraiment morts. Des êtres qui hantent un entre-monde.
Est-ce que les fantômes existent vraiment ? Quand même pas, si ? Sora l'aurait prévenu. Et les zombies ?
– Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Comme elle pose la question, elle se tourne vers le couloir. Nul doute qu'elle comprend d'où il revient. Tout ce qu'il espère, là, c'est qu'elle ne se fera pas d'idée - Vanitas le tourmente assez comme ça, il ne veut pas avoir à se justifier auprès d'Aqua. Quoique, s'il lui parlait du garçon brun, peut-être qu'elle pourrait régler ça pour lui. Fierté oblige, Riku n'aime pas demander de l'aide pour régler ses problèmes. Mais le fait est que là, il aura du mal à s'en sortir tout seul.
Encore, son cœur bat. Il ralentit, et pourtant il en sent chaque pulsation. L'odeur de l'autre flotte encore autour de lui - ou alors, elle a marqué sa mémoire. Et ce froid qui glisse sur son visage... Il se gratte la joue.
– Encore lui, elle soupire.
Encore, elle dit. Comme on soupire face au cancre de la classe. Est-ce que Vanitas était bon élève, de son vivant ? Remarque, sûrement qu'à son époque, on allait pas à l'école.
– Il t'a fait quelque chose ?
– Non. On a juste parlé.
– C'est tout ?
– C'est tout.
C'est vrai, sur le papier. Techniquement, Vanitas ne fait rien. Niet, comme il a dit. Et s'il était sincère ?
Peut-être que c'est lui qui perd la raison.
Qu'est-ce qui se passe vraiment, dans ce manoir ?
– Si jamais il se passe quoi que ce soit-
– Je peux venir te voir. Je sais.
Mais qui lui dit qu'il peut vraiment lui faire confiance ? Il ne sait rien de ces gens-là. Ces gens qui l'ont certes accueilli, en qualité de repas. Qui sait quelle considération ils ont pour leurs familiers ? Comment se comporterait-il, lui, s'il devait recevoir un poulet ? Il aurait beau avoir tout l'attachement du monde pour la bête, ce ne serait jamais...
Un poulet.
Il a vraiment besoin de repos.
– Bien.
– Sans vouloir te donner d'ordre, je doute que ce soit une bonne idée pour toi de veiller aussi tard. Surtout si tu comptes te lever demain.
– Je sais.
A croire qu'elle lit dans ses pensées. Mais peut-être qu'elle peut le faire ? Non, ce serait beaucoup trop gênant. Surtout si Sora partage ce pouvoir.
– La privation de lumière n'est pas bonne pour vous. Si tu ne fais pas attention à ton rythme de vie, tu vas en pâtir.
Il en pâtit déjà. Peut-être que c'est ça qui lui manque. Une vraie nuit de sommeil, du repos. Un bain de soleil à prendre dans les jardins du manoir. Il faut qu'il sorte plus, qu'il aille lire dehors, qu'il se couche aux bonnes heures. Avant que son cerveau ne craque.
– Je ferai attention.
– Les nouveaux font souvent l'erreur d'ignorer leurs besoins. Fais attention à toi.
Son ton passe pour une caresse bienveillante, alors qu'elle s'éloigne et le salue. Riku ne prend même pas la peine de lui dire au revoir. Une chambre l'attend, et il va se faire un plaisir de la rejoindre. De toute façon, c'est ce qu'Aqua vient de lui conseiller.
Il s'avance dans la lueur vacillante du couloir. Dehors, le soleil est proche du levé. En témoignent les voix qu'il entend depuis de hall d'entrée.
– Vous avez raté quelque chose !
– Ah ?
– C'était mouvementé cette nuit. On s'est fait un festin.
Riku déglutit. Il n'a pas envie de savoir. Sora a beau lui avoir expliqué les règles qui régissent la chasse, il n'aime pas y penser. Il préfère tracer, longer les murs et retrouver le seul endroit qui ressemble un tant soi peu à un chez soi, pour lui. Sa chambre. Son lit.
Il ferme les yeux, et le monde s'éteint.
Et voilà. Je me suis beaucoup trop amusé avec Vanitas ici, et c'est loin d'être fini. Mon dieu que c'est drôle de l'écrire. Même à la relecture, je m'éclate.
J'espère que ce chapitre vous a plu. Je ne sais pas encore si je publierai la semaine prochaine, possible que je poste un chapitre des 100 thèmes de Dem, mais à bientôt quand même !
